Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 4 mars 2022, la société Locam, représentée par Me Vacheron, demande au tribunal :
1°) à titre principal, de condamner la commune de Randevillers à l'indemniser des conséquences de l'inexécution du contrat n° 1384931 en lui allouant la somme de 12 830,40 euros, " outre intérêts au taux de la principale facilité de refinancement appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage soit à compter du 5 novembre 2021 et capitalisation des intérêts ", au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Randevillers à l'indemniser des conséquences de l'inexécution du même contrat en lui allouant la somme de 10 664 euros, " outre intérêts aux taux de la principale facilité de refinancement appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir majoré de huit points de pourcentage soit à compter du 5 novembre 2021 et capitalisation des intérêts ", au titre du manque à gagner tiré des loyers non perçus ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner la commune de Randevillers à l'indemniser des conséquences de l'inexécution du même contrat en lui allouant la somme de 6 982,68 euros, " outre intérêts aux taux de la principale facilité de refinancement appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir majoré de huit points de pourcentage soit à compter du 5 novembre 2021 et capitalisation des intérêts ", au titre de l'enrichissement sans cause ;
4°) d'enjoindre à la commune de Randevillers de restituer à ses frais le matériel conformément aux stipulations du contrat sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un mois suivant la notification du présent jugement ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Randevillers une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Locam soutient que :
- sa requête est recevable ;
- elle était fondée à prononcer la résiliation du contrat pour défaut de paiement des loyers et, par conséquent, à poursuivre l'indemnisation de son préjudice sur le fondement des dispositions contractuelles ;
- le litige qui oppose les parties au contrat peut se régler sur le terrain contractuel ;
- elle est fondée à demander le versement d'une indemnité correspondant au montant des loyers restant dus assorti de pénalités et d'intérêts de retard, conformément à l'article 12 du contrat de location ;
- à titre subsidiaire, elle a droit à l'indemnisation du manque à gagner, sa perte sèche correspondant à la différence entre le prix d'acquisition du matériel mis à disposition et les loyers perçus, laquelle correspond toutefois au préjudice a minima subi et ne constitue pas le manque à gagner qui se trouve être les loyers non-perçus ;
- à titre infiniment subsidiaire, elle est également fondée à demander l'indemnisation du préjudice subi sur le terrain de l'enrichissement sans cause, la commune disposant toujours du matériel qui ne lui a pas été rétrocédé et s'étant enrichi à son détriment ;
- elle est fondée à demander à la commune la restitution, aux frais de celle-ci, du matériel donné en location.
La requête a été communiquée à la commune de Randevillers qui n'a pas produit de mémoire.
En application des dispositions de l'article R. 222-17 du code de justice administrative, la présidente du tribunal a désigné M. Pernot, premier conseiller, pour présider la deuxième chambre du tribunal, en cas de vacance ou d'empêchement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 ;
- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marquesuzaa,
- les conclusions de M. A.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Randevillers a signé le 15 novembre 2017 un contrat avec la société Locam portant sur la location de matériel téléphonique pour une durée de 5 ans et 3 mois moyennant un loyer mensuel de 972 euros hors taxes. Le 12 décembre 2017, le matériel, objet de ce contrat, a été fourni et installé par le fournisseur, la société Agence Premium. La commune de Randevillers ayant cessé d'honorer le paiement de ses loyers, la société Locam, par un courrier du 27 septembre 2021, notifié le 29 septembre 2021, a mis en demeure la commune de payer la somme de 14 174,90 euros. Par un courrier du 2 novembre 2021, resté sans réponse, elle a sollicité le règlement de cette même somme ainsi que la restitution du matériel installé. Par la présente requête, la société Locam demande au tribunal de condamner la commune de Randevillers à lui payer lesdites sommes et à lui restituer son matériel.
Sur la résiliation du contrat :
2. Le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d'en assurer l'exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l'administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l'initiative de résilier unilatéralement le contrat. Il est toutefois loisible aux parties de prévoir dans un contrat qui n'a pas pour objet l'exécution même du service public les conditions auxquelles le cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles. Cependant, le cocontractant ne peut procéder à la résiliation sans avoir mis à même, au préalable, la personne publique de s'opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d'intérêt général, tiré notamment des exigences du service public.
3. L'article 12 des conditions générales du contrat de location stipule que : " a) Pour défaut de respect dudit contrat, le contrat de location pourra notamment être résilié de plein droit par le loueur, sans aucune formalité judiciaire, 8 jours après une mise en demeure restée sans effet, dans les cas suivants : () non-paiement d'un loyer (). 2) Outre la restitution du matériel, le locataire devra verser au loueur une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée d'une clause pénale de 10% ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat telle que prévue à l'origine majorée d'une clause pénale de 10% () ".
4. Il résulte de l'instruction que la société Locam a, par un courrier notifié le 29 septembre 2021, mis en demeure la commune de Randevillers de lui payer, sous huit jours, plusieurs loyers impayés. La commune de Randevillers ne s'étant pas exécutée et n'ayant pas non plus manifesté son opposition à la rupture des relations contractuelles pour un motif d'intérêt général, la société requérante a pu, en application des stipulations précitées, légalement résilier le contrat litigieux huit jours après la notification de cette mise en demeure. Dans ces conditions, la société Locam était fondée à résilier de façon unilatérale le contrat litigieux.
Sur les conclusions indemnitaires :
5. L'article 12 des conditions générales du contrat de location stipule que : " () 2) Outre la restitution du matériel, le locataire devra verser au loueur une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée d'une clause pénale de 10% ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat telle que prévue à l'origine majorée d'une clause pénale de 10% () ".
6. Il n'est pas contesté que le total des loyers dus à la société Locam s'élève à 11 664 euros. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner la commune de Randevillers à payer à la société requérante la somme de 11 664 euros au titre des loyers impayés.
7. En outre, la commune de Randevillers, en l'absence de mémoire en défense, n'apporte aucun élément relatif notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige de nature à établir que cette clause pénale présente un caractère manifestement excessif. Dès lors, il y a lieu de condamner la commune de Randevillers à payer à la société requérante la somme de 1 166,40 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation.
Sur les intérêts moratoires :
8. Aux termes de l'article 39 de la loi du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière, dans sa version applicable au litige, repris, à compter du 1er avril 2019, par l'article L. 2192-13 du code de la commande publique : " Le retard de paiement fait courir, de plein droit et sans autre formalité, des intérêts moratoires à compter du jour suivant l'expiration du délai de paiement ou l'échéance prévue au contrat. / Ces intérêts moratoires sont versés au créancier par le pouvoir adjudicateur. / () Le taux des intérêts moratoires est fixé par décret ". En vertu de l'article 2 du décret du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique, repris, à compter du 1er avril 2019, par l'article R. 2192-12 du code de la commande publique : " Le délai de paiement court à compter de la date de réception de la demande de paiement par le pouvoir adjudicateur () ". Enfin, selon l'article 8 du même décret, repris, à compter du 1er avril 2019, par les articles R. 2192-31 et R. 2192-32 du code de la commande publique : " I. - Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage. / Les intérêts moratoires courent à compter du jour suivant l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse () ".
9. La société requérante a adressé à la commune de Randevillers, le 29 septembre 2021, une lettre de mise en demeure de payer dans un délai de huit jours la somme de 14 174,90 euros. La commune ne s'est pas acquittée du paiement de cette somme. Dès lors, il y a lieu de considérer que les intérêts moratoires ont commencé à courir, ainsi que la société requérante le demande, à compter du 5 novembre 2021 jusqu'à la date de mise en paiement incluse. Leur taux sera fixé conformément aux dispositions précitées au point 8.
Sur la capitalisation des intérêts :
10. Aux termes de l'article 1343-2 du code civil : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ".
11. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière.
12. En l'espèce, la capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois le
4 mars 2022. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 5 novembre 2022, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les conclusions aux fins de restitution sous astreinte :
13. L'article 15 des conditions générales du contrat de location stipule que : " A la fin de la location ou en cas de résiliation du contrat, le bien devra se trouver en parfait état de marche et d'entretien, l'usure des pièces le constituant ne devant pas être supérieure à celle résultant d'un usage normal et notamment conforme aux normes de l'argus pour les véhicules. La restitution aura lieu à l'adresse indiquée par le loueur ou à défaut au siège social de ce dernier, les frais et charges de restitution étant supportés par le locataire. En cas de non restitution du matériel au terme du contrat de location, le locataire sera redevable d'une indemnité mensuelle de privation de Jouissance égale au dernier loyer facturé. L'indemnité sera portée à 8 mois de loyers à défaut de restitution effective 30 jours après mise en demeure ".
14. Il résulte de l'instruction que la société Locam a, par son courrier du 2 novembre 2021, expressément demandé à la commune de lui restituer le matériel loué et lui a indiqué, à cette fin, l'adresse de livraison. Ainsi, en application des stipulations précitées, il incombait à la commune de Randevillers de restituer à la société Locam le matériel loué. Dès lors que la commune n'établit pas avoir restitué ce matériel, il y a lieu, par conséquent, de lui enjoindre de restituer à la société Locam le matériel loué dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Randevillers une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Locam et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La commune de Randevillers est condamnée à payer une somme de 12 830,40 euros. Cette somme sera assortie des intérêts moratoires contractuels calculés à compter du 5 novembre 2021 dans les conditions prévues au point 8 du présent jugement. Les intérêts échus à la date du 5 novembre 2022 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 2 : Il est enjoint à la commune de Randevillers de restituer à la société Locam le matériel loué dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : La commune de Randevillers versera à la société Locam une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Locam et à la commune de Randevillers.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Pernot, premier conseiller faisant fonction de président,
- M. Seytel, conseiller,
- Mme Marquesuzaa, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.
La rapporteure,
A. MarquesuzaaLe premier conseiller faisant fonction de président,
A. PernotLa greffière,
C. Quelos
La République mande et ordonne au préfet du Doubs en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière