TA La Réunion, 06/03/2024, n°2400167


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 9 et 28 février 2024, la société Stor Systèmes, représentée par Me Sandberg, avocate, demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'annuler la décision, intervenue dans le cadre de la procédure de passation du marché de " renouvellement de l'infrastructure technique du système d'information du CHU ", par laquelle le centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion a rejeté son offre pour irrégularité ;

2°) d'enjoindre au CHU de lui permettre de régulariser son offre ;

2°) de mettre à la charge du CHU une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Stor Systèmes soutient que :

- les trois motifs d'irrégularité opposés à son offre sont injustifiés ;

- elle aurait dû être invitée à régulariser son offre.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 février 2024, le CHU représentée par Me Rayssac, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Stor Systèmes une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le CHU soutient que :

- l'offre a été à juste titre écartée en considération de son irrégularité ;

- eu égard à leur importance, les irrégularités constatées ne pouvaient être régularisées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu la décision du président du tribunal désignant M. Aebischer, vice-président, en qualité de juge des référés.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 28 février 2024 à 10 heures :

- le rapport de M. Aebischer, juge des référés ;

- les observations de Me Sandberg et de MM. Gavila et Benard, pour la société requérante, qui persistent dans les conclusions et moyens du référé précontractuel ;

- les observations de Me Didier substituant Me Rayssac, avocat du CHU, qui confirme les écritures en défense.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes de l'article L. 551-2 : " I - Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat (). Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat () ". Aux termes de l'article L. 551-10 : " Les personnes habilitées à engager les recours () sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué () ".

2. Le groupement Stor Systèmes - Athos Ingénierie, candidate au marché de " renouvellement de l'infrastructure technique du système d'information du CHU ", a été évincée après examen de son offre. Selon la lettre de rejet d'offre du 2 février 2024, l'offre a été jugée irrégulière sur trois points. La société Stor Systèmes, mandataire du groupement, conteste devant le juge des référés précontractuels la triple irrégularité imputée à l'offre du groupement.

3. L'une des irrégularités décelée par le pouvoir adjudicateur concerne le prix mentionné par le candidat pour les licences VNWARE au titre de l'offre de base et la variante. Elle est exposée dans les termes suivants, à travers la lettre de rejet d'offre : " () dans le BPU vous indiquez des prix unitaires en mode perpétuel valables jusqu'au 31 décembre 2023 et donc incompatibles avec la durée de validité de votre offre financière de 365 jours ; / de plus, même si vous indiquez au BPU le coût unitaire des licences en mode bunddle récurrent, dans le DQE vous ne proposez pas de stratégie de licencing dans le contexte du CHU adapté aux deux offres proposées ". Il résulte de l'instruction que, pour respecter les exigences du cahier des clauses techniques les candidats devaient proposer dans le cadre du BPU, au-delà de l'année 2024 lors de laquelle l'établissement disposait de ses propres licences, une solution individualisée en association avec la licence VMWARE, ce qui impliquait non seulement une information précise sur le coût des licences à acquérir, mais encore des propositions non équivoques quant au mode de souscription, le choix se situant entre les " licences perpétuelles " et les " licences en mode bunddle récurrent " ou " licences en mode souscription ". Or les offres litigieuses étaient tout à fait incomplètes au regard de cette exigence dès lors que ni le BPU ni le DQE ne comportaient explicitement les éléments chiffrés permettant, en fonction de la solution proposée et des quantités nécessaires, de valoriser utilement les différents types de licence utilisés par le candidat. Contrairement à ce que soutient la société Stor Systèmes, la carence relevée sur ce point ne présentait pas un caractère minime et ne permettait pas, eu égard au souci de neutralité incombant au pouvoir adjudicateur, d'envisager une démarche de régularisation qui aurait été engagée par le CHU auprès de ce candidat négligent. Ainsi, c'est à bon droit que le CHU a imputé à l'offre du groupement une grave irrégularité sur la question des licences VNWARE, laquelle suffisait à justifier un rejet de l'offre, quel que soit par ailleurs le bien-fondé des deux autres irrégularités relevées.

4. Il résulte de ce qui précède que la société Stor Systèmes, en l'absence de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision d'éviction dont elle a fait l'objet. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées, de même que ses conclusions relatives aux frais exposés.

5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application au profit du CHU des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société Stor Systèmes est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le CHU de La Réunion sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Stor Systèmes et au CHU de La Réunion.

Fait à Saint-Denis le 6 mars 2024.

Le juge des référés,

M.-A. AEBISCHER

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.