TA de Marseille, 02 octobre 2023, n° 2308588

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2023, la société Coriance, représentée par la société d'avocats Centaure Avocats, demande au juge des référés :

1°) sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation de la concession pour l'exploitation d'un réseau de chaleur de la société d'économie mixte immobilière de la ville de Martigues (SÉMIVIM) ;

2°) de mettre à la charge de la SÉMIVIM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas été destinataire des informations prévues par les articles L. 3125-1 et R. 3125-3 du code de la commande publique ;

- Aucune précision n'était apportée dans les documents de la consultation quant aux terrains d'assiette des unités de production à construire, et quant à la nature de ces unités de production, en méconnaissance des dispositions des articles L. 3111-1, R. 3122-1 et R. 3122-7 du code de la commande publique.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 20 et 26 septembre 2023, la SÉMIVIM conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société requérante la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente dès lors qu'elle est une personne morale de droit privé agissant en son nom et pour son propre compte ;

- les informations quant aux motifs du rejet de l'offre de la société requérante lui ont été communiquées par un courrier du 18 septembre 2023 ;

- le moyen tiré de l'imprécision de la consultation n'est pas fondé.

Par un mémoire, enregistré le 27 septembre 2023, la société Engie énergie services conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 5 000 euros à la charge de la société Coriance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente dès lors qu'elle est une personne morale de droit privé agissant en son nom et pour son propre compte ;

- les informations quant aux motifs du rejet de l'offre de la société requérante lui ont été communiquées par un courrier du 18 septembre 2023 ;

- le moyen tiré de l'imprécision de la consultation n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Gonneau, vice-président, pour statuer sur les demandes de référés.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique du 28 septembre 2023 tenue en présence de Mme Martinez, greffière d'audience, M. Gonneau a lu son rapport et a entendu les observations de Me Bejot, représentant la société Coriance, de Me Debliquis, représentant la SÉMIVIM et de Me Hugueny, représentant la société Engie énergie services.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. La société d'économie mixte immobilière de la ville de Martigues a soumis à la concurrence un contrat de concession pour la conception, la réalisation et l'exploitation d'unités de production d'énergie et l'exploitation d'un réseau de chaleur dit " A ". Par un courrier du 5 septembre 2023 la SÉMIVIM a informé la société Coriance que son offre n'avait pas été retenue et que le candidat attributaire de la concession était la société Engie énergie services. La société Coriance demande l'annulation de la procédure de passation de cette concession.

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. () ".

3. Aux termes de l'article L6 du code de la commande publique : " S'ils sont conclus par des personnes morales de droit public, les contrats relevant du présent code sont des contrats administratifs, sous réserve de ceux mentionnés au livre V de la deuxième partie et au livre II de la troisième partie () ". Il résulte des termes mêmes de l'article L. 6 du code de la commande publique que les contrats relevant de ce code ne sont des contrats administratifs que s'ils sont conclus par des personnes de droit public. Les contrats conclus entre personnes privées sont en principe des contrats de droit privé, hormis le cas où l'une des parties agit pour le compte d'une personne publique ou celui dans lequel ils constituent l'accessoire d'un contrat de droit public.

4. Aux termes de l'article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales : " Les assemblées délibérantes des communes, des départements, des régions et de leurs groupements peuvent, à l'effet de créer des sociétés d'économie mixte locales mentionnées à l'article L. 1521-1, acquérir des actions ou recevoir, à titre de redevance, des actions d'apports, émises par ces sociétés. / Les prises de participation sont subordonnées aux conditions suivantes : 1° La société revêt la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce, sous réserve des dispositions du présent titre () ".

5. Il résulte de ces dispositions que la SÉMIVIM est une personne de droit privé. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une ou des personnes publiques contrôlerait, seule ou conjointement avec d'autres personnes publiques, son organisation et son fonctionnement. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que la SÉMIVIM aurait agi, pour la passation du marché en cause, au nom et pour le compte d'une personne publique et non en son nom et pour son propre compte. Ce contrat ne constitue pas, par ailleurs, l'accessoire d'un contrat de droit public. Il suit de là que la juridiction judiciaire est compétente pour connaître du présent litige relatif à la procédure de passation, par cette société, avec une autre personne privée, d'un marché ayant la nature d'un contrat de droit privé.

6. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société Coriance doit être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la société Coriance au titre des frais de l'instance soit mise à la charge de la SÉMIVIM, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Coriance la somme que demandent les sociétés SÉMIVIM et Engie énergie services sur le fondement des mêmes dispositions.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société Coriance est rejetée comme étant portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 2 : Les conclusions présentées par les parties à l'instance sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Coriance, à la SÉMIVIM et à la société Engie énergie services.

Le juge des référés,

Signé

P-Y. GONNEAU

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

P. La greffière en chef,

La greffière,