Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement le 2 mars 2021, le 25 mars 2021, le 19 octobre 2021 et le 15 décembre 2021, M. B A, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de dire que la délibération du 18 janvier 2021, par laquelle le conseil municipal de la commune de Treignat a choisi de confier à M. C l'exploitation du snack-bar situé sur le plan d'eau d'Herculat et a mandaté Mme le maire pour signer le contrat de bail, démontre un vice de procédure ;
2°) de dire que la validité du contrat établi entre la commune de Treignat et M. C pour l'exploitation du snack-bar situé sur le plan d'eau d'Herculat est contestable en l'état du dossier ;
3°) de condamner la commune de Treignat à lui verser un euro symbolique en réparation des préjudices subis en raison de règles de procédure non fixées de manière claire et précise et prêtant à confusion ;
4°) de prononcer à l'encontre de la commune de Treignat un rappel à la loi ;
5°) de condamner la commune de Treignat aux entiers dépens de l'instance.
Il soutient que :
- le contrat en litige est un acte administratif et le snack-bar est un bien communal appartenant au domaine public, de sorte que la juridiction administrative est bien compétente pour connaître du litige qui l'oppose à la commune de Treignat ;
- la délibération du 18 janvier 2021 est entachée d'illégalité car elle ne respecte pas la procédure énoncée dans le code des marchés publics, notamment le principe de l'égalité de traitement entre les candidats et l'établissement de critères précis pour l'analyse des candidatures avec des éléments de pondération ; cette délibération est illégale car elle ne respecte aucun autre cadre juridique si la nature du marché public n'est pas reconnue au contrat en litige ; les règles ont été modifiées en cours de procédure ;
- il demande que le droit soit respecté par la commune de Treignat.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 septembre 2021 et le 29 novembre 2021, la commune de Treignat, représentée par la SCP Teillot et associés, Me Maisonneuve, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, les conclusions de la requête de M. A sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
- à titre subsidiaire, les conclusions de la requête de M. A sont irrecevables ;
- à titre infiniment subsidiaire, les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 29 décembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 janvier 2022.
Par un courrier du 5 décembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office tirés de :
- l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions, d'une part, tendant à la contestation de la validité du contrat conclu entre la commune de Treignat et M. C pour l'exploitation du snack-bar situé au plan d'eau d'Herculat, d'autre part, tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la conclusion de ce contrat dès lors que le contrat en question ne présente pas le caractère d'un contrat administratif ;
- l'irrecevabilité des conclusions tendant à la contestation de la validité du contrat, à supposer que ce dernier présente un caractère administratif, dès lors qu'il s'agit de conclusions nouvelles qui ont été présentées après l'expiration du délai de recours contentieux ;
- l'irrecevabilité des conclusions tendant à ce que le tribunal prononce à l'encontre de la commune de Treignat un rappel à la loi.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Debrion,
- les conclusions de Mme Luyckx, rapporteure publique,
- et les observations de Me Makhlouche, avocate de la commune de Treignat.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Treignat (Allier) est propriétaire d'un snack-bar sur le plan d'eau d'Herculat. Elle a lancé un appel à candidatures pour la gestion de ce snack-bar pour la période courant d'avril à septembre 2021. Cinq candidatures ont été déposées. A la suite de l'examen de celles-ci, le conseil municipal de la commune, par une délibération du 18 janvier 2021, a retenu la candidature de M. C pour exploiter le snack-bar précité et a mandaté Mme le maire pour " la signature du bail ". M. A, ancien titulaire du contrat conclu le 29 avril 2020 pour l'exploitation de ce snack-bar et candidat non retenu lors du choix de l'exploitant de cet équipement a, par courrier du 20 janvier 2021, sollicité la communication des motifs du rejet de sa candidature. Insatisfait de la réponse que la commune lui a faite par courrier du 26 janvier 2021, il a réitéré sa demande de communication des motifs par courrier du 30 janvier 2021. N'ayant pas obtenu de réponse à ce dernier courrier, M. A doit être regardé, dans le dernier état de ses écritures, comme demandant au tribunal, d'une part, de condamner la commune de Treignat à lui verser un euro symbolique en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la conclusion du contrat avec M. C, d'autre part, d'annuler la délibération précitée du 18 janvier 2021, par ailleurs, de prononcer à l'encontre de la commune de Treignat un rappel à la loi, enfin, de condamner cette commune aux entiers dépens de l'instance.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. En vue d'obtenir réparation de ses droits lésés, le concurrent évincé a également la possibilité de présenter devant le juge du contrat des conclusions indemnitaires, à titre accessoire ou complémentaire à ses conclusions à fin de résiliation ou d'annulation du contrat. Il peut également engager un recours de pleine juridiction distinct, tendant exclusivement à une indemnisation du préjudice subi à raison de l'illégalité de la conclusion du contrat dont il a été évincé.
3. Les actions juridictionnelles mentionnées au point précédent, notamment celle à fin d'indemnisation, ne relèvent de la compétence de la juridiction administrative que lorsque le contrat dont la validité est contestée présente le caractère d'un contrat administratif. En revanche, le juge administratif n'est pas compétent pour connaître de telles actions lorsque le contrat en litige présente le caractère d'un contrat de droit privé.
4. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que le contrat conclu entre la commune de Treignat et M. C en vue de l'exploitation du snack-bar situé sur le plan d'eau d'Herculat aurait la nature d'un contrat administratif par détermination de la loi ou par application des critères jurisprudentiels. Ce contrat, qui a pour objet la mise à disposition, par la commune, d'une dépendance de son domaine privé, doit, dès lors, être regardé comme revêtant la nature d'un contrat de droit privé. Par suite, les conclusions présentées par M. A tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la conclusion de ce contrat doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la délibération du 18 janvier 2021 :
En ce qui concerne l'exception d'incompétence opposée par la commune de Treignat :
5. Si la contestation par une personne privée de l'acte, délibération ou décision du maire, par lequel une commune ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne, conduit ou termine une relation contractuelle dont l'objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n'affecte ni son périmètre ni sa consistance relève de la compétence du juge judiciaire, la juridiction administrative est compétente pour connaître de la demande formée par un tiers tendant à l'annulation de la délibération d'un conseil municipal autorisant la conclusion d'une convention ayant pour objet la mise à disposition d'une dépendance du domaine privé communal et de la décision du maire de la signer.
6. S'il résulte de l'instruction que le contrat en litige a pour objet la mise à disposition d'une dépendance du domaine privé de la commune de Treignat, la juridiction administrative est toutefois bien compétente pour connaître des conclusions en annulation formées par M. A à l'encontre de la délibération du 18 janvier 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune précitée a retenu la candidature de M. C pour exploiter le snack-bar situé au plan d'eau d'Herculat et mandaté Mme le maire pour " la signature du bail " dès lors que le requérant a la qualité de tiers à ce contrat. Par suite, l'exception d'incompétence opposée en défense par la commune de Treignat doit être écartée.
En ce qui concerne la légalité de la délibération :
7. D'une part, au soutien de ses conclusions en annulation, M. A invoque la méconnaissance de la procédure énoncée dans le code des marchés publics. Outre que ce code a, à la date de la décision en litige, été remplacé par le code de la commande publique, le requérant ne peut utilement invoquer une telle méconnaissance dès lors que le contrat en litige ne constitue pas un marché public et que la commune ne s'est pas fondée sur de telles dispositions pour sélectionner le candidat avec lequel elle a décidé de conclure le contrat par la délibération en litige.
8. D'autre part, si le requérant soutient qu'aucun cadre juridique n'a été respecté et que les règles ont été modifiées en cours de procédure, il ne précise toutefois pas les dispositions qui auraient été méconnues par la commune de Treignat.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la délibération du 18 janvier 2021.
Sur les autres conclusions de M. A :
10. D'une part, il n'appartient pas au juge administratif de prononcer des rappels à la loi. Par suite, de telles conclusions doivent être rejetées comme irrecevables.
11. D'autre part, M. A étant partie perdante à l'instance, ses conclusions tendant à la condamnation de la commune aux entiers dépens, dépens qu'il ne justifie d'ailleurs pas avoir engagés dans le cadre de la présente instance, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées par la commune de Treignat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A le versement de la somme que sollicite la commune de Treignat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Les conclusions de la requête tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la conclusion du contrat entre la commune de Treignat et M. C pour l'exploitation du snack-bar situé au plan d'eau d'Herculat sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Treignat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 :Le présent jugement sera notifié à M. B A et à la commune de Treignat.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Bentéjac, présidente,
- Mme Jaffré, première conseillère,
- M. Debrion, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 janvier 2024.
Le rapporteur,
J-M. DEBRION La présidente,
C. BENTEJAC
La greffière,
P. CHEVALIER
La République mande et ordonne à la préfète de l'Allier en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.