TA Lille, 07/08/2023, n°2306573
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2023, la société Delepierre, représentée par la SELARL Phi Law, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) d'annuler les décisions des 27 juin 2023 et 11 juillet 2023 par lesquelles le maire de la commune de Marly a rejeté les offres qu'elle a présentées en vue de l'attribution des lots n°4 et 5 du marché de travaux relatif à la construction d'un groupe scolaire dans le quartier de la Briquette ;
2°) d'annuler, à compter du stade de l'examen des offres, la procédure engagée par la commune de Marly pour l'attribution des lots n° 4 et n° 5 du marché public de travaux ayant pour objet la construction d'un groupe scolaire dans le quartier de la Briquette ;
3°) d'enjoindre à la commune de Marly, si elle entend poursuivre la conclusion d'un marché ayant le même objet que ceux des lots n° 4 et n° 5, de reprendre la procédure de passation au stade de l'examen des offres ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Marly une somme de 2 000 euros au titre de l'article 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- ses offres ne sont pas irrégulières dès lors que la visite obligatoire prévue par le règlement de consultation ne présente pas de caractère utile eu égard à l'objet du contrat en cause qui a trait à la construction d'un bâtiment et à la nature des lots pour lesquels elle a soumis une offre ;
- la commune n'a ni fixé ni communiqué de date déterminée en ce qui concerne la visite obligatoire ;
- elle a réalisé la visite prévue par le règlement de consultation le 25 mai 2023.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2023, la commune de Marly conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Delepierre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le lot n°4 n'a pas été attribué, les offres présentées étant soit irrégulière soit inacceptable et une procédure ayant été engagée sur le fondement des dispositions de l'article R. 2124-3 du code de la commande publique, procédure qui n'est pour l'heure pas arrivée à son terme ;
- la visite obligatoire prévue par le règlement de consultation présente un caractère d'utilité eu égard à la nature et l'ampleur des travaux à mener ;
- la visite effectuée le 25 mai 2023 par la société requérante ne constitue pas la visite prévue par le règlement de consultation.
La requête a été communiquée à la société Générale de Menuiserie qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Chevaldonnet, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique qui s'est tenue le 1er août 2023 à compter de 11h00, M. Chevaldonnet a lu son rapport et constaté l'absence des parties et de leur représentant.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Marly a engagé une procédure de passation d'un marché de travaux tendant à la construction d'un groupe scolaire dans le quartier de la Briquette. Ce marché à prix forfaitaire a fait l'objet de treize lots. Le lot n°4 " Menuiseries extérieures-Serrurerie " n'a pas été attribué, les différentes offres présentées étant soit irrégulière soit inacceptable. Si en application des dispositions de l'article R. 2124-3 du code de la commande publique, la commune a entamé des négociations, aucun attributaire n'a toutefois été désigné. Le lot n°5 " Menuiseries intérieures " a été attribué à la société Générale de Menuiserie. Par des décisions des 27 juin et 11 juillet 2023, les offres de la société Delepierre pour ces deux lots ont été rejetées en raison de leur caractère irrégulier. Par la requête susvisée, la société Delepierre demande au juge des référés, sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative, d'annuler les décisions des 27 juin et 11 juillet 2023 précitées ainsi que toute décision ayant trait à la procédure engagée par la commune de Marly pour l'attribution des lots n° 4 et n° 5.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix (). / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes du I de l'article L. 551-2 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ".
3. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés, de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de manière indirecte en avantageant une entreprise concurrente.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2151-2 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. ". Aux termes de l'article L. 2151-2 du même code : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. ".
5. Le règlement de la consultation d'un marché est obligatoire dans toutes ses mentions. Le pouvoir adjudicateur ne peut en conséquence attribuer le marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par le règlement, sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l'examen des candidatures ou des offres.
6. En l'espèce, le point 3 intitulé " Visite obligatoire " de l'article 5 du règlement de consultation du marché litigieux dispose qu'" une visite du lieu des travaux est prévue dans le cadre du marché afin que les candidats prennent en compte l'ensemble des éléments techniques ou environnementaux liés à l'opération. / La visite s'effectuera semaine 20 () La date précise sera communiquée aux entreprises ayant retiré un dossier de consultation. Elle se déroulera à l'adresse suivante : 56 Rue Paul Vaillant Couturier 59770 Marly () À l'issue de la visite un certificat de visite sera remis au représentant de l'entreprise ".
7. Il résulte de l'instruction que la visite prévue par les dispositions précitées du règlement de consultation s'est déroulée le 15 mai 2023, l'ensemble des sociétés intéressées ayant été prévenues de cette date par courriel du 9 mai 2023, contrairement à ce qui est soutenu par la société Delepierre. Celle-ci s'est en outre vue confirmée le caractère obligatoire de cette visite suite à sa demande du 5 mai 2023 portant sur ce point particulier. Toutefois, il est constant qu'aucun représentant de la société requérante n'était présent lors de la visite organisée le 15 mai 2023. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la visite du site imposée par le règlement de consultation devait permettre, en présence du maître d'œuvre, de mettre à disposition de l'ensemble des soumissionnaires une connaissance du lieu d'exécution du marché de travaux en cause, regroupant 13 lots pour un budget de l'ordre de 15 millions d'euros, les contraintes qui en découlaient ainsi que les orientations prioritaires à suivre notamment en ce qui concerne les performances énergétiques des constructions. Dans ces circonstances et contrairement à ce qui est soutenu par la société Delepierre de manière sommaire, une telle visite n'était manifestement pas dépourvue d'utilité, y compris pour ce qui concerne des lots ayants trait à la réalisation de travaux de menuiserie. Enfin, si la société Delepierre produit une " attestation sur l'honneur de visite des lieux avant remise des offres ", il apparaît que cette attestation a été établie après le passage d'un représentant de la société au sein des locaux de services techniques de la commune le 25 mai 2023. Eu égard à de telles modalités, elle ne saurait constituer la visite collective obligatoire telle que prévue par le règlement de consultation. Par suite, la commune de Marly n'a pas commis de manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en écartant les offres de la société requérante comme étant irrégulières et les moyens afférents doivent être écartés.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société Delepierre présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Marly, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Delepierre au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Delepierre la somme demandée par la commune de Marly au même titre.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de la société Delepierre est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Marly présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Delepierre, à la société Générale de Menuiserie et à la commune de Marly.
Fait à Lille, le 7 août 2023.
Le juge des référés,
signé
B. CHEVALDONNET
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaire de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N°2306573