Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 novembre 2023 et 6 février 2024, la manufacture d'orgues A doit être regardée comme demandant au tribunal :
1°) d'annuler le marché public de restauration de l'orgue de l'église Sainte Marie de l'Assomption à Willer, conclu entre la fabrique de la paroisse catholique de Willer et la société Hubert Brayé ;
2°) d'annuler la décision de renoncer à la procédure de passation du marché public de restauration de l'orgue de l'église Sainte Marie de l'Assomption à Willer ;
3°) de condamner la fabrique de la paroisse catholique de Willer à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui a causé la renonciation à la procédure de passation du marché public de restauration de l'orgue de l'église Sainte Marie de l'Assomption à Willer.
Elle soutient que :
- la procédure de passation est irrégulière dès lors que les offres ont été ouvertes en amont de la réunion du conseil de fabrique par sa seule présidente ;
- elle est irrégulière faute de preuve de la date de dépôt de l'offre concurrente ;
- elle est irrégulière, la présidente du conseil de fabrique ayant un lien familial avec le gérant de la société retenue et se trouvant ainsi en situation de conflit d'intérêt ;
- elle est irrégulière faute d'estimation budgétaire ;
- la commune, propriétaire de l'instrument, n'a pas été consultée ;
- dès lors que l'offre d'un candidat était irrégulière, le marché devait être attribué au seul autre candidat, la manufacture d'orgues A ;
- la renonciation fautive à la procédure de passation lui a causé un préjudice correspondant à 94 heures de travail pour la réalisation de l'offre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2024, la fabrique de la paroisse catholique de Willer, représentée par Me Galland, conclut au non-lieu à statuer.
Elle soutient que, par délibération du conseil de fabrique du 6 janvier 2024, elle a annulé la procédure de passation engagée et a décidé d'engager une nouvelle procédure de passation.
Par ordonnance du 14 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 22 mai 2024.
La requête a été communiquée à la société Hubert Brayé, qui n'a pas produit de mémoire.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions à fins d'annulation du contrat conclu entre la fabrique de la paroisse catholique de Willer et la société Hubert Brayé sont irrecevables comme dépourvues d'objet, un tel contrat n'ayant pas été conclu.
Une réponse a été enregistrée pour la fabrique de la paroisse catholique de Willer le 3 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dobry,
- les conclusions de M. Boutot, rapporteur public,
- les observations de M. A, représentant la manufacture d'orgues A,
- et les observations de Me Galland, représentant la fabrique de la paroisse catholique de Willer.
Considérant ce qui suit :
1. Le conseil de fabrique de la paroisse catholique de Willer dans le Haut-Rhin a engagé une procédure d'appel d'offres en vue de la réalisation de travaux de restauration de l'orgue de l'église Notre-Dame de l'Assomption située sur le territoire de la commune de Willer. La manufacture d'orgues A et la société Hubert Brayé ont toutes deux déposé une offre. Par délibération du 4 novembre 2023, le conseil de fabrique a décidé d'attribuer le marché à la société Hubert Brayé.
2. Tout d'abord, par la présente requête, la manufacture d'orgues A demande l'annulation du contrat conclu entre la fabrique et la société Hubert Brayé. Il résulte toutefois de l'instruction qu'aucun contrat n'a été signé à l'issue de la procédure d'attribution litigieuse, de sorte que les conclusions à fin d'annulation du contrat étaient sans objet dès la date d'enregistrement de la requête. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la fabrique, il y a lieu de statuer sur ces conclusions, pour les rejeter comme étant irrecevables.
3. Ensuite, la manufacture d'orgues A, qui soutient que le marché aurait dû lui être attribué du fait de l'irrégularité de l'offre de son seul concurrent, doit être regardée comme demandant également l'annulation de la décision du conseil de fabrique de mettre fin à la procédure de passation mentionnée au point 1.
4. Une collectivité publique a la faculté de ne pas donner suite à un appel d'offres pour un motif d'intérêt général. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le conseil de fabrique a mis fin, par une délibération du 6 janvier 2024, à la procédure de passation susvisée en raison d'irrégularités susceptibles d'en affecter la validité, lesquelles ne sont pas contestées par la manufacture d'orgues A. Or, l'irrégularité de la procédure de passation constitue un motif d'intérêt général justifiant qu'il y soit mis fin au profit de la mise en œuvre d'une nouvelle procédure.
5. Enfin, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. () "
6. Malgré une demande de régularisation qui lui a été adressée, la manufacture d'orgues A n'a pas établi avoir saisi la fabrique d'une demande préalable d'indemnisation. Par suite, en application des dispositions précitées, sa demande indemnitaire présentée directement devant le tribunal ne peut qu'être déclarée irrecevable.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la manufacture d'orgues A doit être rejetée.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la manufacture d'orgues A est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la manufacture d'orgues A, à la fabrique de la paroisse catholique de Willer et à la société Hubert Brayé.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rees, président,
Mme Merri, première conseillère,
Mme Dobry, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.
La rapporteure,
S. DOBRY
Le président,
P. REES La greffière,
V. IMMELE
La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,