TA Orléans, 15/11/2022, n°2002278
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 9 juillet 2020 et un mémoire enregistré le 20 mars 2022,
la société Dixys, représentée par Me Lamothe, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal d'annuler l'accord-cadre portant sur l'acquisition d'une solution de déport et d'exploitation des images des dispositifs de vidéo protection des communes vers le centre opérationnel et de renseignement de la gendarmerie passé par le syndicat intercommunal de vidéo protection et tous les actes subséquents ; à titre subsidiaire de résilier cet accord-cadre ;
2°) de mettre à la charge du syndicat intercommunal de vidéo protection la somme
de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable car elle a produit le 10 novembre 2020, l'acte d'engagement signé ;
- l'acheteur a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence,
en ne mettant pas en œuvre la procédure de l'article L. 2152-6 du code de la commande publique permettant de détecter le caractère anormalement bas de l'offre retenue alors que l'offre de l'attributaire était anormalement basse ;
- l'acheteur a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, en avalisant une situation de distorsion de concurrence au bénéfice de la société SRTC.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 octobre 2020, et un mémoire déposé le 12 octobre 2022, le syndicat intercommunal de vidéo protection, représenté par Me Rainaud, conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge de la requérante la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable car la société n'a pas produit l'acte d'engagement signé par les parties en méconnaissance de l'article R. 412-1 du code de justice administrative ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la société STRC, attributaire, qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lefebvre-Soppelsa, présidente-rapporteure ;
- les conclusions de Mme Best-De Gand, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Rainaud représentant le syndicat intercommunal de
vidéo protection.
Considérant ce qui suit :
1. Par avis de marché publié le 6 janvier 2020, le syndicat intercommunal de vidéo protection (SICOM) a lancé une procédure adaptée ouverte pour l'attribution d'un accord cadre portant sur l'acquisition d'une solution de déport et d'exploitation des images des dispositifs de vidéo protection des communes vers le Centre Opérationnel et de Renseignement de la Gendarmerie (CORG). Il s'agit d'un accord-cadre mono-attributaire à bons de commande avec montant minimum de 75 000 euros HT et montant maximum de 210 000 euros HT d'une durée de 3 ans. La société Dixys qui est spécialisée dans la fourniture, le conseil, l'audit, la conception et la maintenance de systèmes de sécurité de hautes technologies, au nombre desquels figure la vidéo protection s'est portée candidate à l'attribution de cet accord-cadre. Par lettre du 26 février 2020, le SICOM l'a informée du rejet de son offre, comme étant classée en deuxième position avec une note totale de 2,128 points sur 3, et que le contrat a été attribué à la société SRTC avec une note totale de 2,5 points sur 3. La société Dixys demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures à titre principal d'annuler l'accord-cadre portant sur l'acquisition d'une solution de déport et d'exploitation des images des dispositifs de vidéo protection des communes vers le centre opérationnel et de renseignement de la gendarmerie passé par le syndicat intercommunal de vidéo protection et tous les actes subséquents, à titre subsidiaire de résilier cet accord-cadre.
Sur les conclusions aux fins d'annulation et de résiliation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2152-5 du code de la commande publique : " Une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché. " et aux termes de l'article L. 2152-6 du même code : " L'acheteur met en œuvre tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses. / Lorsque une offre semble anormalement basse, l'acheteur exige que l'opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre. /
Si, après vérification des justifications fournies par l'opérateur économique, l'acheteur établit que l'offre est anormalement basse, il la rejette dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ".
3. Il résulte de l'instruction que dans le cadre de la passation du marché litigieux, accord-cadre d'un montant maximum de 210 000 euros HT, le SICOM a reçu quatre offres,
dont les montants respectifs étaient de 337 653 euros TTC, 214 355 euros TTC, 170 049 euros TTC et 289 074 euros TTC. La société requérante soutient que l'offre de la société attributaire à hauteur de 170 049 euros TTC était anormalement basse.
4. D'une part, la caractérisation de l'offre anormalement basse ne saurait résulter de la seule comparaison de son montant avec le montant des autres offres. D'autre part,
si la requérante prétend que le caractère anormalement bas de l'offre de la société attributaire résulte de sa non-conformité au CCTP, et donc de son irrégularité, elle n'assortit toutefois pas cette allégation tirée de ce que l'offre attributaire imposerait de dupliquer les flux vidéo
ainsi que, par voie de conséquence, le réseau sans fil, des précisions nécessaires pour en apprécier le bien-fondé. Enfin, et alors qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent l'accord-cadre en litige était d'un montant maximum de 210 000 euros HT, il ne résulte pas de l'instruction que le prix de l'offre de la société attributaire était manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché.
5. Il résulte de ce qui précède que le caractère anormalement bas de l'offre retenue ne résulte pas de l'instruction. Par voie de conséquence, le moyen tiré de ce que le syndicat acheteur a méconnu ses obligations en ne déclenchant pas la procédure de détection de l'article L. 2152-6 du code de la commande publique ne peut qu'être écarté.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 2141-8 du code de la commande publique : " L'acheteur peut exclure de la procédure de passation d'un marché les personnes qui : /
1° Soit ont entrepris d'influer indûment sur le processus décisionnel de l'acheteur ou d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu lors de la procédure de passation du marché, ou ont fourni des informations trompeuses susceptibles d'avoir une influence déterminante sur les décisions d'exclusion, de sélection ou d'attribution ; / 2° Soit par leur participation préalable directe ou indirecte à la préparation de la procédure de passation du marché, ont eu accès à des informations susceptibles de créer une distorsion de concurrence par rapport aux autres candidats, lorsqu'il ne peut être remédié à cette situation par d'autres moyens ". Aux termes de l'article R. 2111-1 du même code : " Afin de préparer la passation d'un marché, l'acheteur peut effectuer des consultations ou réaliser des études de marché, solliciter des avis ou informer les opérateurs économiques de son projet et de ses exigences. Les résultats des études et échanges préalables peuvent être utilisés par l'acheteur, à condition que leur utilisation n'ait pas pour effet de fausser la concurrence ou de méconnaître les principes mentionnés à l'article L. 3 ". Aux termes de l'article R. 2111-2 du même code : " L'acheteur prend les mesures appropriées pour que la concurrence ne soit pas faussée par la participation à la procédure de passation du marché d'un opérateur économique qui aurait eu accès à des informations ignorées par d'autres candidats ou soumissionnaires, en raison de sa participation préalable, directe ou indirecte, à la préparation de cette procédure ".
7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, dans le cadre de la préparation de
son marché, l'acheteur peut procéder à un " sourcing " au cours duquel il peut, notamment, consulter un ou plusieurs opérateurs économiques susceptibles de répondre à son besoin.
Dans cette hypothèse, le ou les opérateurs qui ont participé à la préparation du marché peuvent, en principe, se porter candidat à la procédure de passation du marché. Ce n'est que si un opérateur a eu accès à des informations ignorées des autres candidats, susceptibles de fausser la concurrence, que l'acheteur doit l'exclure de la mise en concurrence lorsqu'il ne peut être remédié à cette situation par un autre moyen.
8. En l'espèce, la société requérante se borne à soutenir que du seul fait de la participation de la société SRTC à la réunion du 19 septembre 2019, le SICOM aurait dû écarter sa candidature. Toutefois, ce faisant, elle n'établit, ni même n'allègue, que cette participation à la préparation du marché aurait permis à la société SRTC de bénéficier d'informations ignorées des autres candidats et susceptibles de créer une distorsion de concurrence à l'égard de ces derniers. Cette seule participation ne révèle pas en elle-même une telle distorsion. Par suite, et quand bien même il a été indiqué à tort à la requérante par courrier du 9 avril 2020 que " Aucun candidat n'a effectué de présentation au Syndicat Intercommunal de Vidéo Protection dans le cadre du marché ", le moyen tiré de ce que l'acheteur a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, en avalisant une situation de distorsion de concurrence au bénéfice de la société SRTC, ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée, que les conclusions aux fins d'annulation et de résiliation doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat intercommunal de vidéo protection, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Dixys demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société requérante la somme demandée par le syndicat intercommunal de vidéo protection sur le fondement de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Dixys est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du syndicat intercommunal de vidéo protection présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Dixys, au syndicat intercommunal de vidéo protection et à la société SRTC.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Lefebvre-Soppelsa, présidente,
M. Joos, premier conseiller,
Mme Bertrand, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 202La présidente-rapporteure,
Anne LEFEBVRE-SOPPELSA
L'assesseur le plus ancien,
Emmanuel JOOS
La greffière,
Lucie BARRUET
La République mande et ordonne au préfet de Loir-et-Cher en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.