TA Montpellier, 16/02/2023, n°2102016

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 avril, 27 juillet et 27 octobre 2021, l'Association mouvement environnement et patrimoine (MEP) demande au tribunal :

1°) d'annuler la délibération du 8 décembre 2020 par laquelle le conseil municipal de Montbrun-des-Corbières a autorisé la société Valorem à procéder à l'étude de faisabilité du projet de parc photovoltaïque sur les lieux-dits " l'Homme mort " et le " Debès " et a autorisé le maire à signer les documents relatifs à ce projet, notamment promesse de bail, servitudes et bail emphytéotique, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux exercé le 20 décembre 2020, et reçu le 24 suivant ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Montbrun-des-Corbières les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la société Valorem n'est pas recevable à intervenir ;

*la délibération est illégale dès lors que :

- des conseillers municipaux intéressés au projet ont pris part aux débats lors des réunions qui ont abouti à l'adoption de la délibération attaquée, en méconnaissance de l'article

L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;

- elle autorise le maire à signer les actes subséquents alors qu'il est intéressé au projet en méconnaissance de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;

- à titre subsidiaire, l'adjointe administrative à la mairie officiant en qualité d'adjointe à la secrétaire de séance est elle aussi intéressée au projet dès lors qu'elle associé d'un GFA propriétaire de deux parcelles sur le site ;

- elle méconnait la charte déontologique énoncée à l'article L. 1111-1-1 du code général des collectivités territoriales et l'article 1er de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

Par des mémoires en intervention enregistrés les 11 juin et 10 novembre 2021, la société Valorem conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'association MEP au titre de l'article L. 761-1 code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir eu égard à l'objet social déclaré de l'association qui est trop général ;

- les documents demandés par l'association n'existent pas dès lors qu'il ne s'agit pas d'un marché public, mais d'un appel à projet à la suite d'une candidature spontanée ; et la commune n'était pas contrainte de mettre en place une telle procédure s'agissant de parcelles de son domaine privé ; la CADA a rendu un avis défavorable à la demande de l'association le 15 avril 2021 ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 août 2021 et le 17 janvier 2022, la commune de Montbrun-des-Corbières, représentée par la Selarl Pinet et Associés conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'association MEP.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir eu égard à son objet social ;

- la requête est irrecevable pour défaut de capacité à agir ;

- les documents demandés n'existent pas ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A ;

- les conclusions de M. Lauranson, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Mouvement Environnement et Patrimoine (MEP) demande l'annulation de la délibération du 8 décembre 2020 par laquelle le conseil municipal de Monbrun-des-Corbières (Aude) a autorisé la société Valorem à procéder à l'étude de faisabilité du projet de parc photovoltaïque sur les lieux-dits " l'Homme mort " et le " Debès " et a autorisé le maire à signer les documents relatifs à ce projet, notamment promesse de bail, servitudes et bail emphytéotique, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux exercé le 20 décembre 2020, et reçu le 24 suivant.

Sur la qualité à l'instance de la société Valorem :

2. Doit être regardée comme une partie à l'instance, ayant à ce titre qualité pour soulever une telle question, la personne qui a été invitée par la juridiction à présenter des observations et qui, si elle ne l'avait pas été, aurait eu qualité pour former tierce opposition contre cette décision.

3. Dès lors que la délibération attaquée désigne la société Valorem comme seule société autorisée à développer un projet photovoltaïque sur les zones désignées de la commune de Montbrun-des-Corbières, l'annulation de cette délibération préjudicierait à ses droits. Dans ces conditions, la société Valorem doit être regardée comme ayant la qualité de partie dans la présente instance et la fin de non-recevoir doit être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales dans sa version alors en vigueur : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ". Il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l'adoption d'une délibération, d'une personne intéressée à l'affaire qui fait l'objet de cette disposition est de nature à entraîner l'illégalité de cette disposition. De même, la participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération, d'une personne intéressée à l'affaire qui fait l'objet de cette disposition, est susceptible de vicier la légalité de cette disposition, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d'une participation au vote de la disposition litigieuse, dès lors que la personne intéressée a été en mesure d'exercer une influence effective sur la délibération litigieuse.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'un premier projet de création d'une centrale photovoltaïque a été envisagé en 2010 sur les territoires des communes de Montbrun-des-Corbières, Saint Couat-d'Aude et Roquecourbe-Minervois et que des permis de construire ont été accordés en 2012. Ce projet était situé en zone " Ner " du plan local d'urbanisme de la commune de Montbrun-des-Corbières strictement réservée à l'implantation d'un parc photovoltaïque, laquelle est conforme à l'objectif du schéma de cohérence territoriale de la communauté d'agglomération du Grand Narbonne de renforcer le potentiel de production des énergies renouvelables. Ce projet a finalement été abandonné en 2020. En juin 2020, la société Valorem a sollicité la commune pour la création de deux parcs photovoltaïques cumulant environ 50 mégawatts de puissance maximale sur 50 hectares sur deux territoires de la commune de Montbrun-des-Corbières aux lieux-dits " l'Homme mort " et le " Debès " dont les parcelles appartiennent à des propriétaires privés et au domaine privé de la commune pour 36% de la surface. Suite à cette manifestation spontanée, la commune de Montbrun-des-Corbières a publié un appel à projet et a reçu deux candidatures. Par la délibération attaquée, le conseil municipal a choisi le projet porté par la société Valorem.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier et des termes mêmes de la délibération que le maire et quatre conseillers municipaux, propriétaires de parcelles sur les zones d'implantation des projets, qui se sont retirés de la séance au cours de laquelle le conseil municipal a adopté la délibération attaquée au motif qu'ils s'estimaient intéressés par le projet, n'ont participé ni au débat, ni au vote. Ensuite, la circonstance que l'adjointe à la secrétaire de la séance du conseil municipal serait elle-même propriétaire de parcelles, via un groupement d'intérêt foncier, est sans influence dès lors qu'elle n'est pas conseillère municipale et n'a participé ni au vote ni au débat, quand bien même elle était présente.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et de ce qui a été dit au point 3 que la commune de Montbrun-des-Corbières était favorable, a minima depuis le début des années 2010, à l'installation d'une centrale photovoltaïque sur les territoires concernés par l'actuel projet, eu égard aux permis de construire accordés en 2012 et au classement en 2011 de ces parcelles en zone Ner du plan local d'urbanisme. Dès lors, la seule présence du maire et des quatre conseillers municipaux, lors de la présentation des projets portés par les deux sociétés candidates durant la séance du conseil municipal où il s'agissait de seulement départager les deux offres concurrentes, n'a pas été de nature à influencer le choix ou non d'installer une centrale photovoltaïque sur les parcelles dont les uns ou les autres étaient propriétaires, celles-ci ayant déjà, règlementairement, toute vocation à être affectées à l'implantation d'un parc photovoltaïque. Par suite, la première branche du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales doit être écartée

8. Enfin, et pour les mêmes motifs qu'énoncés aux points 4 et 5, la délibération attaquée, en autorisant le maire à signer les actes subséquents d'exécution, ne méconnait pas l'article

L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales. La deuxième branche du moyen doit être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1111-1-1 du code général des collectivités territoriales : " () 2. Dans l'exercice de son mandat, l'élu local poursuit le seul intérêt général, à l'exclusion de tout intérêt qui lui soit personnel, directement ou indirectement, ou de tout autre intérêt particulier. () ". Et aux termes de l'article 1er de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique : " () les personnes titulaires d'un mandat électif local ainsi que celles chargées d'une mission de service public exercent leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité et veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d'intérêts. () ".

10. Il ressort des pièces du dossier que la production d'énergie renouvelable, notamment photovoltaïque, contribue à l'intérêt général de la commune, en lui permettant de valoriser son domaine privé. Par ailleurs, et pour les mêmes motifs qu'exposés aux points 3 à 5, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précités doit être écarté dès lors que le maire et les quatre conseillers municipaux n'ont pas participé au débat et au vote de la délibération attaquée, et n'ont pas exercé d'influence lors des réunions de présentations des deux offres concurrentes.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la requête doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir.

Sur les frais liés au litige :

12. Aucun dépens n'a été exposé au cours de ces instances. Les conclusions présentées par l'association MEP tendant à la condamnation de la commune de Montbrun-des-Corbières aux entiers dépens ne peuvent ainsi qu'être rejetées.

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'association MEP le versement à la commune de Montbrun-des-Corbières et la société Valorem chacune d'une quelconque somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association Mouvement Environnement et Patrimoine est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Mouvement Environnement et Patrimoine, à la commune de Montbrun-des-Corbières et à la société Valorem.

Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Souteyrand, président,

M. Huchot, premier conseiller,

Mme Lesimple, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2023.

Le rapporteur,

N. A

Le président,

E. Souteyrand

La greffière,

M.-A Barthélémy.

La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Montpellier le 16 février 2023,

La greffière,

M.-A Barthélémy.