TA Lille, 01/06/2023, n°2304096

Vu la procédure suivante :

Par une requête, et des mémoires, enregistrés les 5 mai 2023, 15 mai 2023, 16 mai 2023, la société Cobra Environnement, représentée par Me Laur, demande au juge des référés :

1°) à titre principal d'enjoindre la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin de communiquer dans un délai de 8 jours à compter de l'ordonnance à intervenir les motifs détaillés qui justifient pour chacun des critères, sous-critères et éléments d'appréciation, les notes respectivement attribuées à son offre ainsi qu'à celle de l'attributaire, la société Areso, de surseoir à statuer dans l'attente de cette communication et de lui octroyer un délai de 8 jours à compter de la communication de ces informations pour produire de nouvelles observations ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler la procédure lancée par la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin d'un accord cadre à bons de commande mono-attributaire pour le diagnostic des réseaux et contrôles préalables à la réception des travaux sur les réseaux d'assainissement et d'eau potable du territoire intercommunal ;

3°) de mettre à la charge de la commune de la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Il résulte de des article L.218-1 et R.2181-2 du code de la commande publique que la seule communication au candidat évincé des notes chiffrées obtenues par l'attributaire ne constitue pas une information suffisante ; elle n'est pas en mesure de connaître les motifs détaillés qui justifient pour chacun des critères et des sous-critères et éléments d'appréciation les notes qui ont été respectivement attribuées à son offre et les caractéristiques et avantages de l'offre attributaire ;

- Les principes d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ainsi que le principe d'impartialité ont été méconnues ; le pouvoir adjudicateur a méconnu les dispositions de l'article L.2141-10 du code de la commande publique ainsi que l'article 2 de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 qui définit les conflits d'intérêts ; la certification COFRAC impose en elle-même des exigences que doivent respecter strictement l'acheteur public que les soumissionnaires en qualité d'organismes d'inspection ; le marché public en litige pose donc une condition de participation à la procédure visant à garantir que les candidats disposent des capacités professionnelles nécessaires à l'exécution du marché et notamment des exigences de confidentialité et d'indépendance vis-à-vis des personnes susceptibles de faire l'objet de contrôles ; l'attributaire ne peut donc avoir aucun lien organique, ni capitalistique avec l'entreprise de pose ; la société Areso, attributaire, en sa qualité de filiale de la société Vinci qui est en charge de la pose de réseaux d'assainissement de la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin ne pouvait pas obtenir le marché d'inspection sans qu'un conflit d'intérêts manifeste ne soit caractérisé ; la société Areso devait être écartée ;

- Le pouvoir adjudicateur n'a pas précisé les sous-critères d'appréciation des offres ; les sous-critères d'appréciation de la valeur technique sont imprécis de sorte que les candidats ne pouvaient pas anticiper ses besoins ; les composantes de sous-critères " Méthodologie " et " Hygiène et sécurité " ne sont pas détaillées ; aucun coefficient de pondération n'est précisé s'agissant de ces sous-critères ; le pouvoir adjudicateur disposait ainsi d'un pouvoir discrétionnaire ;

- L'administration a ajouté une composante " mode opératoire des essais de plaque " au sous-critère n°1 " méthodologie " qui était totalement inconnue des candidats lors du dépôt de leurs offres ; cette exigence n'est reprise ni dans le règlement de consultation ni dans le cahier des clauses techniques particulières ; le pouvoir adjudicateur distingue les tests de compactages des essais de plaque qui ne sont mentionnés qu'au stade du sous-critère n°2 relatif à l'hygiène et à la sécurité ; les essais de plaque et les essais de compactage obéissent bien à deux normes distinctes ; Il sera relevé un élément quant au choix de ne pas décomposer le marché en lots ; il était tout à fait possible de faire intervenir plusieurs prestataires sans perdre l'accréditation et les subventions ; cet argument, s'interroge-t-elle, vise-t-il à favoriser une candidature, à savoir celle de la société Areso.

Par un mémoire en défense, enregistré les 15 mai 2023, la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin, représentée par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter, Audrey d'Halluin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Cobra Environnement la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

La procédure et les différents mémoires ont été communiqués à la société Areso qui n'a pas produit d'écritures en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ;

- l'arrêté du 21 juillet 2015 relatif aux systèmes d'assainissement collectif et aux installations d'assainissement non collectif non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Lassaux, premier conseiller, pour statuer

sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 16 mai 2023 à 11 heures :

- le rapport de M. Lassaux, juge des référés,

- les observations de Me Laur, représentant la société Cobra Environnement qui conclut aux fins par les mêmes moyens que la requête ; elle soutient, par ailleurs, que contrairement aux allégations de la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin dans ses écritures en défense, elle n'a pas entendu soulever un moyen d'annulation de la procédure de passation de l'accord-cadre litigieux tiré du défaut d'allotissement mais s'est bornée, dans ses écritures, à faire remarquer au juge des référés que le choix de ne pas décomposer le marché en plusieurs lots était discutable et pouvait faire douter de la volonté du pouvoir adjudicateur de ne pas favoriser la société Areso ;

- et les observations de Me d'Halluin, représentant la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin qui reprend le contenu de ses écritures en défense.

La société Areso n'était ni présente, ni représentée.

La clôture de l'instruction a été différée le 22 mai 2023 à 12 heures.

Par une note en délibéré, enregistrée le 17 mai 2023 à 15h11, la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin, représentée par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter, Audrey d'Halluin reprend le contenu de ses écritures en défense.

Par une note en délibéré, enregistrée le 22 mai 2023 à 10h09, la société Cobra Environnement conclut aux fins et par les mêmes moyens que la requête.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence, publié le 1er février 2023 au journal officiel de l'Union européenne (JOUE), la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin a lancé une consultation en vue de la passation selon la procédure de l'appel d'offres ouvert, d'un accord-cadre à bons de commande mono-attributaire pour le diagnostic des réseaux et contrôles préalables à la réception des travaux sur les réseaux d'assainissement et d'eau potable sur le territoire intercommunal. Par un courrier du 27 avril 2023, la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin a informé la société Cobra Environnement que son offre, classée quatrième, n'était pas retenue. Par sa requête, la société Cobra Environnement demande, à titre principal, d'enjoindre la communauté d'agglomération de communiquer les motifs détaillés qui justifient pour chacun des critères, sous-critères et éléments d'appréciation, les notes respectivement attribuées à son offre ainsi qu'à celle de l'attributaire, la société Areso, de surseoir à statuer dans l'attente de cette communication et, à titre subsidiaire, d'annuler la procédure de passation de cet accord-cadre à bons de commande mono-attributaire.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. L'article L. 551-1 du code de justice administrative dispose que : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation (). Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Le I de l'article L. 551-2 de ce code précise que : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. ".

Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements.

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2181-1 du code de la commande publique : " Dès qu'il a fait son choix, l'acheteur le communique aux candidats et aux soumissionnaires dont la candidature ou l'offre n'a pas été retenue, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 2181-3 de ce code : " La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. / Lorsque la notification de rejet intervient après l'attribution du marché, l'acheteur communique en outre : / 1° Le nom de l'attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre ; / 2° La date à compter de laquelle il est susceptible de signer le marché dans le respect des dispositions de l'article R. 2182-1 ". Aux termes de l'article R. 2181-4 du même code : " A la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n'a pas été rejetée au motif qu'elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, l'acheteur communique dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception de cette demande : / 1° Lorsque les négociations ou le dialogue ne sont pas encore achevés, les informations relatives au déroulement et à l'avancement des négociations ou du dialogue ; / 2° Lorsque le marché a été attribué, les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'information sur les motifs du rejet de son offre dont est destinataire l'entreprise en application des dispositions précitées a, notamment, pour objet de permettre à la société non retenue de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge du référé précontractuel. Par suite, l'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence. Cependant, un tel manquement n'est plus constitué si l'ensemble des informations, mentionnées aux articles du code de la commande publique précités, a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, et si le délai qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge des référés statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction.

5. En l'espèce, il ressort des énonciations de la lettre 27 avril 2023 par laquelle la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin a informé la société Cobra Environnement du rejet de son offre dans le cadre de la consultation en litige qu'elle fait mention, d'une part, du nom de la société attributaire pour le marché en cause, des notes qu'elle a obtenues pour chaque critère et sa note totale ainsi que le montant de l'offre retenue, d'autre part, des motifs pour lesquels elle n'a pas été retenue ainsi que des notes qu'elle a elle-même obtenues pour l'ensemble des critères et sa note totale, et fait également état de son classement au terme de l'analyse des offres, soit en quatrième place. Au cours de l'instance, la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin a, par ailleurs, communiqué un extrait du rapport d'analyse des offres dans lequel sont détaillées les appréciations formulées par la commission d'appel d'offres à l'égard de la valeur technique de l'offre de la société attributaire dont le montant résultant du total du détail quantitatif masqué permettant d'évaluer le critère prix avait au demeurant été transmis dans le courrier de rejet susvisé. La communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin a ainsi fourni à la société requérante les informations respectivement visées par les articles R. 2181-3 et R. 2181-4 du code de la commande publique et les explications qui lui ont été apportées étaient suffisamment claires pour être comprises et pour lui permettre de contester utilement le rejet qui lui est opposé.

6. En deuxième lieu, d'une part, aux terme de l'article L.2141-10 du code de la commande publique : " L'acheteur peut exclure de la procédure de passation du marché les personnes qui, par leur candidature, créent une situation de conflit d'intérêts, lorsqu'il ne peut y être remédié par d'autres moyens./ Constitue une telle situation toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché ou est susceptible d'en influencer l'issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché ". Aux termes de l'article L.2142-1 du même code : " L'acheteur ne peut imposer aux candidats des conditions de participation à la procédure de passation autres que celles propres à garantir qu'ils disposent de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l'exécution du marché. / Ces conditions sont liées et proportionnées à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution ". Aux termes de l'article L.2144-3 du même code : " La vérification de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière et des capacités techniques et professionnelles des candidats peut être effectuée à tout moment de la procédure et au plus tard avant l'attribution du marché ".

7. D'autre part, de l'article 10 de l'arrêté du 21 juillet 2015 relatif aux systèmes d'assainissement collectif et aux installations d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5 : " Contrôle de qualité d'exécution des ouvrages du système d'assainissement./ Le maître d'ouvrage vérifie que les ouvrages du système d'assainissement ont été réalisés conformément aux prescriptions techniques du présent arrêté et aux règles de l'art. Le maître d'ouvrage vérifie plus particulièrement, dans les secteurs caractérisés par la présence d'eaux souterraines ou par des contraintes géotechniques liées à la nature du sous-sol, les mesures techniques mises en œuvre ". / Les travaux réalisés sur les ouvrages font l'objet avant leur mise en service d'une procédure de réception prononcée par le maître d'ouvrage. Des essais visent à assurer la bonne exécution des travaux. / Concernant le système de collecte, les essais de réception sont menés sous accréditation, à l'exception des installations d'assainissement non collectif destinés à collecter et traiter une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 12 kg/j de DBO5 pour lesquelles ces essais peuvent être réalisés par l'entreprise sous contrôle du maître d'œuvre. Ils font l'objet d'un marché ou d'un contrat spécifique passé entre le maître d'ouvrage et un opérateur de contrôle accrédité indépendant de l'entreprise chargée des travaux et, le cas échéant, du maître d'œuvre et de l'assistant à maîtrise d'ouvrage () ". Aux termes de l'article 1.1 du cahier des clauses techniques particulières, joint au dossier de consultation des entreprises : " L'accord-cadre porte sur : / * la connaissance de l'état des réseaux d'assainissement afin de constituer la base de la stratégie patrimoniale de la collectivité ;/ *les contrôles à effectuer à la suite des travaux de renouvellement, de réhabilitation, d'extension ou de création sur les réseaux d'assainissement des eaux usées et eau potable de la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin. / Ces essais ont pour objectif de contrôler la qualité de l'exécution des travaux conformément à l'article 10 de l'arrêté du 21 juillet 2015 du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et dans les conditions de la norme NF EN 1610 " mise en œuvre des branchements et collecteurs d'assainissement. / L'opérateur chargé de l'inspection est appelé ci-après " prestataire " ou " contrôleur " ". Aux termes de l'article 1.2 du même cahier : " les opérations à la réception des travaux sont réalisés par un contrôleur technique indépendant, accrédité COFRAC mandaté par le maître d'ouvrage sous la responsabilité du maître d'œuvre. Les contrôles effectués sont distincts des contrôles réalisés par l'entrepreneur, il ne pourra en aucun cas réaliser des épreuves pour l'entrepreneur sur le même chantier ".

8. Il résulte de ce qui précède que la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin ne peut pas attribuer un marché de contrôle des opérations de réception des travaux sur les réseaux d'assainissement tel que celui en litige à un candidat qui n'est pas indépendant par rapport aux entreprises dont il serait nécessairement conduit à contrôler les travaux effectués. Toutefois, contrairement aux allégations de la société Cobra Environnement, il ne résulte pas de l'instruction que la société Areso, attributaire du marché en cause, entretiendrait des liens, notamment juridiques, de nature à remettre en cause son indépendance, avec les sociétés en charge des travaux de pose des réseaux d'assainissement qu'elle a nécessairement vocation à contrôler. Dans ces conditions, le moyen d'irrégularité de la procédure de passation du marché en cause tirée de ce que la candidature de la société Areso devait être écartée au motif qu'elle appartiendrait à un même groupe de sociétés qu'une des sociétés en charge des travaux de pose de réseaux manque en fait et doit être écarté. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 2141-10 du code de la commande publique et 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, dès lors qu'il n'est pas établi ni soutenu que la société Areso aurait créé une situation de conflits d'intérêts en vue d'influencer l'issue de la procédure de passation, doit également être écarté.

9. En troisième lieu, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces critères. Il doit également porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. Il n'est, en revanche, pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation des offres.

10. Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Il peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour l'élaboration de la note des critères que les modalités de détermination de cette note par combinaison de ces éléments d'appréciation. Une méthode de notation est toutefois entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d'appréciation pris en compte pour noter les critères de sélection des offres sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ou si les modalités de détermination de la note des critères de sélection par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n'y est pas tenu, aurait rendu publique, dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation, une telle méthode de notation.

11. Il résulte de l'instruction que la valeur technique a été appréciée au regard d'un seul critère pondéré à hauteur de 40 points portant sur la rubrique intitulée " Méthodologie ", d'une part, et sur celle intitulée " Hygiène et Sécurité ", d'autre part. Le règlement de consultation indique que la valeur technique des offres est analysée sur la base d'un mémoire constitué exclusivement des informations listées à son article 8-2 attribution des accords cadre. Ce même règlement détaille la " méthodologie " attendue pour apprécier la valeur technique comme " la description claire et précise, par type de contrôle, des différents protocoles de préparation et d'intervention, la fourniture d'un exemple de rapport justifiant la carté et la bonne lisibilité des résultats et de leur interprétation, la description des moyens humains et matériels dédiés au marché ainsi que le mode opératoire des poses de manchettes ". Ce règlement de consultation précise à ce même article 8-2 que pour l'appréciation de la rubrique " Hygiène et Sécurité ", le candidat fournit " une note indiquant les mesures prévues pour assurer la sécurité et l'hygiène sur le chantier et à ses abords ". Le règlement de consultation précise, pour apprécier la valeur technique des offres, que les types de contrôle visés sont les inspections télévisées, les contrôles d'étanchéité air/eau sur canalisation gravitaires et sur canalisation sous pression, les tests de compactage et les essais de plaque. Il résulte, par ailleurs, des stipulations du cahier des clauses techniques particulières précité que son article 3.4 fait référence aux normes techniques intéressant les contrôles devant être effectués par le titulaire du marché en cause et notamment la norme NF P 98-115 relative aux essais de plaque. Eu égard à la description détaillée faite le pouvoir adjudicateur des éléments définissant le critère technique servant à l'appréciation des offres et aux différentes normes techniques nécessaires à l'exécution du marché reprises tant par les pièces techniques composant le dossier de consultation des entreprises que l'arrêté du 21 juillet 2015 précité auquel les documents de la consultation renvoient, la société Cobra Environnement n'est pas fondée à soutenir que le critère de la valeur technique serait insuffisamment imprécis et que la procédure de passation de l'accord-cadre à bons de commande en cause serait alors entachée d'irrégularité. Par ailleurs, il résulte de la lettre de rejet de l'offre de la société Cobra Environnement et de l'extrait du rapport d'analyse des offres communiqué au cours de l'instance que les éléments d'appréciation de valeur technique correspondant à " Méthodologie " et " Hygiène et Sécurité " dont la pondération n'a pas été publiée préalablement aux dépôts des offres des candidats ont été évalués, au stade de l'analyse des offres, par le pouvoir adjudicateur à hauteur de 20 points chacun. Dès lors que la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin n'a pas entendu accorder un poids prépondérant à l'un ou l'autre de ces éléments d'appréciation ni aux sous-éléments les composant, il ne peut être soutenu qu'elle a fait usage de sous-critères dont la pondération a été irrégulièrement tenue secrète. Enfin, et dès lors, comme il a été dit précédemment, que le règlement de consultation mentionne que parmi les types de contrôle devant être détaillés dans le cadre de l'analyse du critère technique se trouvent les tests de compactage et les essais de plaque, la société Cobra Environnement n'est pas fondée à soutenir que le pouvoir adjudicateur ne pouvait pas dégrader sa note au titre de cette rubrique " méthodologie " au motif qu'il n'aurait pas détaillé le mode opératoire des essais de plaque ni fourni un rapport pour ces mêmes essais. Dans ces conditions, la méthode de notation du critère de la valeur technique ainsi employée par le pouvoir adjudicateur ne peut être regardée comme étant dépourvue de lien avec ce critère ni comme l'ayant privé de sa portée ou ayant conduit à neutraliser sa pondération. Par suite, les moyens tirés de ce que le pouvoir adjudicateur aurait d'une part, fait usage de sous-critères imprécis et occultes et, d'autre part, utilisé une méthode de notation de valeur technique irrégulière doivent être écartés.

12. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de la procédure de passation du marché en litige présentée par la société Cobra Environnement doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions accessoires à fin d'injonction.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Cobra Environnement une somme de 1 500 euros à verser à la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin en application des dispositions précitées de l'article L.761-1 du code de justice.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Cobra Environnement est rejetée.

Article 2 : La société Cobra Environnement versera à la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin la somme de 1 500 euros par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société Cobra Environnement, à la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin et à la société Areso.

Lille, le 1er juin 2023.

Le juge des référés,

Signé

P. LASSAUX

La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N°2304096