TA Montreuil, 02/07/2024, n°2407424
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 juin, 14 juin et 18 juin 2024, la société par actions simplifiée (A) société des marchés de la région parisienne (SOMAREP), représentée par l'AARPI Loiré Henochsberg et Associé, agissant par Me Henochsberg, demande au juge des référés :
1°) d'annuler la procédure de passation du contrat de délégation de service public pour la gestion du marché d'approvisionnement de la ville mise en œuvre par la commune de Sevran à compter de l'analyse des offres ;
2°) de condamner la commune de Sevran à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions de l'article R. 3125-1 et R. 3135-3 du code de la commande publique ont été méconnues dès lors que le courrier de rejet du 24 mai 2024 ne mentionne pas les motifs textuels du rejet ni les motifs textuels qui ont conduit au choix de l'offre de l'attributaire, ni le montant de l'offre de la société attributaire ; il n'a pas été répondu à sa demande adressée le 30 mai 2024 et le manquement est toujours caractérisé ; il est susceptible de l'avoir lésé dès lors qu'elle est ainsi privée de la possibilité de contester utilement l'appréciation qui a été portée sur son offre ainsi que sur celle de l'attributaire ;
- les dispositions de l'article R. 3123-17 du code de la commande publique ont été méconnues dès lors que le candidat retenu doit démontrer, avant l'attribution du contrat, qu'il n'entre dans aucun des motifs d'exclusion des procédures de passation des concessions et que l'article 27 du règlement de la consultation prévoyait la remise de pièces par l'attributaire pressenti ; il incombe à la commune de Sevran de démontrer qu'elle a bien sollicité et obtenu la totalité des documents exigés par le règlement de la consultation et le code de la commande publique et que ceux-ci démontraient que le contrat pouvait lui être attribué ; la lésion se présume pour un tel manquement dès lors qu'il fait obstacle à la démonstration de ce que le contrat devait bien être attribué à l'attributaire pressenti plutôt qu'au requérant ;
- les stipulations de l'article 3-6 du règlement de consultation ont été méconnues dès lors que le candidat retenu doit démontrer, avant l'attribution du contrat, qu'il n'entre dans aucun des motifs d'exclusion des procédures de passation des concessions et que l'article 27 du règlement de la consultation prévoyait la remise de pièces par l'attributaire pressenti ; il incombe à la commune de Sevran de démontrer qu'elle a bien sollicité et obtenu la totalité des documents exigés par le règlement de la consultation et le code de la commande publique et que ceux-ci démontraient que le contrat pouvait lui être attribué ; la lésion se présume pour un tel manquement dès lors qu'il fait obstacle à la démonstration de ce que le contrat devait bien être attribué à l'attributaire pressenti plutôt qu'au requérant ;
- la procédure suivie a méconnu le principe général d'impartialité dès lors que le responsable des marchés de la commune est également membre de la commission de délégation de service public et qu'il a visité le marché forain avec le directeur de la société finalement retenu et a manifesté un parti pris évident pour cette société ; le maire de la commune, président de la commission de délégation de service public a publiquement communiqué sur les réseaux sociaux quant au passage en régie municipale du marché de Sevran et a tenu des propos particulièrement virulents à l'encontre de la société chargée de la gestion du marché ; l'image de la SOMAREP a également été ternie par le maire de la commune par des insinuations en lien avec différents actes de vandalisme, de sabotage et d'intimidation postérieurement à l'annulation de la première procédure de mise en concurrence ; de tels manquements sont susceptibles de l'avoir lésée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2024, la commune de Sevran, représentée par la SELAS Seban Avocats, agissant par Me Gauch, demande au juge des référés :
1°) de rejeter la requête de la SOMAREP ;
2°) de condamner la SOMAREP à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société SOMAREP ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 juin et 17 juin 2024, la société par actions simplifiée (A) Les Fils de Madame B, représentée par la SELARL Cyril Laroche Avocat, agissant par Me Laroche, demande au juge des référés :
1°) de rejeter la requête de la SOMAREP ;
2°) de condamner la SOMAREP à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société SOMAREP ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné M. Silvy, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir, au cours de l'audience du 18 juin 2024, tenue en présence de M. El Mamouni, greffier d'audience, présenté son rapport, et entendu :
- les observations de Me Stass, représentant la A SOMAREP, qui abandonne son moyen relatif à la communication des motifs de la décision de rejet de son offre, maintient ses demandes et conclut, pour le surplus, aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
- les observations de Me Couvreur, représentant la commune de Sevran, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que ses écritures, relève que le juge des référés aurait pu estimer devoir se déporter sur cette affaire et fait valoir l'irrégularité de l'offre de la A SOMAREP faisant obstacle à ce qu'elle puisse se prévaloir d'un intérêt lésé ;
- et les observations de Me Laroche, représentant la A Les fils de Madame B, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens.
Le juge des référés a, au cours de l'audience publique, rappelé à l'ordre et aux exigences de la confraternité les conseils de la A SOMAREP et de la commune de Sevran.
À l'issue de l'audience publique, les parties ont été informées de ce que la clôture de l'instruction était différée dans l'attente de pièces et documents complémentaires.
Par une lettre du greffier du 18 juin 2024, les parties ont reçu confirmation de ce que la clôture d'instruction était différée au mercredi 19 juin 2024 à 11h00.
Des pièces complémentaires ont été produites pour la A Les Fils de Madame B, le 18 juin 2024, postérieurement à l'audience publique, et ont été communiquées.
Un mémoire a été enregistré le 19 juin 2024, présenté pour la A SOMAREP, par lequel celle-ci fait valoir que sa candidature était bien régulière, et a été communiqué.
Un mémoire a été enregistré le 19 juin 2024, présenté pour la commune de Sevran, par lequel celle-ci fait valoir que la candidature et l'offre finale de la SOMAREP étaient irrégulières, et a été communiqué.
Par une lettre du greffier du 19 juin 2024, les parties ont été informées de la réouverture de l'instruction et de la réception de leurs éventuelles observations jusqu'à 16h00 le mercredi 19 juin 2024.
Un mémoire a été enregistré le 19 juin 2024, présenté pour la A SOMAREP, et a été communiqué.
Par une lettre du greffier du 19 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 juin 2024 à 18h00.
Deux mémoires ont été enregistrés le 19 juin 2024, présentés pour la commune de Sevran et n'ont pas été communiqués en application des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet () la délégation d'un service public () ". Aux termes de l'article L. 551-6 du même code : " I. - Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. () ". Aux termes de son article L. 551-3 : " Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés. ". Et aux termes de son article L. 551-4 : " Le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal administratif et jusqu'à la notification au pouvoir adjudicateur de la décision juridictionnelle. ".
2. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements de l'autorité concédante à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.
3. Par un avis d'appel public à la concurrence publié au Journal Officiel de l'Union Européenne (JOUE) le 30 juin 2023, la commune de Sevran a lancé une procédure ouverte DSP23-001 tendant à la conclusion d'une délégation de service public tenant à la " gestion du marché forain de la Ville de Sevran " pour une durée de 60 mois non renouvelable. Deux candidatures ont été déposées, émanant de la société Mandon SOMAREP et de la société Les Fils de Madame B A, les 22 et 23 août 2023 et ces sociétés ont été admises à présenter des offres, remises, après une phase de négociation les 23 et 24 octobre 2023, le 15 novembre 2023, dans le délai prescrit. Le conseil municipal de Sevran a décidé d'attribuer cette délégation à la A Les Fils de Madame B par une délibération adoptée le 14 décembre 2023. Par une lettre du maire de Sevran du 15 décembre 2023, la société Mandon SOMAREP a été informée du rejet de son offre, du tableau détaillé de ses notes et de celles du candidat retenu, du classement de ces deux offres et de l'attribution de la délégation à la Société Les Fils de Madame B A. Par une requête du 22 décembre 2023, la A SOMAREP, agissant en sa qualité de candidate non retenue, a demandé au juge des référés du tribunal administratif, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation en cause. Par une ordonnance n°2305349 du 12 janvier 2023, le juge des référés a fait droit à cette demande en retenant le moyen tiré du défaut d'impartialité de la commission en charge de la préparation du rapport d'évaluation des offres. Un pourvoi en cassation a été introduit devant le Conseil d'État par la commune de Sevran sous le n° 491268. La commune a lancé une nouvelle consultation relative à la gestion du marché forain de la ville à laquelle ont participé la A SOMAREP et la A Les Fils de Madame B. Par un courrier du 24 mai 2024, le maire de la commune a informé la A SOMAREP de la décision du conseil municipal du 23 mai 2024 de retenir l'offre de la A Les Fils de Madame B en tant qu'elle répond le mieux aux attentes exprimées dans le cahier des charges. Par une correspondance du 30 mai 2024, la A SOMAREP a sollicité de la commune les explications textuelles justifiant les notes attribuées sur chaque critère et chaque sous-critère ainsi que les caractéristiques et avantages relatifs de l'offre retenue sur le fondement des articles R. 3125-1 et R. 3125-3 du code de la commande publique.
4. Par le présent recours, la A SOMAREP, agissant en sa qualité de candidate non retenue, demande au juge des référés du tribunal administratif, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation en cause.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
5. Aux termes de l'article L. 3124-2 du code de la commande publique, applicable aux concessions de services publics : " L'autorité concédante écarte les offres irrégulières ou inappropriées. ". Aux termes de l'article L. 3124-3 de ce code : " Une offre est irrégulière lorsqu'elle ne respecte pas les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation. ". Aux termes de l'article L. 3124-1 de ce code : " Lorsque l'autorité concédante recourt à la négociation pour attribuer le contrat de concession, elle organise librement la négociation avec un ou plusieurs soumissionnaires dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État. / La négociation ne peut porter sur l'objet de la concession, les critères d'attribution ou les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation. ". Aux termes de l'article L.3124-5 de ce code : " Le contrat de concession est attribué au soumissionnaire qui a présenté la meilleure offre au regard de l'avantage économique global pour l'autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du contrat de concession ou à ses conditions d'exécution. () / Les critères d'attribution n'ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l'autorité concédante et garantissent une concurrence effective. Ils sont rendus publics dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État. () ". Et aux termes de l'article R. 3124-4 de ce code : " Pour attribuer le contrat de concession, l'autorité concédante se fonde, conformément aux dispositions de l'article L. 3124-5, sur une pluralité de critères non discriminatoires. () / Les critères et leur description sont indiqués dans l'avis de concession, dans l'invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation. "
6. L'autorité concédante est tenue de respecter les règles qu'elle a elle-même instituées et il en résulte que le règlement de la consultation qu'elle a prévu pour la passation d'un contrat de concession est obligatoire dans toutes ses mentions. L'autorité concédante ne peut, dès lors, attribuer ce contrat à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par ce règlement, sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l'examen des candidatures ou des offres (Cf. CE, 10 octobre 1994, n° 108691 ; CE, 22 mai 2019, n°426763). Il appartient à l'autorité délégante de veiller en toute hypothèse au respect des principes de la commande publique, en particulier à l'égalité entre les candidats (Cf. CE, 8 novembre 2017, n°412859). Le changement des critères d'attribution d'une délégation de service public, lesquels devaient être portés à l'information des candidats dès l'engagement de la procédure, est susceptible d'entacher d'irrégularité la procédure d'attribution si elle conduit au choix d'une offre sur la base de critères qui n'avaient pas fait l'objet d'une information appropriée des candidats avant l'engagement de la procédure ou au cours de la procédure de négociation (Rappr. CE, 1er avril 2009, n°315586).
7. Aux termes, d'une part, de l'article 3-6 " conditions financières " du règlement de consultation relatif à la procédure en litige : " Le Délégataire exercera l'activité concédée à ses risques et périls et sera rémunéré par les recettes perçues auprès des usagers. Le Délégataire sera soumis au paiement d'une redevance annuelle d'exploitation, et sera par ailleurs tenu de partager certaines recettes d'exploitation selon les modalités prévues au contrat. ". Aux termes de l'article 19 " annexe financière de l'offre de ce règlement de consultation : " L'annexe financière de l'offre répond aux dispositions du projet de contrat de délégation de service public. / Ainsi elle doit notamment : () Préciser le pourcentage de l'intéressement de la Ville aux recettes d'exploitation tel que défini à l'article 60-2 du contrat de délégation de service public. ". Aux termes de l'article 23 " jugement des offres " de ce règlement : " En application de l'article R. 3124-5 du code de la commande publique, l'offre économiquement la plus avantageuse sera déterminée par application des critères et sous-critères suivantes (..) S'agissant du prix des prestations, l'analyse sera basée sur l'annexe financière remise par le candidat en application des différents sous-critères suivants, classés par ordre décroissant d'importance : / le montant de la redevance versée par la Ville / le montant des investissements / la qualité de l'intéressement de la Ville / la fiabilité et la cohérence des prévisions de chiffres d'affaires ". Et aux termes de l'article 60-2 " intéressement de la Ville aux recettes d'exploitation - redevance supplémentaire variable " du projet de convention de délégation : " Le délégataire verse à la Ville un intéressement égal à XX % excédant le seuil de recettes prévisionnelles, avec un minimum de 40%, tel que prévu dans les comptes d'exploitation prévisionnels hors produits d'animation, charge directe ville, déchets et en tenant compte des éventuelles charges d'exploitation exceptionnelles qui seraient supérieures aux charges prévisionnelles. / Chaque intéressement est versé à la Ville le 1er juin de l'année suivant l'exercice concerné. "
8. Aux termes, d'autre part, de l'article 25 " négociations " du règlement de consultation relatif à la procédure en litige : " Les négociations éventuellement menées pourront porter sur tous les aspects du futur contrat, notamment des questions techniques et financières. / Elles ne pourront en revanche pas porter sur l'objet de la concession, sa durée, et sur les critères d'attribution, qui constituent des caractéristiques essentielles. / En aucun cas les négociations ne pourront conduire les candidats à remettre en cause l'économie générale du projet de contrat de délégation établie par la commune, notamment son objet et le principe selon lequel l'exploitation technique et financière du service public se fait aux risques et périls du délégataire. () Les candidats admis à négocier peuvent librement et spontanément apporter toutes modifications à leurs offres initiales en vue de les compléter, de les clarifier ou d'en améliorer la teneur au vu du ou des critères retenus par le représentant de la collectivité concédante pour conduire la discussion. / Au cours des discussions le représentant de la collectivité concédante peut décider d'apporter des modifications non substantielles au dossier de consultation () ". Il résulte de l'article 3-4 du même règlement que la commune de Sevran n'avait pas autorisé les variantes dans le cadre de cette procédure.
9. Il résulte des dispositions du règlement de consultation et des stipulations du projet de contrat de délégation citées au point 7 que la commune de Sevran avait fixé le principe d'une double rémunération par le concédant, tenant pour une part à une redevance annuelle forfaitaire et pour une seconde part à un intéressement aux recettes d'exploitation au-delà d'un certain seuil prévisionnel qui ne pouvait pas être inférieur à 40 %. Il résulte également de ces dispositions et stipulations que ce double mécanisme présentait un caractère impératif et que l'absence dans l'annexe financière d'une proposition relative au taux d'intéressement proposé était, par suite, susceptible d'entacher l'offre d'un opérateur économique candidat d'irrégularité. La suppression de ce mécanisme complémentaire de rémunération, lequel était le 3ème critère d'évaluation financier des offres sur les quatre prévus à l'article 23 précité du règlement de consultation présentait, par suite, le caractère d'une modification substantielle du dossier de consultation au titre des dispositions du règlement de l'article 25 et constituait, au surplus, une remise en cause de l'économie générale du contrat.
10. Il résulte de l'instruction et notamment d'une citation des débats lors du conseil municipal de Sevran du 23 mai 2024, non utilement contestée, que l'offre finale présentée par la société les fils de Madame B ne comportait pas, à la demande de la commune, la proposition d'intéressement requise par les articles 3-6, 19 et 23 précités du règlement de consultation, circonstance confirmée lors de l'instruction à l'audience et par les écritures de la société attributaire. Il résulte également de l'instruction que les autres sociétés candidates, au nombre desquelles la société requérante, n'ont pas été informées de ce que la négociation conduite avec l'une d'entre elles avait autorisé une telle modification des exigences fixées dans le dossier de consultation et qu'elles ont été, par suite, privées d'une information appropriée qui leur aurait permis d'adapter leurs offres ou d'en présenter une variante. Cette modification au cours de la phase de négociation des conditions financières de la concession excédait, par suite, ce qui était autorisé par le règlement de consultation.
11. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en acceptant l'offre modifiée de la A les fils de Madame B sans avoir même mis les autres entreprises candidates en situation de présenter également des offres financières sans mécanisme d'intéressement, la commune de Sevran a méconnu les règles qu'elle s'était elle-même fixée dans le règlement de consultation, a admis une offre qui méconnaissait des dispositions impératives de ce règlement et a méconnu le principe d'égalité entre les candidats applicable en matière de commande publique.
12. L'autorité délégante ne peut utilement se prévaloir, pour faire échec à un référé précontractuel, de ce que la candidature de la société requérante serait irrecevable, faute de comporter l'ensemble des pièces requises et de ce qu'elle serait dès lors insusceptible d'être lésée par les manquements qu'elle invoque, dès lors que cette autorité n'a ni rejeté la candidature, ni sollicité une régularisation en cours de procédure (Rappr. CE, 3 décembre 2014, nos 384180,384222). Il ne résulte pas de l'instruction que les manquements tardivement relevés par la commune de Sevran, qui affecteraient l'offre de la société requérante s'agissant de documents à fournir ou de l'extension du périmètre physique du marché, n'aurait pas pu donner lieu à régularisation et l'offre de la A SOMAREP ne peut, dans cette mesure et en tout état de cause, être regardée comme irrégulière.
13. Il ne résulte pas plus de l'instruction que la candidature de la société requérante devait être écartée ou que l'offre qu'elle présentait ne pouvait qu'être éliminée comme inappropriée ou inacceptable. Par suite, dès lors que la sélection dans des conditions irrégulières de la A les Fils de Madame B est susceptible d'avoir lésé un autre candidat qui invoquerait ce manquement, la A SOMAREP, qui avait été classée seconde au terme de la procédure, peut utilement se prévaloir de ce manquement.
14. Il résulte de ce qui précède, eu égard à la portée et au stade de la procédure auquel se rapporte les manquement ci-dessus caractérisés, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres manquements invoqués, que la A SOMAREP est fondée à demander l'annulation de la procédure de passation relative à la délégation de service public ayant pour objet la gestion du marché forain de la commune de Sevran.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
16. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le juge des référés ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la commune de Sevran et par la A Les Fils de Madame B doivent, dès lors, être rejetées. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Sevran la somme de 2 500 euros à verser à la A SOMAREP sur le fondement de ces dispositions.
O R D O N N E :
Article 1er : La procédure de passation initiée par la commune de Sevran tendant à la délégation de service public de la gestion du marché forain de cette commune est annulée.
Article 2 : La commune de Sevran versera à la A SOMAREP la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la A SOMAREP est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la A Les Fils de Madame B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la A SOMAREP, à la commune de Sevran et à la A Les Fils de Madame B.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis pour information.
Fait à Montreuil, le 2 juillet 2024.
Le juge des référés,
J.-A. SILVY
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.