TA Besançon, 01/02/2024, n°2201903


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 novembre 2022 et 17 novembre 2023, la société Qualiconsult, représentée par Me Vautrin Burg, demande au tribunal :

1°) de condamner la commune de Saint-Claude à lui verser la somme de 14 040 euros correspondant au montant d'une facture qu'elle a émise le 26 octobre 2018, assortie des intérêts au taux légal à compte du 20 juin 2022 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Claude la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Qualiconsult soutient que :

- elle a accompli la prestation qui avait été commandée par la commune de Saint-Claude et dès lors elle est fondée à obtenir le paiement de l'intégralité du prix de cette prestation ;

- la facture qu'elle a émise est conforme à la demande de la commune de Saint-Claude, au bordereau des prix du marché public " repérage amiante avant travaux " et aux conditions générales et particulières de vente signées le 9 février 2016 ;

- le bon de commande émis correspond à une demande " a minima " qui avait vocation à être régularisée ;

- elle était seule responsable de la détermination du nombre de prélèvements et d'analyses à réaliser ;

- la commune de Saint-Claude n'a émis aucune réserve lors de la remise du rapport ;

- les prestations supplémentaires exécutées étaient indispensables au respect de la norme " amiante NF X46-020 " ;

- le préjudice qu'elle a subi doit être évalué et indemnisé à la somme de 14 040 euros, déduction faite de l'acompte versé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 août et 1er décembre 2023, la commune de Saint-Claude, représentée par Me Gire, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la condamnation soit ramenée à 12 960 euros et, en tout état de cause, à ce qu'il soit mis à la charge de la société requérante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Saint-Claude fait valoir que :

- le bon de commande émis le 13 juillet 2018 portait uniquement sur 5 prélèvements et analyses d'échantillons d'enrobés ;

- la société Qualiconsult était seulement fondée à facturer les prestations renseignées sur la base du bon de commande du 13 juillet 2018 ;

- elle n'a pas donné son accord à la réalisation des prestations réalisées et facturées par la société Qualiconsult autres que celles indiquées dans le bon de commande ;

- elle a réglé la somme de 1 080 euros TTC qui doit venir en réduction de l'indemnité éventuellement allouée à la société Qualiconsult.

Un mémoire enregistré le 15 décembre 2023 pour la société Qualiconsult n'a pas été communiqué.

En application des dispositions de l'article R. 222-17 du code de justice administrative, la présidente du tribunal a désigné M. Pernot, premier conseiller, pour présider la deuxième chambre du tribunal, en cas de vacance ou d'empêchement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics de 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seytel,

- les conclusions de M. A,

- les observations de Me Gire pour la commune de Saint-Claude.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Saint-Claude (Jura) et la société Qualiconsult ont conclu un marché public à prix unitaires, notifié par une décision du 4 avril 2016. Dans le cadre de l'exécution de ce contrat, la commune de Saint-Claude a émis un bon de commande d'un montant de 1 080 euros TTC en date du 13 juillet 2018 afin que la société Qualiconsult réalise un repérage amiante rue du Marché et rue du Pré. Le 20 septembre 2018, la société Qualiconsult a remis son rapport à la commune de Saint-Claude et a émis le 26 octobre 2018 une facture de 14 040 euros TTC. Par un courrier du 17 juin 2022, notifié le 22 juin suivant, la société Qualiconsult a présenté une demande indemnitaire préalable, implicitement rejetée par la commune de Saint-Claude. La société Qualiconsult demande la condamnation de la commune de Saint-Claude à lui régler la somme de 14 040 euros.

Sur les conclusions tendant au paiement du montant de la facture :

En ce qui concerne le cadre juridique :

2. Aux termes de l'article 17 du code des marchés publics, alors en vigueur : " Les prix des prestations faisant l'objet d'un marché sont soit des prix unitaires appliqués aux quantités réellement livrées ou exécutées soit des prix forfaitaires appliqués à tout ou partie du marché, quelles que soient les quantités livrées ou exécutées () " et aux termes du I de l'article 77 de ce code, alors en vigueur : " Un marché à bons de commande est un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l'émission de bons de commande. () Les bons de commande sont des documents écrits adressés aux titulaires du marché. Ils précisent celles des prestations, décrites dans le marché, dont l'exécution est demandée et en déterminent la quantité ". En outre, aux termes de l'article 2.3 du cahier des clauses administratives particulières du marché en litige : " une prestation effectuée sans bon de commande ne donne pas lieu à paiement ".

3. Ainsi qu'il a été exposé au point 1, la société Qualiconsult et la commune de Saint-Claude ont conclu un marché public à prix unitaires. Ce marché public était un marché à bons de commande de sorte qu'en application des dispositions précitées, les prestations réalisées par la société Qualiconsult devaient être rémunérées au fur et à mesure de l'émission et de l'exécution de bons de commande établis sur la base du bordereau des prix du marché et toute prestation réalisée sans bon de commande ne pouvait être rémunérée.

4. En premier lieu, la commune de Saint-Claude a émis le 13 juillet 2018 un bon de commande de 5 " prélèvements et l'analyse d'échantillons d'enrobé bitumineux pour vérification de présence d'amiante " au prix unitaire de 160 euros HT et un " rapport pour travaux à réaliser " d'un montant de 100 euros HT, soit un total de 1 080 euros TTC. Il est constant que les prix unitaires indiqués dans le bon de commande du 13 juillet 2018 correspondent au bordereau des prix du marché et que cette commande a été exécutée. Dès lors, la société Qualiconsult est fondée à demander le paiement de la somme de 1 080 euros TTC.

5. En revanche, en décidant de multiplier par deux le nombre des prélèvements et des analyses à réaliser pour un montant supplémentaire de 800 euros HT et d'ajouter une mission " repérage travaux " couvrant une surface de 2 000 mètres carrés, d'un montant de 10 000 euros HT, la société Qualiconsult a exécuté des prestations qui n'ont pas été commandées par la commune de Saint-Claude. Si la société Qualiconsult soutient que ce bon de commande correspond à une demande " a minima " qui avait vocation à être régularisée, elle ne produit aucun bon de commande venu compléter celui émis le 13 juillet 2018.

6. En deuxième lieu, la société Qualiconsult n'établit pas qu'elle ait informé la commune de Saint-Claude des prestations supplémentaires en litige avant de les avoir réalisées. Dès lors, la circonstance que la commune de Saint-Claude ne se soit pas opposée à la réalisation de ces prestations supplémentaires avant l'émission de la facture ou le fait qu'elle ait reconnu, dans un courrier électronique du 31 août 2021, que les prestations réalisées correspondent à la facture émise par la société Qualiconsult, ne permettent pas d'établir que la commune de Saint-Claude aurait donné son accord à la réalisation des prestations exposées au point précédent.

7. En troisième lieu, les conditions générales et particulières de vente que produit la société Qualiconsult n'ont pas été signées par la commune de Saint-Claude et elles ne portent pas sur l'ouvrage objet du litige. Dès lors, la société requérante ne saurait opposer les stipulations contenues dans ces conditions générales de vente pour justifier le paiement " d'honoraires complémentaires ". En tout état de cause, ces conditions générales de vente subordonnent la majoration d'honoraires à la double condition tenant à l'adjonction d'ouvrages à la commande initiale et l'acceptation de l'augmentation des honoraires par la partie cocontractante. Or, en l'espèce, la société Qualiconsult n'établit pas que les prestations qu'elle a réalisées satisfont à ces conditions.

8. En quatrième lieu, le 20 septembre 2018, date de la remise du rapport du repérage amiante en litige, les prestations qui n'avaient pas été commandées par la commune de Saint-Claude avaient déjà été réalisées. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société Qualiconsult, le 20 septembre 2018, la commune de Saint-Claude ne pouvait plus matériellement s'opposer aux prestations en litige ou " émettre des réserves ". Au demeurant, la possibilité d'émettre des réserves ne concerne que des prestations dont la réalisation fait défaut ou qui ont été mal réalisées. Or, en l'espèce, les prestations réalisées par la société Qualiconsult ne correspondent à aucun de ces cas de figure. Dès lors, la société requérante ne peut utilement soutenir qu'il appartenait à la commune de Saint Claude de s'opposer à la réalisation des prestations lorsqu'elle a réceptionné le rapport de repérage remis le 20 septembre 2018.

9. En cinquième lieu, la société Qualiconsult ne verse à l'instance aucune pièce contractuelle qui stipule qu'elle était responsable de la détermination du nombre de prélèvements à réaliser dans le cadre d'un repérage amiante et qu'une telle responsabilité l'autorisait à réaliser et facturer des prélèvements sans obtenir l'accord préalable de la commune de Saint-Claude.

10. En dernier lieu, la société Qualiconsult soutient que les prestations qu'elle a réalisées sont indispensables au regard de la norme " amiante NF X46-020 ". Si cette circonstance peut donner lieu à l'émission d'un bon de commande complémentaire afin de réaliser la mission de repérage amiante selon les normes en vigueur, la nécessité de respecter cette norme ne saurait, à elle seule, justifier que le titulaire du marché réalise des prestations qui n'étaient pas prévues par bon de commande.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Qualiconsult est seulement fondée à demander le paiement du prix correspondant aux prestations commandées et indiquées dans le bon de commande émis le 13 juillet 2018 par la commune de Saint-Claude.

En ce qui concerne le montant dû :

12. La société Qualiconsult est fondée à être indemnisée de la somme correspondant au prix prévu par le bon de commande émis le 13 juillet 2018 par la commune de Saint-Claude. Ainsi qu'il a été exposé au point 4, ce prix est de 1 080 euros TTC. Or, en réponse à une mesure d'instruction, la commune de Saint-Claude a produit un mandat de paiement du 2 octobre 2018 d'un montant de 1 080 euros, versé à la société Qualiconsult et ayant pour objet la prestation en litige. Dès lors, le montant que la société requérante est fondée à obtenir lui a déjà été versé de sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de paiement de cette somme.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Saint-Claude, qui n'est pas partie perdante, verse une somme que la société Qualiconsult demande au titre des frais liés au litige.

14. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Qualiconsult le versement à la commune de Saint-Claude de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer à hauteur de la somme de 1 080 euros sur les conclusions à fin de condamnation de la requête.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Qualiconsult est rejeté.

Article 3 : La société Qualiconsult versera une somme de 1 500 euros à la commune de Saint-Claude au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la commune de Saint-Claude est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Qualiconsult et à la commune de Saint-Claude.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Pernot, premier conseiller faisant fonction de président,

- M. Seytel, conseiller,

- Mme Marquesuzaa, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

Le rapporteur,

J. SeytelLe premier conseiller faisant fonction de président,

A. PernotLa greffière,

C. Quelos

La République mande et ordonne au préfet du Jura, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière

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