TA Guadeloupe, 06 octobre 2023, n° 2301135

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 18 septembre 2023, la société IDEX Energie Antilles Guyane, représentée par Me Cordier, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'annuler les décisions de la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe (SEMAG) du 11 septembre 2023 rejetant ses offres pour l'attribution des lots n°1 et n° 2 du marché public ayant respectivement pour objet la maintenance multi-technique du bâtiment de la DEAL St-Phy à Saint-Claude et du siège de la SEMAG ;

2°) d'enjoindre à la SEMAG de reprendre la procédure d'attribution des lots n° 1 et n° 2 conformément au règlement de la consultation ;

3°) de mettre à la charge de la SEMAG la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en attribuant les deux lots du marché en litige à la même société en méconnaissance de l'article 1.4 du règlement de la consultation, la SEMAG a commis un manquement aux obligations de publicité et mise en concurrence qui s'imposaient à elle ;

- elle est susceptible d'avoir été lésée par le manquement qu'elle invoque.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2023, la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe (SEMAG), représentée par Me Fernandez-Begault, conclut au rejet de la requête en tant que celle-ci a été formée devant une juridiction incompétente et à ce qu'il soit mis à la charge de la société IDEX la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la juridiction administrative est manifestement incompétente pour connaître du recours formé par la société requérante, dès lors que la SEMAG, société anonyme de droit privé, a lancé la procédure de passation en litige pour satisfaire ses besoins propres, dont la contestation relève du tribunal judiciaire de Fort-de-France.

Par un second mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, la SEMAG, représentée par Me Fernandez-Begault, conclut, à titre principal, au rejet pour incompétence de la requête et, à titre subsidiaire, au non-lieu à statuer. Elle demande, en outre, que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société requérante, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle indique que la procédure litigieuse a fait l'objet d'une déclaration sans suite pour chacun des deux lots.

La requête a été communiquée à la société Tunzini, attributaire des deux lots contestés, qui n'a pas produit d'observations dans la présente instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de procédure civile ;

- l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. A en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique tenue en présence de Mme Lubino, greffière d'audience et M. A a lu son rapport, les parties n'étant ni présentes, ni représentées.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique () ".

2. La passation et l'attribution des contrats passés en application du code de la commande publique sont susceptibles de donner lieu à une procédure de référé précontractuel qui, selon que le contrat revêtira un caractère administratif ou privé, doit être intentée devant le juge administratif ou devant le juge judiciaire. Il appartient au juge du référé précontractuel saisi de déterminer si, eu égard à la nature du contrat en cause, il l'a été à bon droit.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 6 du code de la commande publique : " S'ils sont conclus par des personnes morales de droit public, les contrats relevant du présent code sont des contrats administratifs () ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique : " En cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des pouvoirs adjudicateurs des contrats de droit privé ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l'un de ces contrats et susceptibles d'être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge avant la conclusion du contrat. La demande est portée devant la juridiction judiciaire ".

5. La société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe (SEMAG) a engagé une procédure de passation en vue de la conclusion d'un marché de service ayant pour objet la réalisation des travaux de maintenance multi-technique sur deux bâtiments lui appartenant, chacun de ces bâtiments correspondant à un lot géographique du marché en cause, le bâtiment de la " DEAL St-Phy " (lot n°1) et le siège de la SEMAG (lot n°2). Contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas de l'instruction que ce marché, dont la procédure d'appel d'offres a été lancée par une société de droit privé, serait passé au nom et pour le compte d'une personne publique. Conclu entre deux personnes privées, il revêt ainsi le caractère d'un contrat de droit privé et n'entre pas dans le champ d'application matériel de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. En application des dispositions, mentionnées au point 4, de l'article 2 de l'ordonnance du 7 mai 2009, le contentieux de la passation de ces contrats en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ne relève pas de la compétence du juge administratif, mais de celle du juge judiciaire, devant qui est instituée une procédure, en application des dispositions des articles 1441-1 et suivants du code de procédure civile, équivalente à celle prévue par les articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, la demande présentée par la société IDEX Energie Antilles Guyane, sur ce fondement, ne peut qu'être rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SEMAG, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante la somme que réclame la SEMAG sur le fondement des mêmes dispositions.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société IDEX Energie Antilles Guyane est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 2 : Les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative formées par la SEMAG sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société IDEX Energie Antilles Guyane et à la SEMAG et à la société Tunzini.

Fai à Basse-Terre, le 6 octobre 2023.

Le juge des référés,

Signé :

A. A

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme

L'adjointe à la greffière en chef

Signé

A. Cétol