TA Nantes, 02/05/2023, n°2305781

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 24 avril 2023, M. B C demande au juge des référés d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision de la directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) du 5 juillet 2022, notifiée le 20 septembre 2022, portant retrait partiel et ordre de reversement d'une subvention qui lui avait été accordée, ensemble le rejet de son recours gracieux.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que son foyer n'a pas les fonds nécessaires pour payer la somme demandée de 5 400 euros ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée : lors de la vente de son bien immobilier, les acquéreurs se sont engagés à reprendre les droits et obligations liés à la subvention de l'ANAH ; le notaire leur a remis en mains propres le document CERFA destiné à l'ANAH et a envoyé à l'ANAH les autres documents nécessaires ; le litige est la conséquence d'une négligence administrative de l'ANAH ou du notaire, dont il ne peut être tenu responsable.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la requête enregistrée le 1er décembre 2022 sous le numéro 2215952 par laquelle M. C demande l'annulation de la décision susvisée.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- l'arrêté du 1er juillet 2013 fixant la liste des personnes morales de droit public relevant des administrations publiques mentionnées au 4° de l'article 1er du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Douet, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. " et aux termes de l'article L. 522-1 dudit code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique () ". L'article L. 522-3 dudit code dispose : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1. ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article R. 522-1 du même code : " La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit () justifier de l'urgence de l'affaire. ".

2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

3. Il résulte des écritures de M. C que ce dernier et Mme A ont obtenu une subvention de l'ANAH en 2018 afin d'effectuer des travaux de rénovation énergétique dans leur maison d'habitation sise 1, rue du tilleul à Montaudin (Mayenne) et se sont alors engagés à occuper le bien pendant six ans. Par décision du 5 juillet 2022, la directrice de l'ANAH a prononcé le retrait partiel de la subvention versée, du fait de la vente du bien subventionné le 1er juillet 2021, et ordonné à Mme A et M. C de rembourser un montant de 5 404 euros. L'ANAH a également émis un ordre de recouvrement le 8 août 2022 pour ce montant, accordant à M. C et Mme A un délai de deux mois pour régler cette somme. M. C, qui a eu notification de ces décisions le 20 septembre 2022, a formé un recours gracieux daté du 28 septembre 2022 et reçu le 21 octobre 2022 par l'ANAH, qui l'a rejeté le 21 novembre 2022. Par lettre du 6 avril 2023 l'agent comptable de l'ANAH a demandé aux intéressés, par lettre de rappel, de régler la somme due sous dix jours.

4. Pour justifier de l'urgence M. C se borne à soutenir qu'il ne peut actuellement payer cette somme sans toutefois apporter de précisions sur le niveau des ressources de son foyer, ni même soutenir ou alléguer qu'un échéancier amiable ne pourrait être accordé par l'agent comptable de l'ANAH, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est cadre gestionnaire support informatique. Ainsi, il ne produit aucun élément pour démontrer que l'exécution des actes attaqués porterait, de manière effective, une atteinte suffisamment grave et immédiate à sa situation financière. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que M. C a saisi le juge des référés plus de sept mois après avoir reçu notification de la décision de la directrice de l'ANAH et plus de cinq mois après le rejet de son recours gracieux. La circonstance que, suivant lettre de rappel du 6 avril 2023, un délai de seulement 10 jours lui ait été imparti pour reverser la somme en cause ne pouvant, dans ces conditions, caractériser une situation d'urgence au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

5. En outre et au surplus, aux termes de l'article 112 du décret susvisé du 7 novembre 2012 : " Les ordres de recouvrer relatifs aux autres recettes comprennent : 1° Les titres de perception mentionnés à l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales ; () ". Aux termes de l'article 117 de ce décret, applicable aux créances de l'Etat : " Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables : 1° Soit d'une opposition à l'exécution en cas de contestation de l'existence de la créance, de son montant ou de son exigibilité ; 2° Soit d'une opposition à poursuites en cas de contestation de la régularité de la forme d'un acte de poursuite./ L'opposition à l'exécution et l'opposition à poursuites ont pour effet de suspendre le recouvrement de la créance. " Il résulte de ces dernières dispositions que les recours administratifs ou contentieux formés à l'encontre des titres de perception destinés à assurer le recouvrement des créances de l'Etat étrangères à l'impôt, comme c'est le cas en l'espèce, ont un effet suspensif. La contestation par le requérant devant le présent tribunal, par la requête au fond visée ci-dessus, du bien-fondé de la créance litigieuse a donc pour effet de suspendre le recouvrement des créances de l'établissement.

6. Par suite, le requérant ne justifiant pas d'une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, il y a lieu de faire application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative et de rejeter la requête.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de M. C est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B C

Copie en sera adressée, pour information, à l'agence nationale de l'habitat.

Fait à Nantes, le 2 mai 2023.

Le juge des référés,

H. Douet

La République mande et ordonne au préfet de la Mayenne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun

contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,