CAA de Bordeaux, 28 novembre 2023, n°22BX02246
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La communauté d'agglomération du Pays basque, venant aux droits de la communauté de communes du pays d'Hasparren, a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner solidairement les sociétés Cabinet Michel Arrayet et Sobamat, ou subsidiairement seule cette dernière société sur le fondement du défaut de conseil au maître de l'ouvrage, à lui verser une somme de 841 617,26 euros en réparation des désordres dont est affectée la zone d'activité Mendiko Borda.
Par un jugement n° 1601856 du 15 juin 2022, le tribunal administratif de Pau a condamné solidairement les sociétés Sobamat et Cabinet Michel Arrayet à verser à la communauté d'agglomération du Pays basque (CAPB) la somme de 841 617 euros, les sociétés se garantissant respectivement de la condamnation à hauteur de 50 %.
Procédures devant la Cour :
I. Sous le n° 22BX02189, par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 août 2022 et le 22 juin 2023, la SARL Cabinet Michel Arrayet, représentée en dernier lieu par le cabinet Casanova-Maungourd-Thaï Thong, agissant par Me Thaï Thong, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 22 juin 2023 ;
2°) de rejeter la demande de première instance et, à défaut, de condamner les sociétés Sobamat et Ingesol à la garantir des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 90 % ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Pays basque une somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la communauté d'agglomération n'a ni intérêt ni qualité pour agir, dès lors qu'elle n'est plus propriétaire de l'ouvrage et ne bénéficie d'aucune action subrogatoire puisque les propriétaires concernés n'ont engagé aucune action à son encontre, ou tout au plus sur les deux lots de la zone " a " ;
- elle n'a pas davantage qualité pour agir sur le fondement de la garantie décennale ;
- l'action en garantie décennale des propriétaires est elle-même prescrite ;
- la requête du 28 septembre 2016 était insuffisamment motivée et ne pouvait plus être régularisée après l'expiration du délai de recours contentieux ;
- l'action en garantie décennale était prescrite lors de l'enregistrement du mémoire en réplique ;
- elle n'a commis ni manquement grave, ni manquement volontaire à ses obligations contractuelles ;
- il n'existait aucune non-conformité apparente au moment des opérations de réception, si bien qu'aucun défaut de conseil ne peut lui être reproché ;
- la société Ingesol, dont les études étaient, soit erronées, soit trop optimistes, et la société Sobamat, responsable de l'exécution des travaux, ont commis des fautes, justifiant qu'elles la garantissent à hauteur de 90 % ;
- le régime de garantie décennale, qui doit être appliquée par priorité et dont les conditions sont remplies, devait être appliqué ;
- les demandes indemnitaires de la communauté d'agglomération ne peuvent être fondées sur le recours entre constructeurs ;
- le régime de responsabilité trentenaire n'était pas applicable puisque le délai de garantie décennale n'était pas expiré ;
- la responsabilité trentenaire ne pouvait être retenue par le tribunal dès lors qu'à supposer même que les fautes puissent être qualifiées de graves, il faudrait qu'elle les ait commises volontairement.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 janvier, 26 mai et 21 juin 2023, la communauté d'agglomération du Pays basque (CAPB), représentée par la SELARL Cabinet Cambot, agissant par Me Cambot, conclut au rejet de la requête, à ce que son indemnisation soit portée à la somme de 882 557 euros et, en outre, à ce que soit mise à la charge de la société Cabinet Michel Arrayet une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- même si elle n'avait plus la qualité de maître de l'ouvrage, elle disposait d'un intérêt à agir, puisqu'elle avait spontanément reconnu sa responsabilité sur le fondement de l'article 1792-1 du code civil et accepté de préfinancer les travaux ; cet intérêt n'est pas subordonné à une condamnation en justice mais à la réunion des critères légaux et jurisprudentiels pour l'engagement de sa responsabilité décennale ; l'ensemble des propriétaires ont accepté que les travaux soient réalisés ;
- l'interruption du délai de prescription est intervenue pour l'ouvrage tout entier à l'initiative du propriétaire du lot n° 13 ; le délai de prescription entre constructeurs n'a pas commencé à courir ;
- si les non-conformités affectant l'ouvrage étaient apparentes au moment de la réception, il n'en allait pas de même des désordres affectant sa solidité ; dès lors la responsabilité des constructeurs devait être engagée sur le fondement de la garantie décennale ;
- les travaux de la troisième tranche se sont élevés à 122 732 euros au lieu des 81 792 euros évalués par l'expert ;
- les autres moyens soulevés par la société Cabinet Michel Arrayet ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 2 juin 2023, la société d'exploitation des bâtiments Aguerre conclut à sa mise hors de cause et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de toute partie succombante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucune conclusion n'est formulée à son encontre.
Par un mémoire, enregistré le 2 juin 2023, la société à responsabilité limitée Ingesol, représentée par Me Lopez, conclut :
1°) à titre principal, à la réformation du jugement du tribunal administratif de Pau du 15 juin 2022 en tant qu'il fait droit aux conclusions de la communauté d'agglomération du Pays basque sur le fondement de la responsabilité contractuelle des constructeurs, et au rejet de la demande de la communauté d'agglomération ;
2°) à titre subsidiaire, à sa mise hors de cause ;
3°) à ce que soit mise à la charge de toutes les parties succombantes une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a commis aucun manquement auquel la survenance des désordres serait imputable ;
- la communauté d'agglomération du Pays basque ne pouvait agir sur le fondement de la garantie décennale, n'étant plus maître d'ouvrage ; la garantie décennale était prescrite à la date à laquelle les propriétaires ont entendu lui céder leurs droits ; les travaux engagés l'ont été postérieurement à l'expiration du délai ; elle ne pouvait davantage agir en qualité de constructeur sur le fondement de l'article 1792-1 du code civil, sur le fondement de la responsabilité contractuelle comme extracontractuelle ;
- la connaissance des désordres à venir par les constructeurs n'est pas démontrée ;
- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis des sociétés Sobamat ou Cabinet Michel Arrayet ; les fautes de ces dernières sont de nature à l'exonérer de toute responsabilité.
Par un mémoire, enregistré le 7 juillet 2023, la société Sobamat, représentée par Me Dupont, conclut :
1°) par la voie de l'appel provoqué, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Pau du 15 juin 2022 et au rejet de la demande de première instance, si nécessaire après avoir ordonné avant-dire-droit une expertise ;
2°) subsidiairement, à ce que les sociétés Cabinet Michel Arrayet et Ingesol soient condamnées à la garantir à hauteur d'un tiers chacune ;
3°) à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération du Pays basque une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la communauté d'agglomération du Pays basque n'avait pas qualité pour agir sur le fondement de la garantie décennale, n'étant plus maître d'ouvrage ; elle n'a elle-même pas été actionnée par les propriétaires des ouvrages, dont l'action en garantie décennale est prescrite ; ainsi la communauté d'agglomération ne peut prétendre exercer plus de droit que ces propriétaires, et ne peut agir, ni sur le fondement de l'article 1792-1 du code civil, ni au titre d'une action récursoire, ni au titre d'une action subrogatoire ;
- cette question a été éludée par le tribunal ;
- elle n'a commis aucune faute assimilable à une fraude ou à un dol ;
- une partie des opérations d'expertise a été menée hors contradictoire ;
- l'expert a été interrogé sur des questions de droit ;
- le sapiteur, la société Egis, a réalisé des études et diagnostics dans le cadre de l'expertise en vue de travaux dont elle allait assurer la maîtrise d'œuvre, tandis que l'expert a également excédé le cadre de sa mission en réalisant un suivi de chantier et la prescription de travaux ;
- les conclusions de l'expertise sont grossièrement erronées s'agissant de l'épaisseur de l'enrochement et du volume des matériaux ; quant à l'ancrage, il a pu être réduit par les travaux effectués postérieurement sur les terrains, et est en tout état de cause sans incidence sur les désordres constatés ;
- le défaut d'exécution quant à l'alignement des blocs de pierre était apparent au moment de la réception, si bien que seule la responsabilité du maître d'œuvre peut être engagée ce titre ;
- le maître d'œuvre, dont les études initiales étaient inadaptées a commis une faute dans la définition des mesures compensatoires liées à l'instabilité du talus ;
- la société Ingesol a commis des fautes en produisant des études erronées et en ne prenant pas en compte un glissement de terrain antérieur à la réalisation de ses études ;
- son action à l'égard de cette société n'est pas atteinte par la prescription quinquennale ;
- en l'absence d'action engagée par les propriétaires des lots 9 à 12, la condamnation ne peut porter sur les travaux réalisés sur ces lots.
La clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2023 à 12h par une ordonnance du 7 juillet 2023.
Vu le mémoire, présenté pour la société Cabinet Michel Arrayet, enregistré le 15 septembre 2023 à 16 h 15 après la clôture d'instruction.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions d'appel en garantie formées par la société Sobamat à l'encontre de la société Ingesol, les deux sociétés étant liées entre elles par un contrat de droit privé.
La société Ingesol a présenté des observations sur ce moyen d'ordre public, enregistrées le 19 octobre 2023.
II. Sous le n° 22BX02246, par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 23 août 2022 et le 22 juin 2023, la société Cabinet Michel Arrayet, représentée par Me Thai Thong, demande à la Cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Pau du 15 juin 2022 ;
2°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Pays basque une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'est pas en mesure d'acquitter les condamnations prononcées sans mettre en péril définitivement son activité ;
- les moyens soulevés dans sa requête au fond sont sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2023, la communauté d'agglomération du Pays basque (CAPB), représentée par Me Cambot, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société Cabinet Michel Arrayet en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Cabinet Michel Arrayet ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 25 septembre 2023 à 12h par une ordonnance du 13 septembre 2023.
III. Sous le n° 22BX02243, par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 13 août 2022 et 21 juin 2023, la société Sobamat, représentée par Me Dupont demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 15 juin 2022 ;
2°) de rejeter la demande de première instance, si nécessaire après avoir ordonné avant-dire-droit une expertise ;
3°) subsidiairement, de condamner les sociétés Cabinet Michel Arrayet et Ingesol à la garantir à hauteur d'un tiers chacune ;
4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Pays basque une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la communauté d'agglomération du Pays basque n'avait pas qualité pour agir sur le fondement de la garantie décennale, n'étant plus maître d'ouvrage ; elle n'a elle-même pas été actionnée par les propriétaires des ouvrages, dont l'action en garantie décennale est prescrite ; ainsi la communauté d'agglomération ne peut prétendre exercer plus de droit que ces propriétaires, et ne peut agir, ni sur le fondement de l'article 1792-1 du code civil, ni au titre d'une action récursoire, ni au titre d'une action subrogatoire ;
- cette question a été éludée par le tribunal ;
- elle n'a commis aucune faute assimilable à une fraude ou à un dol ;
- une partie des opérations d'expertise a été menée hors contradictoire ;
- l'expert a été interrogé sur des questions de droit ;
- le sapiteur, la société Egis, a réalisé des études et diagnostics dans le cadre de l'expertise en vue de travaux dont elle allait assurer la maîtrise d'œuvre, tandis que l'expert a également excédé le cadre de sa mission en réalisant un suivi de chantier et la prescription de travaux ;
- les conclusions de l'expertise sont grossièrement erronées s'agissant de l'épaisseur de l'enrochement et du volume des matériaux ; quant à l'ancrage, il a pu être réduit par les travaux effectués postérieurement sur les terrains, et est en tout état de cause sans incidence sur les désordres constatés ;
- le défaut d'exécution quant à l'alignement des blocs de pierre était apparent au moment de la réception, si bien que seule la responsabilité du maître d'œuvre peut être engagée à ce titre ;
- le maître d'œuvre, dont les études initiales étaient inadaptées a commis une faute dans la définition des mesures compensatoires liées à l'instabilité du talus ;
- la société Ingesol a commis des fautes en produisant des études erronées et en ne prenant pas en compte un glissement de terrain antérieur à la réalisation de ses études ;
- son action à l'égard de cette société n'est pas atteinte par la prescription quinquennale ;
- en l'absence d'action engagée par les propriétaires des lots 9 à 12, la condamnation ne peut porter sur les travaux réalisés sur ces lots.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 janvier, 26 mai et 21 juin 2023, la communauté d'agglomération du Pays basque, représentée par Me Cambot, conclut au rejet de la requête, à ce que son indemnisation soit portée à la somme de 882 557 euros et, en outre, à ce que soit mise à la charge de la société Cabinet Michel Arrayet une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- si les non-conformités affectant l'ouvrage étaient apparentes au moment de la réception, il n'en allait pas de même des désordres affectant sa solidité ; dès lors la responsabilité des constructeurs pouvait être engagée sur le fondement de la garantie décennale ;
- les travaux de la troisième tranche se sont élevés à 122 732 euros au lieu des 81 792 euros évalués par l'expert ;
- les autres moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 2 juin 2023, la société d'exploitation des bâtiments Aguerre conclut à sa mise hors de cause et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de toute partie succombante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucune conclusion n'est formulée à son encontre.
Par un mémoire, enregistré le 2 juin 2023, la société à responsabilité limitée Ingesol, représentée par Me Lopez, conclut :
1°) à titre principal, à la réformation du jugement du tribunal administratif de Pau du 15 juin 2022 en tant qu'il fait droit aux conclusions de la communauté d'agglomération du Pays basque sur le fondement de la responsabilité contractuelle des constructeurs, et au rejet de la demande de la communauté d'agglomération ;
2°) à titre subsidiaire, à sa mise hors de cause ;
3°) à ce que soit mise à la charge de toutes les parties succombantes une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a commis aucun manquement auquel la survenance des désordres serait imputable ;
- la communauté d'agglomération du Pays basque ne pouvait agir sur le fondement de la garantie décennale, n'étant plus maître d'ouvrage ; la garantie décennale était prescrite à la date à laquelle les propriétaires ont entendu lui céder leurs droits ; les travaux engagés l'ont été postérieurement à l'expiration du délai ; elle ne pouvait davantage agir en qualité de constructeur sur le fondement de l'article 1792-1 du code civil, sur le fondement de la responsabilité contractuelle comme extracontractuelle ;
- la connaissance des désordres à venir par les constructeurs n'est pas démontrée ;
- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis des sociétés Sobamat ou Cabinet Michel Arrayet ; les fautes de ces dernières sont de nature à l'exonérer de toute responsabilité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2023, la société Cabinet Michel Arrayet, représentée par Me Thai-Thong, conclut, par la voie de l'appel provoqué, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Pau du 22 juin 2023, au rejet de la demande de première instance, et à défaut à la condamnation des sociétés Sobamat et Ingesol à la garantir des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 90 %, enfin à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération du Pays basque une somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la communauté d'agglomération, qui n'est plus propriétaire de l'ouvrage, et ne bénéficie d'aucune action subrogatoire, n'a ni intérêt ni qualité pour agir, ou tout au plus pour les deux lots pour lesquels les propriétaires ont engagé une action devant le tribunal judiciaire ;
- elle n'a pas davantage qualité pour agir sur le fondement de la garantie décennale ;
- l'action en garantie décennale des propriétaires est elle-même prescrite ;
- la requête du 28 septembre 2016 était insuffisamment motivée et ne pouvait plus être régularisée après l'expiration du délai de recours contentieux ;
- l'action en garantie décennale était prescrite lors de l'enregistrement du mémoire en réplique ;
- elle n'a commis ni manquement grave, ni manquement volontaire à ses obligations contractuelles ;
- il n'existait aucune non-conformité apparente au moment des opérations de réception, si bien qu'aucun défaut de conseil ne peut lui être reproché ;
- la société Ingesol, dont les études étaient, soit erronées, soit trop optimistes, et la société Sobamat, responsable de l'exécution des travaux, ont commis des fautes, justifiant qu'elles la garantissent à hauteur de 90% ;
- le régime de garantie décennale, qui est prioritaire et dont les conditions sont remplies, devait être appliqué ;
- les demandes indemnitaires de la communauté d'agglomération ne peuvent être fondées sur le recours entre constructeurs ;
- le régime de responsabilité trentenaire n'était pas applicable puisque le délai de garantie décennale n'était pas expiré.
La clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2023 à 12h par une ordonnance du 7 juillet 2023.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions d'appel en garantie formées par la société Sobamat à l'encontre de la société Ingesol, les deux sociétés étant liées entre elles par un contrat de droit privé.
La société Ingesol a présenté des observations sur ce moyen d'ordre public, enregistrées le 19 octobre 2023.
IV. Sous le n° 22BX02240, par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 23 août 2022 et du 30 mai 2023, la société Sobamat, représentée par Me Dupont, demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Pau du 15 juin 2022.
Elle soutient que :
- le paiement des sommes auquel elle a été condamnée par le jugement du 15 juin 2022 serait de nature à compromettre gravement sa situation financière et sa pérennité ; la faute intentionnelle que ce jugement lui impute interdit toute couverture assurantielle ;
- les moyens invoqués dans sa requête au fond présentent un caractère sérieux.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 avril et 21 juin 2023, la communauté d'agglomération du Pays basque, représentée par Me Cambot, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société Sobamat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Sobamat ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2023 à 12h par une ordonnance du 7 juillet 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique, ont été entendus :
- le rapport de M. B,
- les conclusions de M. Duplan, rapporteur public ;
- et les observations de Me Gondouin pour la société Cabinet Michel Arrayet, de Me Dupont pour la société Sobamat, de Me Corbier-Labasse pour C et de Me Lopez pour la société Ingesol.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté de communes du pays d'Hasparren, aux droits de laquelle vient la communauté d'agglomération du Pays basque (CAPB), a décidé en 2005 l'aménagement de la zone d'activité Mendiko Borda, constituée de 14 lots et occupant 76 200 m² sur la commune de Briscous. Par un marché conclu le 21 juin 2005, la communauté de communes du Pays d'Hasparren a désigné la société d'équipement des pays de l'Adour (SEPA) en qualité de maître d'ouvrage délégué. Le lot n° 1 portant sur les travaux de voirie, terrassement et ouvrages divers (VRD) a été confié, par acte d'engagement du 3 novembre 2015, à un groupement solidaire d'entreprises constitué par les sociétés Sobamat, mandataire, et Colas sud-ouest. La société Sobamat est notamment intervenue pour réaliser des travaux de l'enrochement longeant les lots 9 à 13 situés au pied du soutènement, une partie de la ZA étant en surplomb. La société Ingesol, bureau d'études, était chargée des études de sol et la société Aguerre était chargée du busage et du bétonnage des fossés. La maîtrise d'œuvre a été assurée par un groupement de maîtrise d'œuvre dont la société cabinet Michel Arrayet, expert géomètre, était le mandataire, selon acte d'engagement du 19 juillet 2005. Les travaux ont été réceptionnés sans réserve avec effet au 30 septembre 2006. Saisi par les acquéreurs du lot n° 13, qui ont constaté à partir de 2013 des mouvements et des chutes de pierres provenant de l'enrochement situé au fond de leur parcelle, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bayonne a, par ordonnance du 11 octobre 2016, désigné un expert. Dans le même temps, la communauté de communes du pays d'Hasparren a introduit le 28 septembre 2016 une requête devant le tribunal administratif de Pau tendant à la condamnation des sociétés Sobamat, cabinet Michel Arrayet, Colas Sud-Ouest et Ingesol à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ou de tous les frais qu'elle devrait engager pour procéder à la réfection des ouvrages. D'autres expertises ont été ordonnées par le juge des référés du tribunal administratif de Pau. La première a été ordonnée dans le cadre d'une procédure de péril engagée par la commune de Briscous en décembre 2018. La seconde a été prescrite par ordonnance du 4 janvier 2019, à l'initiative de la communauté d'agglomération, pour connaître l'état de l'enrochement sur toute sa longueur, évaluer tout risque d'atteinte à la sécurité des personnes et des biens, et déterminer les causes des désordres. Le rapport a été déposé au greffe du tribunal le 15 juillet 2019. Un complément d'expertise a été ordonné par le tribunal le 17 février 2020 et l'expert a remis son rapport complémentaire le 2 mars 2022.
2. Par son jugement du 15 juin 2022, le tribunal administratif de Pau, après avoir écarté le fondement de la garantie décennale des constructeurs, a condamné solidairement les sociétés Cabinet Michel Arrayet et Sobamat, sur le fondement de la responsabilité pour faute assimilable à une fraude ou un dol, à verser à C la somme de 841 617 euros réclamée par cette dernière en remboursement des frais engagés ou à engager au titre des travaux de reprise de l'enrochement, les deux sociétés étant condamnées à se garantir respectivement des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 50 %. La société Cabinet Michel Arrayet, par la requête enregistrée sous le n° 22BX02189, et la société Sobamat, par la requête enregistrée sous le n° 22BX02246, relèvent appel de ce jugement et demandent également à la Cour, par les requêtes enregistrées sous les n°s 22BX02240 et 22BX02243, d'ordonner le sursis à son exécution. C demande à ce que son indemnisation soit portée à la somme de 882 557, 26 euros.
3. Les requêtes enregistrées sous les n°s 22BX02189, 22BX02240, 22BX02243, 22BX02246 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement :
4. Le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. Lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance de ce principe ou lorsqu'elle a été ordonnée dans le cadre d'un litige distinct, ces éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier. La société Sobamat ne peut se prévaloir utilement devant la juridiction administrative de ce que les opérations d'expertise ordonnées le 11 octobre 2016 par le tribunal judiciaire de Bayonne dans le cadre d'un litige distinct, qui ont abouti à un rapport d'expertise en date du 18 mai 2020, n'ont pas été menées contradictoirement, ce qui ne fait pas obstacle à ce que les éléments qu'il contient soient pris en compte à titre d'éléments de pur fait ou d'éléments d'information. Au demeurant, en l'espèce, si l'expert a constaté le 14 novembre 2019 l'ancrage insuffisant du mur de soutènement dans le sol lors d'une réunion de chantier concernant des travaux de mise en sécurité de celui-ci, en l'absence de la société Sobamat, et en a informé seulement les participants aux travaux et C, il résulte de l'instruction que ces éléments ont été portés à la connaissance des autres parties aux opérations d'expertise par la communauté d'agglomération dès le 18 novembre 2019, qui ont pu les discuter contradictoirement. Le défaut d'encastrement du mur, ses causes et ses conséquences ont ensuite fait l'objet de nombreux échanges entre les parties, notamment par l'intermédiaire de la transmission du dossier des ouvrages exécutés de la société NGE, en charge de mise en sécurité, ou d'une note aux parties en date du 17 février 2020. Le moyen tiré de l'atteinte au principe du contradictoire doit être écarté.
5. Il appartient, toutefois, au juge, saisi d'un moyen mettant en doute l'impartialité d'un expert, de rechercher si, eu égard à leur nature, à leur intensité, à leur date et à leur durée, les relations directes ou indirectes entre cet expert et l'une ou plusieurs des parties au litige sont de nature à susciter un doute sur son impartialité. En particulier, doivent en principe être regardées comme suscitant un tel doute les relations professionnelles s'étant nouées ou poursuivies durant la période de l'expertise.
6. Il résulte de l'instruction que la société Egis Structure et Environnement a assuré la maîtrise d'œuvre des travaux de mise en sécurité du mur de soutènement dans sa partie menaçant ruine sur le lot n° 13 " zone a " réalisés de septembre 2019 au 13 janvier 2020, et a perçu de C à ce titre la somme de 38 478 euros. La communauté d'agglomération lui a ensuite confié la maîtrise d'œuvre des travaux de confortement de l'enrochement situé sur les lots n°s 11, 12 et le reliquat du lot n°13, " zone b ", de juin à fin novembre 2021, pour un montant de 41 598 euros. Cette même société, qui a ainsi réalisé des travaux en tant que maître d'œuvre de C, a été désignée, en qualité de sapiteur, dans le cadre de l'expertise ordonnée le 17 février 2020 par la présidente du tribunal administratif de Pau, et a été chargée d'une mission G5 au sens de la norme NF P94-500 de novembre 2013, c'est-à-dire d'un diagnostic géotechnique des désordres affectant le mur au niveau des lots n°s 9 à 12. La société Egis a débuté ses investigations le 19 avril 2021 et a remis son étude le 3 septembre 2021. Compte tenu de la nature et de la concomitance des liens entre le sapiteur et la communauté d'agglomération du Pays basque, et de la circonstance que la société Egis pouvait être directement intéressée par les résultats des investigations, la société Sobamat, alors même qu'elle n'avait pas sollicité la récusation du sapiteur, est fondée à soutenir que la participation de la société Egis aux opérations d'expertise est de nature à susciter un doute sur l'impartialité des conclusions expertales alors que le jugement du tribunal administratif, pour retenir la responsabilité des sociétés Sobamat et Cabinet Michel Arrayet sur le fondement de la responsabilité pour faute assimilable à une fraude ou un dol s'est appuyé sur les conclusions de ce dernier rapport d'expertise, déposé au greffe le 3 mars 2022, relatives au sous-dimensionnement manifeste de l'épaisseur de l'ouvrage, elles-mêmes inspirées par le rapport de la société Egis. Il s'ensuit que l'irrégularité des opérations d'expertise est de nature à entacher d'illégalité le jugement du 15 juin 2022, lequel doit pour ce motif être annulé, et le rapport d'expertise du 2 mars 2022 écarté des débats.
7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par C devant le tribunal administratif de Pau.
Sur les fins de non-recevoir :
8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que C, créée le 1er janvier 2017, est issue de la fusion de dix établissements publics de coopération intercommunale, parmi lesquels la communauté de communes du pays d'Hasparren, créée par un arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques en date du 13 juillet 2016. En application de l'article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales, l'ensemble des biens, droits et obligations de cette dernière ont été transférés à C, qui s'y est substituée en cours d'instance. En outre, par délibération du 17 juillet 2020, le conseil communautaire de C a autorisé, conformément aux dispositions de l'article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales, son président à agir en justice au nom de la communauté d'agglomération.
9. En second lieu, par sa requête enregistrée le 28 septembre 2016 devant le tribunal administratif de Pau, la communauté de communes du pays d'Hasparren a demandé, dans l'attente du rapport de l'expertise diligentée à la suite de l'assignation qui lui avait été délivrée par les nouveaux propriétaires du lot n° 13, la condamnation des sociétés Cabinet Michel Arrayet, Sobamat, Colas Sud-Ouest et Ingesol à la relever " indemne " de toutes les sommes qu'elle engagerait pour procéder à la réfection des ouvrages compte tenu des mouvements de chutes de pierres de l'enrochement, les travaux en cause ayant été réceptionnés le 30 septembre 2006. Par cette requête, qui tendait à mettre en jeu la responsabilité des constructeurs que C rendait responsables des désordres graves qui affectaient les ouvrages qu'elle avait fait réaliser en qualité de maître d'ouvrage et qui étaient réceptionnés, C entendait ainsi se prévaloir de la garantie décennale des constructeurs et sa demande était par suite recevable.
10. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées en défense doivent être rejetées.
Sur la responsabilité décennale :
En ce qui concerne la qualité pour agir de C :
11. Si l'action en garantie décennale se transmet aux acquéreurs avec la propriété de l'immeuble, le maître de l'ouvrage ne perd cependant pas la faculté d'exercer cette action dans la mesure où elle présente pour lui un intérêt direct et certain.
12. Si C a vendu les lots 9 à 13 du lotissement Mendiko Borda sur lesquels se situe l'enrochement objet du litige, elle ne perd pas toutefois la faculté d'exercer l'action en garantie décennale dans la mesure où cette action présente pour elle un intérêt direct et certain et qu'elle en justifie. C fait ainsi valoir qu'elle a financé les travaux de remise en état de l'enrochement en sa qualité de constructeur-vendeur au sens de l'article 1792-1 du code civil et justifie avoir versé les sommes de 193 248 euros toutes taxes comprises, puis 566 577,26 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de réfection du mur sur les lots 11 à 13 et dispose en conséquence, à concurrence desdites dépenses, de la qualité pour agir sur le fondement de la garantie décennale dès lors que cette action présente pour elle un intérêt direct et certain.
13. En revanche, s'agissant des travaux entrepris sur la partie du mur située sur les lots 9 et 10, C, si elle établit avoir ordonné des travaux de confortement par la production de bons de commande adressés aux sociétés Egis, NGE et à M. A, ne justifie pas avoir supporté les dépenses correspondantes. La réalité de ces dépenses n'est pas davantage établie par les documents intitulés " subrogation " émanant des propriétaires des lots 9 et 10. Par suite, l'action de la communauté d'agglomération est irrecevable dans cette mesure.
En ce qui concerne la prescription :
14. Il résulte de l'instruction que la réception des travaux ayant été prononcée avec effet au 30 septembre 2006, compte tenu de la levée des réserves, le délai de garantie décennale expirait en conséquence au plus tard le 30 septembre 2016. Dès lors que la requête de C a été introduite devant le tribunal administratif de Pau le 28 septembre 2016, l'action en garantie décennale engagée par C n'était pas tardive, contrairement à ce qui est soutenu en défense.
En ce qui concerne l'engagement de la garantie décennale :
15. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Ces constructeurs sont responsables de plein droit sur le fondement de ces principes, dès lors que les désordres en cause n'étaient ni apparents ni prévisibles à la réception de l'ouvrage.
16. D'une part, il résulte de l'instruction que le mur de soutènement litigieux, constitué d'un enrochement de 225 mètres linéaires, est affecté de désordres consistant en des chutes de fragments de blocs avec instabilité des blocs sous-jacents, en des fissurations de blocs et en une déformation de l'enrochement qui présente un " ventre " au niveau du lot n° 13. Si les désordres les plus graves ont été constatés au niveau de ce lot, il résulte des rapports d'expertise que la solidité de l'ouvrage est compromise sur toute la longueur des lots 11 à 13.
17. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise, que les causes majeures d'apparition des désordres sont, d'une part, la mauvaise qualité des blocs de pierres, qui présentent une résistance insuffisante à la compression, d'autre part, leur distribution, les gros éléments étant souvent empilés sans chevauchement et en l'absence de petits éléments. Ont également concouru à l'aggravation de la dégradation de l'enrochement les dimensions de l'ouvrage, d'une hauteur de 6,20 mètres, au lieu des 4,50 mètres prévus dans le cahier des clauses techniques particulières. Cette hauteur, rapportée à la largeur de la base de l'ouvrage, de 3 mètres selon le plan de récolement, ne permet pas de respecter le coefficient de sécurité, de 1,5 au maximum. En outre, l'encastrement de l'ouvrage dans le sol et son angle d'inclinaison sont insuffisants, de même que le système de drainage des eaux. Si les vices touchant à la distribution des blocs et aux dimensions de l'ouvrage, contrairement aux autres, étaient apparents lors de la réception des travaux, il ne résulte pas de l'instruction que leurs conséquences, dans toute leur ampleur, étaient normalement prévisibles pour le maître de l'ouvrage.
18. Il résulte de ce qui précède que les désordres décrits au point précédent, résultent d'un vice des matériaux mis en œuvre, la qualité des blocs de pierres n'ayant pas été vérifiée et étant inadaptée, d'un défaut d'exécution généralisé de l'ouvrage, les blocs ayant été mal positionnés, et d'un défaut de conception, les dimensions de l'ouvrage n'étant pas conformes au projet et aux préconisations de l'étude géotechnique et le traitement des eaux pluviales n'ayant pas été effectué. Ces désordres sont imputables tant à la société Cabinet Michel Arrayet, chargée d'une mission complète de maîtrise d'œuvre, qu'à la société Sobamat, à laquelle est imputable le choix et la pose des matériaux, constructeurs de l'ouvrage, dont la responsabilité est recherchée par C. Par suite, celle-ci est fondée à engager, sur le fondement de la garantie décennale, la responsabilité solidaire de ces deux sociétés.
En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :
19. Il résulte de l'instruction que la solution de réparation retenue et mise en œuvre pour les zones a et b situées le long des lots 11, 12 et 13, consiste en un clouage de la paroi, ces ancrages maintenant un tapis de treillis soudés sur lequel un béton a été projeté. Ainsi qu'il a été dit, C justifie avoir versé, pour les travaux effectués sur le lot n°13 " zone a " la somme de 193 248 euros toutes taxes comprises au titre des travaux urgents commandés à la société NGE fondations, sous maîtrise d'œuvre de la société Egis, puis, sur la " zone b " la somme de 566 577,26 euros toutes taxes comprises pour mener à bien le reste des travaux sur les lots 11 à 13, sommes qui ne sont pas utilement contestées en défense.
20. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Cabinet Michel Arrayet et Sobamat doivent être condamnées solidairement à verser à C la somme de 759 825, 26 euros.
En ce qui concerne les appels en garantie :
S'agissant de la compétence de la juridiction administrative :
21. Le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, quel que soit le fondement juridique de l'action engagée, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé. Il résulte de l'instruction que la société Ingesol a réalisé en janvier 2006 une étude de faisabilité géotechnique à la demande de la société Sobamat, suivant devis en date du 26 décembre 2005. Les sociétés Sobamat et Ingesol étant liées par un contrat de droit privé, les conclusions d'appel en garantie dirigées par la société Sobamat à l'encontre d'Ingesol, fondées sur ce contrat, doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
S'agissant des responsabilités respectives des sociétés Cabinet Michel Arrayet, Sobamat et Ingesol :
22. Il résulte de l'instruction, notamment des analyses menées par la société Ginger CEBTP, qu'une partie des blocs fournis par la société Sobamat disposaient de caractéristiques mécaniques de résistance insuffisantes. En outre, la société Sobamat n'a pas produit les documents relatifs aux contrôles de la nature des blocs, requis par les normes NF FN 13381-1 et NF EN 13381-2 applicables en vertu de l'article 2-2 du cahier des clauses techniques particulières et le maître d'œuvre n'a pas exigé la production de ces documents.
23. En ne prévoyant pas suffisamment de chevauchements entre les blocs, et en laissant subsister des vides interstitiels, la société Sobamat n'a pas respecté les règles de l'art lors de la mise en place des blocs. La société Cabinet Michel Arrayet a également commis une faute dans sa mission de direction de l'exécution des travaux.
24. Selon l'article 4/1.11 du cahier des clauses techniques particulières, le mur de soutènement devait avoir une hauteur de 5,5 mètres dont 1 mètre d'encastrement dans le sol, pour une base d'une largeur de 2,5 mètres. Puis l'étude de faisabilité géotechnique menée par la société Ingesol, de type G0 et G1.2 selon la classification de la norme NFP 94 500, a conseillé de limiter la hauteur du mur à 4 mètres encastrement compris, avec une base d'une largeur de 3 mètres. Il résulte de l'instruction que les informations géotechniques figurant dans le rapport d'Ingesol n'ayant pas été retrouvées lors de l'exécution des travaux, l'entrepreneur et le maître d'œuvre ont décidé de modifier la hauteur de l'enrochement, qui atteint 6,2 mètres, tout en maintenant l'épaisseur prévue, ce qui ne permet plus à l'ouvrage de respecter les caractéristiques d'un " mur-poids ". L'inclinaison de l'ouvrage ne respecte pas davantage les préconisations de l'étude d'Ingesol, qui avait fixé une limite de 60°. Les sociétés Cabinet Michel Arrayet et Sobamat ont commis une faute en modifiant les dimensions de l'ouvrage sans faire appel à un géotechnicien en charge d'une mission G2, G3 et G4. Par ailleurs, l'encastrement insuffisant de l'ouvrage, situé entre 0,1 et 0,3m, qui engage la responsabilité de la société Sobamat et du maître d'œuvre dans sa mission de direction de l'exécution des travaux est en lien avec les désordres, en particulier le glissement de l'ouvrage. Enfin, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 18 mai 2020, que le bureau d'études Ingesol a à la fois surestimé les caractéristiques mécaniques de la couche de sol marno-calcaire, et sous-estimé les hauteurs probables d'argile. Cette faute, qui a conduit à la modification en cours de chantier des dimensions de l'ouvrage a également contribué aux désordres.
25. Dans ces conditions, la société Cabinet Michel Arrayet doit être garantie des condamnations prononcées à son encontre par la société Sobamat à hauteur de 50 % et par la société Ingesol à hauteur de 5 %, et la société Sobamat doit être garantie des condamnations prononcées à son encontre par la société Cabinet Michel Arrayet à hauteur de 50 %.
Sur les conclusions subsidiaires :
26. Il résulte de ce qui a été dit au point 13, que l'action de C fondée sur la garantie décennale est irrecevable en ce qui concerne les lots 9 et 10.
27. D'une part, si C a entendu, postérieurement à l'enregistrement de sa requête, se prévaloir de la responsabilité trentenaire pour faute grave des constructeurs, en invoquant les vices des matériaux, défaut d'exécution et vice de conception décrits aux points précédents, cette seule circonstance, ne caractérise pas une faute assimilable à une fraude ou à un dol des constructeurs en l'absence de violation intentionnelle, par ces derniers, de leurs obligations contractuelles. En outre, compte tenu des éléments apportés en appel par la société Sobamat en ce qui concerne le volume des matériaux, en particulier les factures d'enrochement ainsi que la note technique du 1er août 2022, il n'existe pas d'arguments sérieux en faveur d'un sous-dimensionnement manifeste de l'ouvrage livré qui révèlerait une telle faute ou justifierait qu'une expertise complémentaire soit ordonnée sur ce point.
28. D'autre part, si la réception définitive des travaux, qui ne met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs qu'en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage, ne fait pas obstacle à ce que à ce que la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre soit ultérieurement recherchée à raison des fautes commises dans l'exercice de sa mission de conseil lors de la réception des travaux, il ne résulte pas toutefois de l'instruction que la société Cabinet Michel Arrayet se serait abstenue d'attirer l'attention sur des désordres affectant l'ouvrage dont elle pouvait avoir connaissance en cours de chantier ou lors des opérations de réception, s'agissant de la partir du mur édifiée sur les lots 9 et 10.
Sur les conclusions aux fins de sursis :
29. Le présent arrêt statuant sur les appels des sociétés Cabinet Michel Arrayet et Sobamat dirigés contre le jugement n° 1601856 du 15 juin 2022 du tribunal administratif de Pau, les conclusions des requêtes n° 22BX02240 et n° 22BX02246 tendant ce qu'il soit sursis à son exécution ont perdu leur objet. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ces conclusions.
Sur les frais de l'instance :
30. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge définitive des sociétés Cabinet Michel Arrayet et Sobamat, chacune pour moitié, les frais des expertises ordonnées les 4 janvier 2019 et 17 février 2021, liquidés et taxés par ordonnances du 17 juillet 2019 et du 04 mars 2022 respectivement à la somme de 6 128, 64 euros toutes taxes comprises et 67 902,08 euros toutes taxes comprises, soit un total de 74 030,72 euros toutes taxes comprises.
31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de C, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les sociétés Cabinet Michel Arrayet et Sobamat demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge des sociétés Cabinet Michel Arrayet et Sobamat, une somme de 1 500 euros chacune à verser à C au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu de faire droit aux autres conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes n° 22BX02240 et 22BX02246 tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif du 15 juin 2022.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 15 juin 2022 est annulé.
Article 3 : Les sociétés Cabinet Michel Arrayet et Sobamat sont condamnées solidairement à verser à C la somme de 759 825, 26 euros en réparation des désordres affectant le mur de soutènement de la zone d'activité Mendiko Borda.
Article 4 : Les sociétés Sobamat et Cabinet Michel Arrayet se garantiront respectivement à hauteur de 50 % des condamnations prononcées à leur encontre par l'article 3 du présent arrêt.
Article 5 : La société Ingesol garantira la société Cabinet Michel Arrayet à hauteur de 5% de la condamnation prononcée à l'encontre de cette dernière par l'article 3 du présent arrêt.
Article 6 : Les dépens de l'instance liquidés et taxés à la somme de 74 030,72, sont mis définitivement à la charge des sociétés Cabinet Michel Arrayet et Sobamat, chacune pour moitié.
Article 7 : Les sociétés Cabinet Michet Arrayet et Sobamat verseront chacune une somme de 1 500 euros à C en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du Pays basque, à la société Cabinet Michel Arrayet, à la société Sobamat, à la société Ingesol et à la société d'exploitation des bâtiments Aguerre.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Ghislaine Markarian, présidente,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
M. Julien Dufour, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 novembre 2023.
Le rapporteur,
Julien B
La présidente,
Ghislaine Markarian
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°s 22BX02189, 22BX02240, 22BX02243, 22BX02246