TA Nîmes, 09/05/2023, n°2202893

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Le président du tribunal a désigné Mme Corneloup, présidente de la 2ème chambre, pour statuer sur les demandes en référé.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte des 5 et 27 mai 2015, le département du Gard a donné à bail emphytéotique à l'EPCC DU PONT DU GARD un ensemble immobilier comprenant notamment un immeuble anciennement à usage d'hôtel-restaurant désigné sous l'appellation " Vieux Moulin ". L'EPCC DU PONT DU GARD est assuré auprès de la SMACL ASSURANCES SA au terme d'un marché public d'assurances conclu le 27 août 2020 sur 4 lots dont le lot " Dommages aux biens ". Dans la nuit du 20 au 21 avril 2021, le bâtiment dit du " Vieux Moulin " a été sinistré par un incendie d'origine criminelle ayant notamment endommagé la toiture de l'immeuble. Le 22 avril 2021, l'EPCC DU PONT DU GARD a déclaré ce sinistre à la SMACL ASSURANCES SA. Par courrier du 17 juin 2021, la SMACL ASSURANCES SA a notifié à l'EPCC DU PONT DU GARD son refus d'intervention au titre de la garantie dommages en l'état de la réalisation d'un risque sur un bien n'appartenant pas à l'EPCC et ressortant de la seule garantie du propriétaire, en l'occurrence le département du Gard. L'EPCC DU PONT DU GARD demande au juge des référés de condamner la SMACL ASSURANCES SA à lui verser une provision d'un montant de 159 879, 74 euros au titre de la garantie assurantielle pour le sinistre intervenu sur le bâtiment dit du " Vieux Moulin " dans la nuit du 20 au 21 avril 2021.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. () ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.

3. L'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction application au présent litige, dispose que : " Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence (). Ce bail emphytéotique est dénommé bail emphytéotique administratif. / Un tel bail peut être conclu même si le bien sur lequel il porte, en raison notamment de l'affectation du bien résultant soit du bail ou d'une convention non détachable de ce bail, soit des conditions de la gestion du bien ou du contrôle par la personne publique de cette gestion, constitue une dépendance du domaine public, sous réserve que cette dépendance demeure hors du champ d'application de la contravention de voirie. / Un tel bail ne peut avoir pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures, la prestation de services, ou la gestion d'une mission de service public, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, pour le compte ou pour les besoins d'un acheteur soumis à l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ou d'une autorité concédante soumise à l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession. / Dans le cas où un tel bail serait nécessaire à l'exécution d'un contrat de la commande publique, ce contrat prévoit, dans le respect des dispositions du présent code, les conditions de l'occupation du domaine. ". Dans le cadre de baux emphytéotiques passés sous ce régime, la collectivité publique bailleuse ne devient propriétaire des biens qu'au terme du bail.

4. En application du bail emphytéotique conclu entre l'EPCC DU PONT DU GARD et le département du Gard, le département du Gard ne sera propriétaire du bâtiment sinistré en litige qu'au terme du bail. Il en résulte que nonobstant la circonstance que le département du Gard ait porté plainte pour ledit sinistre, la SMACL ASURANCES SA ne peut refuser de garantir l'EPCC DU PONT DU GARD au motif que l'EPCC du PONT DU GARD ne serait pas propriétaire du bâtiment dit le " Vieux Moulin ". La SMACL ASURANCES SA ne démontre pas non plus que l'EPCC DU PONT DU GARD n'occuperait pas les locaux dudit bâtiment par les seules circonstances que celui-ci aurait été squatté au moment de l'incendie et que le bâtiment ne serait actuellement pas exploité. Dès lors, la garantie " dommages aux biens " souscrite par l'EPCC DU PONT DU GARD avec la SMACL ASURANCES SA pouvait être engagée. L'EPCC DU PONT DU GARD est ainsi fondé à se prévaloir vis-à-vis de la SMACL ASURANCES SA d'une créance non sérieusement contestable dans son principe à raison de l'obligation de réparer les conséquences dommageables des désordres survenus dans la nuit du 20 au 21 avril 2021 dans sa propriété du bâtiment dit le " Vieux Moulin ".

5. En ce qui concerne le montant de la provision, l'EPCC produit des justificatifs pour les honoraires d'expert pour la somme de 2 762 euros HT, les frais d'huissier de justice pour la somme de 360 euros, la réalisation des travaux de mise en sécurité du " Vieux Moulin " pour la somme de 61 433, 19 euros HT, soit une somme totale de 64 555 euros. Le diagnostic amiante et plomb qui n'est pas justifié par une facture mais par un simple devis et la valeur de remplacement à neuf des biens meubles situés dans le bâtiment qui ne fait l'objet que d'une estimation non probante ne revêtent par contre pas un caractère de certitude suffisant. Par suite, il y a lieu de condamner la SMACL ASURANCES SA à verser à l'EPCC DU PONT DU GARD une somme provisionnelle de 64 555 euros.

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'EPCC DU PONT DU GARD qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SMACL ASURANCES SA le versement à l'EPCC DU PONT DU GARD de la somme de 1 200 euros au titre de ces dispositions.

O R D O N N E :

Article 1er : La SMACL ASSURANCES SA est condamnée à verser à l'EPCC DU PONT DU GARD une somme provisionnelle de 64 555 euros.

Article 2 : La SMACL ASSURANCES SA versera à l'EPCC DU PONT DU GARD une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SMACL ASSURANCES SA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à l'EPCC DU PONT DU GARD et à la SMACL ASSURANCES SA.

Fait à Nîmes, le 9 mai 2023.

La juge des référés,

F. CORNELOUP

La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

N°2202893