TA Bordeaux, 04/05/2023, n°2300056
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2023, la société Belliard, représentée par Me Chambord, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 1er décembre 2022 par laquelle la commune de Mérignac a prononcé la résiliation du lot n° 3, relatif aux charpentes bois et métallique, du marché de travaux de construction du gymnase dit de Chemin Long ;
2°) de prononcer la reprise provisoire des relations contractuelles entre la commune de Mérignac et elle-même dans le cadre du marché précité ;
3°) à titre subsidiaire de l'indemniser pour un montant de 978 078,37 euros HT de la résiliation abusive du marché ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Mérignac la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Belliard soutient que :
- lors de la séance du 26 septembre 2022, la commission d'appel d'offres de la commune de Mérignac a retenu l'offre qu'elle avait déposée le 11 juillet 2022 pour le lot n° 3 du marché de travaux de construction du gymnase de Chemin Long ;
- par délibération du 3 octobre 2022, le conseil municipal de Mérignac a décidé de conclure avec elle le lot n° 3 qui lui était attribué ;
- un recours de pleine juridiction étant ouvert aux parties à un contrat pour en contester la résiliation, son action est recevable ;
- étant intervenue alors que le lot n° 3 lui avait été attribué et que le conseil municipal avait autorisé le maire à signer le marché, la décision du 1er décembre 2022 doit être regardée comme prononçant la résiliation du contrat ;
- la décision est entachée du vice de l'incompétence de son auteur ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 2195-4 du code de la commande publique comme les documents contractuels, dont les prescriptions qui prévoient la procédure de résiliation en cas de redressement judiciaire n'ont pas été respectées.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 février 2023, la commune de Mérignac, représentée par le cabinet HMS Atlantique Avocats, conclut au rejet de la requête de la société Belliard.
Elle fait valoir que la demande est irrecevable dès lors que le contrat n'a pas été signé, de sorte qu'il n'y a pas eu de résiliation ; par voie de conséquence elle n'a commis aucune faute de nature à entrainer l'indemnisation d'un préjudice.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- l'ordonnance n° 2300057 du 24 janvier 2023 du juge des référés.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " ()les présidents de formation de jugement des tribunaux () peuvent, par ordonnance : / () 4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser () ".
2. La société Belliard demande au tribunal d'annuler la décision du 1er décembre 2022 par laquelle la commune de Mérignac a prononcé la résiliation du lot n° 3, relatif aux charpentes bois et métallique, du marché de travaux de construction du gymnase dit de Chemin Long, de prononcer la reprise provisoire des relations contractuelles entre la commune de Mérignac et elle-même dans le cadre du marché précité et de condamner la commune de Mérignac à l'indemniser de la résiliation illégale de ce marché.
3. Le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles : elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation.
4. Il résulte de l'instruction que, par un avis public à la concurrence publié le 17 mai 2022, la commune de Mérignac a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour la passation d'un marché de travaux, constitué de 18 lots, ayant pour objet la construction d'un gymnase sur un terrain situé 116, rue du Pradas. La société Belliard a présenté une offre pour le lot n° 3, relatif aux charpentes bois et métallique. Réunie le 26 septembre 2022, la commission d'appel d'offres a décidé d'attribuer ledit lot à cette société. Par une délibération du 3 octobre 2022 du conseil municipal, le maire de Mérignac a été autorisé à signer le marché. Toutefois, ayant été informée que la société Belliard faisait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, par jugement du 8 juillet 2022 du tribunal de commerce de Laval qui a fixé l'état de cessation de paiement au 1er juillet 2022 et a soumis la société à une période d'observation de six mois, la commune de Mérignac a signifié à ce candidat, par lettre du 1er décembre 2022, le rejet de son offre et l'attribution du marché au candidat placé en deuxième position.
5. L'attribution du lot n° 3 du marché en cause par la commission d'appel d'offre ne conférait, par elle-même, aucun droit à la SAS Belliard. Si le conseil municipal de Mérignac s'est approprié les attributions retenues par la commission d'appel d'offres et a autorisé le maire à passer les contrats correspondants, il est constant qu'aucun marché n'a été effectivement signé entre la commune et la société requérante. Par suite la société Béliiard n'est pas fondée à saisir le juge du contrat et à se prévaloir de relations contractuelles auxquelles la commune de Mérignac aurait mis un terme par la décision contestée du 1er décembre 2022. Cette décision n'ayant pas ainsi pour objet la résiliation d'un contrat, les conclusions présentées devant le juge du contrat et tendant à son annulation en vue de la reprise des relations contractuelles ne sont pas recevables et doivent, pour ce motif, être rejetées. Par voie de conséquence, les conclusions indemnitaires de la société requérante tendant à la condamnation de la commune de Mérignac à l'indemniser en raison de la résiliation illégale du contrat, doivent également être rejetées pour ce même motif.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mérignac, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme dont la société Belliard demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
O R D O N N E:
Article 1er : La requête de Belliard est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Belliard et à la commune de Mérignac.
Fait à Bordeaux, le 4 mai 2023.
La présidente de la 1ère chambre,
F. ZUCCARELLO
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme.
Le greffier,