TA Nice, 29/03/2023, n°1805241

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 décembre 2018 et 31 mars 2021 et un mémoire récapitulatif enregistré le 30 juin 2021, Mme B A doit être regardée comme demandant au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 7 novembre 2018 par laquelle le président du syndicat intercommunal des collectivités et territoires innovants des Alpes-Méditerranée (SICTIAM) l'a suspendue de ses fonctions de directrice générale du SICTIAM ;

2°) d'enjoindre au SICTIAM de communiquer sur l'annulation de cette décision auprès des personnes qui avaient été informées de sa suspension ;

3°) de condamner le SICTIAM au paiement de la somme de 12 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral qu'elle a subis ;

4°) de mettre à la charge du SICTIAM une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit et d'appréciation dès lors que le président du SICTIAM n'a pas pris en considération, préalablement à son édiction, l'ensemble des éléments pertinents ;

- elle est entachée d'une inexactitude matérielle des faits ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense enregistrés les 2 mars, 18 mai 2021 et un mémoire récapitulatif enregistré le 28 juin 2021, le président du SICTIAM, représenté par Me Bazin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir, à titre principal, que la requête est irrecevable dès lors que la numérotation des pièces jointes figurant dans ses différents mémoires n'est pas cohérente et, à titre subsidiaire, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public, tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires de Mme A dès lors qu'elles ont été présentées sans demande indemnitaire préalable en méconnaissance de l'article R. 421-1 du code de justice administrative et qu'elles ne sont assorties d'aucun moyen venant à leur soutien.

Par une ordonnance en date du 23 novembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-683 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chevalier, conseillère ;

- les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public ;

- et les observations de Mme A et de Me Bazin représentant le SICTIAM.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B A, fonctionnaire territoriale relevant du cadre d'emploi des ingénieurs territoriaux, occupe les fonctions de directrice générale du syndicat intercommunal des collectivités et territoires innovants des Alpes-Méditerranée (SICTIAM) depuis le

1er février 2017. A la suite d'un rapport de contrôle des subventions attribués par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur du 30 août 2018 diligenté par l'inspection générale audits et évaluation de la région, Mme A a fait l'objet d'une décision de suspension à titre conservatoire de ses fonctions le 7 novembre 2018. Mme A demande au tribunal l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline () ". Une décision de suspension des fonctions est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire. Elle ne peut être prononcée que lorsque les faits imputables à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que l'éloignement de l'intéressé se justifie au regard de l'intérêt du service. Eu égard à la nature conservatoire d'une mesure de suspension et à la nécessité d'apprécier, à la date à laquelle cet acte a été pris, la condition tenant au caractère vraisemblable des faits, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l'autorité administrative au jour de sa décision.

3. Pour prendre la décision attaquée, le président du SICTIAM s'est fondé sur le rapport définitif de contrôle des subventions attribuées par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur du 30 août 2018 qui indique que certaines actions de la requérante réalisées en sa qualité de membre de la direction générale du syndicat sont susceptibles d'être qualifiés de prise illégale d'intérêts et d'octroi d'avantages injustifiés. Plus précisément, ce rapport circonstancié révèle notamment que des liens entre les membres de la direction du SICTIAM au nombre desquels figurent Mme A existent avec des opérateurs économiques se portant candidat à l'attribution de marchés publics du SICTIAM et que les règles de passation de la commande publique ne sont pas respectées. Si une note d'un cabinet d'avocat et un avis d'un cabinet SPQR établis respectivement les 24 septembre et 10 octobre 2018, soit antérieurement à la décision attaquée, tendent à nuancer les conclusions du rapport concernant la qualification pénale de ces actions en raison de l'absence d'élément intentionnel, ils ne sont pas de nature à remettre en cause les manquements matériels aux règles de la commande publique ainsi que la méconnaissance de certaines règles du code général des collectivités territoriales. Mme A ne conteste pas sérieusement ces griefs en produisant, outre les notes et rapports précités, des attestations de trois de ses collègues qui indiquent être satisfaits de son travail et de leur relation avec elle. Dans ces conditions, au regard de ses fonctions de directrice générale du SICTIAM, le caractère de vraisemblance et de gravité des faits reprochés à la requérante étaient suffisant pour justifier la mesure de suspension prise à son encontre le 7 novembre 2018 au regard de l'intérêt du service. Par suite, les moyens tirés d'une part de l'erreur de droit, d'autre part de l'erreur de fait et, enfin, de l'erreur d'appréciation, doivent être écartés.

4. En second lieu, si la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d'un détournement de pouvoir au motif que le président du SICTIAM, également président du département des Alpes-Maritimes, aurait tenu un double discours auprès des agents du SICTIAM et ceux de la région, elle n'apporte pas, au soutien de ces allégations, d'éléments de preuve de nature à l'établir. Dans ces conditions, ce moyen doit être écarté.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 7 novembre 2018 par laquelle le président du SICTIAM l'a suspendue de ses fonctions de directrice générale de ce syndicat.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

6. En l'absence d'illégalité fautive de la part du SICTIAM, les conclusions indemnitaires présentées par Mme A tendant à la condamnation de celui-ci à lui verser la somme de 12 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral qu'elle estime avoir subis ne peuvent qu'être rejetées sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Le présent jugement, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SICTIAM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A une somme au titre des frais exposés par le SICTIAM en défense et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du syndicat mixte d'ingénierie pour les collectivités et territoires innovants des Alpes-Méditerranée présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme B A et au syndicat mixte d'ingénierie pour les collectivités et territoires innovants des Alpes-Méditerranée.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Emmanuelli, président,

Mme Chevalier, conseillère,

Mme Bergantz, conseillère,

assistés de M. Cremieux, greffier.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2023.

La rapporteure,

Signé

C. CHEVALIER

Le président,

Signé

O. EMMANUELLILe greffier,

Signé

D. CREMIEUX

La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Ou, par délégation, la greffière.