TA Lille, 02/06/2023, n°2304247

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2023, la métropole européenne de Lille (MEL), représentée par Me Grzelczyk, demande au juge des référés :

1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, l'expulsion sans délai de M. A C, de Mme B D, et des occupants sans droit ni titre de l'emplacement n°3 de l'aire d'accueil des gens du voyage de Wattignies située Allée des Périsseaux, au besoin avec le concours de la force publique ;

2°) de mettre à la charge des occupants de cet emplacement une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'aire d'accueil des gens du voyage de Wattignies constitue une dépendance de son domaine public ;

- l'occupation de cette parcelle du domaine public n'est pas autorisée ; la convention d'occupation temporaire du domaine public conclue avec M. A C a été résiliée le 23 mars 2023 ; sa demande ne se heurte à aucune contestation sérieuse ; la mesure d'expulsion présente un caractère d'urgence et d'utilité ; M. C et Mme D se sont délibérément affranchis du règlement intérieur de l'aire d'accueil et ce malgré les nombreuses mises en demeure ; le comportement de M. C est de nature à porter atteinte à la salubrité et à la sécurité des occupants de l'aire ; les branchements irréguliers aux équipements électriques de l'aire d'accueil occasionnent des dysfonctionnements et des risques d'incendie ; il est urgent de permettre la libération de cet emplacement pour que d'autres résidents puissent l'occuper ; il convient de garantir la nécessaire rotation des résidents afin de favoriser un accès égal et régulier de tous à ce service public.

La requête et l'avis d'audience ont été notifiés, le 11 mai 2023, par voie d'huissier, aux occupants du terrain en cause, qui n'ont pas présenté de mémoire en défense.

Vu :

- les pièces desquelles il ressort que la requête a été communiquée aux occupants, installés sur l'emplacement n°3 de l'aire d'accueil, située Allée des Périsseaux à Wattignies ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Lassaux, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique tenue le 17 mai 2023, M. Lassaux a lu son rapport et entendu les observations de Me Grzelczyk qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que la requête.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-3 du code de justice administrative :

1. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : "En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative." Saisi sur ce fondement d'une demande qui n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du juge administratif, le juge des référés peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l'urgence justifie, dont l'expulsion d'occupants sans titre du domaine public, à la condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse.

2. En vertu du II de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, sous certaines conditions tenant notamment aux modalités d'accueil et d'habitat des gens du voyage dans la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale dont cette commune est membre, le maire, le propriétaire ou le titulaire de droits réels d'un terrain sur lequel des gens du voyage stationnent bénéficie de la possibilité de demander au préfet de mettre ceux-ci en demeure de quitter les lieux dans un certain délai, sauf à ce qu'il puisse être procédé à l'évacuation forcée de leurs résidences mobiles. Une telle mise en demeure ne peut intervenir que dans les cas où " le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ". Ces dispositions ne sauraient faire obstacle, alors même que les conditions à leur application se trouveraient réunies, à la saisine du juge des référés de conclusions tendant à ce que, sur le fondement de l'article

L. 521-3 du code de justice administrative, l'expulsion d'occupants sans titre du domaine public soit ordonnée.

3. Lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement de ces dispositions, d'une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d'urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse ; que, s'agissant de cette dernière condition, dans le cas où la demande d'expulsion fait suite à la décision du gestionnaire du domaine de retirer ou de refuser de renouveler l'acte administratif unilatéral portant autorisation d'occupation privative et où, alors que cette décision exécutoire n'est pas devenue définitive, l'occupant en conteste devant lui la validité, le juge des référés doit rechercher si, compte tenu tant de la nature que du bien-fondé des moyens ainsi soulevés à l'encontre de cette décision, la demande d'expulsion doit être regardée comme se heurtant à une contestation sérieuse. Dans le cas où la demande d'expulsion fait suite à une mesure de résiliation d'une convention d'occupation du domaine public et où cette mesure est contestée, il appartient au juge des référés de rechercher, alors que le juge du contrat a été saisi d'un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation du contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles, si cette demande d'expulsion se heurte, compte tenu de l'ensemble de l'argumentation qui lui est soumise, à une contestation sérieuse.

4. Il n'est pas contesté que M. A C et Mme B D occupent l'emplacement n°3 de l'aire d'accueil des gens du voyage située Allée des Périsseaux à Wattignies.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que cette aire d'accueil des gens du voyage dont un emplacement est occupé par les défendeurs constitue un terrain spécialement aménagé pour l'exécution du service public de l'accueil des gens du voyage. Il s'ensuit qu'elle doit être regardée comme une dépendance du domaine public de la MEL.

6. En deuxième lieu, le règlement intérieur de l'aire d'accueil de Wattignies prévoit que l'occupation d'un emplacement implique le paiement d'une redevance ainsi que le règlement par son occupant de la consommation d'eau et d'électricité. Ce même règlement prévoit que chaque emplacement ne correspond qu'à deux places ne pouvant contenir que la résidence mobile du résident, son véhicule de traction et une remorque. Il prévoit également que les occupants adoptent un comportement respectueux de l'ordre public. Le non-respect des prescriptions du règlement intérieur de l'aire d'accueil des gens du voyage de Wattignies peut conduire à la résiliation de la convention d'occupation du domaine public conclut entre le gestionnaire et l'occupant d'un emplacement.

7. Il résulte de l'instruction que M. A C a conclu, le 24 janvier 2023, une convention d'occupation du domaine public lui permettant de disposer de l'emplacement n°3 de l'aire d'accueil des gens du voyage de Wattignies pour une durée de trois mois. M. C ne s'étant pas acquitté de la redevance d'occupation et des frais liés à sa consommation d'eau et d'électricité prévue par le règlement intérieur qui lui avait été remis en mains propres lors de la conclusion de la convention d'occupation du domaine public, celui-ci était redevable au mois de février 2023 d'une somme s'élevant à 1 063,11 euros. Par ailleurs, Il est reproché à M. C d'avoir procédé à des branchements électriques illicites et d'avoir accueilli sans autorisation d'autres personnes sur son emplacement leur permettant également d'installer leur caravane au-delà des capacités maximales d'accueil des caravanes pour chaque emplacement. La MEL a mis en demeure, les 31 janvier 2023, 6 février 2023 et 16 février 2023, M. C de se conformer aux prescriptions du règlement intérieur de l'aire d'accueil des gens du voyage de Wattignies de cesser tout branchements électriques illicites, de respecter les règles d'occupation de chaque emplacement et de régler les sommes qu'il devait au titre de son occupation de l'emplacement en cause. La MEL a résilié, le 13 mars 2023, la convention d'occupation du domaine public conclu avec M. C et lui a signifié, le 23 mars 2023, qu'il devait quitter les lieux dans un délai de 24 heures.

8. Dès lors que M. C n'a pas contesté dans le délai de deux mois suivant sa notification intervenue par exploit d'huissier de justice le 23 mars 2023, la mesure de résiliation de la convention d'occupation de son emplacement est devenue définitive. M. C et Mme D ainsi que tous les occupants de cet emplacement doivent être regardés comme étant des occupants irréguliers du domaine public. En tout état de cause M. C et Mme D ne contestent pas avoir méconnu les dispositions du règlement intérieur de l'aire d'accueil comme le leur reproche la MEL dans la décision de résiliation prise à leur encontre. En outre, le fonctionnement normal d'une telle aire, qui a pour finalité un accueil provisoire et non permanent des gens du voyage, requiert que les personnes n'y résident plus après l'expiration du délai fixé par le contrat signé à leur arrivée. L'expulsion demandée vise à assurer cet objectif d'égal accès à l'aire d'accueil Les occupants ne font valoir pour leur part aucune circonstance particulières de nature à ce que la demande de la MEL ne soit pas satisfaite. La demande de la MEL ne se heurte, par suite, à aucune contestation sérieuse et présente un caractère d'urgence et d'utilité.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la MEL est fondée à demander qu'il soit enjoint à M. C et Mme D ainsi qu'à tous les occupants sans droit ni titre de l'emplacement n°3 dans l'emprise de l'aire d'accueil des gens du voyage, située Allée des Périsseaux de quitter ce site sans délai, et d'en retirer tous les biens leur appartenant. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

10. En revanche, il n'entre pas dans l'office du juge administratif d'autoriser la MEL à demander à l'État le concours de la force publique pour l'exécution de la présente ordonnance. Il appartiendra, s'il y a lieu, à la commune de demander directement à l'État ce concours. Les conclusions de la commune tendant à ce que l'expulsion ordonnée par la présente ordonnance le soit " au besoin avec le concours de la force publique " doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. C et Mme D et des occupants de l'emplacement n°3 de l'aire d'accueil de Wattignies le versement à la MEL d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : Il est enjoint à M. C et Mme D ainsi qu'à tous les occupants sans droit ni titre installés sur l'emplacement n°3 dans l'emprise de l'aire d'accueil des gens du voyage, située Allée des Périsseaux à Wattignies de quitter les lieux et d'évacuer leurs biens sans délai.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la métropole européenne de Lille ainsi qu'à M. A C, à Mme B D et tous les occupants de l'emplacement en cause.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Nord.

Fait à Lille, le 2 juin 2023.

Le juge des référés,

signé

P. LASSAUX

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N°2304247