TA Cergy-P, 09/08/2023, n°2309800
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 19 et 31 juillet 2023, la société par actions simplifiées (SAS) Todemins, représentée par Me Claeys, demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) d'annuler la procédure de passation d'un accord-cadre mono-attributaire relatif à la fourniture de l'ensemble des équipements de nettoyage professionnels nécessaires à l'entretien courant des surfaces des bâtiments du conseil départemental des Hauts-de-Seine dont l'entretien est assuré par le personnel départemental ainsi que la décision du 12 juillet 2023 par laquelle le département des Hauts-de-Seine a rejeté son offre ;
2°) d'enjoindre au département des Hauts-de-Seine de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres ;
3°) de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- son mémoire complémentaire est recevable ;
- elle a intérêt à agir ;
- il n'est pas établi que l'auteur de la décision du 12 juillet 2023 avait compétence pour signer la décision ;
- son offre est la plus avantageuse sur les plans économiques, techniques et environnementaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2023, le département des Hauts-de-Seine, représenté par Me Nahmias, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SAS Todemins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 12 juillet 2023 est inopérant dès lors qu'il est étranger aux éventuels manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence incombant au pouvoir adjudicateurs ; qu'il est en tout état de cause mal fondé et manque en fait ;
- le moyen tiré du meilleur mérite des offres de la requérante est inopérant dès lors qu'il vise en l'espèce à apprécier les mérites respectifs des offres, et, en tout état de cause, mal fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commande publique ;
- le code de justice administrative.
En application des dispositions de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, le président du tribunal a désigné M. Bertoncini, vice-président, pour statuer sur les requêtes présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 551-1 et L. 551-13 de ce même code.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique du 7 août 2023 à 10 heures.
Ont été entendus au cours de l'audience publique, tenue en présence de M. Grospierre, greffier d'audience :
- le rapport de M. Bertoncini, juge des référés ;
- les observations de Me Claeys, représentant la SAS Todemins, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
- et les observations de Me Monfront, substituant Me Nahmias, représentant le département des Hauts de Seine, qui concult aux mêmes fins par les mêmes moyens
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le département des Hauts-de Seine a lancé, le 19 avril 2023, une procédure d'appel d'offres ouvert pour la passation d'un accord-cadre mono-attributaire à bons de commande relatif à la fourniture de l'ensemble des équipements de nettoyage professionnels nécessaires à l'entretien courant des surfaces des bâtiments du conseil départemental des Hauts-de-Seine dont l'entretien est assuré par le personnel départemental. Par un courrier du 12 juillet 2023, il a informé la SAS Todemins du rejet de son offre et que l'attributaire était la société Prodim. La SAS Todemins demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler cette décision ainsi que la procédure de passation.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
2. Aux termes de l'article L.551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / Il peut également être saisi en cas de manquement aux mêmes obligations auxquelles sont soumises, en application de l'article L. 521-20 du code de l'énergie, la sélection de l'actionnaire opérateur d'une société d'économie mixte hydroélectrique et la désignation de l'attributaire de la concession. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ". Il résulte de ces dispositions que les pouvoirs conférés au juge des référés en vertu de la procédure spéciale instituée par l'article L. 551-1 du code de justice administrative ne peuvent plus être exercés après la conclusion du contrat
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés précontractuels de se prononcer sur les manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence incombant au pouvoir adjudicateur, invoqués à l'occasion de la passation d'un contrat. L'office de ce juge cesse à la signature du contrat. En vertu des mêmes dispositions, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.
4. En premier lieu, eu égard à ce qui vient d'être dit, le moyen tiré du défaut de compétence du signataire de la lettre du 12 juillet 2023, qui n'est pas en rapport avec un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est assujetti le pouvoir adjudicateur, ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2157-2 du code de la commande publique : " Pour attribuer le marché au soumissionnaire ou le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde : 1°) Soit sur un critère unique qui peut être : a) le prix, à condition que le marché ait pour seul objet l'achat de services ou de fournitures standardisées dont la qualité est insusceptible de variation d'un opérateur économique à l'autre ; b) le coût, déterminé selon une approche globale qui peut être fondée sur le coût du cycle de la vie défini à l'article R. 2152-9 / 2°) Soit une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux []. ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au pouvoir adjudicateur de déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse en se fondant sur des critères permettant d'apprécier la performance globale des offres au regard de ses besoins. Ces critères doivent être liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, être définis avec suffisamment de précision pour ne pas laisser une marge de choix indéterminée et ne pas créer de rupture d'égalité entre les candidats. Le pouvoir adjudicateur détermine librement la pondération des critères de choix des offres. Toutefois, il ne peut légalement retenir une pondération, en particulier pour le critère du prix ou du coût, qui ne permettrait manifestement pas, eu égard aux caractéristiques du marché, de retenir l'offre économiquement la plus avantageuse.
6. Il résulte du règlement de la consultation applicable que le département des Hauts-de-Seine a fixé trois critères pour le jugement des offres et l'attribution du marché, un critère prix pondéré à 40%, un critère de valeur technique pondéré à 50%, décomposé en quatre sous critères eux-mêmes pondérés à 10 points de garantie technique, 10 points de traitement des commandes, 25 points d'usage et qualité des gammes et 5 points de délai de livraison, et un critère de valeur environnementale pondéré à 10%. Dans ces circonstances, et eu égard à ce qui a été dit au point 5 ci-dessus, la circonstance que la société requérante ait obtenu une note de 40/40 en ce qui concerne le critère de prix, alors que la société attributaire a reçu une note de 39,5, n'implique pas à elle seule que son offre ait été l'offre économiquement la plus avantageuse au sens et pour l'application du code de la commande publique, le règlement de la consultation prévoyant pour répondre à cette définition d'autres critères. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
7. En dernier lieu, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en méconnaissant ou en altérant manifestement ses termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.
8. En ce qui concerne le critère technique, si la société requérante se dit mieux disante et reproche à l'acheteur de lui avoir attribué la note de 19 sur 25 au titre de la valeur d'usage et de la qualité des gammes, elle se borne à faire valoir que son offre était complète, précise et détaillée, qu'elle se fournit auprès d'une marque reconnue dans le secteur pour sa robustesse et la qualité de ses produits et que le société attributaire utilise certains matériels qu'elle a elle-même proposés comme l'autolaveuse. Ces éléments étant peu étayés, et le pouvoir adjudicateur indiquant, sans être sérieusement contredit, que cette note s'explique par la circonstance que les matériels testés en showroom, ainsi que le prévoyait le règlement de la consultation, ont été jugés peu ergonomiques, le département des Hauts-de-Seine ne s'est pas mépris sur le contenu de son offre qu'il n'a pas davantage dénaturé et n'a pas méconnu le règlement de la consultation.
9. En ce qui concerne le critère environnemental, la société requérante s'est vue attribuer la note de 7/10. Elle se borne à indiquer que son offre répondait à toutes les exigences du département, que les matériels répondaient aux meilleures normes environnementales et qu'elle est une société aux nombreuses références. Alors qu'elle n'établit pas que son offre et celle de la société attributaires étaient objectivement équivalentes, ces seuls éléments ne sont pas de nature à établir que le pouvoir adjudicateur se serait mépris sur le contenu de son offre ou qu'il l'aurait dénaturée. En tout état de cause, dès lors que l'écart de notation entre l'offre de la société attributaire et celle de la société requérante est que de 4,5 points, une éventuelle dénaturation aurait uniquement eu pour effet de minorer la notation attribuée à cette dernière offre d'un maximum de 3 points, de sorte que cette dénaturation ne serait pas susceptible d'avoir lésé la SAS Todemins.
10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par la SAS Todemins doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles aux fins d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
11. Le département des Hauts-de-Seine n'étant pas la partie perdante à l'instance, il y a lieu de rejeter les conclusions de la SAS Todemins présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a également lieu de rejeter les conclusions du département des Hauts-de-Seine présentées sur le même fondement.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de la SAS Todemins est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département des Hauts-de-Seine présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SAS Todemins, au département des Hauts-de-Seine et à la société Prodim.
Fait à Cergy, le 9 août 2023
Le juge des référés,
Signé
T. Bertoncini
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.