CAA de Nancy, 10 janvier 2024, n°24NC00054


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu les autres pièces du dossier,

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Par jugement du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Strasbourg, saisi par le Centre hospitalier Robert Pax de Sarreguemines du litige l'opposant aux sociétés Gerflor, Tarkett et Forbo Salino s'agissant du marché de fourniture de produits de revêtement de sol lors de la construction du nouvel hôpital de Sarreguemines suite à la condamnation de ces sociétés par l'autorité de la concurrence pour entente anticoncurrentielle, a, avant dire droit, ordonné une expertise en vue de fournir au tribunal tous les éléments permettant de déterminer le montant des préjudices matériel et financiers subis par le centre hospitalier et d'apprécier notamment le montant des surcoûts résultants des manœuvres des sociétés. Le tribunal confiait à l'expert mission de se faire communiquer tous documents, contractuels ou non, utiles à l'accomplissement de sa mission. L'expert désigné a demandé aux sociétés concernées la production d'un certain nombre de pièces. La société Gerflor n'ayant pas donné suite à cette demande en se prévalant du secret des affaires, la magistrate en charge de l'expertise lui a indiqué, par courrier du 17 novembre 2023, que le secret des affaires invoqué ne s'opposait pas à la communication de ces pièces et lui demandait de les adresser à l'expert ou, à défaut, de produire toute explication utile pour justifier sa carence. Par courriers des 2 et 4 décembre 2023, la société Gerflor confirmait son refus de communiquer ces documents.

2. Par courrier du 14 décembre 2023, la magistrate en charge des expertises considérait que les annexes reprenant des rapports produits devant la cour d'appel de Paris devaient être versées à la procédure contradictoire et enjoignait à la société Gerflor de communiquer à l'expert les rapports d'expertise judiciaire ou de partie produits devant les juridictions judiciaires et administrative dans un délai de 10 jours à compter de la réception du présent courrier, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard. La société Gerflor doit être regardée comme demandant à la cour d'annuler ce courrier.

3. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, () peuvent, par ordonnance : () 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (). Aux termes de l'article R. 621-1-1 du code de justice administrative : " Le président de la juridiction peut désigner au sein de sa juridiction un magistrat chargé des questions d'expertise et du suivi des opérations d'expertise. / L'acte qui désigne le magistrat chargé des expertises peut lui déléguer tout ou partie des attributions mentionnées aux articles R. 621-2, R. 621-4, R. 621-5, R. 621-6, R. 621-7-1, R. 621-8-1, R. 621-11, R. 621-12, R. 621-12-1 et R. 621-13 ". Enfin, aux termes de l'article R. 621-7-1 du même code : " Les parties doivent remettre sans délai à l'expert tous documents que celui-ci estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission. / En cas de carence des parties, l'expert en informe le président de la juridiction qui, après avoir provoqué les observations écrites de la partie récalcitrante, peut ordonner la production des documents, s'il y a lieu sous astreinte, autoriser l'expert à passer outre, ou à déposer son rapport en l'état. / Le président peut en outre examiner les problèmes posés par cette carence lors de la séance prévue à l'article R. 621-8-1. / La juridiction tire les conséquences du défaut de communication des documents à l'expert ".

4. Par le courrier contesté, pris en application de l'article R. 621-7-1 du code de justice administrative, la magistrate en charge des expertises, après avoir recueilli les observations de la société Gerflor a constaté que le refus de communiquer différents rapports d'expertise judiciaire ou de partie produits devant les juridictions judiciaires et administratives ne pouvait être justifié par la protection du secret des affaires et que cette communication était nécessaire, dans l'intérêt d'une bonne justice, afin de permettre à l'expert d'accomplir sa mission.

5. Alors même que cette injonction est assortie d'une astreinte, elle n'est que la mise en œuvre des pouvoirs conférés au magistrat en charge de l'expertise par les dispositions précitées et est indissociable du déroulement de la procédure d'expertise menée sous son autorité et régie par les articles R. 621-7 à R.621-12-1 du code de justice administrative. Il résulte notamment du dernier alinéa de l'article R. 621-7-1 que seule la juridiction saisie tire les conséquences du défaut de communication des documents à l'expert et, à ce titre, peut, par exemple, constater l'inutilité d'une telle communication ou apprécier la pertinence du refus opposé. Par suite, le courrier contesté de la magistrate en charge des expertises ne constitue pas une décision à caractère juridictionnel ni n'est revêtue de l'autorité de la chose jugée et ne fait donc pas partie des décisions pouvant être contestées en appel. La requête de la société Gerflor tendant à son annulation est dès lors manifestement irrecevable et ne peut qu'être rejetée.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la Société Gerflor est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Société Gerflor. Copie en sera adressée au président du tribunal administratif de Strasbourg.

La présidente,

Signé : P. Rousselle

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière,