TA Martinique, 08/06/2023, n°2200644
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2022, la SARL Nouvelle société de peinture martiniquaise et guyanaise (NSPM), représentée par son gérant, demande au tribunal d'annuler la décision du 18 octobre 2022 par laquelle le maire de la commune du Lamentin a éliminé sa candidature à l'issue de la procédure adaptée initiée par la ville en vue de la passation du lot n° 8, intitulé " Peinture ", du marché de travaux de réhabilitation de l'ex-perception du Lamentin en pôle enfance.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est infondée puisque, en attente du règlement tardif d'une importante créance, elle n'a pu procéder au paiement de ses cotisations que le 7 octobre 2022 et n'était ainsi pas en mesure de fournir le relevé de situation comptable de son compte URSSAF ;
- si elle n'a pas fourni au pouvoir adjudicateur l'attestation de vigilance, elle a en revanche fourni l'ensemble des éléments justifiant que ses déclarations sociales étaient effectuées et qu'elle avait procédé au règlement de l'ensemble des cotisations exigibles.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2023, la commune du Lamentin, représentée par l'Aarpi Overeed, conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge de la SARL NSPM la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la SARL NSPM ne sont pas fondés.
En application des dispositions de l'article R. 222-17 du code de justice administrative, la présidente du tribunal a désigné M. de Palmaert, premier conseiller, pour présider temporairement la formation de jugement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- l'arrêté interministériel fixant la liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales donnant lieu à la délivrance de certificats pour l'attribution des contrats de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Phulpin,
- les conclusions de M. Lancelot, rapporteur public,
- et les observations de Me de Thore, avocate de la commune du Lamentin.
Considérant ce qui suit :
1. Au terme d'une procédure de passation initiée le 28 novembre 2019, la commune du Lamentin a conclu un marché de travaux portant sur la réhabilitation de l'ex-perception du Lamentin en pôle enfance et comprenant un total de 8 lots distincts. A la suite de la résiliation en cours d'exécution du lot n° 8 de ce marché, intitulé " Peinture ", la commune a, suivant un avis de marché n° 22-69988 du 18 mai 2022, lancé une nouvelle consultation pour l'attribution de ce lot dans le cadre d'une procédure adaptée ouverte. La SARL Nouvelle société de peinture martiniquaise et guyanaise (NSPM) a présenté une offre d'attribution le 4 juillet 2022. Par décision du 18 octobre 2022, le maire de la commune du Lamentin a déclaré l'offre de la société irrecevable et a rejeté sa candidature. Dans la présente instance, la SARL NSPM demande au tribunal administratif d'annuler cette décision du maire de la commune du Lamentin.
Sur la légalité de la décision attaquée :
2. D'une part, l'article L. 2141-2 du code de la commande publique dispose : " Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui n'ont pas souscrit les déclarations leur incombant en matière fiscale ou sociale ou n'ont pas acquitté les impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales exigibles. La liste de ces impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales est fixée par un arrêté du ministre chargé de l'économie annexé au présent code. / Cette exclusion n'est pas applicable aux personnes qui, avant la date à laquelle l'acheteur se prononce sur la recevabilité de leur candidature, ont, en l'absence de toute mesure d'exécution du comptable ou de l'organisme chargé du recouvrement, acquitté lesdits impôts, taxes, contributions et cotisations () ". L'article R. 2143-7 du même code dispose : " L'acheteur accepte comme preuve suffisante attestant que le candidat ne se trouve pas dans un cas d'exclusion mentionné à l'article L. 2141-2, les certificats délivrés par les administrations et organismes compétents () ". L'article 2 de l'arrêté interministériel fixant la liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales donnant lieu à la délivrance de certificats pour l'attribution des contrats de la commande publique dispose : " I. - Sans préjudice du III, le certificat prévu aux articles R. 2143-7, R. 2343-9 et R. 3123-18 du code de la commande publique susvisé est l'attestation mentionnée à l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale () ".
3. D'autre part, l'article R. 2144-1 du code de la commande publique dispose : " L'acheteur vérifie les informations qui figurent dans la candidature, y compris en ce qui concerne les opérateurs économiques sur les capacités desquels le candidat s'appuie. Cette vérification est effectuée dans les conditions prévues aux articles R. 2144-3 à R. 2144-5. " L'article R. 2144-4 du même code, auquel il est ainsi renvoyé, dispose : " L'acheteur ne peut exiger que du seul candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché qu'il justifie ne pas relever d'un motif d'exclusion de la procédure de passation du marché. " L'article R. 2144-7 du même code dispose : " Si un candidat ou un soumissionnaire se trouve dans un cas d'exclusion, ne satisfait pas aux conditions de participation fixées par l'acheteur, produit, à l'appui de sa candidature, de faux renseignements ou documents, ou ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs, les moyens de preuve, les compléments ou explications requis par l'acheteur, sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé () ".
4. Il résulte de ces dispositions que le candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché doit produire des documents attestant notamment qu'il est à jour de ses obligations fiscales et sociales avant la signature du marché et que, à défaut, sa candidature doit être rejetée.
5. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 4 octobre 2022, le maire de la commune du Lamentin a demandé à la SARL NPSM, à qui il envisageait d'attribuer le marché litigieux, de produire, notamment, ses attestations fiscales et sociales au plus tard le 10 octobre 2022. En réponse, la société a adressé au pouvoir adjudicateur, le 10 octobre 2022, un courrier l'informant qu'elle n'était pas en mesure de produire un certificat attestant de ce qu'elle était à jour du paiement de ses cotisations sociales puisque, en raison du règlement tardif d'une créance de marché public, elle n'avait procédé au paiement de ses cotisations sociales que le vendredi 7 octobre et que celles-ci n'avaient pas encore été prises en compte par les services de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF). Les seuls documents joints au courrier de la société du 10 octobre 2022, constitués d'un relevé de situation URSSAF établi le 7 octobre 2022, lequel faisait apparaître des cotisations impayées en 2019 et 2021, ainsi qu'un solde débiteur au 31 juillet 2022, de justificatifs de virements bancaires, effectués entre janvier 2022 et octobre 2022 pour le règlement de cotisations impayées, et d'une attestation établie par le gérant de la société, indiquant que la société était à jour du paiement de ses cotisations sociales au 31 décembre de l'année précédant celle du lancement de la consultation, ne permettent en tout état de cause pas de démontrer que la société avait acquitté l'ensemble des cotisations sociales exigibles. Il s'ensuit que, en l'absence d'élément produit par la société justifiant qu'elle ne se trouvait pas dans le cas d'exclusion des procédures de passation des marchés public, prévu à l'article L. 2141-2 cité précédemment du code de la commande publique, le pouvoir adjudicateur a légalement pu déclarer irrecevable la candidature de la SARL NSPM et la rejeter en application de l'article R. 2144-7 cité précédemment du même code. Les moyens de la requête ne sont dès lors pas fondés. Ils doivent, par suite, être écartés.
6. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL NSPM n'est pas fondée à contester la légalité de la décision attaquée du maire de la commune du Lamentin du 18 octobre 2022 déclarant son offre irrecevable et rejetant sa candidature. La requête doit, par suite, être rejetée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité.
Sur les frais liés au litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune du Lamentin présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de SARL NSPM est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune du Lamentin présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SARL Nouvelle société de peinture martiniquaise et guyanaise (NSPM) et à la commune du Lamentin.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. de Palmaert, premier conseiller faisant fonction de président,
M. Phulpin, conseiller,
Mme Monnier-Besombes, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.
Le rapporteur,
V. Phulpin
Le premier conseiller faisant fonction de président,
S. de PalmaertLa greffière,
J. Lemaître
La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.