TA Marseille, 21/02/2024, n°2401152


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 février 2024 et le 18 février 2024, la société de Maintenance Portuaire et Construction (SMP), représentée par Me Guin, demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 551-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler la procédure de passation du lot n°7 de l'accord cadre multi-attributaire pour la réalisation de travaux d'aménagement, de réparation, d'entretien et de rénovation de bâtiments et ouvrages divers des sites de la métropole Aix-Marseille-Provence, engagée par la métropole Aix-Marseille-Provence.

2°) d'annuler la décision de rejet de la candidature ;

3°) d'enjoindre à la métropole de communiquer le motif précis de rejet de sa candidature, le rapport d'analyse détaillé qui a conduit au rejet de la candidature ;

4°) d'enjoindre à la métropole de reprendre la procédure au stade de l'examen des candidatures ;

5°) de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la notification du rejet de l'offre ne précise pas suffisamment les raisons de l'insuffisance des capacités techniques qui le fonde, en méconnaissance de l'article R. 2182-2 du code de la commande publique ;

- contrairement à ce qu'a retenu la métropole pour rejeter l'offre, les capacités techniques ne sont pas insuffisantes ;

- les manquements caractérisent un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ;

- le motif de rejet méconnaît l'article R 2142-14 du code de la commande de la commande publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2024, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par la SCP Charrel et associés, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la société SMP le versement à son profit de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- des informations complémentaires, expliquant les raisons pour lesquelles la candidature a été rejetée comme irrecevable, ont été adressées à la société ;

- les éléments complémentaires transmis par la société pour justifier des compétences techniques certificats ne permettent pas de justifier de la compétence dans la matière 1331 (poteaux et clôtures).

Par un mémoire distinct, au sens des articles R. 611-30 et R. 412-2-14 du code de justice administrative, enregistré le 15 février 2024, la métropole Aix-Marseille-Provence a produit des éléments complémentaires déposés par la société SMP dans le cadre de sa candidature pour régularisation ainsi que la liste des travaux et les annexes QUALIBAT de son dossier de candidature initial.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Jean-Marie Argoud, pour statuer sur les demandes de référés.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 19 février 2024 à 14 heures, en présence de Mme Romelli, greffière d'audience :

- le rapport de M. Jean-Marie Argoud ;

- les observations de Me Guin et M. A, gérant, représentant la société SMP et Me Pélissier représentant la métropole.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis public d'appel à la concurrence publié le 6 mars 2023, la métropole Aix-Marseille-Provence a lancé une procédure d'appel d'offres en vue de la passation d'un accord cadre multi-attributaire pour la réalisation de travaux d'aménagement, de réparation, d'entretien et de rénovation de bâtiments et ouvrages divers des sites de la métropole Aix-Marseille-Provence. Le lot n°7 intitulé " Voiries, VRD zone ouest " portait sur un montant maximum de 425 000 euros (HT). La société SMP a déposé sa candidature sur ce lot. Par lettre du 22 janvier 2024, la métropole Aix-Marseille-Provence l'a informée que son offre n'avait pas été retenue. La société de Maintenance Portuaire et Construction, demande au juge des référés, statuant par application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation du lot n° 7 de l'accord cadre et d'enjoindre à la métropole de reprendre la procédure au stade de l'examen des candidatures.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 551-1 et L. 551-2 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes de son article L. 551-3 : " Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés ".

3. En vertu de ces dispositions, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente. Le juge saisi peut ordonner à l'auteur d'un manquement aux dispositions auxquelles ces dispositions se réfèrent, de se conformer à ses obligations, suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte, annuler ces décisions et supprimer des clauses ou des prescriptions destinées à figurer dans le contrat. Toutefois, les pouvoirs conférés au juge des référés précontractuels par l'article L. 551-1 du code de justice administrative ne peuvent plus être exercés après la conclusion du contrat.

4. Aux termes de l'article R. 2144-2 du code de la commande publique : " L'acheteur qui constate que des pièces ou informations dont la présentation était réclamée au titre de la candidature sont absentes ou incomplètes peut demander à tous les candidats concernés de compléter leur dossier de candidature dans un délai approprié et identique pour tous. () ". Et aux termes de l'article R. 2144-7 du même code : " Si un candidat ou un soumissionnaire se trouve dans un cas d'exclusion, ne satisfait pas aux conditions de participation fixées par l'acheteur, produit, à l'appui de sa candidature, de faux renseignements ou documents, ou ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs, les moyens de preuve, les compléments ou explications requis par l'acheteur, sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé. () ". Par ailleurs, le règlement de la consultation prévoyait, à son article 8.1 que " chaque candidat devait produire dans le dossier de candidature la qualification Qualibat ou des références équivalentes concernant le domaine " 1331-Poteaux et clôtures ".

5. D'une part, le règlement de la consultation d'un marché étant obligatoire dans toutes ses mentions, le pouvoir adjudicateur ne peut attribuer un marché à un candidat qui ne respecte pas une de ses prescriptions et doit éliminer, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique, les candidatures qui ne comportent pas toutes les pièces ou renseignements requis par les documents de la consultation et sont, pour ce motif, irrecevables. Dès lors la seule circonstance que l'objet principal du lot concerne la réalisation des voies et des VRD et que la dénomination du lot n'inclut pas les clôtures et les poteaux n'a pas pour effet de dispenser le candidat de respecter les prescriptions du règlement de la consultation, relatives aux clôtures et poteaux.

6. D'autre part, il est constant que la société SMP n'a pas fourni, dans son dossier de candidature déposé le 1er juin 2023, de justification de la qualification Qualibat 1331 ou de références techniques équivalentes. Après avoir reçu une demande de régularisation concernant la qualification Qualibat, la société a répondu en adressant des pièces complémentaires concernant des attestations de la qualité du travail réalisé dans plusieurs chantiers comprenant la pose de poteaux et de grillages et la mise en forme de terrains destinés à la pose de grillage, pour des valeurs comprises entre 9 000 euros et 50 000 euros. Compte tenu de la consistance des travaux de pose de grillage à réaliser, évalués par l'offre de l'entreprise à environ 1 500 euros, qui concernent l'entretien de clôtures existantes par le changement ponctuel de 2 mètres carrés de grillage, la métropole ne pouvait pas estimer sans erreur manifeste d'appréciation que les documents versés par l'entreprise ne permettaient pas d'apprécier suffisamment les références techniques de l'entreprise pour la qualification correspondant à la pose de grillage.

7. Par suite, la métropole d'Aix-Marseille-Provence ne pouvait pas, sans porter atteinte aux règles de publicité et de mise en concurrence, écarter la candidature de la société SMP, au motif qu'elle était irrecevable au sens de l'article R. 2144-7 du code de la commande publique, ladite société ayant été lésée par ce manquement.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin, en tout état de cause, d'ordonner la production du rapport de production des candidatures et des offres, que la procédure de passation du lot n°7 de l'accord cadre doit être annulée à compter de l'analyse des candidatures. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la métropole Aix-Marseille-Provence de reprendre la procédure de passation au stade de l'analyse des candidatures.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société SMP, qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la métropole d'Aix-Marseille-Provence le versement à la société SMP de la somme de 2 000 euros, sur le fondement des mêmes dispositions.

O R D O N N E :

Article 1er : La procédure de passation contestée est annulée au stade de l'analyse des candidatures.

Article 2 : Il est enjoint à la métropole Aix-Marseille-Provence de reprendre la procédure de passation du lot n°7 de l'accord cadre multi-attributaire pour la réalisation de travaux d'aménagement, de réparation, d'entretien et de rénovation de bâtiments et ouvrages divers des sites de la métropole Aix-Marseille-Provence, à partir de l'analyse des candidatures.

Article 3 : La métropole Aix-Marseille-Provence versera à la société SMP la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la métropole Aix-Marseille-Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société de Maintenance Portuaire et Construction, à la métropole Aix-Marseille-Provence, à la société VRD Provence, à la société Gregori Provence et à la société Aixoise de Travaux et Réseaux (SATR).

Fait à Marseille, le 21 février 2024.

Le juge des référés,

Signé

J-M. Argoud

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

La greffière,