Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2021, le cabinet Urbateam, représenté par
Me Hocquard (Selarl Eloca), demande au tribunal :
1°) d'annuler l'avis des sommes à payer du 25 mai 2021 portant ampliation du titre de recettes du même jour mettant à sa charge la somme de 220 980,97 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché de maîtrise d'œuvre qui lui a été attribué pour la réalisation du stade d'athlétisme de la communauté de communes du Pays Bigouden sud ;
2°) de la décharger de l'obligation de payer la somme mise à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Pays Bigouden sud la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- l'avis des sommes à payer valant ampliation du titre de recettes n'est pas signé en méconnaissance des articles L. 111-2 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ce qui ne permet pas d'établir la compétence de l'auteur de l'acte ;
- aucun titre de recettes n'est joint à l'ampliation qui lui a été adressée, ce qui méconnaît le 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ;
- la compétence du signataire de l'avis des sommes à payer n'est pas établie et la communauté de communes n'est pas compétente pour émettre de tels avis ;
- l'avis a été émis par une personne non habilitée à cet effet ;
- les voies et délais de recours mentionnés sur l'avis des sommes à payer sont erronés, dès lors qu'il mentionne le tribunal d'instance de Quimper qui n'existe plus depuis le
11 décembre 2019 ;
- l'exécution d'un décompte général n'entre dans aucune des catégories de recettes pouvant donner lieu à titre de perception en application de l'article 23 du décret du
7 novembre 2012, notamment en ce qu'elle ne peut être regardée comme résultant d'une convention puisqu'elle correspond à d'hypothétiques condamnations que la communauté de communes aurait pu demander au juge administratif ;
- à titre subsidiaire, le quantum de la créance n'est pas justifié, dès lors que le montant des travaux relatifs au bassin d'eaux pluviales diffère de celui retenu par l'expert et que les travaux de réfection de la piste d'athlétisme, qui ne correspondent pas non plus au montant retenu par l'expert, incombent exclusivement à la société Mondo sans que sa responsabilité ne puisse être engagée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2023, la communauté de communes du Pays Bigouden sud, représentée par Me Josselin (Selarl Valadou - Josselin et associés), conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Urbateam au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les nom, prénoms et qualité de l'auteur du titre de recettes sont mentionnés sur l'ampliation adressée à la société requérante et il n'y avait ainsi aucune ambiguïté sur l'identité du signataire de l'acte ;
- la société Urbateam a été destinataire d'un courrier de décompte général du marché de maîtrise d'œuvre qui comportait les nom, prénoms, qualité et signature du président de la communauté de communes ;
- M. Jousseaume, qui bénéficie d'une délégation régulière de signature du 14 août 2020, a signé le titre avant notification à la société requérante ;
- seule l'ampliation du titre de recettes devait être adressée à son destinataire ;
- le président de la communauté de communes était compétent pour émettre le titre de recettes litigieux en vertu de l'article L. 5211-9 du code général des collectivités territoriales ;
- la mention erronée des voies et délais de recours n'a pas d'incidence sur la régularité du titre de recettes ;
- elle était compétente pour émettre le titre exécutoire constatant la créance qu'elle détient sur le cabinet Urbateam, sans qu'une décision de justice préalable ne soit nécessaire ;
- le décompte général, notifié au cabinet Urbateam, l'informait du montant des travaux réparatoires mis à sa charge pour chacun des deux désordres ;
- le rapport d'expertise a imputé l'entière responsabilité des désordres relatifs au bassin de rétention des eaux pluviales à la société requérante ;
- la responsabilité du maître d'œuvre est également engagée au titre du désordre relatif au revêtement de la piste d'athlétisme, à hauteur de 33 %, dès lors que les travaux réalisés par la société Mondo l'ont été sous le contrôle du maître d'œuvre. ;
- le titre exécutoire litigieux, qui précise qu'il est émis en exécution du décompte général du marché de maîtrise d'œuvre, informe suffisamment la société Urbateam des bases de liquidation et des éléments de calcul de la créance ;
- la société Urbateam n'a pas contesté le décompte général du marché en présentant un mémoire de réclamation ou en le contestant par un recours juridictionnel et ne peut plus contester le bienfondé de la créance mise à sa charge dans le cadre du recours contre le titre exécutoire attaqué, dès lors que le décompte général du marché, devenu définitif, est intangible.
La procédure a été communiquée à la direction départementale des finances publiques du Finistère qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Grenier,
- les conclusions de M. Yann Moulinier, rapporteur public,
- et les observations de Me Clairay, représentant la communauté de communes du Pays Bigouden sud.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté de communes du Pays Bigouden sud (CCPBS) a entrepris la construction d'un stade d'athlétisme inter-régional à Tréouguy, comprenant notamment 8 couloirs d'athlétisme avec revêtements de surface en matériau synthétique, la réalisation de deux terrains de rugby, d'un parking paysager et d'un bassin de rétention des eaux de pluie collectées pour procéder ensuite à l'arrosage des terrains de sport d'une superficie de 1 700 m², d'un volume de stockage de 550 m3 et de 600 m3 pour le réservoir. La maîtrise d'œuvre de cette opération a été attribuée à la société Queau-L'Hénaff, devenue cabinet Urbateam, le 28 février 2012. Les lots
n° 1 " Terrassements généraux - couche de fondation - enrobé " et n° 2 " réseaux humides - réseau d'eau potable, d'eaux usées, d'eaux pluviales, bassins " comportant notamment la construction du bassin de rétention des eaux pluviales ont été attribués, le 12 octobre 2012, à un groupement conjoint comprenant la société Eurovia Bretagne, mandataire solidaire, la société Bellocq Paysages, la société Le Pape et la société Cegelec Ouest. La société Mondo France s'est vue confier le lot n° 3 " réalisation d'un revêtement synthétique " par un acte d'engagement du même jour. La mission de contrôle technique a été attribuée à la société Novarea. En cours d'exécution des opérations de construction, le contrôleur technique a relevé, le 2 juillet 2013, un défaut de planéité de la couche de base supérieure de la piste d'athlétisme avec des bosses de
8 mm, reprises par micro-rabotage en juin 2013 et des flaches de 7 mm, supérieurs à la tolérance admise, devant être repris par la société Modo lors de la réalisation du revêtement synthétique. La présence de bosses et de flaches, supérieurs aux tolérances admises, a été confirmée par la société Labosport, le 8 novembre 2013. Le 24 octobre 2013, la fédération française d'athlétisme a refusé l'homologation de l'ouvrage. Le 17 avril 2014, les travaux des lots nos 1 et 3 attribués aux sociétés Eurovia Bretagne et Mondo France ont été réceptionnés avec réserves. La réserve dont a été assortie la réception des travaux du lot n° 3 portait sur la reprise des désordres entrainant des flaques de la piste d'élan de l'aire de javelot sud et des " deux très proches ". Le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a désigné M. B en qualité d'expert par une ordonnance du 19 septembre 2018. M. B a déposé son rapport le 15 juillet 2019. Des désordres ont également été constatés sur le bassin de rétention des eaux pluviales. M. A, expert désigné par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes du 3 juin 2015, a déposé son rapport le 1er janvier 2017.
2. Le 29 décembre 2020, la communauté de communes du Pays Bigouden sud a adressé au cabinet Urbateam le décompte général du marché faisant apparaître, à son débit, la somme de 220 980,97 euros toutes taxes comprises. Le 25 mai 2021, un titre exécutoire d'un même montant a été émis à l'encontre de la société Urbateam. Par la présente requête, le cabinet Urbateam, qui demande l'annulation de l'avis des sommes à payer portant ampliation du titre de recettes ainsi que l'annulation de ce titre de recettes, doit être regardé comme demandant la décharge de l'obligation de payer la somme mise à sa charge.
Sur les conclusions à fin d'annulation du titre de recettes du 25 mai 2021 :
3. Aux termes de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées (). ". Selon l'article
L. 212-1 du même code : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci (). ". Le 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales énonce que : " 4° Quelle que soit sa forme, une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable. L'envoi sous pli simple ou par voie électronique au redevable de cette ampliation à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître à la collectivité territoriale, à l'établissement public local ou au comptable public compétent vaut notification de ladite ampliation. / En application des articles L. 111-2 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation. ".
4. Il résulte de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, d'une part, que le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif doivent mentionner les nom, prénoms et qualité de l'auteur de cette décision, au sens de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, de même, par voie de conséquence, que l'ampliation adressée au redevable et, d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier en cas de contestation que le bordereau de titre de recettes comporte la signature de cet auteur. Lorsque le bordereau est signé non par l'ordonnateur lui-même mais par une personne ayant reçu de lui une délégation de compétence ou de signature, ce sont, dès lors, les nom, prénoms et qualité de cette personne qui doivent être mentionnés sur le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif, de même que sur l'ampliation adressée au redevable.
5. Il résulte de l'instruction que le bordereau de titre de recettes produit par la communauté de communes du Pays Bigouden sud est signé par M. Jousseaume, vice-président de la communauté de communes du Pays Bigouden sud. L'auteur de l'avis des sommes à payer attaqué est M. Le Doaré, président de la communauté de communes. Il est constant que le nom de M. Jousseaume, signataire de ce titre, n'est pas mentionné sur l'ampliation du titre de recette adressée au cabinet Urbateam. Par suite, le cabinet Urbateam est fondé à soutenir que le titre exécutoire attaqué méconnait les dispositions du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, le titre de recette du 25 mai 2021 doit être annulé, de même que l'avis des sommes à payer adressé au cabinet Urbateam.
Sur la décharge de l'obligation de payer la somme mise à la charge du cabinet Urbateam :
7. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre, statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse.
8. Le motif de l'annulation du titre de perception du 25 mai 2021 prononcée au
point 6, n'implique pas, aucun des autres moyens invoqués n'étant susceptible de la fonder, que le cabinet Urbateam soit déchargé de l'obligation de payer la somme de 220 980,97 euros toutes taxes comprises mise à sa charge au titre du solde du marché de maîtrise d'œuvre qui lui a été attribué pour la réalisation du stade d'athlétisme de la communauté de communes du Pays Bigouden sud. Par suite, les conclusions présentées par le cabinet Urbateam à fin de décharge de l'obligation de payer cette somme doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du cabinet Urbateam, qui n'est pas la partie principalement perdante, la somme que demande la communauté de communes du Pays Bigouden sud au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions que présente le cabinet Urbateam au titre des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le titre de recettes du 25 mai 2021 émis par la communauté de communes du Pays Bigouden sud et l'avis des sommes à payer portant ampliation de ce titre adressé au cabinet Urbateam sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par le cabinet Urbateam est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par la communauté de communes du Pays Bigouden sud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié au cabinet Urbateam, à la communauté de communes du Pays Bigouden sud et à la direction départementale des finances publiques du Finistère.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Grenier, présidente,
- Mme Thalabard, première conseillère,
- Mme Pellerin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 8 février 2024.
La présidente-rapporteure,
signé
C. GrenierL'assesseure la plus ancienne
dans le grade,
signé
M. Thalabard
La greffière,
signé
I. Le Vaillant
La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.