TA Rennes, 09/03/2023, n°2005740
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 décembre 2020 et le 31 mai 2022, la société Climatech Ouest, représentée par Me Bruno Hallouet, de la SELARL Chevallier et Associés, demande au tribunal :
1°) à titre principal, d'annuler l'acte d'engagement relatif au lot n°9 " Chauffage - Ventilation - Climatisation - Plomberie ", conclu entre la commune de Guingamp et la société Le Bohec, dans le cadre du marché public de travaux portant sur la phase 4 du chantier de réhabilitation et d'aménagement de l'ancienne prison située sur le territoire communal ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Guingamp à lui verser une somme de 19 805,51 euros au titre du préjudice résultant de son éviction irrégulière de la procédure d'attribution du marché ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Guingamp le paiement d'une somme de
3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son recours est recevable, dès lors que la signature du marché litigieux est intervenue sans faire l'objet d'aucune publicité, ni a fortiori, d'une publicité appropriée ;
- la commune de Guingamp n'a pas fourni, dès la procédure d'engagement d'attribution du marché litigieux, une information appropriée aux candidats, en méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence, telles que définies notamment à l'article R. 2131-2 du code de la commande publique ;
- si l'avis d'appel public à la concurrence diffusé par la commune de Guingamp, ainsi que le règlement de consultation, prévoyaient que la durée d'exécution globale de l'ensemble des lots était de dix mois, le délai d'exécution pour chaque lot n'était pas précisé ;
- il n'a été fait aucune mention, ni dans l'avis d'appel public à la concurrence ni dans le règlement de consultation, des voies et délais de recours ;
- la commune de Guingamp a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article R. 2181-2 du code de la commande publique dès lors qu'elle n'a eu connaissance des motifs détaillés de la décision de rejet de son offre qu'à la date du 22 octobre 2020, après signature de l'acte d'engagement, malgré sa demande formulée dès le 17 septembre 2020 de communication du rapport d'analyse des offres, et s'est donc trouvée dans l'impossibilité d'exercer un recours ;
- son offre n'a pas été traitée de manière impartiale et égalitaire, ce qui peut résulter du litige qui l'a opposée au maître d'œuvre lors de la deuxième phase du chantier ;
- l'offre de la société Le Bohec, attributaire du lot n°9, a été traitée subjectivement s'agissant du critère relatif à la méthodologie de l'intervention ;
- l'appréciation du maître d'œuvre sur le critère du personnel affecté à l'opération a manifestement porté sur la personnalité de ses salariés et non sur leur nombre ou leurs compétences ;
- le critère relatif à la prise en compte du planning du chantier n'a pas été examiné de manière impartiale ;
- son offre ne présentait aucun caractère irrégulier et n'a pas été modifiée dans ses caractéristiques substantielles en cours de procédure ;
- le courrier de la commune de Guingamp l'ayant invitée, dans le cadre de la phase de négociation, à modifier son offre ne comportait aucune référence à l'article R. 2152-2 du code de la commande publique ce qui a eu pour effet de l'induire en erreur, afin de pouvoir l'évincer de manière déloyale ;
- elle disposait d'une chance sérieuse de remporter le marché litigieux, de sorte qu'elle devra être indemnisée par la commune de Guingamp à hauteur de la marge nette prévisionnelle à laquelle elle aurait pu prétendre par l'attribution de ce marché, soit une somme de
19 805,51 euros, représentant 10 % du montant du marché.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 août 2021 et le 5 juillet 2022, la commune de Guingamp, représentée par Me Marie Berrezai, de la SELARL Cabinet Coudray, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la société Climatech Ouest le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête de la société Climatech Ouest est irrecevable, puisqu'elle a été enregistrée bien après l'expiration du délai de recours qui a débuté le 28 septembre 2020 par la publication de la décision d'attribution du marché litigieux à la société Le Bohec ainsi que des décisions de rejet des autres offres ;
- l'offre initiale de la société Climatech Ouest était incomplète, notamment s'agissant du poste " radiateurs verticaux " pour lequel seulement 29 des 33 radiateurs exigés comportaient un chiffrage et s'agissant du poste " production ECS " pour lequel les ballons d'eau chaude chiffrés ne correspondaient pas au nombre et à la capacité attendus, et elle était donc irrégulière ;
- la société Climatech Ouest, qui a été invitée à régulariser son offre, lui a apporté des modifications substantielles en ce qui concerne le prix, la méthodologie d'intervention, la composition de l'équipe devant être affectée au marché et son estimation des durées de réalisation des différentes taches à réaliser pour l'exécution du marché, ce qui en a bouleversé l'économie générale et l'a rendue irrégulière, conformément aux dispositions de l'article R. 2152-2 du code de la commande publique ;
- les moyens invoqués tirés de l'absence de mentions des délais d'exécution de chaque lot du marché, de l'absence de mention des voies et délais de recours dans l'avis de publicité et de la méconnaissance des articles L. 2181-1 et R. 2181-2 du code de la commande publique sont inopérants, étant sans aucun lien avec le classement de l'offre de la société Climatech Ouest comme irrégulière ;
- le dossier de consultation transmis aux candidats comportait un planning général prévisionnel mentionnant notamment un commencement d'exécution pour le lot n°9 entre la semaine 6 et 7 du mois n°3 et une fin d'exécution la semaine 42 du mois n°11 ;
- le règlement de consultation précisait expressément en son article 7.2 les coordonnées du service auprès duquel des informations sur les délais de recours pouvaient être obtenues, les voies et délais de recours ouverts aux candidats évincés ayant, par ailleurs, été rappelés dans le courrier du 17 septembre 2020 adressé à la société Climatech Ouest ;
- elle a suffisamment motivé le rejet de l'offre présentée par la société Climatech Ouest dans le courrier du 17 septembre 2020 ;
- les éventuels vices invoqués par la société requérante relatifs à la première procédure d'analyse des offres, annulée par le tribunal administratif, n'ont aucun rapport avec la seconde procédure de passation, objet du présent litige ;
- aucun défaut d'impartialité ne saurait lui être reproché dans l'analyse de l'offre de la société Climatech Ouest, qui présentait de nombreuses incohérences et omissions ;
- le juge ne saurait se fonder sur un simple doute, infondé et non étayé, sur l'objectivité et l'impartialité du maître d'œuvre à l'égard de la société Climatech Ouest en raison d'un litige préexistant ;
- l'offre présentée par la société Climatech Ouest étant irrégulière, celle-ci était donc dépourvue de toute chance de remporter le marché et ne peut donc prétendre à aucune indemnisation ;
- la société Climatech Ouest n'apporte, en tout état de cause, aucun élément de preuve de nature à démontrer le pourcentage de marge nette auquel elle aurait pu légitimement s'attendre du fait de l'attribution du marché.
La procédure a été communiquée le 28 janvier 2021 à la société Le Bohec qui n'a fait valoir aucune observation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A,
- les conclusions de M. Rémy, rapporteur public,
- et les observations de Me Geffroy, de la SELARL Cabinet Coudray, représentant la commune de Guingamp.
Considérant ce qui suit :
1. En 2016, la commune de Guingamp a entrepris de réhabiliter et d'aménager l'ancienne prison située sur son territoire. Le 17 février 2020, elle a publié un avis d'appel à la concurrence, sous la forme d'une procédure adaptée, pour l'attribution des lots nos 1 à 10 de la quatrième et dernière phase de ce marché public de travaux. Par courrier du 16 juin 2020, la société Climatech Ouest, qui avait été déclarée attributaire de lots de travaux lors des précédentes phases du chantier, a été informée d'une part, du rejet de l'offre qu'elle avait présentée au titre du lot n°9 " Chauffage - Ventilation - Climatisation - Plomberie " dans le cadre de cette consultation, et d'autre part, de l'attribution de ce lot à la société Le Bohec. Après avoir obtenu communication du rapport d'analyse des offres, la société Climatech Ouest a obtenu, par ordonnance n°2002660 du
28 juillet 2020 du juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Rennes, l'annulation de la procédure de passation du lot n°9 du projet de réhabilitation et d'aménagement de l'ancienne prison de Guingamp, au stade de l'analyse des offres, ainsi que celle de la décision du 16 juin 2020 de rejet de son offre. Par courrier du 29 juillet 2020, la commune de Guingamp a pris acte de la reprise de la procédure de passation et a invité la société Climatech Ouest à régulariser son offre, considérée comme irrégulière. Par courrier du 17 septembre 2020, la société Climatech Ouest a été informée que son offre modifiée avait cette fois été jugée irrégulière et n'avait donc pas été retenue et que le marché était attribué à l'entreprise Le Bohec, pour un montant de
201 758,42 euros hors taxe. Par la présente requête, la société Climatech Ouest demande, à titre principal, l'annulation du marché public de travaux conclu entre la commune de Guingamp et la société Le Bohec et, à titre subsidiaire, la condamnation de la commune à lui verser une somme de 19 805,51 euros au titre du préjudice résultant de son éviction irrégulière.
Sur les conclusions en contestation de la validité de l'acte d'engagement :
2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Les tiers, autres que les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ou le représentant de l'Etat dans le département, ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.
En ce qui concerne la régularité de l'offre présentée par la société Climatech Ouest :
3. Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. ". L'article L. 2152-2 du même code précise que : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. ". L'article R. 2152-1 de ce code prévoit que : " Dans les procédures adaptées sans négociation et les procédures d'appel d'offres, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées. Dans les autres procédures, les offres inappropriées sont éliminées. Les offres irrégulières ou inacceptables peuvent devenir régulières ou acceptables au cours de la négociation ou du dialogue, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. Lorsque la négociation ou le dialogue a pris fin, les offres qui demeurent irrégulières ou inacceptables sont éliminées. ". Enfin, selon l'article R. 2152-2 du même code : " Dans toutes les procédures, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. / La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles. ".
4. Alors que l'article 5.3 du règlement de consultation précisait que les candidats à l'attribution du marché de travaux devaient remettre un dossier contenant notamment le document relatif à la décomposition du prix global et forfaitaire (DPGF) du lot considéré, il résulte de l'instruction que le document remis par la société Climatech Ouest n'a pas été complété pour l'ensemble des rubriques qu'il comportait. La commune de Guingamp fait particulièrement valoir que l'offre présentée ne précisait, pour le poste " radiateurs verticaux " que le coût de 29 radiateurs sur les 33 prévus par le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché et pour le poste " production ECS ", le coût des ballons d'eau chaude pour les sanitaires pas pour le nombre et la capacité attendue. En se bornant à soutenir que le CCTP comportait de nombreuses incohérences et des doublons, la société Climatech Ouest ne conteste pas valablement le caractère incomplet de l'offre présentée au regard des exigences des documents de la consultation.
5. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la reprise de la procédure d'attribution au stade de l'analyse des offres, la commune de Guingamp a, par courrier du 29 juillet 2020, informé la société Climatech Ouest que son offre avait été jugée irrégulière, faute d'avoir répondu précisément à l'ensemble des rubriques du document relatif à la décomposition de prix global et forfaitaire et, ainsi qu'elle en avait la faculté en vertu des dispositions précitées de l'article
R. 2152-1 du code de la commande publique, a invité l'entreprise à régulariser cette offre dans le cadre de la phase de négociation. La commune a toutefois précisé à la société candidate que le caractère régularisable de son offre ferait l'objet d'une appréciation en fonction des réponses apportées, notamment au regard du principe d'égalité de traitement des soumissionnaires. Si à réception de ce courrier, la société Climatech Ouest a modifié son offre, il résulte de l'instruction que, comme la commune de Guingamp le soutient, ces modifications portaient sur la quasi-totalité des critères de notation, et particulièrement s'agissant de l'ensemble des prix présentés dans le détail du prix global forfaitaire, de la méthodologie d'intervention, de la composition de l'équipe affectée aux travaux, des durées de réalisation des tâches et des calendriers d'exécution et, ainsi que la commune le fait valoir, sans être contestée, il apparaît que la société Climatech Ouest a en réalité adapté son offre aux commentaires et observations détaillés dans le rapport d'analyse des offres, dont elle a eu communication à l'issue de la première procédure d'analyse des offres et qui, bien que biffé s'agissant des éléments techniques de l'offre de la société Le Bohec, lui a permis de bénéficier d'une appréciation de la qualité de sa propre proposition. Contrairement à ce que soutient la société Climatech Ouest, la simple invitation à régulariser qui lui a été adressée ne pouvait être considérée comme l'ouverture d'une négociation portant sur tous les aspects du marché et elle n'est donc pas fondée à soutenir que la procédure adaptée lui permettait de modifier librement son offre dans le cadre de la phase de négociation. Au regard de ces éléments, la commune de Guingamp était fondée à considérer, ainsi qu'elle l'a fait dans son courrier du
17 septembre 2020, que la seconde offre présentée par la société Climatech Ouest a excédé la simple régularisation de son offre initiale et a eu pour effet d'en modifier les caractéristiques substantielles, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 2152-2 du code de la commande publique. Par suite, elle a pu, à bon droit, la déclarer irrégulière.
En ce qui concerne les manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence :
6. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société Climatech Ouest, il résulte de l'instruction que le règlement de consultation précisait en son article 3.4 que " le délai d'exécution global de l'opération est de 10 mois, suivant les prescriptions indiquées dans les documents de la consultation, et fera l'objet d'un planning général tout corps d'état " et que le planning prévisionnel joint au dossier de consultation des entreprises (DCE) mentionnait, pour le lot n°9 notamment, un début des travaux entre la semaine 6 et 7 du mois n°3 et une fin d'exécution la semaine 42 du mois n°11. Dans ces conditions, la société Climatech Ouest n'est pas fondée à soutenir que la commune de Guingamp aurait omis d'informer les candidats sur le délai accordé pour la réalisation des travaux du lot " Chauffage - Ventilation - Climatisation - Plomberie ", les offres étant pourtant analysées au regard d'un critère tenant à la prise en compte du planning du chantier.
7. En deuxième lieu, il résulte de la lecture du règlement de consultation, et particulièrement de son article 7.2, que les candidats au marché public de travaux litigieux disposaient des coordonnées, d'une part, du service auprès duquel des informations sur les délais d'introduction des recours pouvaient être obtenues et d'autre part, du tribunal compétent pour examiner les recours contentieux. Au regard des précisions ainsi apportées, la société Climatech Ouest ne saurait sérieusement se prévaloir de l'absence de mention des voies et délais de recours dans le règlement de consultation.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2181-1 du code de la commande publique : " Dès qu'il a fait son choix, l'acheteur le communique aux candidats et aux soumissionnaires dont la candidature ou l'offre n'a pas été retenue, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ". L'article R. 2181-2 de ce code ajoute que : " Tout candidat ou soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été rejetée peut obtenir les motifs de ce rejet dans un délai de quinze jours à compter de la réception de sa demande à l'acheteur. / Lorsque l'offre de ce soumissionnaire n'était ni inappropriée, ni irrégulière, ni inacceptable, l'acheteur lui communique en outre les caractéristiques et avantages de l'offre retenue ainsi que le nom de l'attributaire du marché. ".
9. Il résulte de l'instruction que par courrier du 17 septembre 2020, la société Climatech Ouest a été informée des motifs de rejet de son offre jugée irrégulière, ainsi qu'il a été précisé au point 5 de ce jugement, et que le même jour, elle a demandé à la commune de Guingamp de lui communiquer le rapport d'analyses des offres ainsi que les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue. Si la collectivité n'a répondu favorablement à cette demande que le
20 octobre 2020, la société requérante ne saurait déduire des dispositions précitées de l'article R. 2182-2 du code de la commande publique que celle-ci aurait, par ce délai de transmission, manqué à ses obligations.
10. Il résulte de ce qui précède que la société Climatech Ouest n'est pas fondée à soutenir que la commune de Guingamp n'aurait pas fourni aux candidats au marché litigieux des informations appropriées et aurait ainsi méconnu les règles de publicité et de mise en concurrence, les manquements allégués étant, en tout état de cause, sans rapport direct avec son éviction.
En ce qui concerne le respect des principes d'impartialité et d'égalité entre les candidats :
11. Si la société Climatech Ouest fait état de ses doutes sur l'objectivité et l'impartialité du maître d'œuvre en raison d'un litige né lors de la deuxième phase du chantier où il lui aurait été reproché de ne pas avoir exécuté certaines prestations, elle se borne à de simples allégations. Surtout, elle ne saurait utilement, dans le cadre de la présente instance, critiquer les conditions d'appréciation de l'offre qu'elle avait présentée dans le cadre de la procédure de passation initiale, annulée par le juge des référés précontractuels au stade de l'analyse des offres, lesquelles sont sans incidence sur l'appréciation de l'offre modifiée qu'elle a présentée en dernier lieu. La société requérante ne démontre pas davantage les manquements allégués aux principes d'impartialité, d'égalité entre les candidats et de transparence des procédures en se contentant de soutenir, sans précision, que le deuxième rapport d'analyse des offres n'est pas plus objectif que le premier. Par suite, le moyen tenant à la violation des principes d'impartialité et d'égalité entre les candidats ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Guingamp tirée de la tardiveté de la requête, que la société Climatech Ouest n'est pas fondée à contester la validité du marché conclu entre la commune de Guingamp et la société Le Bohec. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires :
13. Il résulte de ce qui a été développé précédemment qu'aucune irrégularité entachant la procédure d'attribution du marché en litige n'a été la cause de l'éviction de la société requérante. Par suite, les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice que la société Climatech Ouest aurait subi en raison de son éviction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Guingamp, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société requérante demande au titre des dépenses exposées et non comprises dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par la société Climatech Ouest doivent dès lors être rejetées.
15. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Climatech Ouest une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Guingamp et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Climatech Ouest est rejetée.
Article 2 : La société Climatech Ouest versera à la commune de Guingamp une somme de
1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Climatech Ouest, à la société Le Bohec et à la commune de Guingamp.
Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :
M. Kolbert, président,
Mme Thalabard, première conseillère,
M. Blanchard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2023.
La rapporteure,
Signé
M. Thalabard
Le président,
Signé
E. Kolbert
La greffière,
Signé
I. Le Vaillant
La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.