TA de Strasbourg, 26/07/2010, n° 1003254


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2010, présentée pour le Laboratoire CEVIDRA, représenté par son président en exercice, et dont le siège social est 34 Traverse de la Paoute à XXX par Me Rosensthiel ; le laboratoire CEVIDRA demande que le tribunal :

— avant-dire droit, diligente toute mesure d’instruction relative à la procédure de passation du marché à procédure adaptée n° FC 2010/015 passé par les Hôpitaux civils de Colmar relatif à la fourniture de spécialités pharmaceutiques en ATU nominative pour les lots 3-1, 4-1, 5-1, 7-1, 9-1, 10-1, 11-1, 11-2, 12-1, 13-1, 14-1 et 14-2, et ordonne la suspension de l’exécution desdits marchés ;

— sur le fond, prononce la nullité des marchés précités et ordonne en conséquence leur résiliation, sous peine des sanctions financières qu’il jugera utile de prononcer ;

— mette à la charge des Hôpitaux civils de Colmar une somme de 3.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le requérant soutient :

— que conformément aux dispositions de l’article L. 551-17 du code de justice administrative, le juge peut suspendre l’exécution du contrat pendant la durée de l’instance ;

— que conformément aux dispositions des articles L. 551-18 et L. 551-19 du même code, il sanctionne l’absence totale de mesure de publicité, ou leur insuffisance, ou encore la violation des règles de mise en concurrence ; que tel est notamment le cas lorsque les manquements ont privé l’auteur du recours de la chance de pouvoir obtenir le marché ;

— que, le pouvoir adjudicateur a méconnu les règles de mise en concurrence applicables ; que les marchés relatifs aux spécialités pharmaceutiques en ATU ne font pas exception à l’application de ces règles ;

— qu’en l’espèce, le pouvoir adjudicateur a procédé à une analyse des offres reçues sans faire application des critères mentionnés dans le Règlement de consultation ; que la détermination de l’offre la mieux disante repose ainsi sur une procédure irrégulière ; que le principe de l’égal accès à la commande publique a été méconnu ;

— que le pouvoir adjudicateur, dans le choix de l’attributaire, n’a pas respecté le règlement de la consultation ; qu’il a l’obligation d’indiquer les critères d’attribution du marché et leurs conditions de mise en œuvre ; que l’article 5 dudit règlement précisait que les offres seraient appréciées à hauteur de 70% de la note finale en fonction de leur qualité, appréciée selon les critères de la valeur technique, affectée d’un coefficient de pondération de 4, du coût d’utilisation, affecté d’un coefficient de pondération de 3 et de la valorisation des prestations fournies, affectée d’un coefficient de pondération de 2, et de 30% en fonction de l’offre financière ; que l’utilisation de ces sous-critères ne ressort pas des éléments d’analyse des offres communiqués après notification de la décision d’attribution ;

— que les règles de publicité n’ont pas été respectées ; que le pouvoir adjudicateur n’a pas publié d’avis d’attribution ; que les éléments qu’il a transmis l’ont été le 30 avril et le 18 juin pour un marché devant débuter le 1er mai ; que le pouvoir adjudicateur n’a pas répondu aux demandes de précision qui lui ont été adressées dans un délai permettant l’exercice d’un référé pré-contractuel ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 15 juillet 2010, présenté pour le Laboratoire CEVIDRA, qui soutient en outre qu’il n’a été informé que le 30 avril 2010 du rejet de son offre et que l’information qui lui a été fournie sur le choix de l’attributaire l’a été par téléphone ; qu’il n’a reçu communication, suite à une demande en date du 6 mai 2010, d’un tableau de synthèse sommaire des offres reçues que le 18 juin 2010 ;

Vu le second mémoire complémentaire, enregistré le 16 juillet 2010, présenté pour le Laboratoire CEVIDRA, qui soutient en outre que la notification par fax le 30 avril 2010 du rejet de son offre l’a empêché d’exercer son droit de demander la communication des motifs détaillés de ce rejet et d’exercer un référé pré-contractuel ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 juillet 2010, présenté pour les Hôpitaux civils de Colmar, représentés par son directeur, qui concluent au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3.000 euros soit mise à la charge de la société CEVIDRA, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Les Hôpitaux civils de Colmar soutiennent :

— que les éléments qui ont été portés à la connaissance de la requérante résultent de l’application des dispositions de l’article 5 du Règlement de consultation ;

— que le seul critère de choix des offres est le rapport qualité-prix ;

— que la demande exprimée le 6 mai 2010 par la société Cervidia tendant à se faire préciser les motifs détaillés du rejet ne font pas référence aux sous-critères et qu’il n’était donc pas nécessaire de lui fournir une réponse à ce niveau de précision ;

— que la requérante n’a pas été privée d’une chance d’obtenir le marché ;

— qu’aucune règle particulière de publicité et de mise en concurrence n’imposait la communication à la requérante des éléments ayant permis d’apprécier le critère qualité des offres reçues ;

— que la signature du marché n’est intervenue que le 6 mai 2010 ;

— que la requérante, à qui il a été notifié le 30 avril le rejet de son offre, disposait ainsi d’un délai suffisant pour contester cette décision par le biais d’un référé pré-contractuel ;

— qu’aucun avis d’attribution ne devait être publié ;

— qu’un avis d’attribution a néanmoins fait l’objet d’une publication le 6 mai 2010 ;

— que l’annulation du marché litigieux aurait pour conséquence de les priver d’approvisionnement pour certaines molécules ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 21 juillet 2010, présenté pour le Laboratoire CEVIDRA, qui soutient en outre que les Hôpitaux civils de Colmar ne fournissent aucun élément en ce qui concerne les conditions de passation du marché litigieux ; que, même si aucun délai de suspension n’est obligatoire en matière de marché à procédure adaptée, tout candidat évincé a le droit de pouvoir effectivement exercer son droit de saisir une autorité de recours ; qu’aucun délai raisonnable n’existait en l’espèce permettant d’exercer ce droit ; que le document transmis suite à sa demande de connaître les motifs du rejet de sa candidature l’a été suite à un délai anormalement long ; que ce document fait référence à une « note économique » et à une « note qualité » qui ne correspondent pas aux critères de choix qui figurent au Règlement de consultation ; que le sous-critère de la valeur technique est dépourvu de toute portée dès lors qu’aucun des soumissionnaires n’est le fabricant des médicaments ; qu’il en va de même du sous-critère du coût d’utilisation ; que le coût d’approvisionnement et de stockage n’a de sens que par référence à une quantité minimale de livraison ; que le contenu du sous-critère de valorisation des prestations fournies n’a aucune consistance ; que la « note qualité » attribuée à l’offre finalement retenue est systématiquement la même alors que celle qui lui a été attribuée varie en fonction des lots ; que ces notes ne sont aucunement explicitées ; qu’aucune raison impérieuse d’intérêt général ne fait obstacle à ce que le marché litigieux soit sanctionné ;

Vu le mémoire complémentaire, présenté par les Hôpitaux civils de Colmar, enregistré le 21 juillet 2010, qui concluent aux mêmes fins que par leurs précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

Les Hôpitaux civils de Colmar soutiennent en outre qu’ils n’ont pas à produire le marché contesté ; que les éléments relatifs à la conclusion du marché contesté ont été communiqués au tribunal de céans le 19 juillet dernier ; qu’aucun délai de « standstill » n’est à respecter dans le cadre d’une procédure MAPA ; qu’un délai de 6 jours a toutefois été accordé aux candidats évincés afin de leur permettre le cas échéant de contester le marché ; qu’ils sont l’établissement de santé référent pour le secteur sanitaire n° 3 de la Région Alsace ; qu’aucune rupture prolongée ne peut être admise en ce qui concerne l’approvisionnement en médicaments ATU ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 juillet 2010, présentée pour les Hôpitaux civils de Colmar ;

Vu les pièces jointes à la requête ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique :

— le Laboratoire CEVIDRA ;

— les Hôpitaux civils de Colmar et la société Inresa Pharma ;

Vu l’audience publique du 21 juillet 2010 à 14h30 au cours de laquelle ont été entendus :

— le rapport de M. X, juge des référés ;

— Me. Rosensthiel, représentant le Laboratoire CEVIDRA ;

— M. X, représentant les Hôpitaux civils de Colmar ;

Considérant qu’aux termes du II de l’article 1 du code des marchés publics : « Les marchés publics et les accords-cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Ces obligations sont mise en œuvre conformément aux règles fixées par le présent code » ; qu’aux termes de l’article 28 du même code : « Lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils mentionnés au II de l’article 26, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d’y répondre ainsi que des circonstances de l’achat. (…) Pour la détermination de ces modalités, le pouvoir adjudicateur peut s’inspirer des procédures formalisées prévues par le présent code, sans pour autant que les marchés en cause ne soient alors soumis aux règles formelles applicables à ces procédures. En revanche, s’il se réfère expressément à l’une des procédures formalisées prévues par le présent code, le pouvoir adjudicateur est tenu d’appliquer les modalités prévues par le présent code. (…) » ; qu’aux termes du II de l’article 53 du même code : « Pour les marchés passés selon une procédure formalisée autre que le concours et lorsque plusieurs critères sont prévus, le pouvoir adjudicateur précise leur pondération (…) Les critères ainsi que leur pondération ou leur hiérarchisation sont indiqués dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de consultation » ; qu’aux termes de l’article 79 du même code : « Pour les marchés et accords-cadres passés selon une des procédures formalisées, le pouvoir adjudicateur établit un rapport de présentation de la procédure de passation comportant au moins : (…) 2° Le nom des candidats retenus et le motif de ce choix ; 3° Le nom des candidats exclus et les motifs du rejet de leur candidature (…) » ; qu’aux termes de l’article 80 du même code : « I.-1° Pour les marchés et accords-cadres passés selon une procédure formalisée autre que celle prévue au II de l’article 35, le pouvoir adjudicateur, dès qu’il a fait son choix pour une candidature ou une offre, notifie à tous les autres candidats le rejet de leur candidature ou de leur offre, en leur indiquant les motifs de ce rejet. Cette notification précise le nom de l’attributaire et les motifs qui ont conduit au choix de son offre aux candidats ayant soumis une offre et à ceux n’ayant pas encore eu communication du rejet de leur candidature. Un délai d’au moins seize jours est respecté entre la date d’envoi de la notification prévue aux alinéas précédents et la date de conclusion du marché. Ce délai est réduit à au moins onze jours en cas de transmission électronique de la notification à l’ensemble des candidats intéressés. La notification de l’attribution du marché ou de l’accord-cadre comporte l’indication de la durée du délai de suspension que le pouvoir adjudicateur s’impose, eu égard notamment au mode de transmission retenu. (…) » ;

Considérant que les Hôpitaux civils de Colmar ont fait paraître le 10 mars 2010 au Bulletin officiel des annonces de marchés publics un avis d’appel à la concurrence pour un marché à procédure adaptée comportant 14 lots relatifs à la fourniture de spécialités pharmaceutiques en ATU nominative ; que cet avis précisait que la date prévisionnelle de début d’exécution des prestations était fixée au 1er mai 2010 ; que le laboratoire CEVIDRA a déposé une offre portant sur 12 des lots le 25 mars 2010 ; que le soumissionnaire a été averti le 30 avril par une télécopie envoyée à 16 heures 52 par le pouvoir adjudicateur de ce que sa proposition n’était pas retenue ; que ce document se borne à informer le soumissionnaire que son offre n’a pas été classée au premier rang et qu’il dispose de la possibilité d’exercer un recours contentieux devant le tribunal administratif dans un délai de deux mois à compter de sa réception ; que le Laboratoire CEVIDRA a alors demandé aux Hôpitaux civils de Colmar, par un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 6 mai 2010, réceptionné le 10 mai, à connaître les motifs détaillés du rejet de son offre ; qu’il a reçu par télécopie le 18 juin un tableau de synthèse faisant apparaître, pour chacun des lots du marché pour lesquels il avait soumissionné, le prix unitaire des médicaments proposé par l’attributaire du marché et celui qu’il proposait, ainsi que la note économique et la note qualité attribuées à chacun des deux soumissionnaires, accompagnées de l’indication sommaire du motif de choix ;

Sur la recevabilité du recours :

Considérant qu’aux termes de l’article R 511-7 du code de justice administrative : « La juridiction peut être saisie au plus tard le trente et unième jour suivant la publication d’un avis d’attribution du contrat ou pour les marchés fondés sur un accord-cadre ou un système d’acquisition dynamique, suivant la notification de la conclusion du contrat. En l’absence de la publication d’avis ou de la notification mentionnée à l’alinéa qui précède, la juridiction peut être saisie jusqu’à l’expiration d’un délai de six mois à compter du lendemain du jour de la conclusion du contrat » ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que ce n’est que le 21 juillet 2010, à la réception du premier mémoire en défense présenté par les Hôpitaux civils de Colmar qu’il est apparu que ceux-ci avaient fait paraître, le 27 mai précédent, un avis d’attribution de marché ; que le Laboratoire CEVIDRA devait, ainsi, être regardé comme ignorant l’existence de cette publication ; que les Hôpitaux civils de Colmar ne contestent pas, au surplus, la recevabilité de la présente procédure ; qu’il y a lieu, dès lors, de l’accueillir ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation du marché :

Considérant d’une part que si le marché dont il s’agit a bien été passé en application de l’article 28 du code des marchés publics, et que les Hôpitaux civils de Colmar n’avaient pas à faire application des dispositions des articles 80 et 83 du même code, il leur appartenait, dès lors qu’il ressort des pièces du dossier qu’ils ont fait le choix, une fois le lauréat du marché désigné, d’ouvrir un délai destiné à ouvrir la possibilité aux candidats évincés de former un référé pré-contractuel, de respecter un délai raisonnable entre le moment où l’information du rejet de leur offre a été donnée aux candidats, soit, en ce qui concerne le requérant, le 30 avril 2010, et la date de signature du marché, soit le 6 mai ; qu’il n’est toutefois pas contesté que l’existence de ce délai n’a pas été portée à la connaissance des soumissionnaires, qui n’en ont donc pas eu connaissance ; qu’un tel délai de cinq jours, incluant un week-end comportant un jour férié, ne peut être regardé comme ayant constitué un délai raisonnable ; que les Hôpitaux civils de Colmar n’ont ainsi pas laissé au Laboratoire CEVIDRA un délai raisonnable pour introduire une procédure de référé pré-contractuel ; que la société requérante ayant ainsi été privée de la possibilité d’engager utilement une telle procédure, elle est recevable à saisir le juge du référé contractuel en vue d’obtenir l’annulation du marché susmentionné ;

Considérant, d’autre part , qu’aux termes de l’article L. 551-13 du code de justice administratif : « Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi, une fois conclu l’un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d’un recours régi par la présente section » ; qu’aux termes de l’article L. 551-14 du même code : « Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sont soumis ces contrats, ainsi que le représentant de l’Etat dans le cas des contrats passés par une collectivité territoriale ou un établissement public local (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 551-18 du même code : « Le juge prononce la nullité du contrat lorsqu’aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n’a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l’Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite. (…) Le juge prononce également la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l’expiration du délai exigé après l’envoi de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l’article L. 551-4 ou à l’article L. 551-9 si, en outre, deux conditions sont remplies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d’exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 et L. 551-5, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d’une manière affectant les chances de l’auteur du recours d’obtenir le contrat » ; qu’aux termes de l’article L.551-19 du même code : « Toutefois, dans les cas prévus à l’article L. 551-18, le juge peut sanctionner le manquement soit par la résiliation du contrat, soit par la réduction de sa durée, soit par une pénalité financière imposée au pouvoir adjudicateur ou à l’entité adjudicatrice, si le prononcé

de la nullité du contrat se heurte à une raison impérieuse d’intérêt général. (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 551-20 du code : « Dans le cas où le contrat a été signé avant l’expiration du délai exigé après l’envoi de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l’article L. 551-4 ou à l’article L. 551-9, le juge peut prononcer la nullité du contrat, le résilier, en réduire la durée ou imposer une pénalité financière. » ; qu’en application de ces dispositions, il appartient au juge du référé contractuel, saisi par une société qui, comme en l’espèce, a été privée de la faculté de former utilement un référé pré-contractuel du fait du pouvoir adjudicateur de se prononcer sur les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence invoqués par l’auteur du recours pour apprécier si les conditions dans lesquelles ces manquements se sont produits ont affecté les chances de celui-ci d’obtenir le contrat ;

Considérant qu’il ressort de l’avis d’appel public à la concurrence, comme du règlement de consultation, que les critères de jugement des offres portaient, d’une part, sur la qualité de l’offre, appréciée au regard de sa valeur technique, assortie d’un coefficient 4, du coût d’utilisation du produit, assortie d’un coefficient 3, et de la valorisation des prestations, assortie d’un coefficient 2f, et pondérée à 70 %, d’autre part, du prix, pondéré à 30 % ; que toutefois les Hôpitaux civils de Colmar, invités à produire le rapport d’analyse des offres prévu par l’article 79 du code des marchés publics, sont seulement en mesure de présenter un rapport de consultation, établi à partir d’un logiciel spécialisé, où les notes techniques attribuées aux différents soumissionnaires ont été reportées à la main, sans aucune présentation des calculs permettant de s’assurer de l’application des sous-critères à hauteur des coefficients prévus ; que ce rapport de consultation attribue également aux différentes propositions une note finale sans davantage démontrer l’application des différents critères de pondération ; que le tableau de synthèse fourni à partir du rapport de consultation au Laboratoire CEVIDRA se borne à en reprendre les chiffres, sans démontrer de façon probante qu’il a bien été fait application des sous-critères de qualité, et sans faire apparaître le rapport qualité-prix, issu de la pondération des critères, constituant leur élément de choix ; que l’attribution de plusieurs lots à la société Inresa Pharma ne peut ainsi être regardée comme intervenue au terme d’une procédure offrant toute garantie de transparence quant au respect des critères d’attribution du marché telles que posées par l’article 5 du règlement de consultation ; que le marché passé l’a été, dès lors, selon une procédure irrégulière ;

Considérant que le marché conclu par les Hôpitaux civils de Colmar concerne des spécialités pharmaceutiques en ATU, dont la délivrance répond à une procédure spécifique, eu égard à la nature particulière de ces médicaments ; que ceux-ci sont destinés au traitement de maladies chroniques, touchant pour le plus grand nombre des patients hospitalisés en ambulatoire ; que la rupture des traitements actuellement en cours est susceptible de se traduire par de réelles difficultés d’approvisionnement ; qu’il y a lieu, dès lors, le prononcé de la nullité du contrat se heurtant à une raison impérieuse d’intérêt général, de faire usage des dispositions de l’article L. 511-19 du code de justice administrative et de sanctionner le marché litigieux en ramenant la durée de celui-ci de 32 à 5 mois, de façon à ce qu’il se termine le 6 octobre 2010 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut, même d’office, ou pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge des Hôpitaux civils de Colmar une somme de 1.000 euros en application desdites dispositions ;

ORDONNE

Article 1er : La durée de validité du marché de fourniture de spécialités pharmaceutiques en ATU nominative passé entre les Hôpitaux civils de Colmar et la société Inresa Pharma est ramenée à cinq mois à compter du 6 mai 2010.

Article 2 : Les Hôpitaux civils de Colmar verseront au Laboratoire CEVIDRA une somme de 1.000 euros (mille euros) en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au Laboratoire CEVIDRA, aux Hôpitaux civils de Colmar et à la société Inresa Pharma.

Fait à Strasbourg, le 26 juillet 2010

Le juge des référés, Le greffier,

A. X E. DA SILA PINTO

La République mande et ordonne au Préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.

Pour copie conforme,

Le greffier,

E. DA SILVA PINTO

TA Strasbourg, 26 juill. 2010, n° 1003254. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/TA/Strasbourg/2010/A8B0592708744533A53AE