TA de Rennes, 12 octobre, 2023, n°2005551

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 décembre 2020 et 26 mai 2023,

M. et Mme C D, représentés par Me Rebiere-Lathoud, demandent au tribunal :

1°) d'annuler la décision par laquelle la commune de Roscoff lui a refusé de communiquer l'intégralité des documents sollicités concernant le marché public de travaux ;

2°) d'enjoindre à la commune de Roscoff de procéder à la communication des documents demandées, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, à savoir :

- tous les documents exigibles au titre du marché public des travaux de réfection à neuf de l'ouvrage public non-déclaré des tennis, notamment le rapport d'analyse des offres ;

- la délibération sur le fond (principe de réfection à neuf de l'ouvrage non-déclaré) ;

- la délibération sur la forme (choix des prestataires) ;

- l'approbation du budget global (et approbation du budget phase 2019 et phase 2020) ;

- l'acte d'engagement ;

- le devis des travaux (réalisés en deux tranches : 2019 et 2020) ;

- les factures acquittées des travaux de tous les prestataires.

3°) de mettre à la charge de la commune de Roscoff la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête est recevable ;

- la commission d'accès des documents administratifs a rendu un avis favorable à la communication de ces documents ;

- les documents sollicités sont communicables puisqu'ils ont trait à une procédure de passation d'un contrat public et ont, de ce fait, un caractère administratif ;

- la commune de Roscoff n'a pas transmis l'ensemble des documents sollicités ;

- certains documents transmis contiennent des anomalies et doivent dès lors être retransmis conformément ;

- l'absence de dotations inscrites dans les documents fournis fait obstacle à l'application de la délégation donnée au maire.

Par deux mémoires enregistrés les 3 mars et 15 juin 2023, la commune de Roscoff, représentée par la SELARL Le Roy, Gourvenec, Prieur, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme D.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable pour absence de décision de refus de communiquer, pour inexistence des documents sollicités, et pour transmission des documents existants sollicités ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu :

- l'avis de la commission d'accès aux documents administratifs n°20202691 du

5 octobre 2020 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 ;

- l'ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- l'ordonnance n°2018-1074 du 26 novembre 2018 ;

- le décret n°2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Descombes ;

- les conclusions de M. Moulinier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Voisin pour la commune de Roscoff.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D ont sollicité, le 26 et 28 mai 2020, la communication des documents relatifs au marché de travaux public des courts de tennis effectués en 2019 et 2020 sur la commune de Roscoff. Par un courrier du 24 juillet 2020, le maire de la commune de Roscoff leur a transmis les factures et devis concernant la régénération des courts de tennis. Estimant qu'elle n'avait pas reçue l'ensemble des documents sollicités, Mme D a saisi la commission d'accès aux documents administratifs (CADA), pour avis, le 12 août 2020. La CADA a émis un avis favorable le 5 octobre 2020 pour l'ensemble des documents demandés. Par la présente requête, M. et Mme D demandent l'annulation de la décision par laquelle le maire de la commune de Roscoff a refusé de leur communiquer les documents en question.

Sur les conclusions à fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 300-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le droit de toute personne à l'information est précisé et garanti par les dispositions des titres Ier, III et IV du présent livre en ce qui concerne la liberté d'accès aux documents administratifs. ". Aux termes de l'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. ". Aux termes de l'article L.2121-23 du code général des collectivités territoriales : " Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication des délibérations et des procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune et des arrêtés municipaux. () / La communication des documents mentionnés au premier alinéa, qui peut être obtenue aussi bien du maire que des services déconcentrés de l'Etat, intervient dans les conditions prévues par l'article L. 311-9 du code des relations entre le public et l'administration. / Les dispositions du présent article s'appliquent aux établissements publics administratifs des communes. ".

3. Il résulte des dispositions précitées que les marchés publics et les documents qui s'y rapportent sont des documents administratifs au sens des dispositions de l'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration. Au regard des règles de la commande publique, doivent ainsi être regardés comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l'ensemble des pièces du marché. Dans cette mesure, si notamment l'acte d'engagement, le prix global de l'offre et les prestations proposées par l'entreprise attributaire sont en principe communicables, le bordereau unitaire de prix de l'entreprise attributaire, en ce qu'il reflète la stratégie commerciale de l'entreprise opérant dans un secteur d'activité et qu'il est susceptible, ainsi, de porter atteinte au secret commercial, n'est quant à lui, en principe, pas communicable.

4. En premier lieu, le droit de communication de documents administratifs ayant seulement pour but de permettre aux personnes intéressées de pouvoir en prendre connaissance, la circonstance alléguée par M. et Mme D que certains documents communiqués, tels que les factures de la société Polytan de 2019 et 2020 ainsi que le devis du 13 mars 2020, comporteraient des anomalies ne saurait entacher d'illégalité la décision qu'ils contestent.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les factures et les devis des travaux réalisés en 2019 et 2020 par la société Polytan ont été transmis par la commune de Rosccoff aux requérants dès la réception du courrier du 24 juillet 2020, les factures et devis de la société Green Paysage ont quant à eux été transmis dans le mémoire en défense du

3 mars 2023, tout comme l'approbation des budgets pour 2019 et 2020 et que la délibération du conseil municipal relatif au budget global pour la rénovation du terrain de tennis Lagadenou a été transmise dans le mémoire en défense du 15 juin 2023, avec la délibération du conseil municipal du 17 avril 2014 donnant délégation au maire de la commune de Roscoff, M. B A, pour, notamment, prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l'exécution et le règlement des marchés et des accords cadre. Dans ces conditions, la demande de M. et Mme D tendant à la communication des factures, devis et approbations du budget, est, en tout état de cause, devenue sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

6. En troisième lieu, si M. et Mme D soutiennent qu'ils n'ont pas reçus le bon de commande de la société Polytan pour les travaux réalisés en 2020, il ressort des pièces du dossier que ce document n'a pas été demandé par les requérants. Dans ces conditions, M. et Mme D ne sont pas fondés à en solliciter la communication.

7. En quatrième lieu, un marché public de travaux étant soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, la commune de Roscoff se doit donc de communiquer l'ensemble des pièces communicables, sous réserve de respecter le secret industriel et commercial. La commune de Roscoff soutient qu'elle a organisé une procédure de passation sans publicité ni mise en concurrence préalable, si bien que les documents sollicités, et notamment, les délibérations sur le fond et la forme ainsi que l'acte d'engagement, sont inexistants et ne peuvent donc pas être communiqués à la requérante. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ces documents existeraient et seraient en possession de la commune de Roscoff. Dans ces conditions, les documents demandés par M. et Mme D doivent être regardés comme inexistants. Par suite, M. et Mme D ne sont pas fondés à soutenir que la commune de Roscoff a méconnu ses obligations en matière de communication des documents administratifs.

8. Il résulte de tout ce qu'il précède que la requête de M. et Mme D doit être rejetée sans qu'il soit besoin de se statuer sur les fins de non-recevoir soulevées en défense.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent jugement, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Il s'ensuit que les conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais du litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Roscoff, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme de 2 000 euros que M. et Mme D demandent au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de

M. et Mme D une somme totale de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune Roscoff et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme D est rejetée.

Article 2 : M. et Mme D verseront à la commune de Roscoff une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme C D et à la commune de Roscoff.

Délibéré après l'audience du 28 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Descombes, président,

M. Le Roux premier conseiller,

Mme Tourre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé

G. Descombes L'assesseur le plus ancien,

Signé

P. Le Roux

Le greffier,

Signé

J-M. Riaud

La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.