Vu
- la décision attaquée
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique,
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal administratif de Melun a désigné M. Aymard, premier conseiller, pour statuer en tant que juge des référés en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.
Après avoir présenté son rapport au cours de l'audience du 24 mai 2024, en présence de Mme Mahieu, greffière d'audience, et entendu :
- les observations de Me Le Port, représentant la société la société " SAS Assistance Service Voiturage " qui rappelle qu'elle était la société titulaire de deux lots du précédent marché, qu'elle a demandé à un prestataire de déposer une offre mais que celui-ci l'a faite au nom d'une autre société voisine et qui avait été radiée, que le département a demandé de préciser qui était le soumissionnaire réel ce qui a été fait, que son offre a été déclarée irrégulière car elle avait été modifiée, que toutes les autres pièces du marché permettaient de voir que c'était elle qui était la candidate, que l'identité de la société candidate ne faisait pas de doute et qu'une société radiée n'aurait eu aucun intérêt à présenter une offre ;
- les observations de Me Bardon, représentant le département de Seine-et-Marne qui relève que la société candidate était la société " SAS Assistance Service Voiturage " mais que la société " AS Voiturage " était mentionnée sur l'acte d'engagement, que la société requérante n'était donc pas la société candidate, que le droit à la régularisation est très large mais ne peut pas porter sur la candidature, que les règles de la commande publique imposent d'assurer l'égalité de traitement des candidats, que l'acte d'engagement était opposable à la société requérante même s'il n'était pas signé, que la sanction devra donc être la reprise de la procédure au stade de l'analyse des offres, qu'une radiation du registre du commerce et des sociétés peut être fait par le greffe et peut toujours être levée et que la société qui a déposé l'offre était déjà radiée lors du dépôt de l'offre ;
- les observations de Me Laroche, représentant la société " Deux PJ ", attributaire, qui rappelle que c'est l'acte d'engagement qui permet de déterminer qui dépose une offre, que la demande de précision a été faite à celle qui l'avait déposée, qu'un changement d'identité ne peut être qualifié d'erreur matérielle.
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis publié le 6 décembre 2023, le département de Seine-et-Marne a lancé une procédure d'appel à candidatures en vue de " l'exécution du service de transports scolaires adaptés des élèves et étudiants handicapés du département par véhicules légers de moins de 9 places et/ou véhicules aménagés ". Le marché était divisé en quinze lots géographiques et était destiné à se dérouler sur douze mois. La " SASU AS Voiturage " s'est portée candidate pour es lots 9 (Melun, Vaux-le-Pénil, Bois-le-Roi) et 10 (Fontainebleau, Avon, Champagne-sur-Seine, Le Chatelet-en-Brie). Le 16 février 2024, le département de Seine-et-Marne a demandé à cette société de régulariser certains éléments de sa candidature et en particulier d'expliquer les incohérences relevées entre le " DC 1 " et l'acte d'engagement, établis au nom de cette société, alors que celle-ci s'est révélée radiée du registre du commerce et des sociétés et mise en liquidation, et les attestations fiscales et sociales établies au nom de la " SAS Assistance Voiturage ", à une autre adresse. Il était précisé dans ce même courrier que les offres étant intangibles, les informations communiquées en réponse ne pouvaient aboutir à les modifier. Le 18 février 2022, le département a reçu de nouveaux documents de la consultation (DC1 et DC2) et un nouvel acte d'engagement, pour chaque lot, établi au nom de la " SAS Assistance Service Voiturage ". Considérant que la candidature avait été modifiée, le département, par une décision, a informé la société " SASU AS Voiturage " sur rejet de ses offres, considérées comme irrégulières. Par une requête enregistrée le 30 avril 2024, la société " SAS Assistance Service Voiturage " demande donc au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler cette décision ainsi que celle d'attribution des deux lots en cause aux sociétés " 2STA " d'Athis-Mons (Essonne) pour le lot 9 et " Deux PJ " de Cesson (Seine-et-Marne) pour le lot 10.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative
2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique ()./ Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.
4. Aux termes de l'article R. 2144-1 du code de la commande publique : " L'acheteur vérifie les informations qui figurent dans la candidature, y compris en ce qui concerne les opérateurs économiques sur les capacités desquels le candidat s'appuie. Cette vérification est effectuée dans les conditions prévues aux articles R. 2144-3 à R. 2144-5 ". Aux termes de l'article R. 2144-2 du même code : " L'acheteur qui constate que des pièces ou informations dont la présentation était réclamée au titre de la candidature sont absentes ou incomplètes peut demander à tous les candidats concernés de compléter leur dossier de candidature dans un délai approprié et identique pour tous. () ". Aux termes de l'article R. 2144-3 du même code : " La vérification de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière et des capacités techniques et professionnelles des candidats peut être effectuée à tout moment de la procédure et au plus tard avant l'attribution du marché ". Aux termes de l'article R. 2144-6 du même code : " L'acheteur peut demander au candidat de compléter ou d'expliquer les documents justificatifs et moyens de preuve fournis ou obtenus ". Aux termes de l'article R. 2144-7 du même code : " Si un candidat ou un soumissionnaire se trouve dans un cas d'exclusion, ne satisfait pas aux conditions de participation fixées par l'acheteur, produit, à l'appui de sa candidature, de faux renseignements ou documents, ou ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs, les moyens de preuve, les compléments ou explications requis par l'acheteur, sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé.
Dans ce cas, lorsque la vérification des candidatures intervient après la sélection des candidats ou le classement des offres, le candidat ou le soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été classée immédiatement après la sienne est sollicité pour produire les documents nécessaires. Si nécessaire, cette procédure peut être reproduite tant qu'il subsiste des candidatures recevables ou des offres qui n'ont pas été écartées au motif qu'elles sont inappropriées, irrégulières ou inacceptables ". Enfin, aux termes de l'article R. 2152-2 du même code : " Dans toutes les procédures, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles ".
5. Il ressort des pièces du dossier que, par la lettre du 16 février 2024, le département de Seine-et-Marne, a demandé des précisions à la société " SASU AS Voiturage " de Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine) qui lui avait soumis une candidature pour les lots 9 et 10 du marché en cause en produisant un acte d'engagement et un formulaire " DC1 " à son nom. Il avait en effet constaté que cette société avait été radiée du registre du commerce et des sociétés et que les attestations fiscales et sociales, jointes à la candidature, avaient été établies au nom de la " SARL Assistance Service Voiturage " d'Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), pour l'attestation de régularité fiscale, et de la " SAS Assistance Voiturage ", à la même adresse, pour l'attestation de fourniture des déclarations sociales et le paiement des cotisations et contributions sociales. La réponse à cette lettre n'a pas été apportée par sa destinataire mais par la société " SAS Assistance Voiturage Service " d'Asnières-sur-Seine, qui a retourné de nouveaux actes d'engagements et de nouveaux formulaires " DC1 " et " DC2 " à son nom, alors même que la date limite de dépôt des candidatures était dépassée.
6. Par suite, c'est sans erreur de droit que le département de Seine-et-Marne a considéré qu'avait été apportée une modification substantielle des caractéristiques de l'offre initiale de la " SASU AS Voiturage ", au sens de l'article R. 2152-2 du code de la commande publique, en retenant que la réponse qui lui avait été apportée à sa demande de précisions avait entraîné un changement de soumissionnaire pour le marché en cause et qu'en conséquence l'offre de la société " SASU AS Voiturage " était irrégulière.
7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la requête de la société " SAS Assistance Voiturage Service " ne pourra qu'être rejetée.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
" Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des motifs tirés des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
9. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société " SAS Assistance Voiturage Service " une somme de 1.000 euros à verser au département de Seine-et-Marne au titre de ces dispositions ainsi qu'une autre somme de 1.000 euros à la société " Deux PJ ".
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de la société " Mathieu " " SAS Assistance Voiturage Service " est rejetée.
Article 2 : La société " SAS Assistance Voiturage Service " versera au département de Seine-et Marne une somme de 1.000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La société " SAS Assistance Voiturage Service " versera à la société " Deux PJ " une somme de 1.500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au département de Seine-et-Marne et aux sociétés " SAS Assistance Voiturage Service ", " Deux PJ " et " 2STA ".
Le juge des référés,
M. AymardLa greffière,
C. Mahieu La République mande et ordonne au préfet de Seine-Marne en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N°2405356