TA Grenoble, 04/06/2024, n°2102080


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 mars 2021, 8, 9 et 12 septembre 2022, la société Moreau Kusunoki Architectes, représentée par Me Salles, demande au tribunal :

1°) d'établir le décompte général et définitif du marché de maîtrise d'œuvre que le groupement a conclu avec l'Université Savoie Mont-Blanc pour au montant de 845 741,62 euros HT, soit 1 013 513,09 euros TTC et plus précisément le décompte général et définitif de Moreau Kusunoki Architectes au montant de 459 658,11 euros HT, soit 550 730,89 euros TTC, décomposé comme suit :

- Prestations contractuelles : 442 803,89 euros HT, soit 531 364,67 euros TTC

- Travaux supplémentaires : 12 560 euros HT, soit 15 072 euros TTC

- Intérêts moratoires : 4 294,22 euros ;

2°) de condamner l'Université Savoie Mont-Blanc à lui verser la somme de 21 495,59 euros HT, soit 24 932,87 euros TTC, en règlement du solde du marché, cette somme étant assortie des intérêts légaux capitalisés à compter du 1er décembre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'université Savoie Mont Blanc une somme de 5 000 euros à verser à chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La requérante soutient que :

- sa requête est recevable ;

- des prestations non contestées doivent être réglées par l'université à hauteur de 21 247,09 euros HT ;

- c'est à tort que l'université n'a pas inclus la pénalité pour non-respect du programme dans le calcul du plafond des pénalités prévu par l'article 7.6 du CCP ;

- la pénalité pour non-respect du programme n'est pas justifiée et à titre subsidiaire, elle ne saurait en tout état de cause être réclamée qu'à la société BETOM ;

- la pénalité pour retard dans la transmission des documents n'est pas justifiée ;

- des travaux supplémentaires ont été réalisés et doivent être payés à hauteur de 12 560 euros ;

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 juin et 8 septembre 2022, l'Université Savoie Mont Blanc, représentée par Me Guimet conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la requête, à titre subsidiaire à son rejet au fond, en toute hypothèse à ce qu'il soit dit que les conséquences de la non-conformité du bâtiment à la réglementation incendie ne relèvent pas de l'objet du présent litige et réserver les droits de l'université à l'égard de la requérante à ce titre et à ce que soit mis à la charge de la requérante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'université soutient que la requête est tardive et à titre subsidiaire conteste les moyens invoqués.

Par lettre du 19 août 2022, les parties ont été informées qu'en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative l'instruction est susceptible d'être close le 9 septembre 2022, par l'émission d'une ordonnance de clôture ou d'un avis d'audience, sans information préalable.

La clôture immédiate de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 13 mars 2024.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions en déclaration de droit présentées par l'Université et tendant à " ce qu'il soit dit que les conséquences de la non-conformité du bâtiment à la réglementation incendie ne relèvent pas de l'objet du présent litige et réserver les droits de l'université à l'égard de la requérante à ce titre " sont irrecevables. En effet, il n'appartient pas à la juridiction administrative d'accueillir des conclusions tendant à d'autres fins que l'annulation d'une décision administrative en raison de son illégalité ou la condamnation d'une personne publique à verser une somme d'argent. Ainsi, le juge administratif ne peut se prononcer sur des conclusions en déclaration de droit.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fourcade,

- les conclusions de M. Argentin, rapporteur public,

- et les observations de Me Salles, représentant la société Moreau Kusunoki Architectes, et de Me Guimet, représentant l'Université Savoie Mont Blanc.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'un projet de construction d'un nouveau bâtiment pour Polytech Annecy-Chambéry, l'Université Savoie Mont-Blanc a attribué le 11 février 2014 un marché de maîtrise d'œuvre à un groupement conjoint composé des sociétés Moreau Kusunoki Architectes, mandataire, Betom Ingénierie et Peutz et associés. Par la présente requête, la société Moreau Kusunoki Architectes conteste le décompte général établi par le maître d'ouvrage.

Sur les conclusions de la société Moreau Kusunoki Architectes :

2. Aux termes de l'article 4.4.3 du cahier des clauses particulières : " Le maître d'ouvrage notifie au maître d'œuvre le décompte général et l'état du solde. Le décompte général devient définitif par la signature du maître d'œuvre ou sans réponse de sa part dans un délai de 30 jours calendaires suivant cette notification par dérogation à l'art 11.8 du CCAG-PI ".

3. L'université Savoie Mont-Blanc a adressé à la requérante le décompte général du marché par un courrier du 24 juillet notifié le 30 juillet 2020.

4. Lorsque le destinataire d'une décision administrative soutient que l'avis de réception d'un pli recommandé portant notification de cette décision à l'adresse qu'il avait lui-même indiquée à l'administration n'a pas été signé par lui, il lui appartient d'établir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli en cause.

5. Il résulte de l'instruction que la signature figurant sur l'accusé de réception est celle de M. A B, architecte freelance. Si M. B n'était pas salarié de la société Moreau Kusunoki Architectes, il avait conclu avec celle-ci une convention de prestation de services aux termes de laquelle, il était chargé, dans le cadre d'un projet confié à la requérante (la mission du Powerhouse à Parramatta), et sous sa responsabilité, de l'aménagement intérieur et de visualisations architecturales. Pour ce faire M. B travaillait dans les locaux de la requérante et le temps consacré à sa mission était estimé à 5 jours par semaine, soit un temps plein. Dans ces circonstances, le signataire de l'accusé de réception avait avec le cabinet d'architecte destinataire du pli, un lien suffisant, permettant de considérer qu'il avait qualité pour recevoir ce pli. Ainsi, le décompte général est devenu définitif le 31 août 2020 et le mémoire en réclamation adressé 30 novembre 2020 est tardif. Par suite, il y a lieu d'accueillir la fin de non-recevoir opposée en défense et tirée de la tardiveté de la requête.

Sur les conclusions de l'Université Savoie Mont-Blanc tendant à ce qu'il soit dit que les conséquences de la non-conformité du bâtiment à la réglementation incendie ne relèvent pas de l'objet du litige :

6. En dehors des cas expressément prévus par des dispositions législatives particulières, inapplicables en l'espèce, il n'appartient pas à la juridiction administrative d'accueillir des conclusions tendant à d'autres fins que l'annulation d'une décision administrative en raison de son illégalité ou la condamnation d'une personne publique à verser une somme d'argent. Ainsi, le juge administratif ne peut se prononcer sur des conclusions en déclaration de droit. Par suite, les conclusions de l'Université tendant à ce qu'il soit dit que les conséquences de la non-conformité du bâtiment à la réglementation incendie ne relèvent pas de l'objet du présent litige et que ses droits soient réservés à ce titre, sont irrecevables.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Moreau Kusunoki Architectes est rejetée.

Article 2 : Les conclusions en déclaration de droit présentées par l'Université Savoie Mont-Blanc sont rejetées comme irrecevables.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'Université Savoie Mont-Blanc au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société Moreau Kusunoki Architectes et à l'Université Savoie Mont Blanc.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Vial-Pailler, président,

Mme Fourcade, première conseillère,

Mme Pollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.

La rapporteure,

F. FOURCADE

Le président,

C. VIAL-PAILLERLe greffier,

G. MORAND

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.