TA Cergy-P, 03/05/2023, n°2304935

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 12 et le 25 avril 2023, M. B A et la société Inter Dépannage, représentés par Me Sfez, demandent à la juge des référés, statuant par application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté en date du 28 mars 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a retiré l'agrément de gardien de fourrière de M. A pour la société Inter Dépannage pour ses installations situées 229 rue du président Salvador Allende à Colombes ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne la condition d'urgence :

- la condition d'urgence est remplie, dès lors que la décision de retrait les empêche de poursuivre leur activité de gardien de fourrière sur le site de Colombes à compter du 4 mai 2023, et menace ainsi la pérennité de l'entreprise ;

- le retrait de l'agrément de gardien de fourrière rend impossible l'exécution du contrat de concession conclu avec la commune de Colombes ainsi que de la délégation de service public, conclue avec la ville de Villeneuve-la-Garenne relatifs à la mise en fourrière et au gardiennage de véhicules automobiles, portant ainsi atteinte à la continuité du service public de la fourrière automobile et créant un risque pour la sécurité publique.

En ce qui concerne le moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un vice de procédure du fait de la méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense, dès lors qu'ils n'ont pas été mis à même de présenter des observations de façon éclairée ; ils n'ont ainsi pas été en mesure de présenter des observations suite à l'avis de la commission départementale de sécurité routière du 8 février 2023 qui ne leur a pas été communiqué, et n'ont pas eu accès aux différents documents relatifs à la procédure de retrait ;

- il est entaché d'un vice de procédure, dès lors que la composition de la commission départementale de sécurité routière méconnaît le principe d'impartialité ; en effet, la commission départementale de sécurité routière qui comprend des représentants des organisations professionnelles en application de l'article R. 411-11 du code de la route, comprenait en l'espèce un concurrent direct de la société Inter Dépannage, à savoir le gérant de la société AD2R, qui avait un intérêt à ce que le gérant de la société Inter Dépannage ne dispose plus de son agrément ;

- il est entaché d'une erreur de droit, dès lors qu'il procède à un retrait illégal d'une décision créatrice de droit en méconnaissance de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ; le motif retenu pour justifier le retrait de l'agrément de gardien de fourrière ne constitue pas une condition pour bénéficier de cet agrément ; en effet, ce motif n'est pas au nombre des conditions d'agrément du gardien de fourrière mentionnées à l'article 4 du cahier des charges des fourrières automobiles dans le département des Hauts-de-Seine, mis en place par l'arrêté préfectoral DRE/BR n°2012-193 du 16 novembre 2012 ;

- il est entaché d'une erreur de droit, dès lors qu'il se fonde sur un motif tiré du changement de gérant de la société Inter Dépannage alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que le bénéficiaire de l'agrément de gardien de fourrière soit le représentant légal de la société ; en l'espèce, bien qu'il ne soit plus le gérant de la société Inter Dépannage, M. A reste actionnaire majoritaire et employé de ladite société.

Par un mémoire, enregistré le 24 avril 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

En ce qui concerne la condition d'urgence :

- la condition d'urgence n'est pas remplie, dès lors que le changement de représentant légal a été effectué à l'initiative même de la société Inter Dépannage et que les requérants ne pouvaient ignorer les conséquences d'un tel changement.

En ce qui concerne le moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

- le signataire de l'arrêté contesté bénéficiait d'une délégation de signature régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture des Hauts-de-Seine ;

- l'arrêté contesté est suffisamment motivé en droit et en fait ;

- l'arrêté en litige n'avait pas à être précédé d'une procédure contradictoire en application de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- aucune règle législative ou réglementaire n'impose de communiquer l'avis de la commission départementale de sécurité routière du 8 février 2023, qui n'est qu'un avis consultatif qui ne lie pas le préfet ;

- la composition de la commission départementale de sécurité routière est fixée par les dispositions de l'article R. 411-11 du code de la route ; l'avis de la commission rendue le 8 février 2023 n'est pas vicié par un manque d'impartialité des représentants des organisations professionnelles de l'automobile ; en tout état de cause, cet avis n'est que consultatif et ne lie pas le préfet ;

- l'arrêté en litige n'est pas entaché d'une erreur de droit, dès lors que les dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration permettent d'abroger une décision créatrice de droits dont le maintien est subordonné à une condition qui n'est plus remplie ; or, le changement de représentant légal de la société requérante remet en cause les conditions d'obtention de l'agrément préfectoral de gardien de fourrière.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la requête n°2305352, enregistrée le 12 avril 2023, par laquelle M. A demande l'annulation de la décision susvisée.

Vu :

- le code de la route

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté préfectoral DRE/BR n°2012-193 du 16 novembre 2012 portant mise en place d'un cahier des charges relatif au fonctionnement des fourrières automobiles dans le département des Hauts-de-Seine ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Saïh, première conseillère, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique du 26 avril 2023 à 10 heures.

Ont été entendus au cours de l'audience publique, tenue en présence de Mme Soulier, greffière d'audience :

- le rapport de Mme Saïh, juge des référés ;

- les observations de Me Sfez et de Me Hecketsweiler, représentant M. A et la société Inter Dépannage, qui reprennent leurs conclusions et précisent leurs moyens ;

- les observations de M. D, de M. E et de Mme C, pour le préfet des Hauts-de-Seine, qui reprennent également leurs écritures, en précisant que :

* l'avis de la commission départementale de sécurité routière n'était communicable qu'après l'édiction de l'arrêté en litige en vertu des dispositions de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

* la composition de la commission départementale de sécurité routière est fixée par les dispositions de l'article R. 411-11 du code de la route ; la présence du gérant de la société AD2R n'a eu aucune influence sur le sens de l'avis du 8 février 2023, dès lors qu'il n'a pas pris la parole et que la commission s'est prononcée à l'unanimité en faveur du retrait de l'agrément de M. A.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 31 mai 2022, le préfet des Hauts-de-Seine a agréé M. B A en qualité de gardien de fourrière pour la société Inter Dépannage, pour ses installations situées 229 rue du président Salvador Allende à Colombes. Par un arrêté du 28 mars 2023, le préfet des Hauts-de-Seine a retiré cet agrément et a abrogé l'arrêté du 31 mai 2022. Sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la société Inter Dépannage et M. B A, titulaire de l'agrément délivré le 31 mai 2022 et gérant de la société jusqu'au 30 janvier 2023, demandent à la juge des référés d'ordonner la suspension de l'exécution de cet arrêté du 28 mars 2023.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ".

3. Aux termes de l'article R. 325-24 du code de la route : " Le préfet agrée les gardiens de fourrière et les installations de celle-ci, après consultation de la commission départementale de sécurité routière. Il peut, dans les mêmes conditions, procéder au retrait de l'agrément. La décision de retrait n'intervient qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. /Nul ne peut être agréé comme gardien de fourrière s'il exerce également une activité de destruction ou de retraitement de véhicules usagés. /La fourrière doit être clôturée. Ses installations doivent notamment satisfaire aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la protection de l'environnement. /Les dispositions qui précèdent ne sont applicables ni à la personne occasionnellement requise comme gardien de fourrière ni au propriétaire qui garde son véhicule dans les conditions prévues à l'article R. 325-22. ". Aux termes de l'article 3 du cahier des charges, relatif au fonctionnement des fourrières automobiles dans le département des Hauts-de-Seine, mis en place par l'arrêté préfectoral DRE/BR n°2012-193 du 16 novembre 2012 : " Avant d'être désignés, les gardiens de fourrière doivent obtenir l'agrément préalable du préfet après consultation de la commission départementale de sécurité routière. /Cet agrément est personnel et incessible. Il est établi pour une période fixée par le préfet. /En cas de décès du gardien de fourrière, l'agrément cesse de plein droit. Cependant ses ayant-droits ont vocation prioritaire à un nouvel agrément pendant une période de 6 mois, s'ils en réunissent toutes les conditions. /Nul ne peut être gardien de fourrière s'il exerce une activité de destruction et de retraitement des véhicules. ".

4. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté en date du 31 mai 2022 du préfet des Hauts-de-Seine, M. A a été agréé en qualité de gardien de fourrière pour ses installations situées 229 rue du président Salvador Allende à Colombes, pour le compte de la société Inter Dépannage, pour une durée de cinq ans. A cet égard, l'article 2 de cet arrêté prévoit le caractère personnel et incessible de l'agrément accordé, conformément aux dispositions de l'article 3 du cahier des charges, relatifs au fonctionnement des fourrières automobiles dans le département des Hauts-de-Seine, mis en place par l'arrêté préfectoral DRE/BR n°2012-193 du 16 novembre 2012. Ainsi, l'agrément de gardien de fourrière a été accordé à M. A à titre personnel et incessible, en sa qualité de représentant légal de la société Inter Dépannage, et non pas à titre individuel. Par suite, dès lors que M. A n'exerce plus les fonctions de gérant de la société Inter Dépannage depuis le 30 janvier 2023, l'agrément cesse nécessairement de plein droit à compter de cette date, de sorte que l'autorité préfectorale était tenue de mettre fin à l'agrément précédemment délivré. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de droit en ce que le changement de représentant légal n'emporte aucune conséquence sur l'agrément du gardien de fourrière n'est pas propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée. Eu égard au contexte de compétence liée dans lequel est intervenue la décision attaquée, les autres moyens invoqués, qui présentent un caractère inopérant, ne sont pas non plus de nature à générer un tel doute.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, la requête de M. A et de la société Inter Dépannage doit être rejetée, y compris en ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de M. A et de la société Inter Dépannage est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B A, à la société Inter Dépannage et au préfet des Hauts-de-Seine.

Fait à Cergy, le 3 mai 2023

La juge des référés,

Signé

Z. Saïh

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°2304935