Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 octobre 2021 et 29 novembre 2023, l'office public de l'habitat de la métropole de Lyon (Lyon métropole habitat), représenté par Me Chouvellon, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :
1°) de condamner in solidum, sur le fondement de la garantie décennale, les sociétés L'Auxiliaire, Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est, Socotec construction, Rubin et Varreon et Soho Atlas In Fine à lui verser une somme de 141 024,09 euros ou de 99 553,11 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, les sociétés Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est, Socotec construction, Rubin et Varreon et Soho Atlas In Fine à lui verser une somme de 141 024,09 euros ou de somme de 99 553,11 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices consécutifs au désordre affectant les chaudières de la résidence Saint-Vincent à Givors ;
2°) de mettre in solidum à la charge des sociétés L'Auxiliaire, Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est, Socotec construction, Rubin et Varreon et Soho Atlas In Fine ou de qui d'entre elles mieux le devra la somme de 11 660,40 euros au titre des frais d'expertise ;
3°) de mettre in solidum à la charge des mêmes la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est fondée à rechercher la responsabilité décennale de la société Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est, de la société Socotec construction, de la société Rubin et Varreon et de la société de Soho Atlas In Fine, ainsi que la responsabilité de son assureur ;
- à titre subsidiaire, elle est fondée à rechercher la responsabilité des maîtres d'œuvre et locateurs d'ouvrage sur le fondement de la théorie des dommages intermédiaires et de la responsabilité contractuelle pour manquement au devoir de conseil et aux obligations contractuelles ;
- elle est fondée à demander les sommes de 110 327,09 euros TTC au titre du remplacement des chaudières, de 8 162 euros TTC au titre du coût de la maîtrise d'œuvre pour ces travaux, de 1 400 euros au titre du coût de l'assurance dommage ouvrage ainsi que les sommes de 18 879 euros TTC au titre des travaux réalisés en urgence pour le remplacement du corps de chauffe de la chaudière existante lors des opérations d'expertise judiciaire, de 1 200 euros au titre de la mission d'analyse technique de la production de la chaleur réalisée par la société Tellitech et de 1 056 euros TTC au titre des travaux de découpe du corps de chauffe.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2023, la société L'Auxiliaire, représentée par la SELARL Piras et associés, conclut au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à la condamnation in solidum des sociétés Rubin et Varreon, Socotec construction, Hervé Thermique et Axima Concept, Soho Atlas In Fine et Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, à tout le moins dans les proportions de responsabilité retenues par l'expert judiciaire, et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Lyon métropole habitat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le désordre n'a pas une nature décennale, en l'absence d'impropriété de l'ouvrage ;
- le montant des préjudices sollicité par Lyon métropole habitat excède les préconisations expertales et n'est pas justifié ;
- Lyon métropole habitat ne rapporte pas la preuve qu'il n'est pas assujetti à la TVA ;
- elle est fondée à demander à être relevée et garantie par les sociétés Rubin et Varreon , Socotec construction, Hervé Thermique, Axima concept, Soho Atlas In Fine et Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est .
Par des mémoires enregistrés les 13 avril et 24 novembre 2023, la société Eiffage énergie systèmes-Clevia Centre Est, représentée par Me Ducrot, conclut au rejet des conclusions de Lyon métropole habitat formées à son encontre ou, à titre subsidiaire, à ce que l'indemnisation de Lyon métropole habitat soit limitée à la somme de 90 331,92 euros HT et à la condamnation in solidum des sociétés Rubin et Varreon, Holding Socotec, Socotec construction, Soho Atlas In Fine, Hervé thermique et Axima concept à la relever et garantir intégralement de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre et, en tout état cause, à ce soit mise à la charge de Lyon métropole habitat les dépens ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la garantie de bon fonctionnement est expirée ;
- la garantie décennale ne peut être mise en œuvre, l'ouvrage n'étant pas impropre à sa destination ;
- Lyon métropole habitat ne rapporte pas la preuve qu'il n'est pas assujetti à la TVA ;
- il n'établit pas que le remplacement des deux chaudières seraient nécessaires ;
- les montants des préjudices doivent être fixés à de plus justes proportions qui ne sauraient excéder les montants déterminés par l'expert ;
- sa responsabilité ne saurait excéder 20 % ;
- elle est fondée à appeler en garantie les constructeurs et les sociétés qui ont assuré la maintenance et l'entretien de l'installation de chauffage.
Par des mémoires enregistrés les 18 octobre et 8 novembre 2023, la société Socotec construction seule d'une part et la même avec la société Holding Socotec d'autre part, représentées par Me Menguy, concluent à la mise hors de cause de la société Holding Socotec, au rejet des conclusions de Lyon métropole habitat et de tout appel en garantie dirigés contre la société Socotec construction ou, à titre subsidiaire, à la condamnation in solidum de Lyon métropole habitat et des sociétés Axima concept, Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est et Rubin et Varreon à relever et garantir la société Socotec construction de toute condamnation qui serait prononcée contre elle et, en tout état de cause, au rejet des conclusions indemnitaires de Lyon métropole habitat et à ce que la somme de 7 000 euros à verser à la société Socotec construction soit mise à la charge de Lyon métropole habitat ou de toute partie succombante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Elles font valoir que :
- la société Holding Socotec, qui n'a pas de lien avec le présent litige, sera mise hors de cause ;
- Lyon métropole habitat n'est pas fondé à demander à être indemnisé sur le fondement de la garantie décennale en l'absence d'atteinte à la solidité de l'ouvrage ou d'impropriété à sa destination ;
- il n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la société Socotec construction, dès lors que le manque de débit d'eau dans les chaudières n'est pas imputable à l'une des missions de contrôle technique ;
- il ne peut demander la condamnation in solidum des parties défenderesses alors qu'il ne démontre pas qu'elles auraient concouru, indissociablement, à la réalisation de l'ensemble du dommage ;
- les sommes qu'il demande en réparation de ses préjudices, qui ne correspondent pas aux montants retenus par l'expert judiciaire, ne sont pas justifiées ;
- la société Socotec construction ne doit pas être condamnée au paiement des frais d'expertise, qui relèvent des dépens ;
- la demande tendant au versement des intérêts et de la capitalisation des intérêts n'est pas justifiée ;
- la société Socotec construction est fondée à demander à être relevée et garantie par Lyon métropole habitat et les sociétés Axima concept, Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est et Rubin et Varreon.
Par des mémoires enregistrés les 5 septembre 2022 et 29 novembre 2023, la société Soho Atlas In Fine et la société Martin, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Rubin et Varreon, représentées par Me Prudon, concluent au rejet des conclusions de Lyon métropole habitat dirigées contre la société Atlas In Fine, à ce que la part de responsabilité de la société Rubin et Varreon soit limitée à 10 %, au rejet des condamnations dirigées contre elle ou à tout le moins à ce que le montant des travaux de reprise soit limité à la somme de 83 689,19 euros HT et au rejet du surplus des conclusions de Lyon métropole habitat, à la condamnation des sociétés Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est, Socotec construction, Hervé thermique et Axima concept à les relever et garantir des condamnations prononcées à l'encontre des sociétés Soho Atlas In Fine et Rubin et Varreon et ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Lyon métropole habitat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- la maîtrise d'œuvre des travaux de chauffage ayant été assurée par la société Rubin et Varreon, la société Soho Atlas In Fine sera mise hors de cause ;
- la société Rubin et Varreon étant en liquidation judiciaire, aucune condamnation ne peut être prononcée à son encontre en l'absence de déclaration de créances au passif ;
- le besoin de maintenir une circulation d'eau ne relevait pas du BET fluides, lequel n'a pas choisi un modèle de chaudière inadapté aux prescriptions du cahier des clauses techniques particulières ;
- les sociétés en charge de la maintenance sont responsables des désordres sur les corps de chauffe ;
- le montant des préjudices s'élève à seulement 83 689,19 euros HT correspondant au montant des travaux chiffrés par l'expert judiciaire ;
- elles sont fondées à demander à être relevées et garanties par les sociétés Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est, Socotec construction, Hervé thermique et Axima concept.
Par un mémoire enregistré le 19 octobre 2023, la société Hervé thermique, représentée par Me Berthiaud, conclut au rejet des conclusions dirigées contre elle ou, à titre subsidiaire, à ce que sa condamnation à réparer les préjudices et au titre des frais d'expertise soit limitée respectivement à 3 432,24 euros HT et 369,25 euros et, en tout état de cause, à ce que soit mise in solidum à la charge des sociétés Soho Atlas In Fine, Rubin et Varreon et Eiffage énergies systèmes Clevia - Centre Est ou de tout succombant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la juridiction administrative est incompétente pour connaître des conclusions dirigées contre elle ;
- il n'est pas démontré qu'elle aurait commis une faute dans le cadre de l'exécution de son contrat de maintenance en lien avec le désordre invoqué ;
- si sa responsabilité devait être retenue, elle serait limitée à 10 % du coût de remplacement des corps de chauffe et sa participation au règlement des frais d'expertise ne pourrait excéder 3,8 %.
Par des mémoires enregistrés les 28 décembre 2022, 11 mai 2023 et 6 novembre 2023, la société Axima concept, représentée par Me Debuchy, conclut au rejet des conclusions dirigées contre elle ou, à titre subsidiaire, à ce que sa condamnation soit limitée à 3 432,54 euros HT et, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge des sociétés Soho Atlas In Fine, Rubin et Varreon, Eiffage énergies systèmes - Clevia Centre Est, L'Auxiliaire ou de tout succombant la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative est incompétente pour connaître des conclusions dirigées contre elle ;
- il n'est pas démontré qu'elle aurait commis une faute dans le cadre de l'exécution de son contrat de maintenance en lien avec le désordre invoqué ;
- si sa responsabilité devait être retenue, elle serait limitée à 10 % du coût de remplacement des corps de chauffe et sa participation au règlement des frais d'expertise ne pourrait excéder 3,8 %.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des assurances ;
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Reniez,
- les conclusions de M. Reymond-Kellal, rapporteur public,
- et les observations de Me Eznack, représentant Lyon métropole habitat, de Me Kamkar, représentant la société Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est, de Me Debuchy, représentant la société Axima concept, et de Me Laybax, représentant la société Hervé thermique.
Considérant ce qui suit :
1. L'office public d'aménagement et de construction (OPAC) du Rhône a fait construire à Givors un immeuble à usage d'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes dénommé résidence Saint-Vincent. Il a confié la maîtrise d'œuvre des travaux à un groupement composé notamment de la société In Fine, architecte, qui en était le mandataire, et de la société Rubin et Varreon, bureau d'études techniques des fluides. La société Forclim Rhône-Alpes a été chargée de la réalisation du lot n° 15 " chauffage ventilation climatisation -solaire - plomberie sanitaire ". La mission de contrôle technique a été attribuée à la société Socotec France. La réception des travaux du lot n° 15 est intervenue le 3 avril 2012. La maintenance de l'installation de chauffage a été confiée à la société Hervé thermique jusqu'en décembre 2015 puis à la société Axima concept de janvier 2016 à décembre 2018. Des dysfonctionnements sur l'une des deux chaudières de la résidence sont apparus à l'été 2019. Lyon métropole habitat, venu aux droits de l'OPAC du Rhône, a déclaré le sinistre auprès de son assureur dommage ouvrage, la société L'auxiliaire. Par ailleurs et à sa demande, un expert judiciaire a été désigné par une ordonnance du 22 octobre 2019 du juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon. Il a déposé son rapport le 17 mars 2021. Lyon métropole habitat demande la condamnation in solidum des sociétés L'Auxiliaire, Eiffage énergie système - Clevia Centre Est, venue aux droits de la société Forclim Rhône-Alpes, Socotec construction, venue aux droits de la société Socotec France, Rubin et Varreon, représentée par son liquidateur judiciaire la société Martin, et Soho Atlas In Fine, venue aux droits de la société In Fine, à lui verser la somme de 141 024, 09 euros en réparation des préjudices consécutifs au désordre affectant les chaudières. Les constructeurs poursuivis et l'assureur dommage ouvrage de Lyon métropole habitat présentent des appels en garantie.
Sur les conclusions dirigées contre la société L'Auxiliaire :
2. Lyon métropole habitat, pour obtenir l'indemnisation des préjudices résultant du désordre affectant les chaudières de la résidence Saint-Vincent, sollicite la condamnation in solidum de son assureur dommage ouvrage et de constructeurs. Une telle demande, qui vise en principe à rendre solidairement responsables des débiteurs ne présentant pas de liens juridiques entre eux, n'est susceptible d'être accueillie que pour autant que chaque personne mise en cause puisse être regardée comme co-auteur du dommage dont il est demandé réparation. Or les préjudices résultant des dysfonctionnements des chaudières n'est pas imputable à la société L'Auxiliaire, qui n'a pas exécuté les travaux en cause. Il s'ensuit que les conclusions tendant à sa condamnation in solidum doivent être rejetées.
Sur la responsabilité des constructeurs :
3. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La responsabilité décennale du constructeur peut être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.
4. Il résulte de l'instruction qu'une fuite du corps de chauffe d'une des deux chaudières de la résidence Saint-Vincent a été constatée par l'expert désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon. Cette fuite a pour origine des fissures liées à une corrosion sous contrainte due à un manque de débit d'eau. Si une seule des deux chaudières a été hors d'état de fonctionnement, ainsi que l'a relevé l'expert qui a préconisé le remplacement des corps de chauffe des deux chaudières, ces dernières ont toutes les deux subi les mêmes manques de débit d'eau. Dans son rapport du 23 septembre 2019 la société Tellitech, qui a été chargée par Lyon métropole habitat de réaliser un audit sur les installations, a également relevé qu'il était très fortement probable que le corps de chauffe des deux chaudières soit dans le même état. Il n'est pas contesté qu'elles présentent le même dysfonctionnement. Elles ont été conçues avec un débit d'eau variable non compatible avec ce type de chaudière et fonctionnent en court-cycle avec, selon le rapport d'expertise, un temps moyen de fonctionnement inférieur à quatre minutes alors que le cycle moyen doit être de vingt minutes. Le désordre, qui concernera les deux chaudières, est de nature à provoquer une rupture de chauffage dans la résidence qui accueille des personnes âgées dépendantes. Il est dès lors de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination dans un délai prévisible même s'il ne s'est pas révélé dans toute son étendue avant l'expiration du délai de dix ans.
5. Le désordre est imputable à la société Forclim Rhône-Alpes qui était en charge de la réalisation des travaux de chauffage. Il est également imputable à la société Rubin et Varreon, à qui avait été confié notamment le visa des plans et notes d'exécution et la direction de l'exécution de ces travaux. La circonstance qu'elle soit en liquidation judiciaire est sans incidence, les modalités de recouvrement de la dette du créancier étant sans influence sur l'existence et le montant de la créance née d'un marché public. Enfin, il est imputable à la société Socotec France en sa qualité de contrôleur technique qui s'était vu confier une mission relative au fonctionnement des installations tendant notamment à prévenir un mauvais fonctionnement des installations de chauffage et qui devait procéder à l'examen critique des documents, plans, " ouvrages et équipements réalisés et de la prise en compte des certificats ou procès-verbaux d'essais relatifs aux matériaux, composants ou équipements " selon l'article 5.2 de son contrat. En revanche, la société In Fine n'a pas concouru à la survenance du dommage compte tenu de ce que, ainsi que l'a relevé l'expert judiciaire, la maîtrise d'œuvre complète du lot n° 15 a été assurée par la société Rubin et Varreon. Dès lors, la société Soho Atlas In Fine est fondée à demander à être mise hors de cause.
6. Il suit de là que Lyon métropole habitat est fondé à rechercher la responsabilité décennale des sociétés Eiffage énergie système - Clevia Centre Est, Rubin et Varreon et Socotec construction.
Sur les préjudices :
7. Si Lyon métropole habitat demande le remboursement du remplacement des chaudières, seuls les travaux nécessaires à la remise en état de l'ouvrage doivent être indemnisés au titre de la garantie décennale. Dès lors, il y a seulement lieu de lui accorder la somme de 17 162,73 euros HT au titre des travaux conservatoires effectués en décembre 2019 correspondant au changement du corps de chauffe de la chaudière n° 2 et la somme de 65 689,19 euros HT au titre du remplacement du corps de chauffe de la chaudière n° 1 et de la modification du réseau hydraulique avec un circuit primaire et un circuit secondaire. La somme de 5 600 euros HT lui sera par ailleurs accordée au titre du coût de la maîtrise d'œuvre de ces travaux. En revanche, faute pour Lyon métropole habitat d'établir par les pièces qu'il produit un surcoût de son assurance dommage ouvrage en raison des travaux de reprise devant être effectués, aucune somme ne pourra lui être accordée à ce titre.
8. Lyon métropole habitat est par ailleurs fondée à demander le remboursement des frais de l'expertise judiciaire ordonnée par le juge judiciaire, lesquels ne constituent pas des dépens de la présente instance, qui ont été mis à sa charge pour un montant de 11 660,40 euros, ainsi que des frais de découpe du corps de chauffe d'un montant de 880 euros HT et des frais correspondant à la mission d'analyse technique de la production de chaleur effectuée par la société Tellitech qui ont été utiles, d'un montant de 1 000 euros HT.
9. Le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs en raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître de l'ouvrage ne relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou une partie de cette taxe de celle dont il est redevable à raison de ses propres opérations. Dans ces conditions, contrairement à ce que fait valoir la société Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est, il appartient aux constructeurs mis en cause d'apporter au juge tout élément de nature à remettre en cause la présomption de non assujettissement de l'établissement public à la taxe sur la valeur ajoutée et à établir que le montant de celle-ci ne devait pas être inclus dans le montant du préjudice indemnisable. Aucun élément de nature à remettre en cause cette présomption n'étant apporté, le montant de la taxe sur la valeur ajoutée doit être inclus dans le montant du préjudice.
10. Il résulte de ce qui précède que Lyon métropole habitat est fondée à demander la condamnation in solidum des sociétés Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est, Socotec construction et Rubin et Varreon à lui verser la somme totale de 111 213,51 euros TTC.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
11. Lyon métropole habitat a droits aux intérêts au taux légal sur la somme de 111 213,51 euros TTC à compter du 21 octobre 2021, date d'enregistrement de sa requête au greffe du tribunal.
12. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 21 octobre 2021. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 21 octobre 2022, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les appels en garantie :
13. En premier lieu, les sociétés Hervé thermique et Axima concept, engagées envers le maître d'ouvrage par des contrats conclus pour la maintenance des installations de chauffage postérieurement à la réception des travaux, n'ont pas participé à l'opération de travaux publics. Par suite, le juge administratif n'est pas compétent pour statuer sur l'éventuelle responsabilité quasi-délictuelle que ces sociétés peuvent encourir envers les constructeurs à raison des fautes qu'elles auraient commises dans l'exécution de leurs marchés de maintenance, et donc sur les conclusions d'appel en garantie présentées par les sociétés l'Auxiliaire, Soho Atlas In Fine, Socotec construction, Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est et Martin contre ces deux sociétés.
14. En second lieu, compte tenu de la gravité des fautes respectives de la société Forclim Rhône-Alpes, qui a choisi un modèle de chaudière incompatible avec celui prescrit par le cahier des clauses techniques particulières et omis de prendre en considération les préconisations du constructeur qui avait alerté du risque de débit nul, de la société Rubin et Varreon, qui a permis l'installation des chaudières incompatibles alors qu'il lui appartenait d'approuver le modèle choisi et ne s'est pas assuré de la prise en compte des préconisations du constructeur, et de la société Socotec France, qui a fait mention dans son rapport final de la conformité des installations de chauffage, la part respective de leur responsabilité doit être fixée à 60 %, 30% et 10 %.
15. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 et 14 les conclusions d'appel en garantie dirigées contre la société Soho Atlas In Fine doivent être rejetées, ainsi que, en tout état de cause, celles dirigées contre la société Holding Socotec et Lyon métropole habitat.
16. En l'absence de condamnation prononcée à l'encontre des sociétés L'Auxiliaire et Soho Atlas In Fine, leurs conclusions d'appel en garantie sont sans objet.
Sur les frais du litige :
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge in solidum des sociétés Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est, Socotec construction et Rubin et Varreon la somme de 1 400 euros à verser à Lyon métropole habitat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge des sociétés L'Auxiliaire et Soho Atlas In Fine, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. Le surplus des conclusions des parties présentées au titre des mêmes dispositions est rejeté.
D E C I D E :
Article 1er : Les conclusions des sociétés l'Auxiliaire, Soho Atlas In Fine, Socotec construction, Eiffage énergie systèmes-Clevia Centre Est et Martin dirigées contre les sociétés Hervé thermique et Axima concept sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 2 : Les sociétés Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est, Socotec construction et Rubin et Varreon sont condamnées in solidum à verser à Lyon métropole habitat la somme de 111 213,51 euros TTC, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2021. Les intérêts échus à la date du 21 octobre 2022 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La société Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est est condamnée à garantir les sociétés Socotec construction et Rubin etVarreon à hauteur de 60 % de la somme mise à leur charge par l'article 2 du présent jugement.
Article 4 : La société Rubin et Varreon est condamnée à garantir les sociétés Socotec construction et Eiffage énergie systèmes- Clevia Centre Est à hauteur de 30 % de la somme mise à leur charge par l'article 2 du présent jugement.
Article 5 : La société Socotec Construction est condamnée à garantir les sociétés Rubin et Varreon et Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est à hauteur de 10 % de la somme mise à leur charge par l'article 2 du présent jugement.
Article 6 : Les sociétés Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est, Socotec construction et Rubin et Varreon verseront in solidum la somme de 1 400 euros à Lyon métropole habitat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Les conclusions des parties sont rejetées pour le surplus.
Article 8 : Le présent jugement sera notifié à Lyon Métropole Habitat et aux sociétés L'Auxiliaire, Soho Atlas In Fine, Holding Socotec, Socotec construction, Eiffage énergie systèmes - Clevia Centre Est, Martin, Axima concept et Hervé thermique.
Copie en sera adressée à M. A, expert.
Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente,
Mme Lacroix, première conseillère,
Mme Reniez, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.
La rapporteure,La présidente,
E. ReniezC. Michel
La greffière,
K. Schult
La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Un greffier,