TA de La Réunion, 19 octobre 2016, n°1601022


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF jd DE LA REUNION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE N° 1601022

SOCIETE REUNIONNAISE DE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS BUREAUTIQUE (SRB)
M. X

Juge des référés Le juge des référés du Tribunal administratif de La Réunion,

Ordonnance du 19 octobre 2016

54-01-07

C+

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 19 septembre 2016, la Société Réunionnaise de Bureautique

(SRB), représentée par Me Benizri, avocat, demande au juge des référés, sur le fondement de

l’article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d’annuler la procédure de dialogue compétitif menée par le centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion pour un marché de « mise en place et maintenance de solutions d’impression pour les sites du CHU », au titre de laquelle son éviction a été prononcée à l’égard des lots n° 1 et n° 2 par décision du pouvoir adjudicateur du 18 avril 2016;

2°) de condamner le CHU à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société SRB soutient que : la procédure étant inachevée, elle a intérêt à agir ;

- son éviction au stade de la sélection des candidatures procède de plusieurs erreurs

d’appréciation et de la mise en oeuvre de critères irrégulièrement définis.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2016, le CHU, représenté par

Me Rayssac, avocat, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société requérante à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le CHU soutient que :

- la société SRB a tardé à saisir le juge des référés précontractuels ; les moyens invoqués sont inopérants et infondés.

-


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Vu les autres pièces du dossier.

Vu la décision du 1er octobre 2015 par laquelle le président du tribunal a désigné
M. X, vice-président, en qualité de juge des référés.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 12 octobre 2016 à 9 heures 30 :

- le rapport de M. X, juge des référés, qui informe les parties de ce que le moyen tiré de la méconnaissance du principe selon lequel le destinataire d’une décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable est susceptible d’être soulevé d’office; les observations de Me Baronnat, substituant Me Benizri, avocat de la société SRE, qui

-confirme ses conclusions et moyens et soutient que la tardiveté de son référé ne saurait lui être opposée dans la mesure où le marché n’a pas encore été signé à ce jour ; les observations de Me Nauleau, substituant Me Rayssac, avocat du CHU, qui confirme les écritures en défense et acquiesce au moyen d’ordre public, évoquant le caractère préjudiciable, pour l’établissement, de ce référé précontractuel tardivement introduit cinq mois après l’éviction du candidat, au moment où, après achèvement de la phase finale de sélection des offres, le marché était sur le point d’être signé dans un contexte de renouvellement urgent des matériels de photocopie et reprographie nécessaires au fonctionnement du service public hospitalier.

1 – Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services (…) / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat » ; qu’aux termes de l’article L. 551-2: «I- Le juge peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l’exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat (…). Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat (…). » ; qu’aux termes de l’article L. 551-10 : « Les personnes habilitées à engager les recours (…) sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement invoqué (…) » ;


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destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable ; qu’en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance (CE Assemblée 13/07/2016 n° 387763

Czabaj);

3- Considérant que le principe énoncé ci-dessus, applicable au contentieux général, ne saurait être regardé comme incompatible avec les procédures de référé ; qu’à leur égard, la notion de délai raisonnable doit cependant donner lieu à une définition particulière, de nature à répondre aux considérations d’urgence inhérentes à l’office du juge des référés ; qu’en ce qui concerne le référé précontractuel régi par les articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative, il y a lieu de constater qu’en règle générale et sous réserve de circonstances particulières dont se prévaudrait le concurrent évincé, le délai raisonnable de saisine du juge ne saurait excéder trois mois à compter de la date à laquelle il a eu pleinement connaissance de la décision d’éviction;

4 – Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société SRB, candidate à l’attribution du marché de < mise en place et maintenance de solutions d’impression pour les sites du CHU » dans le cadre d’une procédure de dialogue compétitif engagée par l’établissement en décembre 2015, a été informée le 18 avril 2016 de la décision d’éviction prise à son encontre par le pouvoir adjudicateur au stade de la sélection des candidats admis à poursuive la procédure, et que cette décision lui a été confirmée par une lettre de la direction du CHU du 12 mai 2016 répondant de manière motivée à sa réclamation du 22 avril 2016 ; qu’en laissant s’écouler un délai de plus de trois mois avant de saisir le tribunal, à la date du 19 septembre 2016, d’un référé précontractuel tendant à ce que soit constatée la prétendue irrégularité de son éviction et à ce que soit en conséquence annulée la procédure de passation de marché public, en voie d’achèvement à la date de cette saisine, la société SRB doit se voir imputer, outre un comportement inapproprié au regard du principe de sécurité juridique, une méconnaissance caractérisée du délai raisonnable qui lui était applicable en l’absence de circonstances particulières ; que, par suite, alors même que le juge des référés a été en l’espèce saisi avant la conclusion du contrat, les dispositions du dernier alinéa de l’article L. 551-1 du code de justice administrative n’étant ainsi pas méconnues, la requête doit être rejetée comme tardive;

5 – Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société SRB n’est pas recevable à demander l’annulation de la procédure de passation de marché public susmentionnée ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;

6 – Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative au profit du CHU ;

ORDONNE:

Article 1 : La requête de la société SRB est rejetée.


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Article 2 Les conclusions présentées par le centre hospitalier universitaire de La Réunion sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3: La présente ordonnance sera notifiée à la Société Réunionnaise de Bureautique (SRB) et au centre hospitalier universitaire de La Réunion.

Fait à Saint-Denis le 19 octobre 2016.

Le juge des référés,
M.-A. X

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,
M. Y-SEYNE