TA de la Guadeloupe, 20 novembre 2023, n°2301340

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 et 10 novembre 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Sogua TP, représentée par la SELARL Traverso Trequattrini et Associés, agissant par Me Vincent Trequattrini, demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'enjoindre au syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe (SMGEAG) de lui communiquer, sans délai, l'ensemble des informations devant être communiqué aux candidats évincés et de surseoir à statuer jusqu'à ce que cette communication soit faite ;

2°) d'annuler la procédure de passation du lot n° 2 du marché "Travaux de renouvellement, de renforcement et d'extension de réseaux d'alimentation en eau potable" portant sur Les Saintes et La Désirade pour la période 2023-2027, lancée sous la forme d'un appel d'offres ouvert par le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe ;

3°) d'annuler la décision du 19 octobre 2023, par laquelle le président du syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe a rejeté son offre présentée pour le lot n° 2 "Les Saintes - La Désirade" dudit marché ;

4°) d'enjoindre au syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe, s'il entend maintenir la procédure de passation, de reprendre la procédure de passation au stade de l'analyse des offres ;

5°) de mettre à la charge du syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en tant que candidate évincée, elle a intérêt à agir à l'encontre de la procédure de passation du marché ;

- l'insuffisance de la motivation du rejet de son offre caractérise une méconnaissance des articles R. 2181-1 et suivants du code de la commande publique ;

- le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe ne démontre pas qu'il ait vérifié le chiffre d'affaires minimum des candidats en méconnaissance des dispositions R. 2142-6 du code de la commande publique et des stipulations de l'article 6.1.2. du règlement de consultation ; par ailleurs, les attestations d'assurance des risques professionnels, les capacités techniques et professionnelles des candidats attributaires n'ont pas été sollicitées par le Syndicat mixte en violation respectivement des articles R. 2142-12, R. 2142-13 et R. 2142-15 du code de la commande publique ;

- le règlement de consultation, imprécis, a empêché les candidats de déposer une offre correspondant aux attentes réelles du syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe, notamment s'agissant de la société Sogua TP ;

- le Syndicat mixte a entaché d'une erreur manifeste d'appréciation le rejet de la candidature de la société Sogua TP et a dénaturé son offre ;

- les manquements invoqués lui ont porté préjudice et l'ont lésée.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 8 et 13 novembre 2023, le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe (SMGEAG), représenté par la SELARL Landot et Associés, agissant par Me Eric Landot et Me Evangélia Karamitrou, conclut au rejet de la requête en tant qu'elle demande les annulations, d'une part, de la procédure de passation du lot n° 2 "Les Saintes - La Désirade" relatif au marché de travaux "Travaux de renouvellement, de renforcement et d'extension de réseaux d'alimentation en eau potable 2023/2027" et, d'autre part, de la décision valant rejet de l'offre de la société Sogua TP pour le lot n° 2 en date du 19 octobre 2023, au rejet du surplus des demandes de la société requérante ainsi qu'à la mise à la charge de la société Sogua TP de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- en application de l'article L. 551-6 du code de justice administrative, qui fixe les pouvoir du juge, saisi dans le cadre d'un référé précontractuel à l'encontre d'un contrat passé par une entité adjudicatrice, le juge des référés ne dispose pas du pouvoir d'annuler le contrat ni aucune décision se rapportant à la procédure de passation, contrairement à ce qui est prévu lorsque le référé précontractuel est intenté à l'encontre d'un contrat passé par un pouvoir adjudicateur ; en l'espèce, selon la loi n° 2021-513 du 29 avril 2021 rénovant la gouvernance des services publics d'eau potable et d'assainissement en Guadeloupe, le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe (SMGEAG) "détient l'ensemble des prérogatives attachées aux missions dévolues aux services publics de l'eau et de l'assainissement telles qu'elles sont déterminées par la loi." ; dès lors, pour l'exercice des prérogatives susmentionnées, conformément aux articles L. 1212-1, L. 1212-3 et L. 1212-4 du code de la commande publique, le SMGEAG dispose de la qualification d'opérateur de réseaux et donc d'entité adjudicatrice pour la passation des marchés liés à son activité d'opérateur de réseaux ; à ce titre, la procédure de passation du contrat, objet de la présente requête, est nécessaire et utile à l'exploitation et l'entretien des réseaux d'eau et d'assainissement dont le Syndicat mixte a la charge ; en effet, l'objet du contrat litigieux est la réalisation de travaux de renouvellement, de renforcement et d'extensions de réseaux d'alimentation en eau potable ; en conséquence, et contrairement à ce que sollicite, de manière erronée, la société requérante, le juge des référés du Tribunal de céans ne pourra annuler aucune décision se rapportant à la procédure de passation de ce marché puisqu'il ne dispose tout simplement pas de ce pouvoir ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- la société requérante n'est pas susceptible d'avoir été lésée par les prétendus manquements invoqués.

Par deux mémoires, enregistrés le 13 novembre 2023, la société Getelec TP SAS, représentée par la SELARL Cabinet Cabanes Avocats, agissant par Me Christophe Cabanes et Me Vincent Michelin, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Sogua TP de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 14 novembre 2023, le groupement d'entreprises formé de la société Trav'Eaux, de la société Ingéni'Eaux Caraïbes et de la société d'aménagement en béton bitumineux (SABB), représentée par Me Nicole Cotellon, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Sogua TP de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que le moyen tiré de l'insuffisance des informations du rejet de l'offre de la société requérante et celles relatives aux candidats retenus n'est pas fondé.

La requête a été communiquée, le 31 octobre 2023, au groupement d'entreprises formé par la société Hydra TP Environnement et la Société Antillaise de Travaux Publics (SATP)-Amiantex, au groupement d'entreprises constitué par la société Trav'Eaux, la société Ingéni'Eaux Caraïbes et la société d'aménagement en béton bitumineux (SABB) et à la société Aqua TP, qui n'ont pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Sabatier-Raffin, premier conseiller, pour statuer sur les référés précontractuels, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique du 14 novembre 2023 à 9 h 30.

Ont été entendus au cours de l'audience publique, en présence de Mme Lubino, greffière :

- le rapport de M. Sabatier-Raffin, juge des référés ;

- les observations orales de Me Marie Gouchon de la SELARL Landot et Associés, représentant le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe ;

- et les observations orales de Me Vincent Michelin, représentant la société Gétélec TP.

La société requérante Sogua TP n'était ni présente, ni représentée.

La clôture de l'instruction a été fixée à 10 h 36, soit à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis public d'appel à la concurrence, publié le 16 mai 2023, le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe (SMGEAG) a lancé une procédure d'appel d'offres, référencée SMGEAG-2023F018, ouvert portant sur des "Travaux de renouvellement de renforcement et d'extension de réseaux d'alimentation en eau potable" pour la période de 2023 à 2027, comportant deux lots, le premier portant sur le territoire de la Guadeloupe continentale, le second concernant Les Saintes et La Désirade, pour une valeur totale estimée à 160 000 000 euros hors taxes (HT) pour la durée du marché de quarante-huit mois, soit 120 000 000 euros HT pour le premier lot et 40 000 000 euros HT pour le second. La société Sogua TP a déposé une offre pour le lot n° 2. Par une lettre du 19 octobre 2023, le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe l'a informée que son offre, classée cinquième sur dix, n'avait pas été retenue au motif que les autres candidats "ont présenté des offres techniquement et économiquement les plus avantageuses". Par un courrier recommandé avec avis de réception du 25 octobre 2023, adressé le 26 octobre suivant, la société Sogua TP a demandé au syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe la communication des pièces relatives à l'attribution du marché, dont les caractéristiques et avantages des offres retenues. Dans ce même courrier, la société Sogua TP rappelait, en faisant référence aux dispositions de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration, que les informations relatives aux motifs détaillés du rejet de son offre pour le lot n° 2 "Les Saintes - La Désirade" du marché SMGEAG-2023F018, aux rapports d'analyse des offres, à la copie des références en marché public des sociétés retenues mais également de toutes les sociétés ayant présenté une offre, à l'état annuel des certificats reçus ou les attestations fiscales et sociales des attributaires, à la justification de la convocation des membres de la commission d'appel d'offres, aux actes d'engagement des entreprises retenues et leurs annexes ainsi qu'aux dossiers des entreprises retenues lui étaient communicables. Par la présente requête, la société Sogua TP demande au juge des référés, aux termes de ses dernières écritures, notamment, d'annuler la procédure de passation du lot n° 2 ainsi que la décision portant rejet de son offre et d'enjoindre au syndicat mixte la reprise de la procédure de passation du marché public.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-5 et suivants du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 551-5 du code de justice administrative : "Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les entités adjudicatrices de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat.". Aux termes de l'article L. 551-6 du même code : "Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations en lui fixant un délai à cette fin. Il peut lui enjoindre de suspendre l'exécution de toute décision se rapportant à la passation du contrat ou à la constitution de la société d'économie mixte à opération unique. Il peut, en outre, prononcer une astreinte provisoire courant à l'expiration des délais impartis. / ().". Et aux termes de l'article L. 551-8 dudit code : "Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés.".

3. En application des dispositions précitées, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements d'une entité adjudicatrice à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise, qui le saisit, se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente. Il appartient également au même juge de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. Le juge saisi peut ordonner à l'auteur d'un manquement aux obligations, auxquelles ces dispositions se réfèrent, de se conformer à ses obligations, de suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte et de prononcer des injonctions. En revanche, le juge du référé précontractuel ne dispose pas de pouvoirs d'annulation. Toutefois, les pouvoirs conférés au juge des référés précontractuels par les articles L. 551-5 et L. 551-6 du code de justice administrative ne peuvent plus être exercés après la conclusion du contrat.

En ce qui concerne la méconnaissance des articles L. 2181-1, R. 2181-1,

R. 2181-3 et R. 2181-4 du code de la commande publique ou de l'insuffisance de l'information communiquée au soumissionnaire évincé :

4. Aux termes de l'article L. 2181-1 du code de la commande publique : " Dès qu'il a fait son choix, l'acheteur le communique aux candidats et aux soumissionnaires dont la candidature ou l'offre n'a pas été retenue, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.". Aux termes de l'article R. 2181-1 du code de la commande publique : "L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre.". L'article R. 2181-3 du même code dispose que : " La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. / Lorsque la notification de rejet intervient après l'attribution du marché, l'acheteur communique en outre : / 1° Le nom de l'attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre ; / 2° La date à compter de laquelle il est susceptible de signer le marché dans le respect des dispositions de l'article R. 2182-1.". Et aux termes de l'article R. 2181-4 dudit code : "A la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n'a pas été rejetée au motif qu'elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, l'acheteur communique dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception de cette demande : () / 2° Lorsque le marché a été attribué, les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue.".

5. L'information sur les motifs du rejet de son offre, dont est destinataire la société évincée de la procédure de conclusion d'un marché public, en application des dispositions citées au point précédent, a notamment pour objet de lui permettre de contester utilement le rejet, qui lui est opposé, devant le juge des référés précontractuels saisi en application de l'article

L. 551-5 du code de justice administrative. Par suite, l'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. L'absence de communication par l'adjudicateur de l'une des informations mentionnées par les dispositions du code de la commande publique citées au point précédent doit conduire le juge du référé précontractuel à enjoindre à ce dernier de communiquer les informations manquantes au candidat dont l'offre, bien que recevable, a été rejetée. Toutefois, un tel manquement n'est plus constitué si l'ensemble des informations, mentionnées aux articles du code de la commande publique précités, a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue sur le fondement de l'article L. 551-5 du code de justice administrative, et si le délai, qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge des référés statue, a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction.

6. La société Sogua TP soutient que le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence dès lors qu'il ne lui pas communiqué les motifs détaillés du rejet de son offre, ni les caractéristiques et avantages des offres retenues et divers documents communicables dans le cadre du marché. Il résulte de l'instruction que, par lettre du 19 octobre 2023, la société requérante a été informée par le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe du rejet de son offre pour le lot n° 2 portant sur "Les Saintes - La Désirade" du marché relatif aux "Travaux de renouvellement, de renforcement et d'extension de réseaux d'alimentation en eau potable" pour la période 2023-2027 au motif qu'elle a été classée au cinquième rang sur dix avec les notes de 39,80 sur 40 au titre du critère du prix et de 23,40 sur 60 pour la note technique, soit au total 63,20 points sur 100. Elle a été également informée, sous la forme d'un tableau, des notes obtenues sur chacun de ces critères par les sociétés la précédant pour le lot n° 1, à savoir, dans l'ordre, le groupement formé d'Hydra TP Environnement et de la Société Antillaise de Travaux Publics (SATP)-Amiantex (1er attributaire) avec 76,40 points sur 100, l'entreprise Gétélec TP (2ème attributaire) avec 76,00 points, le groupement constitué par les sociétés Trav'Eaux Caraïbes, Ingéni'Eaux Guadeloupe et SABB (société d'aménagement en béton bitumineux) (3ème attributaire) avec 68,60 points et, enfin, la société Aqua TP (4ème attributaire) avec 68,00 points. Le paragraphe relatif à la désignation des attributaires conclut que "ces candidats ont présenté des offres techniquement et économiquement les plus avantageuses". Les notes obtenues ont été calculées conformément au règlement de la consultation, précisément, d'une part, par rapport au critère n° 1 sur le prix des prestations, noté sur 40 points sur 100, soit 40 % de la note finale et, d'autre part, par rapport au critère n° 2 sur la valeur technique de l'offre, noté sur 60 points sur 100, soit 60 % de la note finale. Le même règlement de consultation, en son article I relatif à l'objet et à la forme de l'accord-cadre, stipulait que "les prestations feront l'objet d'un accord-cadre fractionné à bons de commande avec maximum et minimum (). / Les accords-cadres seront attribués à plusieurs opérateurs, dans la limite d'un nombre maximum défini ()", soit quatre pour le nombre d'attributaires du lot n° 2 "Les Saintes - La Désirade" pour l'eau potable. Par ailleurs, sur le plan de l'appréciation, le motif du rejet précise que "votre offre a été jugée techniquement () moins intéressante.". La société Sogua TP a disposé ainsi d'informations suffisantes, en particulier le classement des offres, dont le sien et celui de ses concurrentes, les notes qui lui ont été attribuées, le nom des quatre attributaires du lot n° 2 et les notes obtenues par ces derniers.

7. En outre, la société requérante a présenté une demande de précision complémentaire par un courrier recommandé du 25 octobre 2023 concernant, en particulier, "les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue" et, sans attendre la réponse, a formé, le 27 octobre suivant, le présent recours contentieux. Le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe a répondu à cette demande, en cours d'instruction, le 30 octobre 2023, en produisant notamment les rapports d'analyse des offres masqués des consultations SMGEAG-2023F019 et SMGEAG-2023F018, qui, pour ce dernier, concerne l'espèce, en mettant en évidence les offres des entreprises attributaires et celle de la société requérante, en faisant apparaître le détail des notes attribuées et des observations faites pour l'ensemble des sous-critères préalablement définis, ainsi que des éléments d'appréciation, un commentaire général sur l'offre de la société requérante et, par là-même, les caractéristiques et les avantages des offres retenues en comparaison à celle de la société requérante. Par suite, eu égard aux éléments transmis, la société Sogua TP doit être regardée comme ayant obtenu communication des informations de nature à lui permettre de connaître précisément les motifs de rejet de sa candidature et d'attribution et, en conséquence, de contester utilement son éviction. Ainsi, compte tenu, d'une part, des informations transmises, dès le 30 octobre 2023, qui permettaient à la société requérante de connaître précisément les motifs de rejet de sa candidature et d'attribution et, d'autre part, des renseignements complémentaires apportés par le Syndicat mixte en cours d'instruction, le moyen tiré de ce que la société Sogua TP n'aurait pas été informée des motifs du rejet de son offre ni des caractéristiques et avantages des offres retenues ne peut qu'être écarté.

8. Enfin, si, par son courrier du 25 octobre 2023, la société Sogua TP a demandé au syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe la communication des documents énumérés au point 1 de la présente ordonnance sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration, cette demande ne peut s'analyser comme étant fondée sur l'article R. 2184-4 du code de la commande publique, qui ne concerne que la communication des caractéristiques et avantages de l'offre retenue. En tout état de cause, elle est d'ailleurs inopérante dès lors que le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe a répondu à la demande de communication faite par la Sogua TP sur le fondement et dans les conditions prévues aux articles L. 2181-1, R. 2181-1, R. 2181-3 et R. 2181-4 du code de la commande publique. Par suite, le moyen tiré de ce que le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe a méconnu son obligation d'information des candidats évincés doit être écarté.

En ce qui concerne les conditions relatives aux capacités des candidats :

9. D'une part, aux termes de l'article L. 2142-1 du code de la commande publique : "L'acheteur ne peut imposer aux candidats des conditions de participation à la procédure de passation autres que celles propres à garantir qu'ils disposent de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l'exécution du marché. / Ces conditions sont liées et proportionnées à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution.". Aux termes de l'article R. 2142-1 du même code : "Les conditions de participation à la procédure de passation relatives aux capacités du candidat mentionnées à l'article L. 2142-1, ainsi que les moyens de preuve acceptables, sont indiqués par l'acheteur dans l'avis d'appel à la concurrence ou dans l'invitation à confirmer l'intérêt ou, en l'absence d'un tel avis ou d'une telle invitation, dans les documents de la consultation.". Aux termes de l'article R. 2142-3 dudit code : "Un opérateur économique peut avoir recours aux capacités d'autres opérateurs économiques, quelle que soit la nature juridique des liens qui l'unissent à ces opérateurs. L'acheteur peut exiger que les opérateurs économiques concernés soient solidairement responsables dans la mesure où cela est nécessaire à la bonne exécution du marché. Dans ce cas, l'acheteur justifie cette exigence dans les documents de la consultation.". Enfin, aux termes de l'article R. 2142-25 de ce code : "L'appréciation des capacités d'un groupement d'opérateurs économiques est globale. Il n'est pas exigé que chaque membre du groupement ait la totalité des capacités requises pour exécuter le marché.".

10. D'autre part, aux termes de l'article R. 2144-1 du code de la commande publique : "L'acheteur vérifie les informations qui figurent dans la candidature, y compris en ce qui concerne les opérateurs économiques sur les capacités desquels le candidat s'appuie. Cette vérification est effectuée dans les conditions prévues aux articles R. 2144-3 à

R. 2144-5.". Aux termes de l'article R. 2144-2 du même code : "L'acheteur, qui constate que des pièces ou informations, dont la présentation était réclamée au titre de la candidature, sont absentes ou incomplètes, peut demander à tous les candidats concernés de compléter leur dossier de candidature dans un délai approprié et identique pour tous. ().". Aux termes de l'article R. 2144-3 de ce code : "La vérification de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière et des capacités techniques et professionnelles des candidats peut être effectuée à tout moment de la procédure et au plus tard avant l'attribution du marché". Aux termes de l'article R. 2144-6 de ce code : "L'acheteur peut demander au candidat de compléter ou d'expliquer les documents justificatifs et moyens de preuve fournis ou obtenus".

11. Il résulte de ces dispositions que l'adjudicateur doit contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l'attribution d'un marché public et que cette vérification s'effectue au vu des seuls renseignements ou documents prévus par les prescriptions de l'arrêté ministériel cité au point 12. Les documents ou renseignements exigés à l'appui des candidatures doivent être objectivement rendus nécessaires par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser. Le juge du référé précontractuel ne peut censurer l'appréciation portée par l'adjudicateur sur les niveaux de capacité exigés des candidats à un marché public, ainsi que sur les garanties présentées par ceux-ci que dans le cas où cette appréciation est entachée d'une erreur manifeste.

S'agissant du chiffre d'affaires :

12. Aux termes de l'article R. 2142-6 du code de la commande publique : "L'acheteur peut notamment exiger que les opérateurs économiques réalisent un chiffre d'affaires annuel minimal, notamment dans le domaine concerné par le marché.". Aux termes de l'article R. 2143-11 de ce code : "Pour vérifier que les candidats satisfont aux conditions de participation à la procédure, l'acheteur peut exiger la production des renseignements et documents dont la liste figure dans un arrêté annexé au présent code.". Enfin, l'arrêté du 22 mars 2019 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics prévoit en son article 2.I que : "Dans la mesure où ils sont nécessaires à l'appréciation de la capacité économique et financière des candidats, l'acheteur peut notamment exiger un ou plusieurs des renseignements ou documents justificatifs suivants : / 1° Déclaration concernant le chiffre d'affaires global du candidat et, le cas échéant, le chiffre d'affaires du domaine d'activité faisant l'objet du marché public, portant au maximum sur les trois derniers exercices disponibles en fonction de la date de création de l'entreprise ou du début d'activité de l'opérateur économique, dans la mesure où les informations sur ces chiffres d'affaires sont disponibles ; / ().".

13. Selon l'article 6.1.2 du règlement de la consultation, relatif à la capacité : ". Déclaration de chiffre d'affaires : déclaration concernant le chiffre d'affaires global du candidat et le chiffre d'affaires du domaine d'activité faisant l'objet du marché public, portant au maximum sur les trois derniers exercices disponibles en fonction de la date de création de l'entreprise ou du début d'activité de l'opérateur économique. Le candidat doit justifier d'un chiffre d'affaires annuel minimum de 2 000 000 euros (bilan 2022 et/ou 2021).".

14. La société requérante soutient que le syndicat mixte de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe ne justifie pas que les candidats attributaires remplissent les conditions précitées de l'article 6.1.2 du règlement de consultation. En revanche, le Syndicat mixte fait valoir qu'il a opéré la vérification du respect de cette condition, à travers le rapport d'analyse des offres, dès lors qu'il a écarté un candidat qui ne respectait le chiffre d'affaires minimum exigé, en indiquant que : "L'analyse des candidatures a été réalisée par le SMGEAG. / A l'issue de cette analyse, le candidat a été écarté car ne justifie pas d'un chiffre d'affaires de 2 000 000 euros comme exigé dans le règlement de consultation" au point 6.1.2. Par ailleurs, le Syndicat mixte produit les déclarations DC2 des entreprises attributaires, candidat individuel ou membre d'un groupement, qui leur permettent de faire état de leurs capacités professionnelles, techniques et financières. Il résulte ainsi de l'instruction que la "Société Antillaise de Travaux Publics - Amiantex" (SATP-Amiantex) membre d'un même groupement, l'entreprise "Gétélec TP SAS", la société "SAS Aqua TP", la société "Trav'Eaux Caraïbes" et la "Société d'Aménagement en Béton Bitumineux" (SABB) membres du même groupement démontrent qu'elles disposent d'un chiffre d'affaires minimum de deux millions d'euros.

S'agissant de la candidature de la société Hydra TP Environnement :

15. La société requérante soutient que la candidature de la société Hydra TP Environnement, créée en 2023, qui ne justifie pas du chiffre d'affaires annuel minimum requis, aurait dû être éliminée de la procédure de passation du marché public litigieux. Il résulte de l'instruction que la société Hydra TP Environnement a été en effet créée au mois d'avril 2023, conformément à l'avis n° 2645 paru le 19 avril 2023 dans le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) n° 77 A. Cette nouvelle entreprise, constituée sous forme d'une société par actions simplifiée (SAS), avec un capital de 260 000 euros, a pour président M. A B, également dirigeant de la société Hydra TP, spécialisée dans l'eau et l'assainissement, et se situe au même siège social que cette dernière sur la commune de Petit-Bourg. Le Syndicat mixte fait valoir que la société Hydra TP Environnement dépend totalement de l'entreprise Hydra TP, en tant que filiale de la société mère, et en produisant une note du président des deux sociétés, qui confirme l'existence de ce lien. Conformément aux dispositions du règlement de la consultation et par la note explicative de son dirigeant, celui-ci précise que : "Le transfert du fonds de commerce d'Hydra TP dans la structure Hydra TP Environnement a entrainé de facto le transfert des biens corporels et incorporels d'Hydra TP. C'est donc aussi, tout particulièrement, l'intégralité du personnel d'encadrement et d'exécution d'Hydra TP et l'ensemble du matériel et de l'outillage indispensable à l'exploitation du fonds de commerce. / Les capacités humaines et matériels d'Hydra TP Environnement sont donc strictement identiques à celles détenues précédemment par Hydra TP. / C'est donc bien en possession de tous ces moyens humains et matériels que la société Hydra TP Environnement s'est présentée en tant que mandataire du groupement avec la société SATP, comme candidate aux appels d'offres cités en objet. / De la même façon et comme le prévoit le code de la commande publique, pour justifier de ses capacités financières, Hydra TP Environnement peut s'appuyer comme indiqué dans son dossier de candidature, sur les références et les capacités financières de sa société mère, Hydra TP.". Enfin, comme l'indique le Syndicat mixte, et en application des dispositions précitées de l'article R. 2142-3 du code de la commande publique, la société Hydra TP Environnement a candidaté en groupement constitué avec la Société Antillaise de Travaux Publics (SATP)-Amiantex, qui a réalisé un chiffre d'affaires supérieur à deux millions d'euros pour l'année 2022, conformément au point 6.1.2 du règlement de la consultation. Par suite, et dès lors que l'entreprise Hydra TP Environnement remplissait les conditions pour soumissionner dans le cadre d'un groupement qu'elle a formé avec une autre entreprise, il n'y avait pas lieu pour le syndicat d'éliminer la candidature de la société Hydra TP Environnement du marché contesté, et, par voie de conséquence, celle du groupement auquel elle appartient.

S'agissant des attestations d'assurance des risques professionnelles :

16. Aux termes de l'article R. 2142-12 du code de la commande publique : "L'acheteur peut exiger un niveau approprié d'assurance des risques professionnels.". Aux termes de l'article R. 2144-7 du même code : "Si un candidat ou un soumissionnaire se trouve dans un cas d'exclusion, ne satisfait pas aux conditions de participation fixées par l'acheteur, produit, à l'appui de sa candidature, de faux renseignements ou documents, ou ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs, les moyens de preuve, les compléments ou explications requis par l'acheteur, sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé. / Dans ce cas, lorsque la vérification des candidatures intervient après la sélection des candidats ou le classement des offres, le candidat ou le soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été classée immédiatement après la sienne est sollicité pour produire les documents nécessaires. Si nécessaire, cette procédure peut être reproduite tant qu'il subsiste des candidatures recevables ou des offres qui n'ont pas été écartées au motif qu'elles sont inappropriées, irrégulières ou inacceptables.". Aux termes de l'article L. 241-1 du code des assurances : "Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance. / A l'ouverture de tout chantier, elle doit justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité. Tout candidat à l'obtention d'un marché public doit être en mesure de justifier qu'il a souscrit un contrat d'assurance le couvrant pour cette responsabilité. / Tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance.". Selon l'article 6.1.2 du règlement de la consultation, relatif à la capacité : ". Attestation d'assurance : déclaration appropriée de banques ou preuve d'une assurance pour les risques professionnels ;". Et aux termes de la section 7.03 du règlement de la consultation, et relative à l'attribution de l'accord-cadre : "Conformément à l'article R. 2144-7 du code de la commande publique, le candidat, auquel il est envisagé d'attribuer l'accord-cadre, devra fournir les documents qui justifient qu'il n'entre pas dans les cas d'interdiction de soumissionner dans un délai de dix jours à compter de la demande de l'entité adjudicatrice. / A défaut de produire ces documents dans le délai fixé, l'offre du candidat attributaire sera rejetée et il sera éliminé. / Le candidat suivant sera alors sollicité pour produire les certificats et les attestations nécessaires avant que l'accord-cadre ne lui soit attribué.".

17. La société requérante soutient que le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe n'a pas sollicité des candidats attributaires, avant l'information des candidats évincés, la production de leur attestation d'assurance obligatoire. La circonstance, à la supposer avérée, comme le soutient la société Sogua TP, que la communication des certificats et attestations d'assurance prévus par les articles R. 2142-12 du code de la commande publique et L. 241-1 du code des assurances ne soit pas intervenue dans le délai prescrit par les stipulations de l'article 7.03 du règlement de la consultation, n'est pas de nature à léser la société requérante dès lors qu'il est constant que les documents, attestant que les candidats attributaires étaient à jour de leurs obligations en matière d'assurance décennale, ont été transmis avant la signature du marché, comme le fait valoir le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe, qui produit lesdites attestations.

S'agissant des capacités techniques et professionnelles :

18. Aux termes de l'article R. 2142-13 du code de la commande publique : "L'acheteur peut imposer des conditions garantissant que les opérateurs économiques possèdent les ressources humaines et techniques et l'expérience nécessaires pour exécuter le marché en assurant un niveau de qualité approprié. A cette fin, dans les marchés de services ou de travaux et les marchés de fournitures nécessitant des travaux de pose ou d'installation ou comprenant des prestations de service[s], l'acheteur peut imposer aux candidats qu'ils indiquent les noms et les qualifications professionnelles pertinentes des personnes physiques qui seront chargées de l'exécution du marché en question.". Et aux termes de l'article

R. 2142-14 du même code : "L'acheteur peut exiger que les opérateurs économiques disposent d'un niveau d'expérience suffisant, démontré par des références adéquates provenant de marchés exécutés antérieurement. Toutefois, l'absence de références relatives à l'exécution de marchés de même nature ne peut justifier, à elle seule, l'élimination d'un candidat.".

19. La société Sogua TP soutient que le Syndicat mixte "ne démontre pas que les sociétés attributaires ont produit les différents référentiels, certificats de qualifications professionnelles, titre d'études et titres professionnels nécessaires pour la bonne exécution future du marché.". Le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe fait valoir qu'il dispose des documents demandés au sein du règlement de la consultation, permettant de justifier les capacités techniques et professionnelles des entreprises attributaires. Si le syndicat mixte ajoute que le nombre d'attributaires du marché est conséquent, entre quatre et six attributaires en fonction de chaque lot, soit un total pouvant atteindre dix sociétés en tenant compte des groupements attributaires, et le nombre de documents également conséquents, pouvant représenter plusieurs centaines de pages, il résulte, toutefois, de l'instruction, notamment du formulaire de déclaration DC2 des candidats, qui fournit des précisions sur le statut du candidat individuel ou membre du groupement et garantit qu'ils ont les capacités nécessaires pour exécuter le marché ou l'accord-cadre, que ces déclarations précisent que les candidats ont soit produit des listes des principales prestations ou travaux effectués au cours des trois ou cinq dernières années, déclaré leur outillage, leur matériel, leur équipement technique et leurs effectifs, soit listé leurs moyens techniques et humains, et leurs certificats de capacité, leurs références de prestations similaires, de travaux d'assainissement, soit en annexe, soit dans leur mémoire technique. Dans ces conditions, et compte tenu du domaine d'activité et d'intervention des candidats dans le domaine des travaux publics, spécialisés dans l'eau et l'assainissement, le niveau de capacités techniques et professionnelles exigé des candidats est lié et proportionné avec l'objet du marché. S'agissant de la situation de la société Hydra TP Environnement, et ainsi qu'il a été dit précédemment au point 15, elle s'appuie sur les capacités humaines, matérielles et techniques de sa société mère, Hydra TP, qui intervient déjà dans le secteur de l'eau et de l'assainissement, puisque cette dernière démontre, par les pièces produites, au titre de ses références, avoir construit et réhabilité un réservoir métallique de 3 000 m3 aux Abymes pour le compte de la communauté d'agglomération Cap Excellence, effectué le dévoiement d'une conduite DN 600 fonte, c'est-à-dire la déviation d'une canalisation, à Baie-Mahault et réalisé le génie civil et le réservoir de 2 000 m3 de l'usine de Perrin aux Abymes, réhabilité le réseau d'eau potable en fonte et en PEHD avec branchements dans le centre-bourg de la commune de Baie-Mahault, réalisé deux réservoirs à Capesterre-Belle Eau en acier vitrifié de 800 et 900 m3 et deux stations de pompage, réparé et être intervenue en urgence durant la nuit sur des fuites sur de gros diamètres d'Eaux d'Excellence, dévié au lieu-dit Montauban sur la commune du Gosier des réseaux d'eau et d'eau potable avec passage en encorbellement pour le compte du conseil départemental de la Guadeloupe, réalisé des travaux d'assainissement (réseaux d'eaux usées gravitaires DN 200) au lieu-dit Dugazon aux Abymes, réalisé une adduction d'eau potable dans le secteur Perrin-Boisvin aux Abymes, mis en conformité le système d'assainissement de Wonche-Dalciat pour le compte de la communauté d'agglomération Cap Excellence, réparé le gravitaire DN 600 effondré au rond-point Haricot sur la zone de Jarry, renouvelé cinq kilomètres de canalisation d'eau potable, dévié le réseau de canalisation d'eau potable à Grande Ravine au Gosier pour le compte de la région Guadeloupe. Enfin, comme le fait valoir le Syndicat mixte, l'entreprise Hydra TP Environnement a candidaté, en groupement, avec la Société Antillaise de Travaux Publics-Amiantex, qui possède elle-même des références conséquentes et des moyens humains et matériels importants, et a présenté deux sous-traitants Hydrotec et Assinéa, sociétés intervenant dans l'assainissement, l'eau et l'hydraulique. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement ait manqué à la vérification des capacités techniques et professionnelles des entreprises ou groupements attributaires.

Sur le manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence du syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe dans l'appréciation des offres :

20. La société requérante soutient que le règlement de la consultation est imprécis et que son offre a été dénaturée par le Syndicat mixte.

21. En premier lieu, la société Sogua TP invoque l'imprécision du 2ème sous-critère de la valeur technique portant sur les fiches techniques des principaux équipements proposées et du 5ème sous-critère de la valeur technique et relatif aux performances de l'offre en matière de RSDE (responsabilité sociétale des entreprises). Concernant ces deux sous-critères, la société Sogua TP soutient qu'ils n'ont jamais l'objet d'aucune information supplémentaire ou précision dans le règlement de consultation. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la société Sogua TP ait sollicité auprès de l'entité adjudicatrice, au cours de la procédure, des éléments complémentaires sur ces sous-critères.

22. D'une part, s'agissant du sous-critère n° 2, pour lequel la société Sogua TP a obtenu la note pondérée de 12 points sur 30, le Syndicat mixte mentionne, dans son rapport d'analyse, que : ". Les candidats Aqua TP, Sogetra-SPAC, Gétélec TP ont présenté un grand nombre de fiches techniques de produits et matériaux adaptés à ce marché. / . [Les candidats] Hydra TP [Environnement]- SATP Amiantex et () ont omis de fournir des fiches de produits importants, ce qui les déclassent par rapport aux candidatés cités précédemment. / . Les autres candidats n'ont fourni que quelques fiches ou des fiches non pertinentes, voire pas de fiche du tout.". La société requérante se borne à soutenir que le Syndicat mixte "était dans l'attente de fiches de produits déterminées pour ce marché sans l'avoir indiqué dans son règlement de consultation". Or, l'intitulé du sous-critère se suffit à lui-même pour être compris puisqu'il évoque explicitement les "fiches techniques des principaux équipements". S'agissant d'un marché public pour des travaux de renouvellement, de renforcement et d'extension de réseaux d'alimentation en eau potable, il n'apparaissait pas nécessaire que le Syndicat mixte rajoute des éléments portant sur les équipements sur les réseaux dès lors que les entreprises candidates, dont la requérante, sont spécialisées dans le domaine de l'eau et de l'assainissement. Ainsi que le fait valoir l'entreprise Gétélec TP, qui a obtenu la note maximale de 30 points sur cet item, "évaluer les fiches techniques revient -en quelque sorte par principe- à juger de la qualité du contenu de ladite fiche technique", alors qu'il n'appartient pas au juge des référés de discuter du mérite des offres et des notes attribuées à chacune des sociétés soumissionnaires. Ainsi que l'a relevé le Syndicat mixte, l'absence de certaines fiches ou leur contenu inapproprié a conduit en conséquence à une notation moins élevée sur le plan de la valeur technique du candidat concerné, qui ne peut en conséquence soutenir avoir été lésé dans l'évaluation de ce sous-critère.

23. D'autre part, aux termes de l'article L. 2112-2 du code de la commande publique : "Les clauses du marché précisent les conditions d'exécution des prestations, qui doivent être liées à son objet. / Les conditions d'exécution peuvent prendre en compte des considérations relatives à l'économie, à l'innovation, à l'environnement, au domaine social, à l'emploi ou à la lutte contre les discriminations.".

24. Sur le sous-critère n° 5, évalué par rapport à la gestion des déchets, la gestion des nuisances de chantiers sur l'environnement naturel et humain, l'utilisation des matériaux recyclés et l'insertion sociale, et auquel la société requérante a obtenu la note de 2 points sur 5, elle soulève son imprécision. Le règlement de consultation fait référence à l'article L. 2112-2 précité du code de la commande publique, et mentionnée à sa section 3.06 relative la clause sociale, fondée sur l'ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018, selon laquelle le candidat réserve 5 % des heures travaillées sur le marché à des personnes rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi. Le rapport d'analyse portant sur ce sous-critère mentionne que : "La plupart des candidats présentent de très bonnes capacités en matière de maîtrise des rejets de substances dangereuses et d'insertion sociale sauf les candidats SOGUA TP, Trav'Eaux-Ingéni'Eauux () qui n'ont pas traité les thématiques d'utilisation de matériaux recyclés et/ou d'insertion sociale. / ().". Si la société Sogua TP précise avoir bien intégré à son offre les 5 % des heures travaillées à des personnes en difficulté d'accès à l'emploi, elle soutient, en revanche, que le Syndicat mixte a apprécié la variation des propositions en matière d'insertion sociale sans que cela soit précisé dans le contenu du règlement de consultation, qui, selon elle, se borne uniquement à fixer l'obligation de 5 %. Malgré la confusion opérée par la société requérante entre clause d'exécution et critère de sélection, et bien qu'un candidat doive consacrer, dans son offre, 5 % des heures travaillées à des personnes en difficulté économique et sociale, éloignées de l'emploi, la réglementation n'interdit pas à un candidat de proposer une offre quantitative supérieure à 5 %, qui représente un plancher. L'entité adjudicatrice dispose ainsi du pouvoir de prendre en compte cette possibilité dans l'évaluation des candidatures. Par suite, le moyen tiré de l'imprécision du sous-critère n° 5 doit être écarté.

25. En second lieu, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par l'adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.

26. S'agissant du critère n° 2 relatif à la "Valeur technique de l'offre", la société Sogua TP soutient que son offre aurait été dénaturée par le Syndicat sur les sous-critères n° 1 "Présentation des moyens humains affectés aux opérations", n° 2 "Fiches technique des principaux équipements proposées" et n° 5 "Performances de l'offre en matière RSDE" (responsabilité sociétale des entreprises). Toutefois, la société requérante, qui n'apporte pas de précisions et ne produit pas son mémoire technique, se borne à contester les appréciations portées sur le rapport d'analyse par le Syndicat mixte sur son offre à travers ces sous-critères, mais ne démontre pas que l'entité adjudicatrice ait méconnu ou manifestement altéré les termes de son offre. Or, une telle argumentation est inopérante devant le juge du référé précontractuel, dont l'office n'est pas, ainsi que cela ressort des principes mentionnés au point précédent, d'apprécier les mérites respectifs des offres remises au Syndicat mixte. En tout état de cause, la société Sogua TP n'est pas susceptible d'avoir été lésée par une telle irrégularité dès lors qu'il ne résulte pas que l'attribution d'une note meilleure pour ces sous-critères ne lui aurait pas permis de dépasser les notes globales obtenues par les autres sociétés attributaires. Il suit de là que le moyen, inopérant, ne peut qu'être écarté.

27. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sogua TP n'établit pas l'existence de manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence ainsi que d'atteinte aux principes d'accès à la commande publique et à l'égalité de traitement entre les candidats, ayant pu affecter ses chances et qui l'auraient lésée. Par suite, les conclusions de la société Sogua TP, présentées devant le juge des référés, sur le fondement de l'article L. 551-5 du code de justice administrative, tendant à l'annulation, d'une part, de la procédure de passation du lot n° 2 "Les Saintes - La Désirade" relatif au marché de "Travaux de renouvellement, de renforcement et d'extension de réseaux d'alimentation en eau potable" pour la période 2023-2027 et, d'autre part, de la décision du 19 octobre 2023 rejetant son offre, ne peuvent qu'être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction.

Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la société Sogua TP au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Sogua TP une somme de 2 000 euros à verser au syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe, celle de 1 500 euros à verser à la société Gétélec TP SAS et celle de 1 000 euros à verser au groupement d'entreprises formé par les sociétés Trav'Eaux, Ingéni'Eaux et SABB au même titre.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société Sogua TP est rejetée.

Article 2 : La société Sogua TP versera au syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Sogua TP versera à la société Gétélec TP SAS une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La société Sogua TP versera au groupement d'entreprises Trav'Eaux, Ingéni'Eaux Caraïbes et SABB une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Sogua TP, à la société Gétélec TP SAS, au groupement d'entreprises Hydra TP Environnement et SATP (société antillaise de travaux publics)-Amiantex, au groupement d'entreprises Trav'Eaux, Ingéni'Eaux Caraïbes et SABB (société d'aménagement de béton bitumineux), à la société Aqua TP et au syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe.

Ordonnance rendue publique par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023.

Le juge des référés

Signé :

P. Sabatier-Raffin

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice, à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme

L'adjointe à la greffière en chef

Signé :

A. Cétol