TA de Toulouse, 09 novembre 2023, n° 2203456

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 462171 du 4 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis la requête enregistrée le 27 novembre 2019 au tribunal administratif de Toulouse, au tribunal administratif de Nîmes.

Par une ordonnance n° 1906770 du 16 juin 2022, le président du tribunal administratif de Nîmes a transmis la requête présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) Roc de l'Arche au tribunal administratif de Toulouse.

I. Par une requête enregistrée sous le numéro 1926770, puis sous le numéro 2203456, et des mémoires, enregistrés les 27 novembre 2019 et 21 mai 2021, la SAS Roc de l'Arche, représentée par Me Saules, a initialement demandé au tribunal :

1°) d'annuler la notification de saisie administrative à tiers détenteur en date du 28 septembre 2019 ;

2°) d'annuler les titres exécutoires émis les 3 octobre 2017, 13 mars 2018, 4 octobre 2018 et 11 mars 2019, ainsi que les actes subséquents ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune d'Espalion la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

S'agissant des titres exécutoires :

- la commune d'Espalion ne les lui a pas régulièrement notifiés ;

- ils ne sont pas fondés ;

S'agissant de la saisie administrative à tiers détenteur :

- elle est entachée d'un vice de forme en l'absence d'accusé de réception de la banque ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des titres exécutoires sur lesquels elle se fonde ;

- elle n'est pas fondée dès lors que sa dette est éteinte en raison du non-respect par la commune d'Espalion de son obligation d'obtenir tous les cinq ans le classement trois étoiles pour le camping du Roc de l'Arche.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2020, la commune d'Espalion, prise en la personne de M. A, son maire, et représentée par Me Accaries, demande au tribunal, à titre principal, de rejeter la requête comme irrecevable, à titre subsidiaire de la rejeter comme infondée, et en tout état de cause de mettre à la charge de la société requérante la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête dirigée contre les titres exécutoires est tardive ;

- les conclusions dirigées contre la saisie administrative à tiers détenteur sont présentées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

- les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés.

II. Par un mémoire en désistement enregistré le 3 juin 2022, la SAS Roc de l'Arche, représentée par Me Saules, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :

1°) de constater son désistement d'instance dirigée contre la notification de saisie administrative à tiers détenteur du 28 septembre 2019, ainsi que contre les titres du 3 octobre 2017, du 13 mars 2018, du 4 octobre 2018 et du 11 mars 2019, tous émis par le comptable public de la commune d'Espalion ;

2°) d'homologuer le protocole d'accord signé par les parties le 26 mai 2022.

Elle déclare se désister purement et simplement de cette instance à la suite du protocole d'accord signé le 26 mai 2022 avec la commune d'Espalion, dont elle sollicite l'homologation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2022, la commune d'Espalion, prise en la personne de M. A, son maire, et représentée par Me Accaries, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :

1°) de constater le désistement de la SAS Roc de l'Arche dans cette instance ;

2°) d'homologuer le protocole d'accord signé par les parties le 26 mai 2022.

Elle déclare qu'elle ne s'oppose pas au désistement demandé par la SAS Roc de l'Arche.

Les parties ont été informées, le 10 février 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'interdiction pour une personne publique de consentir une libéralité.

Des pièces complémentaires ont été enregistrées pour la SAS Roc de l'Arche le 16 février 2023, en application de l'article R. 611-10 du code de justice administrative.

Une demande de pièce a été formée le 22 septembre 2023 en application des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Une pièce complémentaire a été enregistrée pour la commune d'Espalion le 25 septembre 2023, qui n'a pas été communiquée.

Les parties ont été informées, le 11 octobre 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'absence de consentement effectif des parties à la transaction et de l'illicéité de celle-ci dès lors que, d'une part, la seule délibération du 24 mai 2022 ne démontre pas que le conseil municipal de la commune d'Espalion se serait prononcée sur la version finale du protocole transactionnel et que, d'autre part, ce protocole comprend une condition suspensive en son article 4.

Un mémoire complémentaire a été enregistré pour la commune d'Espalion le 17 octobre 2023 et communiqué.

Vu :

- le protocole d'accord signé par les parties le 26 mai 2022 ;

- l'ordonnance n° 1926770 du 16 juin 2022 par laquelle le président du tribunal administratif de Nîmes a transmis la requête enregistrée sous ce même numéro au tribunal administratif de Toulouse ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la commande publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hecht, rapporteur,

- les conclusions de M. Déderen, rapporteur public,

- et les observations de Me Accaries, représentant la commune d'Espalion.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes d'un contrat de délégation de service public conclu le 19 octobre 2011 avec la commune d'Espalion (Aveyron), la SAS Roc de l'Arche a exploité le camping municipal du Roc de l'Arche, du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2022. Par la présente requête, en date du 27 novembre 2019, enregistrée sous le numéro 1926770 puis sous le numéro 2203456, la SAS Roc de l'Arche a initialement demandé l'annulation de la notification de saisie administrative à tiers détenteur du 28 septembre 2019, ainsi que des titres des 3 octobre 2017, 13 mars 2018, 4 octobre 2018 et 11 mars 2019, tous émis par le comptable public d'Espalion. Par une deuxième requête, en date du 6 juillet 2021, enregistrée sous le numéro 2104114 et toujours pendante devant le tribunal, la SAS Roc de l'Arche a initialement demandé l'annulation de la mise en demeure valant commandement de payer notifiée le 11 mars 2021, ainsi que des titres des 4 octobre 2019, 3 mars et 19 octobre 2020, tous émis par le comptable public d'Espalion. Par une troisième requête, en date du 26 juillet 2021, enregistrée sous le numéro 2104470 et toujours pendante devant le tribunal, la SAS Roc de l'Arche a initialement demandé l'annulation de la décision implicite du maire de la commune d'Espalion, en date du 29 mai 2021, de refus de la demande préalable valant mise en demeure de la SAS Roc de l'Arche, en date du 26 mars 2021, de résiliation du contrat d'exploitation du 19 octobre 2011 et attribution de pénalités de retard ou indemnisation de perte. Par une quatrième requête, en date du 5 novembre 2021, enregistrée sous le numéro 2106415 et toujours pendante devant le tribunal, la SAS Roc de l'Arche a initialement demandé l'annulation de la notification de saisie administrative à tiers détenteur du 7 septembre 2021, ainsi que des titres des 4 octobre 2019, 3 mars 2020, 19 octobre 2020 et 1er mars 2021, tous émis par le comptable public d'Espalion. Par une cinquième requête, en date du 12 avril 2022, enregistrée sous le numéro 2202101 et toujours pendante devant le tribunal, la SAS Roc de l'Arche a initialement demandé l'annulation de la notification de saisie administrative à tiers détenteur du 14 février 2022 et du titre du 5 octobre 2021, tous deux émis par le comptable public d'Espalion. Par une ordonnance du 7 mars 2022, le tribunal a désigné l'association " Médiateurs Ad Hoc " comme médiateur dans le cadre des litiges qui ont opposé la commune et la société. Les deux parties ont conclu un protocole d'accord signé le 26 mai 2022. Par la présente requête, elles demandent au tribunal, dans le dernier état de leurs écritures, d'homologuer ce protocole d'accord et de prendre acte du désistement de la société de toutes les requêtes précitées.

Sur les conclusions tendant à l'homologation de la transaction :

2. Aux termes de l'article 2044 du code civil : " La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. / Ce contrat doit être rédigé par écrit. " Et selon son article 2052 : " Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. / Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion. "

3. Aux termes de l'article L. 213-1 du code de justice administrative : " La médiation régie par le présent chapitre s'entend de tout processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction. " Aux termes de l'article L. 213-4 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut, dans tous les cas où un processus de médiation a été engagé en application du présent chapitre, homologuer et donner force exécutoire à l'accord issu de la médiation. " Et selon son article L. 213-7 : " Lorsqu'un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel est saisi d'un litige, le président de la formation de jugement peut, après avoir obtenu l'accord des parties, ordonner une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre celles-ci. "

4. Aux termes de l'article L. 423-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Ainsi que le prévoit l'article 2044 du code civil et sous réserve qu'elle porte sur un objet licite et contienne des concessions réciproques et équilibrées, il peut être recouru à une transaction pour terminer une contestation née ou prévenir une contestation à naître avec l'administration. La transaction est formalisée par un contrat écrit. "

5. Les parties à une instance en cours devant le juge administratif peuvent présenter à celui-ci, y compris à l'occasion d'un pourvoi en cassation, des conclusions tendant à l'homologation d'une transaction réalisée dans les conditions prévues aux articles 2044 et 2052 du code civil, par laquelle les parties mettent fin à la contestation initialement portée devant la juridiction administrative. Il appartient alors au juge administratif, qui se prononce en tant que juge de l'homologation, de vérifier que les parties consentent effectivement à la transaction, que l'objet de celle-ci est licite, qu'elle ne constitue pas de la part de la collectivité publique une libéralité et ne méconnaît pas d'autres règles d'ordre public. En cas d'homologation de la transaction, le juge administratif doit constater le non-lieu à statuer sur la requête ou, dans le cas où la partie requérante aurait subordonné son désistement à l'homologation de la transaction, donner acte de ce désistement. En revanche, le refus d'homologation entraînant la nullité de la transaction, il appartient dans cette hypothèse au juge de statuer sur la requête.

6. D'une part, en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, l'autorité concédante peut toujours, pour un motif d'intérêt général, résilier un contrat de concession, sous réserve des droits à indemnité du concessionnaire. L'étendue et les modalités de cette indemnisation peuvent être déterminées par les stipulations du contrat, sous réserve qu'il n'en résulte pas, au détriment d'une personne publique, une disproportion manifeste entre l'indemnité ainsi fixée et le montant du préjudice résultant, pour le concessionnaire, des dépenses qu'il a exposées et du gain dont il a été privé. En revanche, rien ne s'oppose à ce que des stipulations prévoient une indemnisation.

7. D'autre part, pour déterminer si une transaction constitue une libéralité consentie de façon illicite par une collectivité publique, les concessions réciproques consenties par les parties dans le cadre de cette transaction doivent être appréciées de manière globale, et non en recherchant si, pour chaque chef de préjudice pris isolément, les indemnités négociées ne sont pas manifestement disproportionnées.

8. Il résulte des termes du protocole transactionnel, d'une part, que la commune d'Espalion, premièrement, résilie le contrat de concession du camping dès le 25 mai 2022 au lieu du 31 décembre 2022, à la demande de la SAS Roc de l'Arche, deuxièmement qu'elle abandonne 37 500 euros de créance, correspondant aux redevances dues pour le second semestre de l'année 2021 et pour l'année 2022, troisièmement qu'elle accepte que l'état des lieux fixé contradictoirement par constat d'huissier le 25 avril 2022 constitue l'état des lieux définitif, quatrièmement qu'elle décharge la société de l'exploitation pour l'année 2022, cinquièmement qu'elle lui rembourse les charges directes versées au titre de l'année, pour un montant de 1 590 euros au titre des charges versées du 1er janvier au 30 avril 2022, à compléter par la somme correspondant aux charges versées du 1er au 24 mai 2022, sixièmement qu'elle lui restitue la caution de 2 500 euros, septièmement qu'elle reprend le petit matériel pour un montant de 2 350 euros, ainsi que le site internet pour un montant de 4 600 euros. D'autre part, la société Roc de l'Arche s'engage à libérer les lieux le 28 mai 2022, à remettre à la commune les contrats d'abonnement et le fichier clientèle, à se désister des cinq instances pendantes, citées au point 1 du présent jugement, et à renoncer à toutes actions, droits et réclamations, tout en certifiant l'absence de contentieux prudhommal en cours.

9. Si les neuf titres exécutoires émis par la commune à l'encontre de la SAS Roc de l'Arche, et contestés par cette dernière dans le cadre des instances précitées, représentent, au total, la somme de 112 500 euros (9 x 12 500 euros), toutefois il convient de rappeler qu'il s'agit de titres émis en raison du refus de la société concessionnaire de payer la redevance semestrielle de 12 500 euros depuis le premier semestre 2017. De plus, le désistement de l'instance n°2104470 conduirait la société à renoncer à la réparation du préjudice qu'elle prétend avoir subi en raison de la perte du classement trois étoiles du camping. Toutefois, et contrairement à ce qu'indique le protocole transactionnel dans le dernier paragraphe de son point liminaire n°1, il ne résulte pas des stipulations de l'article 6.1 du contrat de concession que la commune d'Espalion aurait été responsable de la demande de renouvellement et de l'obtention du classement du camping en " trois étoiles ". En outre, il ne résulte pas non plus de l'instruction que le préjudice d'exploitation allégué serait établi, alors qu'il n'est pas même chiffré dans le cadre du protocole transactionnel. A l'inverse, si l'abandon de la créance correspondant à la redevance de 12 500 euros due pour le second semestre 2022 s'explique par la résiliation anticipée de la concession au 25 mai 2022, dont le protocole rappelle au demeurant qu'elle est intervenue à la demande de la société concessionnaire, en revanche les créances correspondant au second semestre 2021 et au premier semestre 2022, pour un total de 25 000 euros, auxquelles la commune accepte de renoncer, correspondent à des périodes durant lesquelles la société Roc de l'Arche a exploité le camping dans le cadre de sa concession. Dans ces conditions, les concessions réciproques consenties par les deux parties, appréciées globalement, révèlent une disproportion manifeste au détriment de la commune d'Espalion, constitutive d'une libéralité de la part de cette personne publique, étant observé qu'aucune des deux parties n'a formulé d'observations en réponse au courrier du 10 février 2023 par lequel le tribunal les avait informées que ce moyen était susceptible d'être relevé d'office.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'illégalité dont est entaché le protocole transactionnel en litige, qui constitue de la part de la collectivité publique une libéralité en méconnaissance d'une règle d'ordre public, implique, par sa gravité, que le protocole soit annulé.

11. Le refus d'homologation entraînant la nullité de la transaction, il appartient dans cette hypothèse au juge de statuer sur la requête.

12. La société requérante a demandé au tribunal, dans le dernier état de ses écritures, d'abord de constater son désistement d'instance, puis d'homologuer le protocole transactionnel conclu avec la commune d'Espalion, dans lequel elle s'engageait notamment à se désister de cette instance, sans maintenir ses conclusions initiales. Cependant, et pour regrettable que soit la formulation de ces conclusions, la société requérante doit être regardée comme demandant d'abord l'homologation de ce protocole puis, sous réserve de cette dernière, son désistement d'instance ou bien, à défaut, le maintien de ses conclusions initiales. Par suite, l'annulation de ce protocole implique d'examiner les conclusions à fin d'annulation que la société avait présentées dans l'état précédent de ses écritures, ainsi que celles présentées par la commune au même stade de l'instruction.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre les titres exécutoires :

13. En premier lieu, aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale () pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. ".

14. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ".

15. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune d'Espalion aurait régulièrement notifié les titres exécutoires en litige. Toutefois, ce défaut de notification, s'il a eu pour effet de prolonger le délai de recours contentieux ouvert à la société Roc de l'Arche, est en revanche sans incidence sur la légalité de ces titres.

16. En second lieu, l'article 16 du contrat de concession signé par les parties stipule que : " L'Exploitant est tenu de verser à la Commune une redevance d'affermage en contrepartie de l'exploitation du service public. () Cette devance sera de 25 000 € par an à parti de l'année 2012. "

17. Il ressort des pièces du dossier que les quatre titres contestés correspondent aux redevances dues pour les deux semestres de l'année 2017 et pour les deux semestres de l'année 2018, tandis qu'il est constant que la société Roc de l'Arche a cessé de verser à la commune d'Espalion cette redevance d'affermage à compter du premier semestre 2017. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à contester le bien-fondé de ces quatre titres, à supposer qu'elle ait entendu soulever ce moyen.

18. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation des quatre titres exécutoires en litige doivent être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la saisie administrative à tiers détenteur :

S'agissant de l'incompétence du juge administratif opposée en défense :

19. Aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa version alors en vigueur : " 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. () ".

20. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " () Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : () c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution. ".

21. Il ressort de ces dispositions que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales est de la compétence du juge de l'exécution, tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances est de celle du juge compétent pour en connaître sur le fond.

22. Par suite, s'agissant d'une créance non fiscale des collectivités territoriales, en application des dispositions précitées, seul le juge de l'exécution était compétent pour connaître des conclusions dirigées contre la notification de la saisie à tiers détenteur du 21 septembre 2019.

23. Il résulte de ce qui précède que l'exception d'incompétence soulevée par la commune d'Espalion doit être accueillie, s'agissant des conclusions dirigées contre la notification de la saisie à tiers détenteur.

Sur les dépens :

24. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. () ".

25. La SAS Roc de l'Arche, qui ne justifie pas avoir engagé de frais compris dans les dépens, et qui est au demeurant la partie perdante dans la présente instance, n'est pas fondée à demander à ce que les dépens soient mis à la charge de la commune d'Espalion.

Sur les frais d'instance :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune d'Espalion, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société Roc de l'Arche la somme réclamée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Roc de l'Arche une somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le protocole d'accord signé le 26 mai 2022 portant transaction entre la SAS Roc de l'Arche et la commune d'Espalion est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SAS Roc de l'Arche tendant à l'annulation de la saisie administrative du 28 septembre 2019 sont rejetées car présentées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la SAS Roc de l'Arche est rejeté.

Article 4 : La SAS Roc l'Arche versera à la commune d'Espalion une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Roc de l'Arche et à la commune d'Espalion.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de l'Aveyron et à la direction départementale des finances publiques de l'Aveyron.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Carotenuto, présidente,

M. Hecht, premier conseiller,

Mme Pétri, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

Le rapporteur,

S. HECHT

La présidente,

S. CAROTENUTO La greffière,

F. LE GUIELLAN

La République mande et ordonne au préfet de l'Aveyron, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme :

La greffière en chef,