TA Clermont-F, 03/06/2024, n°2200425


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 23 février 2022, le 5 décembre 2022 et le 21 décembre 2023, M. C A, la société Maki Nova et la société Les Halles du Marché Couvert, demandent au tribunal :

1°) de surseoir à statuer jusqu'à l'issue de l'enquête diligentée par le parquet national financier sur les conditions d'attribution du contrat de concession de service public pour le développement et l'exploitation de la halle alimentaire du Puy-en-Velay ;

2°) d'annuler ou, subsidiairement, de résilier le contrat de concession de service public pour le développement et l'exploitation de la halle alimentaire du Puy-en-Velay ;

3°) de condamner la commune du Puy-en-Velay à lui verser la somme de 1 712 528 euros en indemnisation de la perte de recettes escomptées, ou à titre subsidiaire, les sommes de 112 400 euros et 30 000 euros en réparation, respectivement, des frais exposés par les requérants pendant la procédure d'appel d'offres et du préjudice moral qu'ils estiment avoir subi ;

4°) de mettre à la charge de la commune du Puy-en-Velay une somme de 7 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérants soutiennent que :

- les règles de publicité n'ont pas été respectées ;

- l'autorité concédante a fait preuve de partialité dans le cadre de la procédure de mise en concurrence ;

- le rejet de l'offre de la société Les Halles du Marché Couvert a été décidé au terme d'une analyse des offres entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 septembre 2022 et le 18 décembre 2023, la société Les Halles Ponotes, représentée par la SELARL DMMJB Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable en raison de l'absence de production du contrat contesté par les requérants et du défaut d'intérêt pour agir de M. A et de la société Maki Nova ;

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en raison de l'absence de demande indemnitaire préalable ;

- à titre subsidiaire, le moyen tiré de l'absence de respect des règles de publicité est inopérant ;

- l'intérêt général s'oppose à l'annulation ou à la résiliation du contrat de concession ;

- les autres moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2023, la commune du Puy-en-Velay, représentée par la SELARL Philippe B et associés, Me Saban, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable en raison de l'absence d'intérêt pour agir des requérants ;

- à titre subsidiaire, le moyen tiré de l'absence de respect des règles de publicité est inopérant ;

- l'intérêt général s'oppose à l'annulation ou à la résiliation du contrat de concession ;

- les autres moyens ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 10 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Un mémoire produit par M. C A, la société Maki Nova et la société Les Halles du Marché Couvert a été enregistré le 11 janvier 2024.

Par courrier du 23 février 2024, le tribunal a sollicité de la commune du Puy-en-Velay la communication du rapport d'analyses des offres réalisé par l'assistant à maîtrise d'ouvrage de la commune dans le cadre du contrat de concession, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Une pièce a été communiquée par la commune du Puy-en-Velay le 4 mars 2024.

Un mémoire produit par M. C A, la société Maki Nova et la société Les Halles du Marché Couvert a été enregistré le 2 mai 2024.

Un mémoire produit par la commune du Puy-en-Velay a été enregistré le 7 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de commerce ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nivet,

- les conclusions de Mme Luyckx, rapporteure publique,

- les observations de Me Bizzari, représentant M. A, la société Maki Nova et la société Les Halles du Marché couvert, les observations de Me Ferrand, représentant la commune du Puy-en-Velay et les observations de Me Juilles représentant la société Les Halles Ponotes.

Des notes en délibéré, présentées par les requérants, la société Les Halles Ponotes et la commune du Puy-en-Velay ont été enregistrées le 17 mai 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel à concurrence publié le 29 décembre 2020, la commune du Puy-en-Velay a lancé une consultation en vue de la passation d'un contrat de concession de service public pour le développement, la promotion et l'exploitation de la halle alimentaire du Puy-en-Velay. Par délibération du 21 décembre 2021, la commune a attribué le contrat de concession à la société Les Halles Ponotes et, par courrier du 22 décembre 2021, elle a informé la société Les Halles du Marché Couvert du rejet de son offre et de son classement en deuxième position. Les requérants demandent au tribunal, d'une part, d'annuler ou de résilier le contrat de concession et, d'autre part, de condamner la commune à les indemniser des préjudices subis.

Sur les conclusions à fin de sursis-à-statuer :

2. En raison de l'existence d'une enquête judiciaire en cours concernant des soupçons de favoritisme dans l'attribution du contrat de concession dont la validité est contestée, les requérants demandent au tribunal qu'il soit sursis à statuer sur leur requête jusqu'à l'issue de l'enquête diligentée par le parquet national financier.

3. Aucune disposition, ni aucun principe, n'impose au juge administratif de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue d'une enquête judiciaire ou d'une décision du juge pénal. Dès lors que les requérants contestent la validité du contrat de concession, qui relève de la compétence du juge administratif, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans le cadre du présent litige.

Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du dossier de candidature au contrat de concession, que la société Les Halles du Marché Couvert était en cours de formation au stade de la procédure de mise en concurrence et que M. A et la société Maki Nova devaient en être les associés. Les requérants produisent, dans ce cadre, les statuts signés par la société Maki Nova, M. B et M. A. La société Les Halles du Marché Couvert n'a pas été immatriculée au registre du commerce et des sociétés après la notification du rejet de son offre. Elle dispose toutefois, en tant que candidat évincé du contrat de concession, d'un intérêt susceptible d'avoir été lésé de façon suffisamment directe et certaine. En tout état de cause, M. A et la société Maki Nova ont intérêt à agir en tant qu'associés de la société Les halles du Marché Couvert en cours de formation. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense tirée de l'absence d'intérêt pour agir des requérants doit être écartée.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. () ". La condition tenant à l'existence d'une décision de l'administration doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle, régularisant ce faisant la requête.

6. Il résulte de l'instruction que les requérants ont régularisé l'absence de demande indemnitaire préalable par courrier du 23 novembre 2022 adressé à la commune du Puy-en-Velay. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée en défense tirée de l'absence de demande indemnitaire préalable doit être écartée.

7. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué () ". Il résulte de l'instruction que les requérants ont produit le contrat de concession dont la validité est contestée. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense tirée de l'absence de production du contrat de concession doit être écarté.

Sur la contestation de la validité du contrat :

8. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Un concurrent évincé peut ainsi invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

9. Aux termes de l'article L. 3 du code de la commande publique : " Les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique. () ". Selon les dispositions de l'article L. 3124-5 du même code : " Le contrat de concession est attribué au soumissionnaire qui a présenté la meilleure offre au regard de l'avantage économique global pour l'autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du contrat de concession ou à ses conditions d'exécution. () / Les critères d'attribution n'ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l'autorité concédante et garantissent une concurrence effective. () ".

10. D'une part, les requérants ne peuvent utilement soutenir que les règles relatives à la publication de l'avis d'appel à concurrence ont été méconnues dès lors qu'ils ont pu déposer une offre dans le cadre de la mise en concurrence en litige.

11. D'autre part, les requérants soutiennent que l'analyse des offres réalisée par la commune du Puy-en-Velay est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et que la procédure a été conduite sans respecter le principe d'égalité de traitement entre les candidats. Il résulte de l'instruction que seuls deux candidats ont été admis à présenter une offre et que, à l'issue d'une phase de négociation, les offres finales de ces candidats ont été hiérarchisées, conformément à l'article 18 du règlement de la consultation, par application du critère de la valeur technique des offres, d'une part, et du critère de la valeur financière des offres, d'autre part. Le critère de la valeur technique était composé des cinq sous-critères suivants : qualité du projet d'exploitation, qualité et diversité des activités proposées, qualité des aménagements proposés, qualité du service rendu en matière d'activité de bar/restauration, d'animation et de sécurité et qualité des actions de communication et de promotion proposées. Le critère de la valeur financière des offres était composé des six sous-critères suivants : cohérence du compte d'exploitation pluriannuel prévisionnel, qualité et pertinence de la grille tarifaire proposée (redevances payées par les commerçants, tarifs du bar/restaurant), montant de la redevance domaniale proposée, montant de l'investissement proposé, importance de la compensation financière sollicitée, qualité du programme d'entretien et de maintenance proposé.

12. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la circonstance que, au stade de l'évaluation des offres, l'autorité concédante utilise des appréciations littérales critiques pour qualifier les offres analysées est sans incidence sur la régularité de la procédure de mise en concurrence dès lors qu'il est de la nature même de l'évaluation des offres de réaliser une appréciation critique des offres des candidats.

En ce qui concerne le critère de la valeur technique des offres :

13. S'agissant du sous-critère relatif à la qualité du projet d'exploitation, l'offre de la société requérante est arrivée en seconde position sur ce sous-critère alors que celle de la société Les Halles Ponotes est arrivée en première position. Le rapport d'analyse des offres finales du 2 décembre 2021 mentionne que l'offre du candidat évincé prévoit une minorité de professionnels artisans au sein de la halle alimentaire. L'examen de cette offre permet de voir que six stands sur huit seront occupés par des artisans de sorte que cette offre prévoit, contrairement à ce qui est indiqué au rapport d'analyse, une majorité d'artisans au sein de la halle. Il est également reproché à la société Les Halles du Marché Couvert de proposer la vente de produits carnés et que cette activité risque d'entrer en concurrence avec les commerces du centre-ville. L'examen de l'offre du candidat retenu permet de voir que l'installation d'un artisan-boucher est également prévue sans que cette circonstance ne vienne dégrader l'appréciation portée sur son offre. Il résulte également de l'instruction que l'offre des deux candidats prévoient l'implantation d'une micro-brasserie approvisionnant les autres commerces de la halle mais que seule l'offre de la société Les Halles Ponotes est valorisée sur ce point. Enfin, l'offre du candidat retenu comporte deux box inoccupés. Ce point est valorisé par le rapport d'analyse comme permettant une marge d'évolution autour de ces deux étals en fonction des évolutions et de l'attente de la clientèle. L'offre du candidat évincé qui prévoit un taux d'occupation de 100 % est jugée imprudente dans l'appréciation du sous-critère relatif à la cohérence du compte d'exploitation alors que des lettres d'engagements de commerçants ont pourtant été produites par ce candidat.

14. S'agissant du sous-critère relatif à la qualité du service rendu, les deux candidats ont été classés à égalité. Toutefois, l'examen du descriptif des offres des candidats permet de regarder l'offre du candidat Les Halles du Marché Couvert comme étant plus qualitative que celle du candidat retenu en termes de restauration, d'actions en faveur du développement durable et d'animations proposées.

En ce qui concerne le critère de la valeur financière des offres :

15. S'agissant du sous-critère relatif à la cohérence du compte d'exploitation, la commune a considéré que le modèle économique du candidat évincé était trop " optimiste " quant aux résultats d'exploitation et il lui est reproché un montant de redevances acquitté par les commerçants trop important. L'offre du candidat retenu prévoit toutefois un niveau des redevances acquittées par les commerçants par rapport à leur chiffre d'affaires supérieur à celle du candidat évincé. L'offre du candidat requérant est arrivée pourtant en seconde position sur ce sous-critère alors que celle du candidat retenu est arrivée en première position.

16. S'agissant du sous-critère relatif au montant des investissements proposés, l'offre des requérants est arrivée également en seconde position. Il résulte des termes du rapport d'analyse des offres que les investissements proposés dans le cadre du contrat de concession pris en charge directement par les commerçants, s'élèvent, s'agissant du candidat évincé, à 249 809 €. Cette somme n'a pas été prise en compte dans l'appréciation du sous-critère relatif au montant de l'investissement total proposé alors que, ainsi qu'il a été vu au point précédent du présent jugement, ce montant a constitué un élément défavorable dans l'appréciation du sous-critère relatif à la cohérence du compte d'exploitation afin de critiquer les frais mis à la charge des commerçants.

17. Enfin, l'examen des deux offres analysées montrent que celle proposée par la société Les Halles du Marché Couvert offrait à la commune une redevance s'élevant à 51 772 € par an, soit un montant de redevances nettement supérieur à celui proposé par la société retenue, qui s'élevait à 18 000 € par an.

18. Il résulte également de l'instruction que, avant la phase de négociation, l'offre initiale de la société Les Halles Ponotes avait été jugée " incomplète, confuse, peu aboutie, comportant énormément d'imprécisions ". A l'inverse, l'offre initiale de la société Les Halles du Marché Couvert était jugée " sérieuse et solide ". Les offres des sociétés sont certes susceptibles d'évoluer suite à la négociation. Toutefois et en l'espèce, ni la commune, ni la société attributaire n'apportent de précisions permettant de justifier une telle évolution entre la remise des offres initiales et le dépôt des offres finales des deux sociétés en cause.

19. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les manquements relevés ont affecté un nombre significatif de sous-critères d'évaluation des offres. Ces manquements ont nécessairement été de nature à exercer une influence sur le choix de l'offre présentant le meilleur avantage économique global pour la collectivité compte-tenu des critères précis qu'elle avait précédemment fixés.

20. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que le choix de l'attributaire du contrat de concession en litige est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et que le principe d'égalité de traitement des candidats n'a pas été respecté.

Sur les conclusions tendant à l'annulation ou à la résiliation du contrat :

21. Saisi par un tiers de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

22. Le vice relevé, qui est en rapport direct avec l'éviction de la société Les Halles du Marché Couvert, est d'une particulière gravité. Il ne peut être couvert par une mesure de régularisation et ne permet pas la poursuite de l'exécution du marché. Il est en conséquence de nature à justifier son annulation. Toutefois, compte tenu de la nécessité d'assurer la continuité du service public durant le délai nécessaire au lancement d'une nouvelle procédure de publicité et de mise en concurrence et à la conclusion d'un nouveau contrat, il y a lieu de différer l'effet de cette annulation au 1er avril 2025.

Sur les conclusions indemnitaires :

23. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique.

24. Ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent jugement, la société Les Halles du Marché Couvert n'a pas fait l'objet d'une immatriculation au registre du commerce et des sociétés et n'a, en conséquence, à la date du jugement, pas d'existence légale. Par suite, les conclusions indemnitaires relatives à la perte de recettes escomptées et aux frais exposés pendant la procédure d'appel d'offres, préjudice propre à la société et dont le calcul n'est, au demeurant pas justifié, ne peuvent qu'être rejetées. Les conclusions des requérants tendant à ce qu'il soit, avant dire droit, ordonné une expertise financière et comptable pour ce faire ne sauraient être accueillies.

25. Enfin, au regard des circonstances particulières de l'espèce, M. A est fondé à demander le versement d'une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de la passation du contrat en litige en sa qualité d'associé de la société en cours de formation. En revanche les sociétés requérantes, en tant que personnes morales, ne justifient pas de l'existence d'un préjudice moral à leur encontre.

Sur les frais du litige :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes demandées par la commune du Puy-en-Velay et la société Les Halles Ponotes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune du Puy-en-Velay le versement d'une somme de 2 000 euros à M. A et à la société Maki Nova au titre des frais du litige.

D E C I D E :

Article 1er : Le contrat de concession de service public pour le développement et l'exploitation de la halle alimentaire du Puy-en-Velay conclu entre la commune du Puy-en-Velay et la société Les Halles Ponotes est annulé. Cette annulation prendra effet le 1er avril 2025.

Article 2 : La commune du Puy-en-Velay est condamnée à verser à M. A une somme de 3 000 euros.

Article 3 : La commune du Puy-en-Velay versera à M. A et à la société Maki Nova la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Les Halles du Marché Couvert, à la société Maki Nova, à M. C A, à la société Les Halles Ponotes et à la commune du Puy-en-Velay.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Bentéjac, présidente,

M. Jean-Michel Debrion, premier conseiller,

M. Nivet, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2024.

Le rapporteur,

C. NIVET

La présidente,

C. BENTÉJAC

La greffière,

C. B

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°2200425