TA Nantes, 03/05/2023, n°2008453

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 août 2020 et 13 janvier 2023, la société Ineo Infracom, représentée par Me Thalamas, demande au tribunal :

1°) d'annuler le titre de recettes émis à son encontre le 28 avril 2020 par la commune de Thouaré-sur-Loire d'un montant de 16 800 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme ;

2°) de mettre à la charge de la commune Thouaré-sur-Loire le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est recevable ; la motivation du titre ne permettant pas de le rattacher au marché invoqué par la commune, celle-ci ne peut arguer du non-respect des règles de recevabilité telles qu'elles résulteraient du cahier des clauses administratives générales de ce marché ;

- la commune ne justifie pas de sa représentation devant le tribunal ; ses écritures sont irrecevables ;

- il n'est pas établi que le titre litigieux ait été émis par une autorité habilitée ;

- le titre attaqué est entaché d'un défaut de motivation dès lors qu'il ne permet pas d'identifier le fondement de la créance;

- elle n'est redevable d'aucune somme envers la commune de Thouaré-sur-Loire ; le titre est dépourvu de toute base légale ; il n'est pas établi qu'elle ait reçu notification régulière des dysfonctionnements ; les pièces produites en défense par la commune ne sont pas probantes de l'application de pénalités à son encontre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2021, la commune de Thouaré-sur-Loire, représentée par Me Lafay, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Ineo Infracom au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable, dès lors que la société requérante n'a pas transmis préalablement à son introduction un mémoire en réclamation en application de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales fournitures courantes et services ; à supposer que la saisine du tribunal ait par elle-même matérialisé un différend entre la société requérante et la commune, au plus tard le 21 août 2020, la société requérante avait donc deux mois à compter de cette date pour adresser à la commune un mémoire de réclamation, soit jusqu'au

21 octobre 2020 ; en l'absence de tout mémoire de réclamation reçu dans ce délai, la société Ineo Infracom est forclose ;

- le titre litigieux n'est entaché d'aucun vice de forme ; il a été émis par le maire, en sa qualité d'ordonnateur de la commune ; le bordereau de titre de recettes a été signé par la première adjointe, qui disposait d'une délégation de signature régulière à cette fin ; la circonstance que les prénom, nom et qualité de celle-ci ne figurent pas sur l'ampliation délivrée à la société Ineo Infracom est sans incidence sur la légalité du titre ; le courrier du maire du

24 février 2020 établit que c'est ce dernier qui a décidé d'appliquer les pénalités litigieuses et qui a émis en conséquence le titre contesté ;

- le titre est suffisamment motivé dès lors que la commune de Thouaré-sur-Loire a notifié à la société requérante, préalablement à l'émission du titre de recette litigieux, un courrier en date du 24 février 2020, qui a été reçu le 3 mars 2020, détaillant précisément les motifs et les bases de calcul de la pénalité à l'origine du titre de recette résultant du dysfonctionnement de quatorze caméras pendant soixante heures ;

- le titre est bien fondé ; la dette se fonde sur l'application du contrat de maintenance signé entre la commune de Thouaré- sur-Loire et la société requérante le 24 janvier 2019, lequel impose à cette dernière, en son article 3.3, un délai d'intervention de quatre heures en cas de panne du système de vidéo protection ; l'article 11.1 prévoit une pénalité de 20 euros par heure de retard et par caméra en cas de non-respect de ce délai ; la pénalité résulte de du dysfonctionnement de quatorze caméras pendant soixante heures.

La clôture immédiate de l'instruction a été prononcée par une ordonnance du

13 janvier 2023, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n°2016-360 du 25 mars 2016;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A,

- les conclusions de M. Dias, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché de fourniture courante et de service notifié le 2 janvier 2017, la commune de Thouaré-Sur-Loire a attribué à la société Ineo Infracom un marché de mise en œuvre et de maintenance de son système de vidéoprotection urbaine. Les travaux ont été receptionnés le 28 janvier 2019 après la levée des réserves le 13 janvier 2020. La commune et la société requérante ont signé un contrat le 24 janvier 2019 pour en assurer la maintenance.

Le 3 février 2020, la commune de Thouaré-sur-Loire a constaté le dysfonctionnement de quatorze de ses caméras et en a averti la société Ineo Infracom par courriel du 13 février 2020. Sans retour de cette société, la commune, a, par courrier en date du 24 février 2020, enjoint à son prestataire de respecter ses obligations et lui a notifié l'application des pénalités de retard d'un montant de 16 800 euros. Le 28 avril 2020, le maire de la commune a émis un titre exécutoire en vue du recouvrement de cette somme. Par sa requête enregistrée le 21 août 2020, la société requérante demande l'annulation de ce titre et la décharge de l'obligation de le payer.

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la commune de Thouaré sur Loire :

2. La contestation, devant le juge, d'un titre exécutoire en vue du recouvrement d'une créance née de l'exécution d'un marché, dont la recevabilité est régie par les dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, n'est pas subordonnée au respect de la procédure prévue par le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et services (CCAG-FCS). Ainsi, quand bien même la société Ineo Infracom n'aurait pas contesté le bien-fondé des pénalités de retard dont il s'agit dans les formes et délais prescrits par le CCAG-FCS, cette circonstance n'aurait pu avoir d'incidence sur la recevabilité du recours formé devant le tribunal administratif par cette société contre le titre exécutoire mettant à sa charge l'obligation de payer ces pénalités.

En ce qui concerne les conclusions à fins d'annulation du titre exécutoire :

3. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. ".

4. Aux termes de l'article 3.2 du contrat de maintenance conclu le 24 janvier 2019 entre la société Ineo Infracom et la commune de Thouaré-sur-Loire : " La procédure de contact suivante sera mise en place : - Envoi de la demande par mail adressée à la cellule de maintenance. Les heures ouvrées prises en compte dans le présent contrat sont : - De 8 heures à 18 heures, du lundi au vendredi (hors week-end, jours fériés et jours chômés) ". Aux termes de l'article 3.3 du même contrat : " Délai d'intervention et de remise en état : Le délai d'intervention et de remise en état est comptabilisé à daté de la réception du mail adressé à la cellule de maintenance. Cet envoi de mail doit avoir lieu pendant les heures ouvrées d'INEO lnfracom/l3S et doit être confirmé conformément à l'article 3.2. Le délai d'intervention sur site prévu au titre du contrat est de : - GTI : 4 heures ouvrées - GTR : 8 heures ouvrées. Il s'en suivra un devis de remplacement d'équipements si besoin qui sera fourni à la Ville de Thouaré sur Loire. ". Aux termes de l'article 11.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché de fourniture, mise en œuvre et maintenance du système de vidéo-protection urbaine conclu entre la société Ineo Infracom et la commune de Thouaré-sur-Loire le 2 janvier 2017, dont il n'est pas contesté qu'il est applicable en l'espèce : " 11 - Pénalités. 11.1 - Pénalités de retard. Pénalités de retard dans l'exécution des travaux. En cas de retard dans l'exécution des travaux, une pénalité journalière de six cent euros (600 €) par jour calendaire de retard sera imposée à l'Entreprise. En cas de retard dans la réalisation des prestations de maintenance une pénalité de vingt euros (20 €) par heure de retard sera appliquée. Il n'est pas prévu de prime en cas d'avance sur les délais fixés dans l'acte d'engagement ".

5. La commune fait valoir qu'elle a informé la société Ineo Infracom, par courriel du 13 février 2020, de pannes affectant quatorze caméras depuis le 12 février 2020 à 10h16. Or, ainsi que le fait valoir la société requérante, il n'est pas établi que ce courriel ait fait l'objet d'une confirmation de réception ainsi que le prévoient les stipulations des articles 3.2 et 3.3 du contrat de maintenance. Dès lors, en dépit ce que, par courrier du 24 février 2020, la commune a précisé que les flux de ces caméras n'étaient plus accessibles dès le 3 février 2020, qu'une intervention de la société requérante prévue le 7 février 2020 n'avait pu avoir lieu en raison de l'absence du cotraitant de celle-ci et qu'aucun dépannage n'avait été réalisé depuis cette date, il ne résulte pas de l'instruction que la société Ineo Infracom ait été formellement avertie du dysfonctionnement conformément aux stipulations contractuelles avant le courrier du 24 février 2020 dont l'accusé de réception est produit à l'instance. La commune ne peut dès lors soutenir qu'elle était fondée à appliquer une pénalité litigieuse pour la période comprise entre le 13 février et le 24 février 2020 au titre du manquement de la société Ineo Infracom à ses obligations contractuelles.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Ineo Infracom est fondée à solliciter l'annulation du titre exécutoire litigieux.

En ce qui concerne les conclusions à fins décharge de l'obligation de payer :

7. Eu égard au motif d'annulation exposé ci-dessus, tenant au bien-fondé de l'avis de sommes à payer contesté, il y a lieu de prononcer la décharge de la société Ineo Infracom de l'obligation de régler la somme correspondante de 16 800 euros.

En ce qui concerne les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le titre exécutoire émis le 28 avril 2020 par le maire de la commune de Thouaré-sur-Loire à l'encontre de la société Ineo Infracom d'un montant de 16 800 euros est annulé

Article 2 : La société Ineo Infracom est déchargée du paiement de la somme de 16 800 euros mise à sa charge le 28 avril 2020 par la commune de Thouaré-sur-Loire.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la commune de commune de Thouaré-sur-Loire, à la société Ineo Infracom et à la direction régionale des finances publiques de Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Loirat, présidente,

M. Gauthier, premier conseiller,

M. Marowski, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2023.

Le rapporteur,

Y. A

La présidente,

C. LOIRAT

La greffière,

P. LABOUREL

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N°2008453