TA Toulouse, 06/03/2023, n°2300627

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 3 février 2023, le 16 février 2023 et le 24 février 2023, la SAS Stereau, représentée par Me Cabanes, demande au juge des référés, dans le dernier état de ses écritures :

à titre principal, sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ensemble des décisions se rapportant à la procédure de passation lancée par la communauté d'agglomération du grand Cahors en vue de l'attribution d'un marché de conception-réalisation portant sur la construction d'une unité de filtration d'eau ;

2°) d'enjoindre à la communauté d'agglomération du grand Cahors, si elle entend conclure le contrat, de reprendre la procédure dans des conditions conformes aux dispositions législatives et réglementaires applicables ;

à titre subsidiaire sur le fondement des articles L. 551-5 et suivants du code de justice administrative :

3°) de suspendre la procédure de passation lancée en vue de l'attribution d'un marché de conception-réalisation portant sur la construction d'une unité de filtration d'eau, le temps pour la communauté d'agglomération de se conformer à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ;

4°) d'enjoindre à la communauté d'agglomération du grand Cahors, si elle entend conclure le contrat, de reprendre la procédure de passation depuis son lancement dans le respect des dispositions légales et réglementaires en vigueur ;

5°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du grand Cahors la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

-la communauté d'agglomération du grand Cahors ne saurait se prévaloir de la qualité d'entité adjudicatrice dans le cadre de la procédure de passation litigieuse dès lors que le marché en vue duquel celle-ci a été lancée est un marché de travaux classique qui ne porte aucunement sur la mise à disposition de réseaux fixes, l'exploitation de réseaux fixes ou l'alimentation de ces réseaux, de sorte que ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative sont recevables ;

-la communauté d'agglomération n'a pas satisfait à ses obligations de publicité et de mise en concurrence dès lors que, malgré la demande qui lui a été faite, elle ne lui a communiqué que les notes obtenues par elle et l'attributaire sur les critères et sous-critères, sans que ces notes ne soient accompagnées d'explications suffisantes permettant de les comprendre, et a ainsi méconnu les dispositions de l'article R. 2181-4 du code de la commande publique ;

-en sa qualité de pouvoir adjudicateur, la communauté d'agglomération aurait dû désigner un jury pour analyser les offres et choisir l'attributaire du marché comme le prévoient les dispositions de l'article R. 2171-16 du code de la commande publique ;

-dans l'hypothèse où la communauté d'agglomération serait regardée comme ayant la qualité d'entité adjudicatrice, la procédure serait en tout état de cause irrégulière dès lors que l'article R. 2171-16 du code de la commande publique exclut une telle désignation dans le cas, comme en l'espèce, d'une procédure avec négociation ;

-en tout état de cause, en confiant à un jury l'analyse des candidatures et des offres ainsi que le classement de ces offres alors que les membres de ce jury ne présentaient aucune garantie permettant d'assurer la confidentialité de ces offres, la communauté d'agglomération a manqué aux obligations de mise en concurrence ;

-par ailleurs, l'avis, même consultatif, rendu par un jury présidé par le président de la communauté d'agglomération a été susceptible, si ce n'est de présenter un caractère contraignant, au moins d'influencer grandement la décision de la commission d'appel d'offre ;

-en ne prévoyant pas de critère ou de sous-critère de sélection relatif à la part d'exécution du marché de conception-réalisation que le soumissionnaire s'engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans, la communauté d'agglomération a méconnu l'article L. 2152-9 du code de la commande publique et cette omission a été de nature à léser ses intérêts, son offre étant celle dans laquelle la part dévolue à ce type d'entreprises était la plus importante ;

-la communauté d'agglomération a méconnu les principes de transparence et d'égalité de traitement dès lors qu'elle a modifié sensiblement le dossier de consultation des entreprises ou, à tout le moins, a tardivement levé une ambiguïté de ce dossier de consultation des entreprises, dix jours seulement avant la date limite de remise des offres, sans prolonger ce délai.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 février 2023 et le 27 février 2023, la communauté d'agglomération du grand Cahors, représentée par Me Herrmann, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la SAS Stereau la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

-les conclusions présentées par la société requérante sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative sont irrecevables dès lors que la procédure en cause a été engagée conformément aux dispositions de l'article L. 1212-1 du code de la commande publique sous la qualité d'entité adjudicatrice et non de pouvoir adjudicateur ;

-les conclusions nouvelles présentées à titre subsidiaire sur le fondement des articles L. 551-5 et suivants du code de justice administrative sont irrecevables dès lors qu'elles postulent en amont qu'elle aurait été un pouvoir adjudicateur et non pas une entité adjudicatrice, impliquant des règles procédurales différenciées, soit un contentieux différent de celui développé au sein de la requête introductive d'instance et maintenu au principal, de telles conclusions reconventionnelles ne pouvant porter sur un litige distinct ;

-de surcroît, l'irrecevabilité des conclusions présentées à titre principal par la SAS Stereau entraîne de jure celles ainsi présentées à titre subsidiaire au nom du principe général selon lequel l'accessoire suit le principal ;

-les informations visées par les articles R. 2181-3 et R. 2181-4 du code de la commande publique ont été apportées par la communauté d'agglomération du grand Cahors respectivement par courriers du 20 janvier 2023 et du 17 février 2023 ;

-il n'y avait pas lieu, pour respecter les dispositions de l'article L. 2152-9 du code de la commande publique, de définir un critère pondéré supplémentaire et spécifique dès lors que les articles L. 2171-8 et R. 2171-23 de ce code, qui disposent que le marché global doit prévoir une part minimale de l'exécution du contrat que le titulaire s'engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans, fixée à 10%, sont d'ordre public et s'imposent même en cas de silence dans les documents de la consultation sur ce point, l'acheteur public ayant alors la seule obligation d'en vérifier le respect par le biais de sa commission d'appel d'offre, ce qui a été fait en l'espèce ;

-en tout état de cause, lorsque ce critère a été retenu dans des consultations similaires, il n'a donné lieu qu'à une pondération au maximum de 3 % et le classement de l'offre de la société requérante n'aurait pu, dans une configuration équivalente, être modifié dès lors qu'outre un " coût d'exploitation " pondéré à 10% supérieur à celui du groupement retenu, son " prix des prestations ", pondéré à 30% s'est révélé 8,72% plus élevé ;

-le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 2171-16 du code de la commande publique relatif à la désignation d'un jury est inopérant dès lors qu'elle a agi en qualité d'entité adjudicatrice et non de pouvoir adjudicateur et que le jury ad-hoc qui a été désigné n'a eu qu'un rôle strictement consultatif ;

-en tout état de cause, dans la continuité du principe constitutionnel de libre administration des collectivités, il existe un principe de liberté d'organisation au travers duquel rien n'interdit qu'un jury assiste utilement la maîtrise d'ouvrage dans ses choix et dans le déroulement du processus et la société requérante ne démontre pas en quoi elle aurait été lésée par l'existence de ce jury ad-hoc ;

-le dossier de consultation des entreprises n'a pas fait l'objet de modification mais d'une simple précision suite à un questionnement d'un candidat sur l'interprétation des termes utilisés ;

-dans l'hypothèse où le juge des référés accueillerait l'action engagée par la SAS Stereau, il y aurait lieu de faire application de la façon la plus large des dispositions de l'article L .551-7 du code de justice administrative eu égard aux caractéristiques du projet et compte tenu de sa finalité tenant à garantir une qualité de l'eau conforme aux exigences du code de la santé publique, notamment en termes bactériologiques et parasitaires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2023, la société OTV, représentée par Me Billebeau, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la SAS Stereau la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

-les conclusions présentées par la société requérante sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative sont irrecevables dès lors que la procédure en cause a été engagée conformément aux dispositions de l'article L. 1212-1 du code de la commande publique sous la qualité d'entité adjudicatrice et non de pouvoir adjudicateur ;

-les informations visées par les articles R. 2181-3 et R. 2181-4 du code de la commande publique ont été apportées par la communauté d'agglomération du grand Cahors respectivement par courriers du 20 janvier 2023 et du 17 février 2023 ;

-le jury qui a été constitué n'a eu qu'un rôle consultatif et le marché a bien été attribué par la commission d'appel d'offre, de sorte que l'avis consultatif de ce jury n'a pu faire grief à la société requérante ;

-la SAS Stereau ne peut valablement soutenir qu'elle a été lésée du fait de l'absence de critère ou de sous-critère de sélection relatif à la part d'exécution du marché que les soumissionnaires doivent s'engager à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans dès lors qu'elle a eu pleinement connaissance et a établi son offre en perspective des seuls critères et sous-critères figurant dans le règlement de consultation et elle a bénéficié du même degré d'information que les autres candidats pour établir son offre, au regard de ces critères et sous-critères ;

-l'indication apportée le 30 août 2022 par la communauté d'agglomération est une réponse à une demande formulée tardivement le 24 août 2022 par la SAS Stereau elle-même, soit 15 jours avant la date prévue pour la remise des offres, et il ne s'agit pas d'une modification substantielle du cahier des charges mais d'un assouplissement d'un intangible.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a délégué M. A, en application des articles L. 551-1 et L. 551-5 du code de justice administrative, pour statuer sur les référés précontractuels.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 27 février 2023, en présence de Mme Tur, greffière d'audience :

-le rapport de M. A,

-les observations de Me Cabanes, représentant la SAS Stereau, qui a repris ses écritures, notamment en insistant sur le fait que le marché en cause est un marché de travaux et que la procédure a donc été lancée non pas par une entité adjudicatrice mais par un pouvoir adjudicateur, en ajoutant que le jury, qui ne présentait pas de garanties en particulier en termes de confidentialité, a fait soit trop, soit trop peu, en revenant enfin sur les conséquences de l'omission dans la consultation d'un critère prévu par la loi et en affirmant, à propos de l'éventuelle mis en œuvre des dispositions de l'article L. 551-7 du code de la commande publique, que la réalisation du projet ne présente pas un caractère d'urgence, les premiers documents afférents à ce projet datant de 2016,

-les observations de Me Herrmann, représentant la communauté d'agglomération du grand Cahors, qui a repris ses écritures en insistant particulièrement sur le fait que les conclusions tendant à la suspension de la procédure de passation, fondées sur les articles L. 551-5 et L. 551-6 du code de justice administrative, sont en totale contradiction avec le contenu de la requête initiale et qu'une telle demande reconventionnelle, qui modifie les termes du procès, est irrecevable, en affirmant que le contenu du cahier des clauses administratives particulières montre bien que le marché est passé par un opérateur de réseau d'eau potable, dans le contexte d'une problématique globale, et que la communauté d'agglomération est donc une entité adjudicatrice, en ajoutant, à propos du critère " article L. 2152-9 ", que si ce critère avait été inclus, il aurait reçu une pondération très faible, ce qui n'aurait pas modifié le classement des offres eu égard à l'écart constaté sur le critère " prix ", enfin, s'agissant de l'application des dispositions de l'article L. 551-7 du code de justice administrative, il s'agit d'une mission de service public essentielle et la réalisation du projet présente un intérêt général et majeur visant à remédier à des problèmes récurrents,

-et les observations de Me Billebeau, qui a repris ses écritures en faisant notamment valoir que le critère " petites et moyennes entreprises " est plutôt un critère d'admission des offres et qu'en l'espèce, il ne peut être relevé une rupture d'égalité entre les candidats.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 11 mars 2022, la communauté d'agglomération du grand Cahors a lancé une procédure avec négociation en vue de l'attribution d'un marché de conception-réalisation ayant pour objet principal la construction d'une unité de filtration d'eau, décomposée en une phase de candidature et une phase d'offre. A l'issue de la première phase, trois groupements, dont celui dont la SAS Stereau est mandataire, ont été admis à remettre une offre. Par courrier reçu sur la plateforme de dématérialisation le 26 janvier 2023, la communauté d'agglomération a notifié à cette dernière, classée troisième, le rejet de son offre et l'a informée que le marché était attribué à la société OTV MSE Sud-Ouest. Par la présente requête, et dans le dernier état de ses écritures, la SAS Stereau demande au juge des référés, à titre principal sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative, d'annuler l'ensemble des décisions se rapportant à la procédure de passation ayant abouti à cette attribution et à titre subsidiaire, sur le fondement des articles L. 551-5 et suivants du même code, de suspendre cette procédure de passation, le temps pour la communauté d'agglomération de se conformer à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

Sur la recevabilité de la requête :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 1212-1 du code de la commande publique : " Les entités adjudicatrices sont : 1° Les pouvoirs adjudicateurs qui exercent une des activités d'opérateur de réseaux définies aux articles L. 1212-3 et L. 1212-4 ; () ". Aux termes de l'article L. 1212-3 du même code : " Sont des activités d'opérateur de réseaux : () / 1° La mise à disposition, l'exploitation ou l'alimentation de réseaux fixes destinés à fournir un service au public dans le domaine de la production, du transport ou de la distribution : ( / c) d'eau potable. () ".

3. Il ressort des pièces versées dans l'instance que la communauté d'agglomération du grand Cahors dispose de la compétente obligatoire en matière d'eau et assainissement depuis le 1er janvier 2020, compétence incluant notamment l'élaboration du schéma de distribution, la protection des points de prélèvement, la production par captage ou pompage, le traitement, le transport, le stockage et la distribution d'eau destinée à la consommation humaine. Par ailleurs, le marché de conception-réalisation en cause comprend l'adaptation des stations de pompage d'eau brute à proximité de la vasque de la Fontaine des Chartreux, la construction d'une usine de production d'eau potable sur le site du Pech d'Angely, la construction d'une bâche de stockage des eaux traitées, la fourniture et la pose des canalisations de liaison pour le raccordement des eaux brutes, sales, et traitées, la mise en œuvre des moyens de pompage et de fourniture d'énergie temporaires durant les phases de travaux et de mise en service pour assurer la continuité de service, la création de la voie d'accès à la nouvelle usine et les aménagements extérieurs du site, la dépose des conduites mises hors service dans le cadre du projet, et la désaffection des sites non réutilisés. Enfin, il ressort des énonciations du dossier de consultation des entreprises que la communauté d'agglomération du grand Cahors s'est présentée en qualité d'entité adjudicatrice, notamment en faisant mention des articles R. 2161-21 à R. 2161-23 du code de la commande publique, lesquels figurent dans la sous-section 2 de la section 2 du chapitre 1er du Titre VI du Livre 1er de la Deuxième partie de la partie réglementaire de ce code intitulée " règles applicables aux entités adjudicatrices ". La communauté d'agglomération du grand Cahors a ainsi agi, pour mettre en œuvre la procédure de passation du marché en litige, en qualité d'entité adjudicatrice au sens de l'article L. 1212-1 précité du code de la commande publique et le juge du référé précontractuel ne peut donc être saisi que sur le fondement des articles L. 551-5 et suivants du code de justice administrative. En conséquence, les conclusions à fin d'annulation de cette procédure, présentées par la SAS Stereau sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative, lesquels ne trouvent à s'appliquer qu'aux pouvoirs adjudicateurs, sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

4. D'autre part, les demandes formées devant le juge du référé précontractuel sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative sont présentées, instruites, jugées et, le cas échéant, susceptibles de recours selon des règles analogues à celles formées sur le fondement des articles L. 551-5 et suivants et n'ont trait qu'à l'office du juge du référé précontractuel selon que le contrat en cause est passé par un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice. Les conclusions subsidiaires présentées en cours d'instance par la SAS Stereau sur le fondement de ces dernières dispositions sont dirigées en l'espèce contre la même procédure de passation que celle que visent ses conclusions initiales, et la société requérante n'articule au soutien de ces conclusions additionnelles aucun nouveau moyen, lesdites conclusions subsidiaires ne pouvant dans ces conditions être regardées comme soulevant un litige distinct. Il y a dès lors lieu, en tout état de cause dans l'intérêt d'une bonne justice, d'écarter l'exception d'irrecevabilité de ces conclusions subsidiaires opposée par la communauté d'agglomération du grand Cahors.

Sur les conclusions subsidiaires présentées sur le fondement des articles L. 551-5 et suivants du code de justice administrative :

5. Aux termes de l'article L. 551-5 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les entités adjudicatrices de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ". Aux termes de l'article L. 551-6 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations en lui fixant un délai à cette fin. Il peut lui enjoindre de suspendre l'exécution de toute décision se rapportant à la passation du contrat ou à la constitution de la société d'économie mixte à opération unique. Il peut, en outre, prononcer une astreinte provisoire courant à l'expiration des délais impartis. () ". Aux termes de l'article L. 551-7 de ce code : " Le juge peut toutefois, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, écarter les mesures énoncées au premier alinéa de l'article L. 551-6 lorsque leurs conséquences négatives pourraient l'emporter sur leurs avantages. ". Et selon les termes de l'article L. 551-10 dudit code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat () et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué () ".

6. Il appartient au juge du référé précontractuel de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte, en avantageant une entreprise concurrente.

7. En premier lieu, il ressort des pièces versées dans l'instance que par courriers du 20 janvier 2023 et du 17 février 2023, la communauté d'agglomération du grand Cahors a fourni à la SAS Stereau les informations respectivement visées par les articles R. 2181-3 et R. 2181-4 du code de la commande publique et que les explications apportées étaient suffisamment claires pour être comprises.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2171-8 du code de la commande publique ; " Le marché global prévoit la part minimale de l'exécution du contrat que le titulaire s'engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans. Cette part minimale est établie dans des conditions prévues par voie réglementaire. ". Aux termes de l'article R. 2171-23 du même code : " Si le titulaire d'un marché global n'est pas lui-même une petite ou moyenne entreprise ou un artisan, la part minimale qu'il s'engage à confier, directement ou indirectement, à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans, en application de l'article L. 2171-8, est fixée à 10% du montant prévisionnel du marché, sauf lorsque la structure économique du secteur concerné ne le permet pas. () ". Et aux termes de l'article L. 2152-9 de ce code : " L'acheteur tient compte parmi les critères d'attribution des marchés globaux mentionnés à l'article L. 2171-1 de la part d'exécution du marché que le soumissionnaire s'engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans. ".

9. Il est constant que le règlement de la consultation du marché en litige, qui faisait état de trois critères pour le jugement des offres, à savoir la valeur technique de l'offre avec une pondération globale de 60%, le prix des prestations pondéré à 30% et le coût d'exploitation pondéré à 10%, ne comportait aucun critère ou sous-critère de sélection relatif à la part d'exécution du marché de conception-réalisation que le soumissionnaire s'engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans, en méconnaissance des prescriptions de l'article L. 2152-9 du code de la commande publique. Toutefois, la SAS Stereau ne démontre pas en quoi cette omission aurait été susceptible de l'avoir lésée ou aurait risqué de la léser, fût-ce de façon indirecte, en avantageant une entreprise concurrente dès lors que, par construction, le choix des offres ne pouvait en aucune manière s'opérer, sauf à vicier effectivement la procédure, au regard d'un tel critère ou sous-critère dans la mesure où il ne figurait pas dans les pièces afférentes à cette procédure et que l'ensemble des soumissionnaires ont disposé des mêmes informations sur ce point. Par ailleurs, au plan factuel, il ressort des pièces versées dans l'instance que les trois groupements admis à présenter une offre non seulement respectaient le seuil de 10% fixé à l'article R. 2171-23 mais s'engageaient même à confier à des petites et moyennes entreprises plus de 30% du montant prévisionnel du marché, et la SAS Stereau n'établit pas son allégation selon laquelle la performance financière des offres serait dégradée en cas de recours à des co-traitants et/ou sous-traitants relevant de la qualification de petites et moyennes entreprises ni, au demeurant, celle selon laquelle sa propre offre comprenait un taux de recours à ce type d'entreprises sensiblement supérieur à celui des offres concurrentes, la société Arragon qu'elle présente comme telle étant une filiale du groupe Cabinet Merlin qui emploie 550 personnes et dont le chiffre d'affaire prévisionnel pour l'exercice 2022 est d'environ 70 millions d'euros. Enfin, il n'apparaît pas en l'espèce que si le critère de sélection manquant avait normalement figuré dans le règlement de consultation, la pondération des autres critères aurait été sensiblement modifiée, alors que l'offre présentée par la SAS Stereau a été finalement classée en troisième et dernier rang, avec une note globale de 80,74 contre 84,18 pour l'offre retenue, son offre ressortant moins performante que celle présentée par le groupement OTV sur les trois critères de sélection, en particulier celui relatif au prix des prestations, pondéré à 30%, le montant proposé apparaissant 8,72% plus élevé. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la communauté d'agglomération du grand Cahors aurait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en ayant omis de retenir, parmi les critères de sélection des offres, celui permettant de tenir compte de la part d'exécution du marché que le soumissionnaire s'engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans.

10. En troisième lieu, aucune disposition du code de la commande publique ni aucune autre disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe, n'interdisaient à la communauté d'agglomération du grand Cahors de confier à un jury ad-hoc l'analyse des candidatures et des offres ainsi que le classement de ces offres et il ne ressort aucunement des pièces versées dans l'instance que les membres de ce jury auraient porté atteinte au principe de confidentialité des offres ou auraient influencé la décision d'attribution du marché prise finalement par la commission d'appel d'offre.

11. En dernier lieu, il ressort des pièces versées dans l'instance que la SAS Stereau a, de sa propre initiative, demandé en date du 24 août 2022 via la plateforme dématérialisée s'il était possible de déroger à un intangible technique, la société faisant alors valoir qu'ayant constaté à l'occasion de ses visites sur site qu'un certain nombre d'adaptations étaient à mener afin de rendre le pompage de l'eau brute réalisable et optimisable, cet intangible était susceptible de constituer un frein à la mission de conception de l'entreprise. La réponse apportée à cette demande par la communauté d'agglomération le 30 août 2022, à savoir, en substance, que le contenu technique des solutions de raccordement peut évoluer et est bien de la responsabilité du concepteur, constitue en réalité non pas une modification substantielle du cahier des charges mais un simple assouplissement de cet intangible, lequel, au demeurant, n'a en rien réduit les possibilités techniques précédemment énoncées par le dossier de consultation des entreprises et n'a profité qu'à la SAS Stereau elle-même, la société requérante ne contestant pas l'affirmation selon laquelle l'offre qu'elle a remise le 9 septembre 2022 n'aurait pas été acceptable si cet intangible n'avait pas été assoupli. Il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen tiré de ce que la communauté d'agglomération aurait méconnu les principes de transparence et d'égalité de traitement en modifiant sensiblement le dossier de consultation des entreprises ou, à tout le moins, en levant tardivement une ambiguïté qu'il contenait.

12. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter les conclusions présentées à titre subsidiaire par la SAS Stereau à fin de suspension de la procédure de passation en litige et, par voie de conséquence, celles aux fins d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération du grand Cahors, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS Stereau demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SAS Stereau une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération du grand Cahors et non compris dans les dépens ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société OTV et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la SAS Stereau est rejetée.

Article 2 : La SAS Stereau versera à la communauté d'agglomération du grand Cahors une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La SAS Stereau versera à la société OTV une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la SAS Stereau, à la communauté d'agglomération du grand Cahors et à la société OTV.

Fait à Toulouse, le 6 mars 2023.

Le juge des référés,

B. A

La greffière,

P. TUR

La République mande et ordonne à la préfète du Lot en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

la greffière en chef,

ou par délégation, la greffière,