TA Pau, 05/04/2023, n°2101408

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande public ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B,

- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,

- et les observations de Me Chapel, substituant Me Goutal, représentant le Simaje.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis publié le 15 mars 2021, le syndicat intercommunal multi-accueil jeunesse et écoles du pays de Lourdes (Simaje) a lancé un appel d'offres selon la procédure adaptée en vue de l'achat de mobilier scolaire, périscolaire, de restauration scolaire et administratif, dont le lot n°2 mobilier de restauration scolaire auquel les sociétés Mobidécor et La Saônoise de mobiliers ont chacune répondu. Par un courrier du 6 mai 2021, le Simaje a informé la société Mobidécor du rejet de son offre classée en deuxième position avec une note de 85,52/100 et de l'attribution du marché à l'entreprise La Saônoise de mobiliers ayant obtenu la note de 89/100. Un avis d'attribution a été publié le 1er juin 2021. La société Mobidécor demande au tribunal d'annuler l'accord-cadre relatif à ce lot n°2.

Sur la validité du contrat :

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles.

3. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La circonstance que l'avis ne mentionne pas la date de la conclusion du contrat est sans incidence sur le point de départ du délai de recours contentieux qui court à compter de cette publication.

4. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

5. Saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

6. Aux termes de l'article 2.4 - Développement durable du règlement de la consultation de l'accord-cadre de fournitures courantes et de services : " Cette consultation comporte des conditions d'exécution à caractère environnemental dont le détail est indiqué dans le CCAP. Le respect de ces dispositions est une condition de la conformité de l'offre. Une offre comportant des réserves ou ne respectant pas ces conditions d'exécution particulières sera déclarée irrégulière au motif du non-respect du cahier des charges. / Chaque titulaire concerné devra mettre en œuvre tous les moyens dont il dispose pour respecter ces objectifs de développement durable dans le cadre de l'exécution des prestations. ". Aux termes de l'article 5.1 - Documents à produire : " () Pièces de l'offre : l'acte d'engagement (AE) et ses annexes, le bordereau des prix unitaires (BPU)/détail quantitatif estimatif (DQE) ; le mémoire technique suivant le cadre de réponse fourni, les fiches techniques correspondant aux produits et prestations proposés par le candidat ". Aux termes de l'article 1.5 " Développement durable " du cahier des clauses administratives particulières : " Les conditions d'exécution des prestations comportent des éléments à caractère environnemental qui prennent en compte les objectifs de développement durable : Voir le CCTP (article 3) et la réponse apportée par le candidat dans le cadre réponse mémoire technique ". Aux termes de l'article 3 " Conditions d'exécution environnementale " du cahier des clauses techniques particulières : " Produits. L'acheteur public recherche en priorité des produits fabriqués avec des matériaux de qualité et dans des conditions respectant l'environnement. ". Aux termes de l'article 5 " Spécificités techniques " du même cahier : " Les clauses techniques applicables à l'accord-cadre sont les suivantes : - Les mobiliers proposés doivent répondre aux normes en vigueur relatives aux mobiliers scolaires et de collectivité et, en particulier, aux normes de sécurité et classement au feu. Ces justificatifs devront être fournis dès la phase de candidature en réponse au marché. - Tous les mobiliers seront déclinables en plusieurs coloris (assises, piétements bois ou métal, plateaux et chants ). - La description du mobilier, les spécificités techniques et les quantités estimatives sont indiquées dans les bordereaux des prix unitaires (BPU) et les détails quantitatifs estimatifs (DQE). Les quantités estimatives n'ont pas de valeur contractuelle. ".

7. Il est constant que par courriers du 5 janvier 2021, l'institut technologique Forêt Cellulose Bois - Construction Ameublement (FCBA), organisme certificateur mandaté par l'association française de normalisation (AFNOR) certification, a notifié à la société La Saônoise de mobiliers la suspension de la certification marque NF Environnement ameublement et de la certification marque NF Mobilier professionnel pour une durée de trois mois pour certains de ses mobiliers à la suite du constat d'une non-conformité dans le cadre d'un essai. Il résulte de l'instruction qu'en mai 2021, la société La Saônoise de mobiliers ne disposait toujours pas de ces certifications et qu'un nouvel essai a été jugé concluant par un rapport du 11 juin 2021 d'essai de la performance de la finition sur piètement avec une finition poudre époxy. Toutefois, il résulte des stipulations précitées au point n°6 ci-dessus que le règlement de la consultation du marché et le cahier des clauses techniques imposent que les offres soient conformes aux normes en vigueur relatives aux mobiliers scolaires et de collectivité et, en particulier, aux normes de sécurité et classement au feu pour être régulières. Ces documents n'exigent pas des candidats qu'ils produisent à l'appui de leur offre les certificats attestant de la conformité de celle-ci aux normes NF Environnement, NF Mobilier professionnel et NF Education. Or, à supposer même que la société Saônoise de mobiliers n'ait pas été titulaire des certifications NF Environnement, NF Education et NF Mobilier professionnel au moment du dépôt de son offre, il revenait à la société Mobidécor, requérante, d'établir que ladite offre n'était pas conforme auxdites normes, ce qu'elle n'a pas fait. La société Mobidécor verse à l'instance un catalogue générique des produits commercialisés par la société attributaire, non daté, comportant des fiches techniques pour chaque produit se bornant à faire état d'une conformité aux marques NF Mobilier professionnel et NF Education ainsi qu'une conformité au référentiel NF Environnement. Elle n'établit pas que la société La Saônoise de mobiliers se serait prévalue des certifications en cause dans son offre remise au Simaje afin de l'induire en erreur sur la qualité de celle-ci. Le Simaje et la société Saônoise de mobiliers contestent par ailleurs la fraude alléguée. Par suite, le moyen tiré de ce que la société La Saônoise de mobiliers aurait commis une fraude entachant de nullité le marché litigieux ne peut qu'être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée en défense par la société La Saônoise de mobiliers, que la société Mobidécor n'est pas fondée à contester la validité de ce marché et à en demander l'annulation.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du Simaje et de la société La Saônoise de mobiliers, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Mobidécor demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

10. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Mobidécor à ce même titre, une somme de 1 500 euros à verser au Simaje et à la société La Saônoise de mobiliers chacun.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Mobidécor est rejetée.

Article 2 : La société Mobidécor versera au Simaje une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Mobidécor versera à la société La Saônoise de mobiliers une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société Mobidécor, au syndicat intercommunal multi-accueil jeunesse et écoles du pays de Lourdes et à la société La Saônoise de mobiliers.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Sellès, présidente,

Mme Neumaier, conseillère,

Mme Corthier, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 avril 2023.

La rapporteure,

Signé

Z. B La présidente,

Signé

M. A

La greffière,

Signé

P. SANTERRE

La République mande et ordonne au préfet des Hautes-Pyrénées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition :

La greffière,