TA Melun, 04/08/2023, n°2307343

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 juillet 2023, la société par actions simplifiée (SAS) MGF, représentée par Me Pilorge, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'annuler la décision de rejet notifiée le 4 juillet 2023 par laquelle l'Union des groupements d'achats publics (" UGAP ") a écarté son offre de la procédure litigieuse ;

2°) d'enjoindre à l'UGAP de reprendre la procédure au stade de la demande des justificatifs et de la signature des documents contractuels et d'impartir en conséquence un nouveau délai à la requérante pour les produire.

La requérante soutient qu'attribuer le marché à Arcade cycles, ainsi que l'indique l'UGAP dans la décision contestée, emporterait une rupture d'égalité entre les candidats en tant qu'elle n'aurait pas été mise sur un pied d'égalité avec les autres concurrents du fait du comportement de l'URSSAF.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2023, l'Union des groupements d'achats publics (" UGAP ") conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que le marché a été signé le 17 juillet 2023.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 28 juillet 2023, la SAS MGF demande au juge des référés sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-20 du code de justice administrative de prononcer la nullité du contrat relatif au lot n° 1 du marché public n° 22U015.

La requérante soutient que :

- en signant le marché litigieux, l'UGAP admet implicitement mais nécessairement l'illégalité de la décision du 4 juillet 2023 ;

- elle est en droit de transformer en référé contractuel, le référé précontractuel qu'elle avait initialement engagé ;

- les dispositions de l'article L. 551-18 du code de justice administrative ont été méconnues ;

- elle a été privée d'un recours effectif par la signature du contrat ;

- la rupture d'égalité entre candidats constitue un manquement aux règles de mise en concurrence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2023, l'UGAP maintient ses conclusions de rejet en faisant valoir que les nouveaux moyens développés par la requérante ne sont pas fondés, que dès lors que le plan de redressement de la société avait été résolu en juillet 2022, soit avant sa réponse à l'appel d'offres, sa candidature devait être exclue de la procédure sur le fondement de l'article L. 2141-3 du code de la commande publique, que les informations communiquées dans la déclaration du candidat n'étaient pas sincères et qu'elle a été contrainte de manière tout à fait exceptionnelle de signer le marché alors même qu'elle avait été informée du recours dès lors que celui-ci présentait un caractère abusif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. Meyrignac, premier conseiller, pour statuer en tant que juge des référés en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties de la date de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 1er août 2023 :

- le rapport de M. Meyrignac ;

- les observations de Me Pilorge, représentant la société MGF, qui maintient ses conclusions et moyens et demande le prononcé de la nullité du contrat qu'en tant qu'il n'a été accordé qu'à la société Arcade Cycles, qu'elle n'a pas été en mesure de produire l'attestation de vigilance dans les délais requis du fait de l'immobilisme de l'URSSAF et qu'aucun délai maximal n'aurait dû lui être opposé pour la production de ce document, dès lors que seules deux candidatures ont été retenues ;

- et les observations de Mme B, représentant l'UGAP, qui maintient ses conclusions de rejet en faisant valoir qu'elle avait déjà accordé un report, que la requérante qui a bénéficié de 40 jours de délai pour produire l'attestation en cause, ne l'a toujours pas produite, qu'il n'y a pas de manquement du pouvoir adjudicataire en l'espèce, ni de régularisation possible et que la signature du contrat alors même qu'elle avait été avertie de l'existence du référé précontractuel se justifie par la perte d'une importante commande au profit d'un concurrent ce qui ne lui permettait pas de retarder de nouveau la signature du contrat.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à concurrence n° 22U015, l'Union des groupements d'achats publics (UGAP) a lancé une consultation pour la passation d'un marché public ayant pour objet l'" acquisition de véhicules deux roues électriques et thermiques de types trottinettes, vélos, scooters, motos, quads/SSV et versions dérivées ". Par un courrier du 26 avril 2023, l'UGAP a averti la SAS MGF que son offre avait été retenue pour les lots n° 1 et n° 4 et lui a demandé de produire les documents prévus par l'article R. 2144-4 du code de la commande publique en précisant qu'à défaut de production de ces documents dans un délai de 20 jours francs, sa candidature serait déclarée irrecevable et éliminée conformément aux dispositions de l'article R. 2144-7 du même code. En l'absence de production de ces documents et à la demande de la société, l'UGAP a, par un courrier du 16 mai 2023, décidé d'accorder un nouveau délai de 20 jours francs pour produire lesdits documents en rappelant de nouveau que l'absence de production de ces documents rendrait irrecevable cette candidature. Par décision du 4 juillet suivant, l'UGAP a informé la société que son offre avait été jugée irrégulière pour le lot n° 1 faute d'avoir fourni les documents demandés. Par la présente requête, la société MGF demande, dans le dernier état de ses écritures, la nullité du contrat qu'en tant qu'il n'a été accordé qu'à la société Arcade Cycles.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Selon ces dispositions, les pouvoirs conférés au juge administratif, en vertu de la procédure spéciale instituée par les articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative, ne peuvent plus être exercés après la conclusion du contrat.

3. Il résulte de l'instruction, notamment de l'acte d'engagement produit en annexe au mémoire en défense, que le marché litigieux, qui a été attribué à la société Arcades Cycles, a été signé par un représentant de l'UGAP, le 17 juillet 2023. Par suite, la procédure instituée par l'article L. 551-1 du code de justice administrative ne pouvait plus, à compter de cette date, être mise en jeu.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 551-13 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi, une fois conclu l'un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d'un recours régi par la présente section ". Aux termes de l'article L. 551-14 du même code : " Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sont soumis ces contrats, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas des contrats passés par une collectivité territoriale ou un établissement public local ". Aux termes de l'article L. 551-18 dudit code : " () Le juge prononce également la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 si, en outre, deux conditions sont remplies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d'exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 et L. 551-5, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat ". Enfin, selon l'article L. 551-20 du même code : " Dans le cas où le contrat a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9, le juge peut prononcer la nullité du contrat, le résilier, en réduire la durée ou imposer une pénalité financière ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'en ce qui concerne l'ensemble des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5 du code de justice administrative, les manquements susceptibles d'être utilement invoqués dans le cadre du référé contractuel sont, comme les sanctions auxquelles ils peuvent donner lieu, limitativement définis notamment à l'article L. 551-18 du même code. Ainsi, le juge des référés ne peut prononcer la nullité mentionnée à l'article L. 551-18, c'est-à-dire annuler le contrat ou, le cas échéant, prendre les autres mesures prévues à l'article L. 551-20, que dans les conditions prévues à ces articles.

6. Dans le cadre de ses dernières écritures, la requérante indique être en droit, après avoir eu connaissance de la signature du marché, de transformer le référé précontractuel qu'elle avait initialement présenté en référé contractuel.

7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que par courrier du 26 avril 2023, l'UGAP a informé la société MGF que son offre était retenue pour les lots n° 1 et n° 4 et lui a demandé de produire notamment les documents prévus par l'article R. 2144-4 du code de la commande publique en précisant qu'à défaut de production de ces documents dans un délai de 20 jours francs, sa candidature sera déclarée irrecevable et éliminée conformément aux dispositions de l'article R. 2144-7 du même code, selon lesquelles " Si un candidat ou un soumissionnaire se trouve dans un cas d'exclusion, ne satisfait pas aux conditions de participation fixées par l'acheteur, produit, à l'appui de sa candidature, de faux renseignements ou documents, ou ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs, les moyens de preuve, les compléments ou explications requis par l'acheteur, sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé ". Un nouveau délai de 20 jours francs a été accordé à la société pour produire ces documents par un courrier du 16 mai 2023. Il est constant que la requérante n'a pas obtenu de l'URSSAF l'attestation de vigilance qu'elle était tenue de produire et n'a donc pas été en mesure de transmettre ce document. Dès lors, l'UGAP était en droit de tirer les conséquences de cette absence de transmission en informant la société, par la décision du 4 juillet 2023, que son offre avait été jugée irrégulière pour le lot n° 1, sans que la société MGF puisse utilement faire valoir qu'elle justifie de démarches entreprises pour obtenir cette attestation auprès de l'URSSAF, qu'elle a informé l'UGAP de l'existence de ces démarches, que le retard pris dans l'obtention de ce document résulte uniquement de l'immobilisme de l'URSSAF, qu'elle serait sur le point d'obtenir finalement cette attestation et qu'il y aurait, sans plus de précisions, rupture d'égalité entre les candidats.

8. En second lieu, si la société requérante mentionne dans ses écritures que le marché litigieux a été signé pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 du code de justice administrative, alors qu'elle avait introduit un référé précontractuel, elle ne démontre, en tout état de cause, pas que les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles la passation du contrat est soumise ont été méconnues d'une manière affectant ses chances d'obtenir le contrat au sens de l'article L. 551-18 du code de justice administrative.

9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin de nullité du contrat présentées par la société MGF doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction.

O R D O N N E

Article 1er : La requête de la société MGF est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SAS MGF et à l'Union des groupements d'achats publics.

Fait à Melun, le 4 août 2023.

Le juge des référés, La greffière,

Signé : P. MeyrignacSigné : M. A

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N°2307343