TA Clermont-F, 27/07/2023, n°2301692

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistré le 13 et le 25 juillet 2023, la société Alliance environnement exploitation, représentée par la SCP CGCB Avocats et associés, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'annuler la procédure de passation du marché public du lot n°1 " Curage Déshydratation Transport Traitement des boues des Lagunes " de l'accord cadre à bons de commande " Curage et traitement des boues des lagunes sur le territoire du Syndicat Territoires de l'Est Cantal (SYTEC) engagée par ce Syndicat ;

2°) de mettre à la charge de SYTEC la somme de 4000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le délai laissé aux candidats pour la remise de leur offre était insuffisant dès lors que la date limite du dépôt des offres était prévue le 19 juin et que les visites des lieux ont été réalisée seulement 24 jours avant et qu'il s'agit de faire des propositions pour le curage et le traitement de 11 à 12 lagunes ayant des caractéristiques différentes ;

- aucune précision n'est apportée dans le dossier de consultation sur l'appréciation du sous-critère " procédure d'exécution et de contrôle des prestations " ;

- la méthode utilisée pour attribuer la note technique a conduit à neutraliser la modération des critères ;

- le dossier de consultation contient une ambiguïté sur le fait que le marché porte sur 11 ou 12 lagunes alors que seules 11 lagunes ont fait l'objet de la visite obligatoire ; les caractéristiques spécifiques de la 12ème lagune n'étaient ainsi pas connues et les conditions de la passation du marché ne lui ont pas permis de présenter une offre adaptée aux besoins ;

- le SYTEC n'a pas répondu à sa demande de communication des motifs détaillés du rejet de son offre et des caractéristiques et avantages de l'offre retenue.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2023, le Syndicat Territoires de l'Est Cantal (SYTEC) conclut au rejet de la requête à ce que la somme de 2000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L 761 -1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Alliance environnement exploitation ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné Mme Jaffré, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique tenue en présence de Mme Batisse, greffière d'audience, Mme Jaffré a lu son rapport et entendu :

- les observations de Me Senanedsch, représentant la société Alliance environnement exploitation qui prend les termes de ses écritures et déclarer abandonner le moyen tiré de l'absence de communication d'informations relatives aux motifs du rejet de son offre et des caractéristiques et avantages de l'offre retenue.

- les observations de Me Martins, représentant le SYTEC qui prend les termes de ses écritures.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Le Syndicat Territoires de l'Est Cantal (SYTEC) a lancé le 9 mai 2023 une procédure en vue de conclure un marché de curage et traitement des boues des lagunes sur son territoire composé de deux lots. Par courrier du 6 juillet 2023, le SYTEC a informé la société Alliance environnement exploitation que son offre n'était pas retenue pour le lot n° 1 de ce marché. Par la présente requête, la société Alliance environnement exploitation demande au juge des référés précontractuels d'annuler la procédure mise en œuvre en vue de l'attribution du contrat.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique () ". Aux termes du I de l'article L. 551-2 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ". Aux termes de l'article L. 551-10 de ce code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat ou à entrer au capital de la société d'économie mixte à opération unique et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué () ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge du référé précontractuel de se prononcer sur les manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence incombant à l'acheteur, invoqués à l'occasion de la passation d'un contrat. En vertu de ces mêmes dispositions, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements de l'acheteur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge du référé précontractuel de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.

S'agissant de l'insuffisance du délai laissé aux candidats pour déposer leur offre

4. Il incombe au juge des référés de vérifier si le délai de consultation, quand bien même il serait supérieur au délai minimal fixé par les textes applicables, n'est néanmoins pas manifestement inadapté à la présentation d'une offre compte tenu de la complexité du marché public et du temps nécessaire aux opérateurs économiques pour préparer leurs candidatures et leurs offres.

5. Il résulte de l'instruction que le SYTEC a publié l'avis d'appel public à la concurrence au BOAMP le 11 mai 2023 et a fixé la date limite de réception des offres au 19 juin, soit en laissant un délai de quarante jours pour présenter une offre concernant le traitement de boues de douze lagunes. Il est constant que la visite du site obligatoire prévue par le règlement de consultation a été organisée les 24 et 25 mai 2023. Si la société requérante soutient que le délai laissé entre la visite sur site et la date de remise des offres était insuffisant pour assurer une mise en concurrence effective, laissant trop peu de temps aux candidats après la visite pour adapter leur offre, il résulte de l'instruction que le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) contenait des informations sur les lagunes concernées par le marché et notamment une fiche technique précise portant sur les caractéristiques de chaque lagune permettant aux candidats de commencer à préparer leur offre en amont de la visite obligatoire. Il résulte également de l'article 1.2. du CCTP que la visite avait pour objet de préciser les conditions d'exécution des différentes prestations demandées. La société Alliance environnement exploitation ne précise pas quelles informations auraient été découvertes lors de la visite sur site qui auraient été de nature à bouleverser l'analyse du marché tel que décrit dans le CCTP. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le délai de remise des offres fixé par le SYTEC était insuffisant pour assurer une mise en concurrence effective.

S'agissant de l'insuffisance d'information permettant d'identifier clairement le nombre de lagunes concernées par le marché

6. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code de la commande publique : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. ".

7. D'une part, si la société Alliance environnement exploitation allègue que les documents de consultation comportaient une ambiguïté sur le nombre de lagunes à traiter contenu dans le marché, il résulte de l'instruction que la société requérante a déposé une offre conforme au besoin du SYTEC en répondant à la demande de traitement des boues de douze lagunes. Par suite, la société requérante ne démontrant pas en quoi elle serait lésée par cette prétendue ambiguïté, le moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.

8. D'autre part et au surplus, il résulte de l'instruction que le règlement de consultation renvoyait les candidats à la consultation du CCTP du marché. Au point 1.1. " Objet du marché " du CCTP figure la liste des douze lagunes concernées par le marché. Au point 1.2. " Présentation des lagunes " du CCTP figure l'estimation de la quantité de boues présente dans ces douze lagunes. Enfin, en annexe du CCTP sont jointes douze fiches techniques détaillant les caractéristiques de chaque lagune concernée par le marché. Par suite, ce besoin a été défini avec suffisamment de précision au sens des dispositions précitées de l'article L. 2111-1 du code de la commande publique.

S'agissant de la méthode de notation des offres :

9. Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Toutefois, ces méthodes de notation sont entachées d'irrégularités si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont par elles-mêmes de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie.

10. Il ne résulte pas de l'instruction, en particulier ni du règlement de consultation, ni du rapport d'analyse des offres transmise par le SYTEC, que le SYTEC aurait neutralisé le système de pondération prévu dans le règlement de consultation pour les sous-critères de la valeur technique de l'offre par l'attribution de la meilleure note d'un sous critère à la meilleure offre. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la méthode de notation des offres ne peut qu'être écarté.

S'agissant du défaut de précision des exigences de l'acheteur quant au contenu du sous-critère " procédure d'exécution et de contrôle des prestations " :

11. Pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats.

12. Il résulte de l'instruction, et en particulier du règlement de consultation, que parmi les sous-critères détaillant le critère de la valeur technique de l'offre figurait le sous critère " procédure d'exécution et de contrôle des prestations " pour lequel 15 points étaient attribués. Dans un chapitre intitulé " 4. Offre du candidat ", le cahier des clauses techniques particulières, qui faisait partie des documents de la consultation, prévoyait : " Le candidat indiquera dans son mémoire technique : () - La description du ou des process de curage et déshydratation des boues des lagunes, /- La description de l'organisation et des modalités logistiques pour assurer l'ensemble de la prestation, / - Ses moyens humains avec la composition des équipes techniques et de la ou des personnes référentes avec le détail de leurs compétences, / - Ses moyens techniques ainsi que leurs caractéristiques techniques pour assurer la prestation, / - Ses capacités à intervenir et à s'adapter aux contraintes environnementales, notamment pour la gestion et la consommation des eaux. ". Le chapitre 2 du CCTP intitulé " Consistance détaillée de la prestation " détaillait les attentes de l'acheteur quant à la prestation à réaliser et les procédures de suivi de la prestation en permettant le contrôle. Dans ces conditions la précision du sous-critère " procédure d'exécution et de contrôle des prestations " était suffisante pour écarter l'éventualité d'une décision d'attribution discrétionnaire.

13. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société Alliance environnement exploitation doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du SYTEC présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Alliance environnement exploitation est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du SYTEC présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Alliance environnement exploitation, au Syndicat Territoires de l'Est Cantal et à la société SEDE environnement.

Fait à Clermont-Ferrand, le 27 juillet 2023.

La juge des référés,

M. JAFFRÉ