TA Clermont-F, 29/08/2023, n°2301950

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2023, la société par actions simplifiées Scierie A, représentée par M. A, demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre la procédure d'attribution de la délégation de service public relative aux réseaux de chaleur sur la commune du Mazet-Saint-Voy ;

2°) d'enjoindre à la commune du Mazet-Saint-Voy de différer la signature du contrat jusqu'à la fin de la présente procédure ;

3°) d'enjoindre à la commune du Mazet-Saint-Voy de produire toutes les pièces communicables et notamment le procès-verbal de la commission de délégation de service public et les anciens contrats conclus avec la société Ere 43 ;

4°) d'enjoindre à la commune du Mazet-Saint-Joy de reprendre la procédure de passation de la délégation de service public ;

5°) d'enjoindre à la commune du Mazet-Saint-Joy d'imposer à l'ancien délégataire de remettre en état le réseau Albert Camus et de mettre aux normes les locaux chaufferies avant de reprendre la procédure de passation ;

6°) d'annuler les décisions consécutives aux irrégularités entachant la procédure de publicité et de mise en concurrence ;

7°) de mettre à la charge de la commune du Mazet-Saint-Joy la somme de 750 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure est entachée d'une rupture d'égalité entre les candidats, en l'absence de production de l'étude de faisabilité dans les pièces du dossier de consultation ;

- la procédure est entachée d'une rupture d'égalité entre les candidats, en l'absence de visite de l'ensemble des réseaux existants ;

- la procédure est entachée d'une rupture d'égalité dès lors que l'obligation de reprise par le candidat retenu, des montants non encore amortis par l'ancien exploitant, est injustifiée et est de nature à rendre difficile voire impossible l'accès à un nouvel opérateur ;

- les critères d'attribution retenus sont irréguliers ; le critère de " dynamique citoyenne " est discriminatoire pour les entreprises traditionnelles ;

- il existe un conflit d'intérêt entre le bureau d'étude EEPOS et la société Ere 43 dès lors qu'elles ont des liens forts, exerçant dans le même domaine d'activité ;

- les motifs de rejet de son offre sont injustifiés ; son groupement est adapté au cadre du projet ; la part de son chiffres d'affaires consacrée au bois énergie est adaptée à la bonne exécution de la délégation de service public ; son assise financière est adaptée à la bonne exécution de la délégation de service public ; ses capacités techniques et professionnelles sont suffisantes à la bonne exécution de la délégation de service public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2023, la commune du Mazet-Saint-Voy, représentée par la SELARL OGMA, Me Masson-Pomogier, conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge de la Société Scierie A une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré du défaut de communication du dossier de faisabilité établi par la société ERE 43 est inopérant, la société Scierie A ne s'étant pas vue opposer un rejet de son offre ; en tout état de cause, ce grief n'est pas fondé ;

- la société requérante a visité l'ensemble des réseaux existants ; le moyen tiré de l'existence d'une rupture d'égalité est en outre inopérant ;

- le moyen tiré de la rupture d'égalité entre candidats s'agissant de la reprise des installations existantes ne relève pas de l'office du juge des référés et est, en tout état de cause, infondé ;

- la fixation du critère d'attribution critiqué par la requérante n'a pas lésé cette dernière ; le critère de dynamique citoyenne n'est en tout état de cause pas discriminatoire ;

- il n'existe aucun conflit d'intérêt entre le bureau d'étude EEPOS et la société ERE 43 ;

- l'offre de la société Scierie A a été rejetée dès lors qu'elle ne comprenait pas les polices d'assurances, qu'aucun architecte n'a été déclaré et que ses capacités professionnelles et financières sont insuffisantes.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 29 août 2023 :

- le rapport de Mme B,

- les observations de M. A, représentant la société Scierie A ;

- les observations de Me Laffont, substituant Me Masson-Pomogier, avocate de la commune du Mazet-Saint-Voy.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, (), peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. () ".

2. Il résulte de ces dispositions, que le juge saisi, qui statue en la forme des référés, peut ordonner à l'auteur d'un manquement aux dispositions auxquelles ce texte se réfère de se conformer à ses obligations, suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte, annuler ces décisions et supprimer des clauses ou des prescriptions destinées à figurer dans le contrat.

3. Il résulte de l'instruction que par un avis d'appel public à la concurrence publié le 7 juin 2023, la commune du Mazet-Saint-Voy a organisé une consultation pour l'attribution d'une délégation de service public relative à la conception, la réalisation, le financement et l'exploitation des réseaux de chaleur de la commune. Par la présente requête, la société Scierie A, qui s'était portée candidate, demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de suspendre la procédure d'attribution de la délégation de service public en litige, d'annuler les décisions consécutives aux irrégularités entachant la procédure de publicité et de mise en concurrence, d'enjoindre à la commune du Mazet-Saint-Voy de reprendre la procédure de passation de la délégation de service public et d'imposer à l'ancien délégataire de remettre en état le réseau Albert Camus et de mettre aux normes les locaux chaufferies avant de reprendre la procédure de passation.

4. Il résulte de l'instruction que deux candidats, dont la société Ere 43 et la société Scierie A, ont remis, dans le délai imparti par la procédure de passation en litige, une candidature. Par courrier du 26 juillet 2023, la commune a informé la société Scierie A du rejet de sa candidature pour l'attribution de la délégation de service public, faute d'avoir produit sa police d'assurance pour l'activité objet de la délégation de service public, mais également faute d'avoir déclaré un architecte cotraitant et de posséder les capacités financières, techniques et professionnelles suffisantes pour la bonne exécution de la délégation de service public en litige.

5. Si la société Scierie A conteste les motifs de rejet de sa candidature, et en particulier ceux tirés de ce que son groupement n'est pas adapté au cadre du projet dès lors qu'il n'a pas déclaré d'architecte et tirés de l'insuffisance de ses moyens techniques, financiers et professionnels, elle ne conteste toutefois pas ne pas avoir produit les polices d'assurance exigées par les documents de la consultation, ce malgré la demande en ce sens de la commune du Mazet-Saint-Voy du 18 juillet 2023. Par suite, c'est à bon droit que la commune du Mazet-Saint-Voy a pu rejeter sa candidature, sans procéder à l'examen de son offre.

6. Il s'ensuit que si la société requérante soutient également que la procédure de passation est entachée d'une rupture d'égalité entre candidats en l'absence de production de l'étude de faisabilité dans les pièces du dossier de consultation des entreprises et en l'absence de visite de l'ensemble des réseaux existants, que la procédure est entachée d'une rupture d'égalité dès lors que l'obligation de reprise des montants non encore amortis par l'ancien exploitant est injustifiée et est de nature à rendre difficile voire impossible l'accès à un nouvel opérateur, que le critère de " dynamique citoyenne " est discriminatoire pour les entreprises traditionnelles, et qu'il existe un conflit d'intérêt entre le bureau d'étude EEPOS et la société Ere 43, aucun de ces manquements n'est, en tout état de cause, susceptible de l'avoir lésée.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Scierie A n'est pas fondée à demander la suspension de la procédure de passation de la délégation de service public en litige. Il y a lieu de rejeter également, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Scierie A la somme de 1 500 euros à verser à la commune du Mazet-Saint-Voy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune du Mazet-Saint-Voy, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société Scierie A est rejetée.

Article 2 : La société Scierie A versera une somme de 1 500 euros à la commune du Mazet-Saint-Voy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société par actions simplifiées Scierie A, à la société Ere 43 et à la commune de Mazet-Saint-Voy.

Fait à Clermont-Ferrand, le 29 août 2023.

La présidente du tribunal,

juge des référés,

S. B

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Loire, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No2301950JC