TA Nice, 10/05/2023, n°2205876

Vu la procédure suivante

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 décembre 2022 et 1er mars 2023, la société Soc Etude Realisation Exploitation (SEREX), représentée par Me Magrini, demande au juge des référés, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner la métropole de Nice Côte-d'Azur, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une somme de 276 586,18 euros à titre de provision, assortie des intérêts moratoires, des intérêts au taux légal ainsi que de leur capitalisation ;

2°) de mettre à la charge de la métropole de Nice Côte-d'Azur une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la retenue d'une somme de 88 000 euros opérée par la métropole sur le solde lui restant dû afin d'anticiper la perte de la prime de performance épuratoire délivrée par l'Agence de l'eau est dépourvue de base contractuelle et revêt un caractère arbitraire ; aucune clause du marché ne lui imposait d'exploiter la station dans les conditions permettant à la métropole de bénéficier de cette prime ; les documents contractuels du marché n'ont, d'ailleurs, jamais envisagé l'application d'une pénalité dans l'hypothèse de la perte du bénéfice de cette prime ; en tout état de cause, elle n'est pas responsable de la perte du bénéfice de cette prime ;

- la circonstance que la procédure de notification du décompte général définitif puisse être irrégulière est sans incidence sur la possibilité pour elle de s'en prévaloir afin d'obtenir le versement de la provision qu'elle sollicite ;

- elle aurait dû percevoir, en lieu et place de la somme de 300 000 euros au titre du bonus lié à l'absence de remplacement des membranes, une somme de 1 800 000 euros dans la mesure où le bonus de 300 000 euros est applicable au nombre de l'ensemble des trains de membranes non-remplacé qui, en l'espèce, est de six ;

- le solde du marché a été arrêté par la métropole à la somme de 276 586,18 euros ;

- cette somme n'est pas sérieusement contestable.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 11 janvier et 28 mars 2023, la métropole de Nice Côte-d'Azur, représentée par Me Hourcabie, conclut au rejet de la requête de la société Serex et sollicite la condamnation de celle-ci à lui verser une somme de 5 000 euros au titre des frais de l'instance.

Elle soutient que :

- l'obligation dont se prévaut la société Serex fait l'objet d'une contestation sérieuse dès lors que la société requérante indique elle-même que le décompte général des opérations, sur lequel elle se base pour solliciter la provision en cause, est nul et non avenu compte tenu de l'irrégularité de la procédure de sa notification ;

- ce décompte général est privé de caractère définitif ;

- la retenue de 88 000 euros opérée dans le décompte général et définitif est justifiée dans la mesure où l'Agence de l'eau lui a versé une aide épuratoire d'un montant de 88 000 euros inférieur aux prévisions initiales ;

- le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) mentionne qu'en cas de non-remplacement des membranes pendant la durée d'exécution du marché, le titulaire a droit au versement d'un bonus global de 300 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision par laquelle la présidente du tribunal a désigné M. Soli, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 30 mars 2023 :

- le rapport de M. Soli, juge des référés ;

- les observations de Me Du Puy de Goyne, représentant la société Serex ;

- et les observations de Me Hourcabie, représentant la métropole de Nice Côte-d'Azur.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. La métropole de Nice Côte-d'Azur a, par un avis de marché du 10 juillet 2014, initié une procédure d'appel d'offres relative à l'attribution d'un marché public de service tendant à l'exploitation de la station d'épuration de Saint-Laurent-du-Var. Ledit marché a été attribué à la société Serex le 29 janvier 2015 pour un montant hors taxes de 11 272 824,80 euros. Le contrat relatif au marché en cause a été conclu pour une durée de six ans et est arrivé à terme le 30 avril 2021. Par un courrier du 15 décembre 2021, la Métropole de Nice Côte-d'Azur a notifié à la société requérante le décompte général des opérations en cause, dont le reste à payer est de 276 586,18 euros. Par la présente requête, la société Serex demande au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la métropole de Nice Côte-d'Azur à lui verser une somme provisionnelle de 276 586,18 euros, assortie des intérêts moratoires, des intérêts au taux légal ainsi que de leur capitalisation.

Sur les conclusions tendant à l'octroi d'une provision :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : "Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.

4. La société SEREX soutient qu'aucune contestation sérieuse ne peut faire obstacle au paiement de la somme de 276 586,18 euros, laquelle correspond au solde du marché litigieux resté impayé, tel qu'il figure au décompte général définitif (DGD) qui lui a été notifié le 15 décembre 2021 par la métropole. La métropole soutient que la société requérante conteste le décompte général définitif, dans une requête au fond, enregistrée sous le numéro 2202872, en excipant de l'irrégularité de l'établissement du DGD ; que la contestation du décompte a pour effet de lui ôter son caractère définitif ; qu'en conséquence la créance dont se prévaut la société requérante est sérieusement contestable. Il résulte toutefois de l'instruction que la créance dont se prévaut la société SEREX se fonde effectivement sur le décompte général définitif notifié par la métropole elle-même le 15 décembre 2021 ; que la contestation du décompte par la société requérante est fondée sur la réclamation d'un solde en sa faveur supérieur à celui arrêté par la métropole dans le DGD ; que la métropole ne peut sérieusement contester un DGD qu'elle a elle-même arrêté à la somme de 276 586,18 euros et notifié. Il s'ensuit que l'obligation dont se prévaut la société SEREX qui est égale à ce solde de 276 586,18 euros arrêté par la métropole n'est pas sérieusement contestable ni dans son principe ni dans son montant. Il y a donc lieu en conséquence de condamner la métropole de Nice Côte-d'Azur au versement d'une provision d'un montant de 276 586,18 euros.

Sur les intérêts moratoires et leur capitalisation :

5. Aux termes de l'article 1231-6 du code civil : "Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure". Il résulte de l'instruction que la société SEREX a adressé à la métropole de Nice Côte d'Azur une réclamation tendant au paiement du solde du marché en cause, laquelle lui a été notifiée le 12 février 2022.

6. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la société requérante a droit aux intérêts moratoires sur la somme de 276 586,18 euros à compter du 12 février 2022 jusqu'à la date de leur paiement effectif.

7. D'autre part, la société SEREX a également droit à la capitalisation des intérêts au 12 février 2023, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la métropole de Nice Côte d'Azur une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

9. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la métropole de Nice Côte-d'Azur tendant à ce que la société SEREX, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à une somme au titre des frais de l'instance.

O R D O N N E :

Article 1er : La métropole de Nice Côte-d'Azur est condamnée à verser à la société SEREX, à titre de provision, une somme de 276 586,18 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 12 février 2022 et de la capitalisation des intérêts échus à la date du 12 février 2023 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : La métropole de Nice Côte-d'Azur versera à la société SEREX une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la métropole de Nice Côte-d'Azur sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Soc Etude Realisation Exploitation (SEREX) et à la métropole de Nice Côte-d'Azur.

Fait à Nice, le 10 mai 2023.

Le juge des référés,

signé

P. SOLI

La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Ou par délégation, la greffière,