TA de la Martinique, 18 décembre 2023, n° 2300700


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 novembre 2023, le 30 novembre 2023 et le 8 décembre 2023, la société Datex Antilles Guyane, représentée Me Michelin, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-13 du code de justice administrative, dans ses dernières écritures :

1°) de constater le non-lieu à statuer sur les conclusions de référé précontractuel compte tenu de la signature du contrat intervenue le 21 novembre 2021 ;

2°) d'annuler la procédure de passation du marché public engagée par le collège du Morne des Esses, situé à Sainte-Marie, en vue de la conclusion d'un accord-cadre portant sur la fourniture et la livraison de repas complets en liaison froide ;

3°) d'enjoindre au collège du Morne des Esses de lui communiquer les informations manquantes au titre des articles R. 2181-3 et R. 2181-4 du code de la commande publique ainsi que les caractéristiques et les avantages relatifs à l'offre retenue ;

4°) de mettre à la charge du collège du Morne des Esses une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le pouvoir adjudicateur a méconnu les dispositions de l'article L. 551-18 du code de justice administrative en ne publiant pas un avis d'appel à la concurrence au journal officiel de l'Union européenne, dès lors que le marché ne répond pas à la qualification de " services de restauration ", mais à la fourniture et livraison de " repas pour les écoles " et que le montant total du marché est égal à 532 680 euros, lequel est supérieur au seuil de procédure formalisée ;

- le pouvoir adjudicateur a signé le marché postérieurement à la notification du référé précontractuel et le pouvoir adjudicateur a commis des manquements ayant affecté les chances de la société Datex Antilles Guyane d'obtenir le contrat ;

- le pouvoir adjudicateur a méconnu les dispositions des articles R. 2181-3 et R. 2181-4 du code de la commande publique dès lors qu'il s'est livré à une analyse partielle offres sans les évaluer au regard de l'ensemble des éléments d'appréciation annoncés ;

- le sous-critère de la valeur technique " qualité des menus proposés ", pondéré à 25%, est irrégulier dès lors qu'il est imprécis et incertain, et plus particulièrement, l'élément d'appréciation " présentation des repas " est entaché d'imprécision et ne ressort d'aucune spécification technique du cahier des clauses particulières, par ailleurs, il n'a pas pu être mis en œuvre, en l'absence de remise d'échantillon, ce qui a été susceptible de la léser dans la mesure où si elle avait obtenu la note maximale sur ce sous-critère " qualité des menus ", elle aurait obtenu une note globale de 8,1 contre 7,25 pour la société désignée attributaire ;

- le pouvoir adjudicateur a irrégulièrement mis en œuvre le sous-critère n° 1 " qualité des menus proposés " dès lors que le critère du goût ne figurait pas dans les critères de sélection des offres et que le pouvoir adjudicateur a disposé d'une marge de manœuvre discrétionnaire, notamment en qualifiant l'offre attributaire de " bonne cuisine familiale ".

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 décembre 2023 et le 12 décembre 2023, le collège du Morne des Esses, représentée par Me Yang-Ting Ho conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Datex Antilles Guyane, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le marché public a été signé le 21 novembre 2023, les conclusions sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative sont irrecevables ;

- le pouvoir adjudicateur n'était pas tenu de publier un avis d'appel à la concurrence dès lors que le marché a pour objet des " services sociaux et autres services spécifiques " et que le montant total du marché n'excède pas le seuil de procédure formalisée ;

- dans le cadre du référé contractuel, le requérant ne peut soulever que des manquements aux obligations de publicité, de mise en concurrence, d'égalité de traitement des candidats s'agissant des informations communiquées ;

- le marché a été passé selon une procédure adaptée, laquelle n'impose pas une information détaillée des motifs de rejet des offres non retenues ;

- le marché est en cours d'exécution depuis et 1er décembre 2023 et son exécution ne peut être interrompue puisque 173 élèves sur 183 scolarisés recourent au service de restauration scolaire.

Par des pièces, enregistrées le 5 décembre 2023, le collège du Morne des Esses verse au dossier les procès-verbaux de la commission et le rapport d'analyse des offres qu'il indique être couvert par le secret des affaires et demande qu'ils soient soustraits au contradictoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2023, la société KWI 2.0, représentée par Me Tiburce, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Datex Antilles Guyane au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'absence de publication d'un avis au Journal officiel de l'Union Européenne n'a pas été susceptible d'avoir lésé la société Datex Antilles Guyane dès lors qu'elle a pu soumissionner ;

- le pouvoir adjudicateur n'a pas méconnu ses obligations de publicité dès lors que l'article R. 2123-1 du code de la commande publique permet le recours à une procédure adaptée, quel que soit le montant estimé du besoin, au titre des " services sociaux et autres services spécifique " ;

- le pouvoir adjudicateur a signé le marché public antérieurement à la notification du référé précontractuel par la société Datex Antilles, et ce dès lors que, dans le cadre d'une procédure adaptée, il n'était pas soumis à un délai de suspension ;

- le pouvoir adjudicateur n'a pas commis de manquement ayant affecté les chances de la société Datex Antilles Guyane d'obtenir le contrat ;

- le pouvoir adjudicateur n'a pas méconnu son obligation d'information à l'égard de la société Datex Antilles Guyane dès lors que le courrier de rejet mentionne son classement, les caractéristiques et le prix de l'offre retenue ;

- le moyen tiré de l'imprécision du sous-critère " qualité des menus proposés " manque en fait dès lors que le règlement de la consultation détaillait les éléments d'appréciation de ce sous-critère ;

- les manquements tirés du défaut d'information de la société Datex Antilles Guyane et de l'imprécision du sous-critère n° 1 n'ont pas été susceptibles de l'avoir lésée dans la mesure où elle n'a pas posé de question au pouvoir adjudicateur en cours de la consultation ;

- le sous-critère " qualité des menus proposés " est relatif à l'adéquation entre les menus proposés et le public d'adolescent, et non au goût des plats en tant que tel, de plus, l'article 10.3 du cahier des clauses particulières précise qu'il est attendu des préparations approchant la qualité nutritionnelle d'une bonne cuisine familiale ;

- le manquement tiré de l'irrégularité de la mise en œuvre du sous-critère n° 1 n'a été susceptible de l'avoir lésée dans la mesure où, si la société Datex avait obtenu une meilleure note sur le sous-critère n° 1, il n'est pas démontré qu'elle aurait été classée en première position ;

- à titre subsidiaire, l'intérêt général tenant à la continuité du service public de restauration scolaire s'oppose à l'annulation de la procédure de passation dès lors que le marché public est en cours d'exécution depuis le 1er décembre 2023 et qu'une telle annulation priverait les collégiens du service et, entrainerait une désorganisation des services du collège.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique tenue le 12 décembre 2023 à 10 heures, en présence de M. Minin, greffier d'audience, M. A a lu son rapport et entendu :

- les observations de Me Michelin, représentant la société Datex Antilles Guyane, qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que dans ses écritures,

- les observations de Me Yang-Ting Ho, représentant le collège du Morne des Esses, qui reprend les éléments développés dans son mémoire en défense ;

- les observations de Me Tiburce, représentant la société KWI 2.0, qui confirme ses conclusions par les mêmes moyens que dans ses écritures.

Compte tenu de la date de présentation des mémoires en défense et en application de l'article R. 522-8 du code de justice administrative, le juge des référés a décidé de différer la clôture de l'instruction au 13 décembre 2023 à 12 heures et en a avisé au cours de l'audience les parties.

En application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, le mémoire du collège du Morne des Esses, enregistré le 13 décembre 2023 à 9 heures 22, n'a pas été communiqué.

En application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, le mémoire de la société Datex Antilles Guyane, enregistré le 13 décembre 2023 à 11 heures 15, n'a pas été communiqué.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel à la concurrence publié le 13 octobre 2023, le collège du Morne des Esses, situé à Sainte-Marie, a lancé une consultation, dans le cadre d'une procédure adaptée, en vue de la conclusion d'un accord-cadre ayant pour objet la fourniture et la livraison de repas complets en liaison froide. La société Datex Antilles Guyane, qui a remis une offre pour l'attribution de ce marché public, a été informée, par un courrier du 17 novembre 2023, du rejet de celle-ci. Par la présente requête, la société Datex Antilles Guyane demande au juge des référés statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-13 du code de justice administrative, l'annulation de la procédure de passation du marché.

2. Les conclusions à fin de non-lieu présentées pour la société requérante, le 8 décembre 2023, doivent être regardées comme équivalent à un désistement pur et simple des conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. Rien ne s'oppose à ce qu'il soit donné acte de ce désistement.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative :

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions en référé contractuel :

3. Aux termes de l'article L. 551-13 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi, une fois conclu l'un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d'un recours régi par la présente section. ". Aux termes de l'article L. 551-18 du même code : " Le juge prononce la nullité du contrat lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l'Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite. () Le juge prononce également la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 si, en outre, deux conditions sont remplies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d'exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 et L. 551-5, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat. ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'obligation de suspendre la signature du contrat qui pèse sur le pouvoir adjudicateur lorsqu'est introduit un recours en référé précontractuel dirigé contre la procédure de passation du contrat court à compter, soit de la notification au pouvoir adjudicateur du recours par le représentant de l'Etat ou par son auteur agissant conformément aux dispositions de l'article R. 551-1 du code de justice administrative, soit de la communication de ce recours par le greffe du tribunal administratif. Lorsque l'auteur d'un référé précontractuel établit l'avoir notifié au pouvoir adjudicateur dans les conditions prévues par cet article, le pouvoir adjudicateur qui signe le contrat postérieurement à la réception du recours doit être regardé comme ayant méconnu les dispositions de l'article L. 551-4 du code de justice administrative.

5. Il résulte cependant de l'instruction que la société Datex Antilles Guyane a présenté un référé contractuel, enregistré au greffe du tribunal le 21 novembre 2023 à 11 heures 18 et notifié au pouvoir adjudicateur par courriel à la même date. La société requérante n'a été informée de la conclusion du contrat, le 21 novembre 2023, que par le mémoire en défense du collège Morne des Esses dans le cadre de l'instance en référé précontractuel, enregistré au greffe du tribunal le 5 décembre 2023. Dans ces conditions, les conclusions de la société Datex Antilles Guyane tendant à l'annulation du marché conclu, présentées sur le fondement des articles L. 551-13 du code de justice administrative, sont recevables.

En ce qui concerne l'application de l'article L. 551-18 du code de justice administrative :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2120-1 du code de la commande publique : " Les marchés sont passés, selon leur montant, leur objet ou les circonstances de leur conclusion : 1° Soit sans publicité ni mise en concurrence préalables, dans les conditions prévues au chapitre II ; 2° Soit selon une procédure adaptée, dans les conditions prévues au chapitre III ; 3° Soit selon une procédure formalisée, dans les conditions prévues au chapitre IV. ". Aux termes de l'article R. 2121-8 du même code : " Pour les accords-cadres (), la valeur estimée du besoin est déterminée en prenant en compte la valeur maximale estimée de l'ensemble des marchés à passer ou des bons de commande à émettre pendant la durée totale de l'accord-cadre ou du système d'acquisition dynamique. ". Aux termes de l'article L. 2123-1 de ce code : " Une procédure adaptée est une procédure par laquelle l'acheteur définit librement les modalités de passation du marché, dans le respect des principes de la commande publique et des dispositions du présent livre, à l'exception de celles relatives à des obligations inhérentes à un achat selon une procédure formalisée. L'acheteur peut passer un marché selon une procédure adaptée : 1° Lorsque la valeur estimée hors taxe du besoin est inférieure aux seuils européens mentionnés dans un avis qui figure en annexe du présent code ; 2° En raison de l'objet de ce marché, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; 3° Lorsque, alors même que la valeur estimée du besoin est égale ou supérieure aux seuils de procédure formalisée, la valeur de certains lots est inférieure à un seuil fixé par voie réglementaire. ". L'article R. 2123-1 du même code précise quant à lui : " L'acheteur peut recourir à une procédure adaptée pour passer : () 3° Un marché ayant pour objet des services sociaux, dont la liste figure dans un avis annexé au présent code, quelle que soit la valeur estimée du besoin ". L'avis annexé à ce code relatif aux contrats de la commande publique ayant pour objet des services sociaux et autres services spécifiques fixe la liste de ces services, parmi lesquels figurent, au sein de la catégorie " 7. Services d'hôtellerie et de restauration ", les prestations correspondant notamment aux codes CPV 55510000 à 5552400-9 " Services de cantine, de restauration scolaire, de traiteur et de livraison de repas " issus de la nomenclature européenne, qui soumettent les pouvoirs adjudicateurs aux obligations de publicité et de mise en concurrence du code de la commande publique pour les contrats d'un montant supérieur à 750 000 euros.

7. Il ressort du règlement de la consultation et du cahier des clauses particulières que le contrat en cause a pour objet des prestations de fabrication des repas, d'élaboration des menus, de transport et de livraison des repas. Il résulte en outre de l'instruction que le code CPV 55523100-3 mentionné dans le règlement de la consultation correspond à la nomenclature européenne des " Services de restauration scolaire ". Le marché public passé par le collège du Morne des Esses doit ainsi être regardé comme entrant dans le champ des marchés ayant pour objet des services sociaux et autres services spécifiques au sens des dispositions précitées de l'article R. 2123-1 du code de la commande publique. Eu égard au montant maximum de l'accord-cadre, inférieur au seuil européen de 750 000 euros soumettant à une procédure formalisée les contrats de la commande publique ayant pour objet de telles prestations, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'une procédure adaptée ne pouvait être mise en œuvre par le pouvoir adjudicateur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des obligations de publicité et de mise en concurrence s'appliquant aux procédures formalisées, doit être écarté.

8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, notamment des attestations produites, que le contrat en cause a été signé le 21 novembre 2023 en début de matinée soit antérieurement à la notification au pouvoir adjudicateur le 21 novembre 2023 à 11 heures 14 du recours en référé précontractuel de la société Datex Antilles Guyane dirigé contre la procédure de passation de ce contrat. Par suite, la signature de ce contrat n'est pas intervenue en méconnaissance de l'obligation de suspension prévue à l'article L. 551-4 du code de justice administrative. Au demeurant, en application des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 551-18 du code de justice administrative, la nullité d'un marché ne peut être prononcée pour une méconnaissance du délai de suspension que si les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles était soumise la passation du marché ont affecté les chances de l'auteur du recours d'obtenir ledit marché.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 2181-1 du code de la commande publique : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre. ". Aux termes de l'article R. 2181-2 du même code : " Tout candidat ou soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été rejetée peut obtenir les motifs de ce rejet dans un délai de quinze jours à compter de la réception de sa demande à l'acheteur. / Lorsque l'offre de ce soumissionnaire n'était ni inappropriée, ni irrégulière, ni inacceptable, l'acheteur lui communique en outre les caractéristiques et avantages de l'offre retenue ainsi que le nom de l'attributaire du marché. ". Aux termes de l'article R. 2181-3 du même code : " La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. / Lorsque la notification de rejet intervient après l'attribution du marché, l'acheteur communique en outre : / 1° Le nom de l'attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre ; / 2° La date à compter de laquelle il est susceptible de signer le marché dans le respect des dispositions de l'article R. 2182-1. ". Et aux termes de l'article R. 2181-4 du même code : " A la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n'a pas été rejetée au motif qu'elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, l'acheteur communique dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception de cette demande : 1° Lorsque les négociations ou le dialogue ne sont pas encore achevés, les informations relatives au déroulement et à l'avancement des négociations ou du dialogue ; 2° Lorsque le marché a été attribué, les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue ". L'information sur les motifs du rejet de son offre dont est destinataire l'entreprise en application des dispositions précitées a notamment pour objet de permettre à la société non retenue de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge administratif.

10. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre d'une consultation engagée selon une procédure adaptée, par un courrier du 17 novembre 2023 le pouvoir adjudicateur a informé la société Datex Antilles Guyane du rejet de son offre. Dans ce courrier, le collège du Morne des Esses a indiqué le nom de l'attributaire du marché et le prix de l'offre retenue, la note globale obtenue par la société requérante ainsi que son classement, et les caractéristiques et avantages des offres pour chacun des sous-critères. Cette communication permettait à la requérante de bénéficier d'une information suffisante sur les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue par rapport aux caractéristiques de son offre et était suffisante pour permettre à la requérante de contester utilement son éviction devant le juge administratif. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation d'information des candidats et des soumissionnaires évincés doit être écarté.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 2152-7 du code de la commande publique : " Pour attribuer le marché au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde : / 1° Soit sur un critère unique () 2° Soit sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Il peut s'agir des critères suivants : / a) La qualité, y compris la valeur technique et les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles, l'accessibilité, l'apprentissage, la diversité, les conditions de production et de commercialisation, la garantie de la rémunération équitable des producteurs, le caractère innovant, les performances en matière de protection de l'environnement, de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, d'insertion professionnelle des publics en difficulté, la biodiversité, le bien-être animal ; / b) Les délais d'exécution, les conditions de livraison, le service après-vente et l'assistance technique, la sécurité des approvisionnements, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles ; / c) L'organisation, les qualifications et l'expérience du personnel assigné à l'exécution du marché lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d'exécution du marché. / D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution. / Les critères d'attribution retenus doivent pouvoir être appliqués tant aux variantes qu'aux offres de base. ". Et aux termes de l'article R. 2152-11 du même code : " Les critères d'attribution ainsi que les modalités de leur mise en œuvre sont indiqués dans les documents de la consultation. ".

12. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire dès l'engagement de la procédure d'attribution. L'acheteur est ainsi tenu d'informer dans les documents de consultation les candidats des critères de sélection des offres ainsi que de leur pondération ou hiérarchisation. Ces critères d'attribution, ainsi que les conditions de leur mise en œuvre, doivent être déterminés selon les modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné. S'il décide, pour mettre en œuvre ces critères de sélection des offres, de faire usage de sous-critères également pondérés ou hiérarchisés, l'acheteur doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats et doivent, en conséquence, être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection.

13. Si la société Datex Antilles Guyane fait valoir que le sous-critère de la valeur technique " qualité des menus proposés ", évalué sur 25 points, est imprécis, il résulte toutefois de l'instruction que l'article 5.2 du règlement de la consultation prévoit que seront analysées l'adaptation des menus à un public adolescent, la variété des menus, leur originalité ainsi que la présentation des repas. Ces mêmes dispositions renvoient au cahier des clauses particulières dont l'article 10.3 explicitait notamment les exigences alimentaires en précisant que : " les préparations culinaires devront être simples, soignés, variées et tendre à approcher de la qualité d'une bonne cuisine familiale ". En outre, il ne résulte pas de l'instruction la société requérante a, au cours de la consultation, usé de la faculté prévue à l'article 2.6 du règlement de la consultation, de poser des questions au pouvoir adjudicateur. Par suite, le moyen tiré de l'imprécision du sous-critère " qualité des menus proposés " doit être écarté.

14. En dernier lieu, il n'appartient pas au juge du référé, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en méconnaissant ou en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.

15. Si la société Datex Antilles Guyane soutient que le pouvoir adjudicateur a irrégulièrement mis en œuvre le sous-critère n° 1 " qualité des menus proposés ", il résulte toutefois de l'instruction que le pouvoir adjudicateur n'a pas, contrairement à ce qu'allègue la société requérante, apprécié de critère du goût des repas. Ainsi, la société Datex Antilles n'est pas fondée à soutenir que le pouvoir adjudicateur a irrégulièrement mis en œuvre le sous-critère n° 1 " qualité des menus proposés ".

16. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions à fins d'annulation de la procédure de passation du marché public, et par voie de conséquence, les conclusions à fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par la société Datex Antilles Guyane au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge du collège du Morne des Esses, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société Datex Antilles Guyane, la somme de 1 000 euros à verser au collège du Morne des Esses, ainsi qu'une somme du même montant à verser à la société le KWI 2.0, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : Il est donné acte à la société Datex Antilles Guyane du désistement de ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative.

Article 2 : Les conclusions de la société Datex Antilles Guyane tendant à l'annulation du contrat signé le 21 novembre 2023 sont rejetées.

Article 3 : La société Datex Antilles Guyane versera au collège du Morne des Esses une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La société Datex Antilles Guyane versera à la société KWI 2.0 une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Datex Antilles Guyane, au collège du Morne des Esses et à la société KWI 2.0.

Fait à Schoelcher, le 18 décembre 2023.

Le président, juge des référés,

J-M. A Le greffier,

J-H. Minin

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.