TA Amiens, 08/11/2022, n°2203115

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 septembre et 13 octobre 2022, la société routière de la Vallée de la Marne (RVM), représentée par Me Carle, demande au juge des référés, statuant sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative :

1°) d'enjoindre à la communauté d'agglomération de la région de Château-Thierry de reprendre la procédure d'attribution, à compter du stade de l'analyse des offres, du marché à bons de commande n° 2022S12 relatif à la réalisation de travaux de raccordement des eaux usées en domaine privé sur le secteur deux de la commune de Chierry ;

2°) d'enjoindre à la communauté d'agglomération de la région de Château-Thierry de lui communiquer les motifs précis pour lesquels elle a imposé à la commission des marchés de réviser son analyse des offres ;

3°) de condamner la communauté d'agglomération de la région de Château-Thierry à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le pouvoir adjudicateur a méconnu les principes fondamentaux de la commande publique, dès lors que son offre a été classée en première position à la suite de la première réunion de la commission des marchés puis déclassée par cette même commission qui s'est réunie une seconde fois pour une raison inconnue ;

- le pouvoir adjudicateur ne l'a pas informée des caractéristiques et avantages de l'offre retenue et doit communiquer les motifs pour lesquelles son offre a été déclassée par la commission d'appel d'offres.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 septembre 2022, celui-ci n'ayant pas été communiqué, 30 septembre, 10 et 14 octobre 2022, la communauté d'agglomération de la région de Château-Thierry, représentée par Me Gauch, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société RVM une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 3 octobre 2022, la société ACM fait valoir qu'elle ignorait que le marché lui avait été attribué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. Thérain, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thérain, vice-président,

- et les observations de Me Carle, représentant la société RVM, qui conclut aux mêmes fins que ses écritures par les mêmes moyens, ainsi que celles de Me Millard, représentant la communauté d'agglomération de la région de Château-Thierry, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

La société RVM a produit une note en délibéré le 18 octobre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté d'agglomération de la région de Château-Thierry a engagé le

12 août 2022 une procédure adaptée en vue de l'attribution du marché à bons de commande

n° 2022S12 relatif à la réalisation de travaux de raccordement des eaux usées en domaine privé sur le secteur deux de la commune de Chierry. Par une délibération du bureau communautaire de l'établissement du 25 septembre 2022, le marché a été attribué à la société ACM Ricbourg. La société routière de la Vallée de la Marne (RVM), qui était également candidate à l'attribution de ce marché, demande au juge des référés, statuant le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative, d'enjoindre à la communauté d'agglomération de la région de Château-Thierry de reprendre la procédure d'attribution à compter du stade de l'analyse des offres et de lui communiquer les motifs précis pour lesquels elle aurait imposé à la commission des marchés de réviser son analyse des offres.

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix () ". Il appartient au juge du référé précontractuel de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte, en avantageant une entreprise concurrente.

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2181-1 du code de la commande publique : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre ". Selon l'article R. 2181-2 du code de la commande publique : " Tout candidat ou soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été rejetée peut obtenir les motifs de ce rejet dans un délai de quinze jours à compter de la réception de sa demande à l'acheteur. / Lorsque l'offre de ce soumissionnaire n'était ni inappropriée, ni irrégulière, ni inacceptable, l'acheteur lui communique en outre les caractéristiques et avantages de l'offre retenue ainsi que le nom de l'attributaire du marché ".

4. La société RVM, qui a d'ailleurs saisi le juge des référés précontractuels avant même d'avoir reçu la décision l'avertissant du rejet de son offre, a été suffisamment informée, aux termes du mémoire en réplique du pouvoir adjudicateur enregistré le 14 octobre 2022, des motifs de ce rejet et des caractéristiques et avantages de l'offre retenue. Si cette communication a été effectuée à très bref délai avant l'audience publique, elle est intervenue en réponse à un grief que la société requérante n'a elle-même invoqué qu'aux termes de son mémoire enregistré la veille, le 13 octobre 2022, tandis que, mise à même d'en prendre connaissance avant cette audience, elle n'a ni invoqué au cours de celle-ci, ni à plus forte raison confirmé par un mémoire, de moyens tirés de ce que le contenu de son offre aurait été dénaturé. Par suite, compte tenu de la particularité de la procédure prévue aux articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative et sans qu'il soit besoin d'enjoindre au pouvoir adjudicateur de communiquer d'autres informations et notamment les motifs pour lesquels la commission des marchés de l'établissement qui a été consultée au cours de la procédure litigieuse serait revenue sur sa première analyse des offres, le moyen tiré de ce que la société RVM aurait été insuffisamment ou tardivement informée des motifs de rejet de son offre doit être écarté.

5. En second lieu, en admettant même que la commission des marchés de l'établissement, qui intervenait à titre consultatif au cours de la procédure litigieuse, aurait proposé de classer l'offre de la société requérante comme la plus avantageuse aux termes d'une première analyse des offres à l'issue d'une réunion du 12 septembre 2022, aucune disposition légale ou règlementaire ne lui interdisait, alors qu'au surplus cette commission a relevé les incohérences de cette première analyse au cours de cette réunion, de procéder à une nouvelle analyse de ces offres. Dans ces conditions, et alors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus aucune dénaturation des offres résultant de cette nouvelle analyse n'a été invoquée, cette circonstance ne révèle aucun manquement de la communauté d'agglomération de la région de Château-Thierry à ses obligations de publicité et de mise en concurrence de nature à entacher d'illégalité la procédure de passation du marché.

6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête de la société RVM doivent être rejetées, y compris celles qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette société une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération de la région de Château-Thierry et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête présentée par la société RVM est rejetée

Article 2 : La société RVM versera une somme de 1 500 euros à la communauté d'agglomération de la région de Château-Thierry sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société routière de la Vallée de la Marne (RVM), à communauté d'agglomération de la région de Château-Thierry et à la société ACM Ricbourg.

Fait à Amiens, le 8 novembre 2022.

Le président de la 3ème chambre,

Juge des référés

Signé :

S. ThérainLa greffière,

Signé :

S. Grare

La République mande et ordonne au préfet de l'Aisne en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.