TA de Nantes, 17 novembre 2023, n°2315259

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 octobre 2023 et 7 novembre 2023, la société Agence indivisible, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'annuler la décision du 3 octobre 2023 par laquelle l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) a rejeté son offre déposée dans le cadre de la procédure d'attribution d'un marché public ayant pour objet " l'analyse des pratiques liées aux achats de textiles (neuf et de seconde main) " ;

2°) d'enjoindre à l'ADEME de procéder à nouveau à l'analyse des offres ;

3°) de mettre à la charge de l'ADEME une somme de 4 940 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les notes qu'elle a obtenues sur les critères techniques et de la qualification sont abusivement basses ;

- l'ADEME a mis en œuvre des critères non prévus par le règlement de la consultation.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 novembre 2023, l'ADEME, représentée par Me Sery, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société Agence Indivisible au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête de la société Agence indivisible est irrecevable, dès lors que son offre était irrégulière ou inappropriée ;

- aucun des moyens invoqués par la société requérante n'est fondé.

Vu les pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Simon, en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique tenue le 7 novembre 2023 à 15h00 en présence de Mme Goudou, greffière d'audience, M. Simon a lu son rapport et entendu :

- les observations de M. A, gérant de la société Agence indivisible

- et les observations de Me Vidakovic , substituant Me Sery, avocat de l'ADEME.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) a lancé une procédure en vue de l'attribution d'un marché public ayant pour objet l'analyse des pratiques liées aux achats de textiles (neuf et de seconde main ". La date limite de dépôt des candidatures a été fixée au 28 juillet 2023 à 10h00. Par courrier du 3 octobre 2023, la société Agence indivisible a été informée du rejet de son offre et de ce que le marché était attribué à la société Obsoco. Par sa requête, la société Agence indivisible demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la décision de rejet de son offre et d'enjoindre à l'ADEME de procéder à un nouvel examen des offres.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / Il peut également être saisi en cas de manquement aux mêmes obligations auxquelles sont soumises, en application de l'article L. 521-20 du code de l'énergie, la sélection de l'actionnaire opérateur d'une société d'économie mixte hydroélectrique et la désignation de l'attributaire de la concession. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ".

3. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

4. En premier lieu, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, rappelés par l'article L. 3 du code de la commande publique applicable à tous les contrats entrant dans le champ d'application de celui-ci, le pouvoir adjudicateur a l'obligation d'indiquer dans les documents de consultation les critères d'attribution du marché et leurs conditions de mise en œuvre. Il n'est en revanche pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation retenue pour apprécier les offres au regard de chacun de ces critères.

5. Il résulte du règlement de la consultation que le dossier de consultation comprenait notamment un cahier des clauses techniques particulières et que celui-ci précisait à son

point 5.2 b) que la proposition technique détaillée à remettre au titre de l'offre devait couvrir l'ensemble du contenu de la prestation et préciser les éléments demandés dans le cahier des charges du dossier de consultation des entreprises. Ce document précisait également que l'évaluation des offres se ferait au regard du critère du prix pondéré à 35%, de la valeur technique pondéré à 60%, lui-même divisé en deux sous-critères " propositions méthodologiques et organisationnelles " pondéré à 35% et " qualification des intervenant " pondéré à 25%, et du développement durable pondéré à 5%. Si l'ADEME a procédé à l'analyse des offres au regard de ces critères et pris en considération, comme éléments d'appréciation, la présence des éléments techniques requis par le dossier de consultation, notamment ceux énoncés dans le cahier des clauses techniques particulières, il ne résulte pas de l'instruction que celle-ci aurait mis en œuvre des critères non prévus par le règlement de la consultation qui n'auraient pas été portés à la connaissance des candidats. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité ainsi invoqué doit être écarté comme non fondé.

6. En second lieu, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.

7. La société requérante conteste les notes qui lui ont été attribuées sur les deux sous-critères du critère de la qualité technique relatifs aux propositions méthodologiques et organisationnelles d'une part et à la qualification des intervenants d'autre part. Pour rejeter l'offre de la société requérante, l'ADEME s'est notamment fondée, pour l'appréciation de la qualité technique de son offre, sur le caractère insuffisant de celle-ci au regard des exigences exprimées dans les documents de la consultation. Ainsi qu'il a été dit précédemment, les éléments attendus par le pouvoir adjudicateur étaient précisément indiqués dans le règlement de la consultation qui renvoyait notamment au cahier des clauses techniques particulières. La société requérante, qui se borne à soutenir qu'elle aurait dû obtenir de meilleures notes sur chacun des sous-critères du critère de la valeur technique en faisant valoir que, les procédés proposés, notamment sur la phase de l'analyse bibliographique, et que l'expérience indiquée dans les CV des membres de son équipe, correspondaient pour chacun de ces items aux attentes du pouvoir adjudicateur, n'établit pas en quoi le contenu de son offre aurait été dénaturé sur ces points. Par ailleurs, eu égard à l'office du juge du référé précontractuel, l'argumentation de la société requérante relative à la contestation de l'appréciation portée par l'ADEME sur la valeur de son offre, ne peut qu'être écartée comme inopérante.

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la société Agence indivisible sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ADEME, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que demande l'Agence indivisible au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Agence indivisible une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'ADEME et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Agence indivisible est rejetée.

Article 2 : La société Agence indivisible versera à l'ADEME une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Agence indivisible, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Obsoco.

Copie en sera adressée à l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

Fait à Nantes, le 15 novembre 2023.

Le juge des référés,

P-E. SIMON

La greffière,

A. GOUDOU

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,