TA Guadeloupe, 06/09/2023, n°2301000

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, respectivement enregistrés les 11 et 31 août 2023, la société SOTRADOM, agissant en son nom propre et en qualité de mandataire du groupement éponyme, représentée par la selarl Genesis Avocats agissant par Me Benjamin, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'enjoindre à la SEMAG de lui communiquer les attestation fiscales et sociales de chacune des entreprises du groupement mandataire ;

2°) d'annuler la procédure de passation du marché public engagée par la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe (SEMAG), agissant en qualité de mandataire de maître d'ouvrage pour le compte de la région de la Guadeloupe, en vue de la démolition, conception, construction et la maintenance de la cité scolaire de Baimbridge sur la partie Lycée Chevalier St Georges ;

3°) d'annuler la décision de la SEMAG du 2 août 2023 rejetant son offre pour l'attribution du marché public global de performance ayant pour objet la démolition, la conception, la construction et la maintenance de la cité scolaire de Baimbridge ;

4°) d'annuler la décision d'attribution du marché au groupement ICM ;

5°) d'enjoindre à la SEMAG de se conformer aux dispositions de la consultation aux termes desquelles " si le candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché ne peut produire les documents demandés ci-dessus dans le délai imparti, son offre est rejetée et le candidat est éliminé. Le candidat dont l'offre a été classé immédiatement après la sienne est alors sollicité pour produire les certificats et attestations nécessaires avant que le marché ne lui soit attribué " ;

6°) de mettre à la charge de la SEMAG la somme de 10 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'offre du groupement attributaire doit être écartée, dès lors que :

- sa requête est recevable et bien dirigée ;

- elle est susceptible d'avoir été lésée par le manquement qu'elle invoque ;

- la société Ingénierie Construction Moderne (ICM), mandataire du groupement attributaire, ne justifie pas, dans le délai de huit jours prescrit par le règlement de la consultation, de la production des pièces visées dans le règlement de la consultation de la phase " offre " et aux articles R. 2143-6 et suivants du code de la commande publique pour chacun des membres du groupement attributaire, en particulier de l'attestation fiscale de la société Atelier architecture BMC, de l'attestation fiscale de la société ICM, de l'attestation fiscale de la société Emile Gaddarkhan et fils A et des pièces visées par cet article de la société SGTP ;

- la SEMAG ne peut utilement se prévaloir de l'article R. 2144-6 du code de la commande publique, dès lors que ces dispositions ne permettent pas la prorogation du délai de dépôt des pièces visées aux articles R. 2143-6 et suivants du code de la commande publique ;

- la SEMAG ne pouvait accepter la substitution de la société SGTP par la société ICM, dès lors que les prescriptions de l'article L. 2141-13 du code de la commande publique n'étaient pas applicables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2023, la société Ingénierie Construction Moderne (ICM), représentée par la selas Comolet-Zanati avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société SOTRADOM la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'obligation relative à la production des pièces visées dans le règlement de la consultation et aux articles R. 2143-6 du code de la commande publique est postérieure à la décision d'attribution et ne relève pas, par conséquent, des prévisions du référé précontractuel ;

- en tout état de cause, la société ICM, ainsi que le lui permettent les dispositions de l'article L. 2141-13 du code de la commande publique, s'est substituée au membre du groupement d'opérateurs frappé par un motif d'exclusion.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 29 et 31 août 2023, la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe (SEMAG), représentée par Me Fernandez-Begault, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société SOTRADOM la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable, dès lors qu'elle n'indique pas l'adresse du siège social de la SEMAG, contrairement aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- la requête est irrecevable comme mal dirigée, dès lors que la SEMAG, qui agit en qualité de mandataire du maître d'ouvrage, n'est pas décisionnaire en matière d'attribution du marché public ;

- la société requérante est insusceptible d'avoir été lésée dans ses intérêts par le moyen qu'elle invoque, dès lors que son offre a déjà été rejetée et, en tout état de cause, qu'un membre du groupement dont elle est mandataire, qui est dans l'incapacité de produire une attestation de régularité fiscale, se trouve dans un des cas d'exclusion prévus par l'article L. 2141-2 du code de la commande publique ;

- en toute hypothèse, le moyen n'est pas fondé, dès lors que la société ICM a produit les documents justifiant de l'absence de motifs d'exclusion pour l'ensemble des membres du groupement, à l'exception des documents concernant la société SGTP, qu'elle a remplacée, ainsi que le lui permettent les dispositions de l'article L. 2141-13 du code de la commande publique.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- l'arrêté du 22 mars 2019 fixant la liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales donnant lieu à la délivrance de certificats pour l'attribution des contrats de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. B en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique tenue en présence de Mme Cetol, greffière d'audience, M. B a lu son rapport et entendu les observations de :

- Me Liebeaux et Me Benjamin, pour la société Sotradom, qui concluent aux mêmes fins que la requête, en précisant que les attestations fiscales de la société Emile Gaddarkhan et fils A n'ont pas été produites, que les pièces produites par la société ICM ne sont pas probantes et que les attestations sociales des entreprises membres du groupement attributaire ne sont pas versées au dossier ; il est par ailleurs soutenu que le remplacement de la société SGTP ne pouvait valablement intervenir sur le fondement de l'article L. 2141-13 du code de la commande publique, dès lors que les autres membres du groupement avaient nécessairement connaissance de ce que cette société était frappée d'un motif d'exclusion ;

- Me Fernandez pour la SEMAG, qui conclut aux mêmes fins que ses écritures, en indiquant que l'ensemble des pièces justificatives attestant que les candidats ne se trouvaient pas dans un cas d'exclusion ont été produites par les candidats dans le délai qu'elle leur avait imparti. Elle indique que sera versé au dossier l'ensemble des attestations - dont les attestations sociales - produites par les membres du groupement ; elle confirme le caractère régulier de la substitution opérée par la société ICM ;

- Me Zanati en visio audience pour la société ICM, qui conclut aux mêmes fins que ses écritures, en indiquant que l'ensemble des pièces justificatives attestant de l'absence de motif d'exclusion des membres du groupement ont été produites et en faisant valoir que la société requérante n'est en tout état de cause pas susceptible d'être lésée par le manquement qu'elle invoque.

A l'issue de l'audience, le magistrat désigné a indiqué différer la clôture de l'instruction au 1er septembre, à 18h, heure guadeloupéenne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2023, la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe (SEMAG), représentée par Me Fernandez-Begault, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société SOTRADOM la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle produit l'ensemble des certificats émanant des membres du groupement attributaire reçus par la SEMAG le 2 août 2023.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2023, la société Ingénierie Construction Moderne (ICM), représentée par la selas Comolet-Zanati avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société SOTRADOM la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire complémentaire, enregistré le 1er septembre 2023, la société SOTRADOM, représentée par la selarl Genesis Avocats agissant par Me Benjamin, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'annuler la procédure de passation du marché public engagée par la SEMAG, agissant en qualité de mandataire de maître d'ouvrage pour le compte de la région de la Guadeloupe, en vue de la démolition, conception, construction et la maintenance de la cité scolaire de Baimbridge sur la partie Lycée Chevalier St Georges (LCSG) ;

2°) d'annuler la décision du SEMAG du 2 août 2023 rejetant son offre pour l'attribution du marché public global de performance ayant pour objet la démolition, la conception, la construction et la maintenance de la cité scolaire de Baimbridge ;

3°) d'annuler la décision d'attribution du marché au groupement ICM ;

4°) d'enjoindre à la SEMAG de se conformer aux dispositions de la consultation aux termes desquelles " si le candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché ne peut produire les documents demandés ci-dessus dans le délai imparti, son offre est rejetée et le candidat est éliminé. Le candidat dont l'offre a été classé immédiatement après la sienne est alors sollicité pour produire les certificats et attestations nécessaires avant que le marché ne lui soit attribué " ;

5°) de mettre à la charge de la SEMAG la somme de 10 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les documents produits par les défendeurs ne constituent pas des preuves suffisantes attestant que l'ensemble des membres du groupement attributaire satisfaisaient à leurs obligations fiscales et sociales, dès lors que :

- la société ICM et la société Emile Gaddarkhan et fils A ne produisent aucune attestation fiscale, et la société Atelier architecture BMC a produit une attestation fiscale hors-délais ;

- la société ICM ne produit pas d'attestation URSSAF, ni d'attestation émanant d'une caisse de retraite ; elle produit par ailleurs une attestation émanant de la caisse de congés payés qui n'est pas valide ;

- la société Emile Gaddarkhan et fils A produit une attestation émanant de la caisse de congés payés qui n'est pas valide ; l'attestation de la caisse de retraite produite n'est pas probante ;

- les sociétés Hauss et " Jardin et Paysage " n'ont pas produit d'attestation émanant de la caisse de retraite.

Par une ordonnance du 4 septembre 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 5 septembre, à 12h.

Des mémoires présentés par la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe (SEMAG) et par la société ICM ont été enregistrés le 5 septembre 2023 et n'ont pas été communiqués.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence, publié le 28 juin 2019 au BOAMP, la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe (SEMAG), agissant en qualité de mandataire de maître d'ouvrage pour le compte de la région de la Guadeloupe, a lancé une procédure de passation négociée en vue de l'attribution d'un marché public global de performance portant sur la démolition, conception, construction et la maintenance de la cité scolaire de Baimbridge sur la partie Lycée Chevalier St Georges. Après avoir informé la société SOTRADOM, agissant en qualité de mandataire d'un groupement composé de dix sociétés, de ce que sa candidature avait été retenue par un courrier du 28 septembre 2021, la SEMAG a notifié à ce même groupement le rejet de son offre, par lettre du 2 août 2023, en lui indiquant que le marché avait été attribué à la société ICM en qualité de mandataire d'un groupement composé de 13 sociétés. Par la présente requête, la société SOTRADOM, mandataire du groupement dont l'offre a été classée en deuxième position, demande au juge des référés, sur le fondement l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler les décisions par lesquelles la SEMAG a rejeté son offre et attribué le marché au groupement ICM et d'enjoindre à la SEMAG de se conformer à ses obligations découlant de l'article 12.2 du règlement de consultation de la phase " offre ".

Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative :

2. Il résulte de l'instruction que, par un mémoire complémentaire du 31 août 2023, la société requérante a précisé l'adresse du siège social de la SEMAG. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la requête méconnaîtrait l'article R. 411-1 du code de justice administrative en ce qu'elle ne mentionnerait pas le domicile des parties est, en tout état de cause, infondée et doit être rejetée.

En ce qui concerne l'absence de mise en cause de la région de la Guadeloupe :

3. Aux termes de l'article L. 2422-6 du code de la commande publique : " Le contrat de mandat de maîtrise d'ouvrage a pour objet de confier au mandataire l'exercice, parmi les attributions mentionnées à l'article L. 2421-1, de tout ou partie des attributions suivantes : () 4° La préparation, la passation, la signature, après approbation du choix des attributaires, des marchés publics de travaux, ainsi que le suivi de leur exécution () ". Aux termes de l'article L. 2422-10 du même code : " Le mandataire représente le maître d'ouvrage à l'égard des tiers dans l'exercice des attributions qui lui ont été confiées. / Cette représentation s'exerce jusqu'à ce que le maître d'ouvrage ait constaté l'achèvement de la mission du mandataire dans les conditions définies par le contrat ".

4. Il est constant que, par une convention de mandat d'ouvrage du 16 avril 2013, la région de la Guadeloupe a confié à la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe (SEMAG) plusieurs attributions de la maîtrise d'ouvrage concernant la restructuration et au renforcement parasismique des bâtiments composant la cité scolaire de Bainbridge, en particulier les missions correspondant au 4° de l'article L. 2422-6 précité, soit la préparation, la passation et la signature des marchés publics de travaux ainsi que le suivi de leur exécution. Il suit de là que la SEMAG, en sa qualité de mandataire du maître d'ouvrage, agit, dans le cadre de ce mandat, au nom et pour le compte du maître d'ouvrage et représente ce dernier à l'égard des tiers dans l'exercice des attributions qui lui ont été confiées. Le pouvoir adjudicateur désigné dans l'avis d'appel à la concurrence pour la passation du marché en litige est d'ailleurs la SEMAG, et l'ensemble des courriers relatifs à la passation litigieuse destinés aux candidats, produits dans la présente instance, émanent non pas de la région de la Guadeloupe mais bien du mandataire du maître d'ouvrage. Dans ces conditions, eu égard, d'une part, à l'existence de ce contrat de mandat de maîtrise d'ouvrage entre la région de la Guadeloupe et la SEMAG et, d'autre part, à l'office du juge statuant sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative, à qui il n'appartient pas de condamner une partie, la fin de non-recevoir opposée en défense tirée de ce que la requête serait " mal dirigée " en ce qu'elle ne conclurait pas à la mise en cause de la région de la Guadeloupe doit être rejetée.

Sur le bien-fondé des conclusions présentées sur le fondement des articles L. 551-1 et L. 551-2 du code de justice administrative :

5. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique./ Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " I.- Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations () ".

6. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-5 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements de l'entité adjudicatrice à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Dès lors, il appartient au juge des référés précontractuels de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

En ce qui concerne les documents justificatifs et autres moyens de preuve de l'absence de motifs d'exclusion des sociétés du groupement attributaire :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 2141-2 du code de la commande publique : " Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui n'ont pas souscrit les déclarations leur incombant en matière fiscale ou sociale ou n'ont pas acquitté les impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales exigibles. La liste de ces impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales est fixée par un arrêté du ministre chargé de l'économie annexé au présent code / Cette exclusion n'est pas applicable aux personnes qui, avant la date à laquelle l'acheteur se prononce sur la recevabilité de leur candidature, ont, en l'absence de toute mesure d'exécution du comptable ou de l'organisme chargé du recouvrement, acquitté lesdits impôts, taxes, contributions et cotisations ou constitué des garanties jugées suffisantes par le comptable ou l'organisme chargé du recouvrement, ou, à défaut, ont conclu et respectent un accord contraignant avec les organismes chargés du recouvrement en vue de payer les impôts, taxes, contributions ou cotisations, ainsi que les éventuels intérêts échus, pénalités ou amendes. ". L'article R. 2143-7 du même code dispose : " L'acheteur accepte comme preuve suffisante attestant que le candidat ne se trouve pas dans un cas d'exclusion mentionné à l'article L. 2141-2, les certificats délivrés par les administrations et organismes compétents. La liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales devant donner lieu à délivrance d'un certificat ainsi que la liste des administrations et organismes compétents figurent dans un arrêté du ministre chargé de l'économie annexé au présent code ". Selon son article R. 2143-8 : " Le candidat produit, le cas échéant, les pièces prévues aux articles R. 1263-12, D. 8222-5 ou D. 8222-7 ou D. 8254-2 à D. 8254-5 du code du travail () " L'article 12.2 du règlement de la consultation " phase offre " énonce quant à lui que : " Le candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché produira dans un délai de 8 jours à compter de la demande du pouvoir adjudicateur les pièces visées aux articles R. 2143-6 du code de la commande publique à savoir notamment : () Un certificat délivré par l'administration fiscale dont relève l'opérateur économique attestant de la souscription des déclarations et du paiement de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés et, le cas échéant, de la taxe sur la valeur ajoutée. / Les certificats attestant que l'opérateur économique est à jour de ses obligations déclaratives et de paiement des cotisations sociales. () / Les pièces prévues aux articles R.1263-12, D.8222-5 ou D.8222-7 ou D.8254.2 à D.8254-5 du code du travail. Si le candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché ne peut produire les documents demandés ci-dessus dans le délai imparti, son offre est rejetée et le candidat est éliminé. / Le candidat dont l'offre a été classé immédiatement après la sienne est alors sollicité pour produire les certificats et attestations nécessaires avant que le marché ne lui soit attribué ".

8. D'autre part, l'article R. 2144-4 du code de la commande publique dispose que : " L'acheteur ne peut exiger que du seul candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché qu'il justifie ne pas relever d'un motif d'exclusion de la procédure de passation du marché ". Aux termes de l'article R. 2144-6 du même code : " L'acheteur peut demander au candidat de compléter ou d'expliquer les documents justificatifs et moyens de preuve fournis ou obtenus ". Aux termes de l'article R. 2144-7 du même code : " Si un candidat ou un soumissionnaire se trouve dans un cas d'exclusion, ne satisfait pas aux conditions de participation fixées par l'acheteur, produit, à l'appui de sa candidature, de faux renseignements ou documents, ou ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs, les moyens de preuve, les compléments ou explications requis par l'acheteur, sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé. / Dans ce cas, lorsque la vérification des candidatures intervient après la sélection des candidats ou le classement des offres, le candidat ou le soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été classée immédiatement après la sienne est sollicité pour produire les documents nécessaires. Si nécessaire, cette procédure peut être reproduite tant qu'il subsiste des candidatures recevables ou des offres qui n'ont pas été écartées au motif qu'elles sont inappropriées, irrégulières ou inacceptables ".

9. Il résulte des dispositions précitées que le marché ne peut être attribué au candidat ayant présenté l'offre la mieux classée sans qu'il ait préalablement remis au pouvoir adjudicateur l'ensemble des certificats et attestations auxquels renvoient ces dispositions. A défaut, l'acheteur est, comme le prévoit l'article R. 2144-7 du code de la commande publique, tenu d'éliminer le candidat ayant présenté l'offre la mieux classée.

10. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 11 juillet 2023, réceptionné par la société ICM le 24 juillet suivant, la SEMAG a informé cette société que le groupement dont elle était mandataire avait été déclaré attributaire du marché, sous réserve que lui soit transmis un ensemble de documents correspondant aux documents visés par l'article R. 2143-7 précité et les documents de la consultation, dans le délai de dix jours. Par un courrier du 2 août 2023, la société ICM a répondu en déclarant transmettre, en pièce-jointe et " parallèlement à [son] dépôt sur la plateforme marché PROVIGIS " ces documents pour l'ensemble des treize sociétés membres du groupement, à l'exception de l'attestation fiscale de la société Atelier d'architecture BMC " en attente de son attestation [en dépit] de la régularisation de sa situation vis-à-vis de la DGFIP " et de ceux concernant la société SGTP qui, selon ses déclarations, n'est pas apparue en mesure " de fournir toutes les pièces sollicitées dans les délais requis ". La société ICM a donc proposé au pouvoir adjudicateur, " conformément à l'article L. 2141-13 du code de la commande publique " de se substituer à la société SGTP. Par un courrier du 4 août 2023, la SEMAG a, d'une part, accepté que la société ICM remplace la société SGTP " conformément à l'article L. 2141-13 du code de la commande publique ", d'autre part, informé cette société de l'absence de " l'attestation fiscale de moins d'un mois de l'entreprise Gaddarkhan et Fils et de celle de l'entreprise Atelier d'architecture BMC " et, enfin, demandé à la société ICM de lui faire " parvenir soit une attestation de la direction des finances publiques attest[ant] qu'[elle] procède au règlement de [sa] dette ", en laissant " jusqu'au jeudi 31 août " au groupement pour lui faire parvenir ces pièces.

11. En premier lieu, la société requérante se prévaut de l'insuffisance des documents justificatifs remis par les membres du groupement attributaire.

12. Il résulte des pièces produites par le pouvoir adjudicateur que la société Gaddarkhan et Fils A lui a bien transmis le 2 août 2023, via la société ICM, une attestation de régularité fiscale datée du 30 mai 2023. Si la requérante se prévaut de ce que cette attestation datait de plus d'un mois, aucune disposition du code de la commande publique, de l'arrêté du 22 mars 2019 auquel renvoie ce code, ou du règlement de la consultation, n'impose une durée de validité des certificats attestant la souscription des déclarations et paiement délivrés par l'administration fiscale. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de l'irrégularité de cette attestation.

13. En outre, il résulte de l'instruction qu'après avoir été informée, le 2 août 2023, de ce que la société Atelier d'architecture BMC était encore en attente de son attestation fiscale, la SEMAG a été destinataire le 17 août 2023 d'une attestation de régularité fiscale datée du 7 août 2023 concernant cette société.

14. Par ailleurs, en produisant le 2 août 2023 un plan d'apurement échelonné pour le règlement de l'ensemble de ses dettes fiscales et sociales conclu avec la direction régionale des finances publiques de la Guadeloupe et en justifiant, par l'envoi de pièces complémentaires le 17 août suivant, ainsi que le lui demandait le pouvoir adjudicateur, du respect de ce plan par la production des virements correspondants aux montants dus aux échéances fixées, la société ICM doit être regardée comme apportant une preuve suffisante attestant de ce qu'elle est à jour de ses obligations fiscales et sociales.

15. Ensuite, il résulte du certificat du 12 juin 2023 émis par le directeur de l'agence de Guadeloupe de la casse congés BTP des Antilles et de la Guyane que la société Gaddarkhan et Fils A justifie du respect des obligations sociales lui incombant au titre des congés payés.

16. De même, en considérant que l'attestation de l'organisme des caisses de retraite du 8 juin 2023 certifiant que " la société Gaddarkhan et Fils A a[vait] souscrit un contrat retraite () et a[vait] obtenu un accord pour le paiement de ses cotisations dues au 30 avril 2023 " constituait une preuve suffisante que cette société s'acquittait de ses obligations sociales en la matière, le pouvoir adjudicateur n'a pas commis d'erreur d'appréciation.

17. Enfin, si la société requérante fait valoir que deux des entreprises du groupement attributaire n'ont pas produit d'attestations de caisses de retraite, il ne résulte pas de l'instruction que ces deux entreprises, eu égard au régime auquel elles se rattachaient, étaient tenues de produire ces documents en application des dispositions précitées.

18. Il suit de ce qui a été dit des points 12 à 17 que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le pouvoir adjudicateur aurait commis une erreur dans l'appréciation du caractère suffisant des documents lui ayant été remis par les membres du groupement attributaire en application des articles R. 2143-7 et suivants du code de la commande publique.

19. En second lieu, la société requérante fait valoir que les documents justificatifs n'ont pas été produits dans les délais impartis par le règlement de la consultation. Il résulte toutefois de l'instruction que la demande de la SEMAG sollicitant auprès du groupement attributaire ces documents octroyait à ce dernier un " délai de dix jours ", et que le groupement attributaire a produit le 2 août 2023, dans ce délai, les pièces demandées. Le pouvoir adjudicateur pouvait, ainsi que l'y autorisait l'article R. 2144-6 du code de la commande publique, en solliciter des compléments de preuve et des explications, faculté dont il a usé le 4 août, demandes auxquelles il a été répondu le 17 août suivant. S'il est constant que le délai imparti de dix jours était supérieur au délai de huit jours initialement fixé par le règlement de la consultation, il résulte de l'instruction que ce hiatus résulte d'une erreur matérielle, découlant de l'envoi d'un courrier-type non adapté aux documents de la consultation. A supposer même que cette erreur matérielle puisse être regardée comme un manquement du pouvoir adjudicateur, il ne résulte pas de l'instruction que la requérante aurait été lésée par un tel manquement.

20. Il résulte de ce qui a été dit des points 10 à 19 que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le groupement attributaire n'a pas justifié, dans les délais, du respect des obligations fiscales et sociales par chacun de ses membres, à l'exception des obligations incombant à la société SGTP qui a été remplacée par la société ICM.

En ce qui concerne le remplacement de la société SGTP :

21. Aux termes de l'article L. 2141-13 du code de la commande publique : " Lorsque le motif d'exclusion de la procédure de passation concerne un membre d'un groupement d'opérateurs économiques, l'acheteur exige son remplacement par un autre opérateur économique qui ne fait pas l'objet d'un motif d'exclusion, dans un délai de dix jours à compter de la réception de cette demande par le mandataire du groupement, sous peine d'exclusion du groupement de la procédure () ".

22. Il résulte de ces dispositions qu'un groupement, dont l'offre a été sélectionnée et dont l'un des membres est défaillant pour produire les justificatifs exigés par le règlement de la consultation, notamment de sa conformité à ses obligations fiscales et sociales, ne peut être exclu de la procédure et le candidat classé immédiatement suivant sélectionné que s'il n'a pas satisfait dans le délai fixé par l'article L. 2141-13 précité à l'exigence de remplacement que le pouvoir adjudicateur est tenu de lui adresser.

23. Il suit de là que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la société mandataire du groupement attributaire ne pouvait pas, sur le fondement de ces dispositions, remplacer l'un des membres du groupement défaillant au regard de ses obligations sociales et fiscales. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction, contrairement à ce qui est soutenu, que les autres membres du groupement auraient eu connaissance de ce que la société SGTP était frappée d'un motif d'exclusion antérieurement à la demande de remplacement sollicitée le 2 août 2023 par la société ICM.

24. Il suit de là que le moyen tiré de l'irrégularité de la candidature du groupement attributaire du marché doit être écarté en toutes ses branches.

25. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction fondées sur l'article L. 551-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

27. Ces dispositions font obstacle à ce que la SEMAG qui n'est pas, dans la présente instance de référé, la partie perdante, verse à la société requérante la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante la somme de 1 500 euros à verser à la SEMAG et à la société ICM.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société SOTRADOM est rejetée.

Article 2 : La société SOTRADOM versera la somme de 1 500 euros à la SEMAG et la même somme à la société ICM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société SOTRADOM, à la société ICM et à la SEMAG.

Copie en sera adressée à la région de la Guadeloupe.

Décision rendue publique par mise à disposition au greffe le 6 septembre 2023.

Le juge des référés,

Signé

A. B

La greffière,

Signé

A. Cetol

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

L'adjointe de la greffière en chef,

Signé

A. Cétol