TA de Montpellier, 17 janvier 2024, n° 2307640


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 28 décembre 2023 la SAS GGL Aménagement, représentée par Me Gras, demande au juge des référés, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'annuler la décision du 4 décembre 2023 par laquelle le maire de la commune de Bessan a rejeté son offre pour l'attribution de la concession d'aménagement de la ZAC Namérique ;

2°) d'enjoindre à la commune de Bessan d'analyser et de classer son offre ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bessan la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire de la commune de Bessan a rejeté, à tort, son offre en tant qu'elle a été enregistrée tardivement le 22 novembre 2023 à 12 heures et 54 secondes, soit après 12 heures, alors que, d'une part, les règles de la consultation sont ambigües quant à la date limite de remise des offres et, à cet égard, l'article 18 du règlement de consultation fait état, à la fois d'un délai de 120 jours, à compter de la notification des candidats admis à présenter une offre, et d'une date " prévisionnelle " fixée au 22 novembre 2023 à 12 heures, en outre, la lettre du maire du 19 juillet 2023 fait, quant à elle, état d'un délai de 120 jours à compter de la notification de l'entier dossier de consultation, lequel a été complété le 20 septembre 2023 ; d'autre part, à supposer même que la date et l'heure limite de remise des offres à retenir soit le "22 novembre 2023 à 12H", les candidats disposaient d'un délai courant jusqu'au 22 novembre 2023 à 12H 59 minutes et 59S, dès lors que si la commune de Bessan avait souhaité imposer 12 heures sonnantes, elle aurait dû mentionner dans le règlement de consultation 12h 00MN 00S et sans référence à une date " prévisionnelle " ;

- ce manquement l'a évidemment lésée.

Par un mémoire, enregistré le 11 janvier 2023, la commune de Bessan, représentée par Me A, s'en remet à l'interprétation du tribunal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision du président du tribunal désignant Monsieur Eric Souteyrand, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Souteyrand, président-rapporteur,

- les observations de Me Gras, pour la société GGL Aménagement,

- les observations de M. A pour la commune de Bessan.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience,

Considérant ce que suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence, la commune de Bessan a lancé une consultation pour l'attribution d'une concession d'aménagement ayant pour objet la réalisation de la zone d'aménagement concertée Namérique sur son territoire. Par courrier du 19 juillet 2023, le maire a informé la société GGL Aménagement que sa candidature avait été retenue à l'instar de celle d'autres candidats et que le dossier de consultation concernant la " phase offre " lui serait ensuite notifié avec un délai de 120 jours pour présenter l'offre initiale. Ce dossier de consultation, dans lequel figurait le règlement de consultation faisant état d'une date " prévisionnelle de réception " des offres le " 22 novembre 2023 à 12H ", a ensuite été notifié aux candidats le 25 juillet 2023, puis complété, le 20 septembre 2023, par le projet de traité de concession. Estimant que l'offre de la société GGL Aménagement, déposée le 22 novembre 2023 à 12 heures et 54 secondes sur la plateforme, était tardive, le maire de la commune de Bessan a, le 4 décembre 2023 rejeté son offre. La société GGL Aménagement, qui conteste le motif de rejet de son offre, demande au juge des référés, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler cette décision et d'enjoindre à la commune d'analyser son offre.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratif ayant pour l'objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Et aux termes de l'article L. 551-2 de ce code : " I. Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat () ".

3. Aux termes de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, (). ".

4. Aux termes de l'article 18 du règlement de la consultation relatif aux conditions d'envoi ou de remise des plis (candidatures et offres) : " La date prévisionnelle de réception des offres : 120 jours à compter de la notification des candidats admis à présenter une offre ; la date et l'heure sont les suivants : 22 novembre 2023 à 12H (heure locale). Les plis (candidature et offre) peuvent être adressés dans les conditions suivantes : - Par voie électronique sur la plateforme acheteur :https://www.marches-securises.fr - Seule la copie de sauvegarde peut être aussi adressée sous format papier dans les conditions suivantes : () Dépôt possible contre récépissé au service administratif de la Mairie de 8h30 à 12h00 et de 13h30 à 18h00 du lundi au vendredi 12h. () Attention, il convient de prévoir une marge temporelle sécurisée pour la remise des candidatures et des offres. () ".

5. Il résulte de l'instruction, d'une part, que le 19 juillet 2023, le maire de Bessan a informé la société GGL Aménagement que sa candidature était retenue et qu'à l'issue de la réunion en mairie, le 24 juillet suivant, où l'entier dossier lui sera remis, elle disposera de 120 jours pour présenter une offre, ce qui correspondait alors au 20 novembre à minuit. D'autre part, que le dossier de consultation, qui a été adressé le 25 juillet 2023 aux candidats retenus faisait mention de l'article 18 précité du règlement de la consultation donc de la date du 22 novembre 2023 à 12 heures de remise des offres. Toutefois, ce dossier de consultation a fait l'objet, le 20 septembre suivant d'un complément très substantiel par l'apport du projet de traité de concession, lequel conditionne les conditions de l'équilibre financier de la concession, sans toutefois qu'il soit fait mention d'une nouvelle date de remise des offres. Il ressort de ces constats que le terme du délai de remises des offres est incertain, et cela tient à l'absence littérale d'une date limite de remise des offres compte tenu de l'emploi de la mention " date prévisionnelle " au règlement de la consultation, mais aussi au lien entre le point de départ du délai de 120 jours et la date de la remise du dossier de consultation selon qu'il est ou non complet et, enfin à l'incertitude sur le terme même du délai fixé au 22 novembre à 12 heures, qui, dans son libellé, pourrait être interprété comme avant 12 heures sonnantes ou 13 heures sonnantes comme avant 12 heures et 1 seconde comme l'a lu la commune de Bessan. Dans ces conditions, la société GGL Aménagement est fondée à soutenir que ces ambiguïtés sont constitutives d'un manquement aux règles de mise en concurrence qui l'a lésée et qu'en conséquence, c'est à tort que la commune de Bessan a rejeté comme tardive l'offre qu'elle avait déposée le 22 novembre à 12 heures et 54 secondes sur la plateforme numérique.

6. Il y a donc lieu d'annuler la décision du 4 décembre 2023 du maire de la commune de Bessan et d'enjoindre à la commune de Bessan, si elle entend poursuivre la procédure d'appel d'offres, d'intégrer l'offre de la société GGL Aménagement, déclarée complète, au stade de l'analyse des offres.

Sur les conclusions en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Bessan le versement d'une somme à la société GGL Aménagement sur le fondement de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La décision du 4 décembre 2023 du maire de Bessan est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Bessan, si elle entend poursuivre la procédure d'appel d'offres, d'intégrer l'offre de la société GGL Aménagement au stade de l'analyse des offres.

Article 3 : Les conclusions de la société GGL Aménagement en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la SAS GGL Aménagement et à la commune de Bessan.

Fait à Montpellier, le 17 janvier 2024

Le juge des référés, La greffière,

E. Souteyrand M-A. Barthélémy

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne et à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

Montpellier, le 18 janvier 2024.

La greffière,

M-A. Barthélémy