TA de de Marseille, 06 novembre, 2023, n° 2309816

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 et 30 octobre 2023, la société Néo Paysages, représentée par la société d'avocats CLL Avocats, demande au juge des référés :

1°) sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation du lot n° 1 du marché en cause ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Aubagne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune d'Aubagne a méconnu ses obligations d'informations et les dispositions des articles R. 2181-3 et R. 2181-4 du code de la commande publique ;

- son offre a été dénaturée dès lors que la commune d'Aubagne n'a retenu au titre du nombre de travailleurs affectés au marché que six personnes alors qu'une équipe de renfort composée de deux personnes était proposée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2023, la commune d'Aubagne conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société requérante la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle a satisfait à ses obligations en matière d'information du candidat évincé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Gonneau, vice-président, pour statuer sur les demandes de référés.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique du 31 octobre 2023, tenue en présence de Mme Romelli, greffière d'audience, M. Gonneau a lu son rapport et a entendu les observations de Me Darmon, représentant la société Néo Paysages qui a conclu aux mêmes fins que ses mémoires par les mêmes moyens et Me Anton, représentant la commune d'Aubagne qui a maintenu les termes de son mémoire en défense et a fait valoir que le moyen tiré de la dénaturation de l'offre n'était pas fondé dès lors que seules six personnes étaient affectées au marché et que les modalités de l'intervention de l'équipe de renfort n'étaient pas précisées, que la société Néo Paysages avait obtenu la même note de 3/5 sur ce critère qu'un autre candidat ayant proposé l'affectation de huit personnes et que la société n'était pas lésée dès lors que l'attributaire avait proposé l'affectation au marché de seize personnes.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

La commune d'Aubagne a présenté une note en délibéré enregistrée le 2 novembre 2023.

La société Néo Paysages a présenté une note en délibéré enregistrée le 2 novembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La commune d'Aubagne a soumis à la concurrence un marché d'entretien de ses espaces verts. La société Néo Paysages demande l'annulation de la procédure de passation du lot n° 1 de ce marché.

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. () ". Aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " I.- Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. () ".

3. Aux termes de l'article R. 2181-1 du code de la commande publique : " Dès qu'il a fait son choix, l'acheteur le communique aux candidats et aux soumissionnaires dont la candidature ou l'offre n'a pas été retenue, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 2181-3 du code de la commande publique, " La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. / Lorsque la notification de rejet intervient après l'attribution du marché, l'acheteur communique en outre : / 1° Le nom de l'attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre () ". Aux termes de l'article R. 2181-4 du même code : " À la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n'a pas été rejetée au motif qu'elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, l'acheteur communique dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception de cette demande : () 2° Lorsque le marché a été attribué, les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue ".

4. L'information sur les motifs du rejet de son offre dont est destinataire l'entreprise en application des dispositions précitées a, notamment, pour objet de permettre à la société non retenue de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge du référé précontractuel saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. Par suite, l'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence. Cependant, un tel manquement n'est plus constitué si l'ensemble des informations, mentionnées aux articles du code de la commande publique précités, a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, et si le délai qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge des référés statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction.

5. Il résulte de l'instruction que par un courrier non daté la commune d'Aubagne a informé la société Néo Paysage que son offre au titre du lot n° 1 du marché en litige n'avait pas été retenue, qu'elle était classée deuxième avec la note globale de 9/10, lui a communiqué le détail des notes obtenues par critère et sous-critère et l'a informée que le lot était attribué à la société Paysages méditerranéens, en lui communiquant la note globale et le détail des notes obtenues par l'attributaire par critère et sous-critère. Par un courrier du 26 octobre 2023, en réponse à la demande de la société Néo Paysages, la commune d'Aubagne lui a communiqué les motifs détaillés du rejet de son offre et du choix de l'attributaire, et notamment le montant de l'offre de l'attributaire, le caractère insuffisant du nombre de six personnes affectées au marché, le caractère non spécifique au marché des mesures de gestion environnementales. Dans ces conditions le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 2152-7 du code de la commande publique dans sa rédaction applicable : " Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution () ".

7. Il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par l'autorité concédante, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'autorité concédante n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.

8. Il résulte du cadre de réponse technique produit par la société requérante qu'elle a proposé d'affecter au marché " deux équipes de référence avec chacune un chef d'équipe et deux ouvriers qualifiés ", en ajoutant " Nous aurons de même une équipe de renfort composée d'un chef d'équipe et d'un ouvrier qualifié ". Il résulte du courrier du 26 octobre 2023 que la commune d'Aubagne a estimé que le nombre de personnes affectées au marché, soit six personnes, était insuffisant. Dès lors que l'équipe de renfort mentionnée par la société requérante dans son offre technique n'était pas, selon ses propres termes, affectée au marché, la commune d'Aubagne ne peut être regardée comme ayant dénaturé cette offre en ayant considéré pour juger du critère des moyens alloués au marché que six personnes étaient affectées au marché. Par suite le moyen tiré d'une telle dénaturation doit être écarté.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Aubagne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Néo Paysages au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Néo Paysages le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune d'Aubagne et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête présentée par la société Néo Paysages est rejetée.

Article 2 : La société Néo Paysage versera à la commune d'Aubagne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Néo Paysages, à la société Paysages méditerranéens et à la commune d'Aubagne.

Le juge des référés,

signé

P-Y. GONNEAU

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,