TA Marseille, 16/01/2024, n°2312333


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 décembre 2023 et le 15 janvier 2024, la société de Maintenance Portuaire et Construction (SMP), représentée par Me Guin, demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 551-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler la procédure de passation du lot n°8 de l'accord cadre multi-attributaire pour la réalisation de travaux d'aménagement, de réparation, d'entretien et de rénovation de bâtiments et ouvrages divers des sites de la métropole Aix-Marseille-Provence, engagée par la métropole Aix-Marseille-Provence.

2°) d'annuler la décision de rejet de la candidature ;

3°) d'enjoindre à la métropole de reprendre la procédure au stade de l'examen des candidatures.

4°) de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la notification du rejet de l'offre ne précise pas suffisamment les raisons de l'insuffisance des capacités techniques qui le fonde, en méconnaissance de l'article R. 2182-2 du code de la commande publique ;

- contrairement à ce qu'a retenu la métropole pour rejeter l'offre, les capacités techniques ne sont pas insuffisantes ;

- les manquements caractérisent un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2024, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par la SCP Charrel et associés, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la société SMP le versement à son profit de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- des informations complémentaires, expliquant les raisons pour lesquelles la candidature a été rejetée comme irrecevable, ont été adressées à la société ;

- les éléments complémentaires transmis par la société pour justifier des compétences techniques certificats ne permettent pas de justifier de la compétence dans la matière 1331 (poteaux et clôture).

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Jean-Marie Argoud, pour statuer sur les demandes de référés.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 16 janvier 2024 à 11 heures, en présence de Mme Romelli, greffier d'audience :

- le rapport de M. Jean-Marie Argoud ;

- les observations de Me Guin et de M. A représentant la société SMP et Me Pelissier représentant la métropole.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis public d'appel à la concurrence publié le 6 mars 2023, la métropole Aix-Marseille-Provence a lancé une procédure d'appel d'offres en vue de la passation d'un accord cadre multi-attributaire pour la réalisation de travaux d'aménagement, de réparation, d'entretien et de rénovation de bâtiments et ouvrages divers des sites de la métropole Aix-Marseille-Provence. Le lot n°8 intitulé " Voirie VRD zone Est " portait sur un montant maximum de 2 300 000 euros (HT). La société SMP a déposé sa candidature sur ce lot le 1er juin 2023. Par lettre du 21 décembre 2023, la métropole Aix-Marseille-Provence l'a informée que son " offre n'avait pas été retenue ". La société de Maintenance Portuaire et Construction, demande au juge des référés, statuant par application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation du lot n° 8 de l'accord cadre et d'enjoindre à la métropole de reprendre la procédure au stade de l'examen des candidatures.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 551-1 et L. 551-2 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes de son article L. 551-3 : " Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés ".

3. En vertu de ces dispositions, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente. Le juge saisi peut ordonner à l'auteur d'un manquement aux dispositions auxquelles ces dispositions se réfèrent, de se conformer à ses obligations, suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte, annuler ces décisions et supprimer des clauses ou des prescriptions destinées à figurer dans le contrat. Toutefois, les pouvoirs conférés au juge des référés précontractuels par l'article L. 551-1 du code de justice administrative ne peuvent plus être exercés après la conclusion du contrat.

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2181-1 du code de la commande publique : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre ". Aux termes de l'article R. 2181-3 du même code : " La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. / Lorsque la notification de rejet intervient après l'attribution du marché, l'acheteur communique en outre : / 1° Le nom de l'attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre ; / 2° La date à compter de laquelle il est susceptible de signer le marché dans le respect des dispositions de l'article R. 2182-1 ".

5. L'information sur les motifs du rejet de l'offre dont est destinataire l'entreprise en application des dispositions citées du code de la commande publique a, notamment, pour objet de permettre à la société non retenue de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge du référé précontractuel saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. Par suite, l'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence. Cependant, un tel manquement n'est plus constitué si l'ensemble des informations a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue et si le délai qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction.

6. Il résulte des termes mêmes de la lettre de rejet du 21 décembre 2023 que l'offre de la société SMP pour l'attribution du lot n°8 du marché public litigieux n'a pas été retenue au motif suivant : " vos capacités techniques sont insuffisantes ". A la demande de la société, la métropole lui a adressé le 11 janvier 2024, un courrier électronique qui précise : " S'agissant de la qualification 1331, nous avons relevé : 1 référence en grillage. Cette référence ne peut être prise en compte au titre d'une équivalence avec la qualification précitée, dans la mesure où les grillages ne sont pas des clôtures avec poteaux, la technicité n'est pas équivalente. 2 références où il n'est pas explicitement établi que votre société ait réalisé des travaux de pose de clôture Cf. Attestation de travaux collège Louis Armand, il est mentionné: "Modification du haut du mur d'enceinte pour la pose d'une clôture" Cf. Attestation de travaux laboratoire départemental d'analyse médicale : Terrassement, Aménagement et mise en forme des terrains pour mise en place d'une clôture" / De manière générale, les montants sont faibles pour ces 3 références. Le manque de technicité des références présentées n'a pas permis d'établir d'équivalence avec la qualification 1331, rendant ainsi votre candidature irrecevable à la société ". Il résulte ainsi de l'instruction qu'à la date à laquelle le juge des référés précontractuels statue, la société était précisément informée des motifs pour lesquels l'offre avait été estimée irrecevable et que le délai qui s'est écoulé entre cette communication, compte tenu du contenu des informations, et la date à laquelle le juge statue a été suffisant pour permettre à la société de préparer sa défense. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante information sur les motifs de rejet de son offre doit être écartée.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2144-2 du code de la commande publique : " L'acheteur qui constate que des pièces ou informations dont la présentation était réclamée au titre de la candidature sont absentes ou incomplètes peut demander à tous les candidats concernés de compléter leur dossier de candidature dans un délai approprié et identique pour tous. () ". Et aux termes de l'article R. 2144-7 du même code : " Si un candidat ou un soumissionnaire se trouve dans un cas d'exclusion, ne satisfait pas aux conditions de participation fixées par l'acheteur, produit, à l'appui de sa candidature, de faux renseignements ou documents, ou ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs, les moyens de preuve, les compléments ou explications requis par l'acheteur, sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé. () ". Par ailleurs, le règlement de la consultation prévoyait, à son article 9.1 que chaque candidat devait produire dans le dossier de candidature la qualification Qualibat ou des références équivalentes concernant le domaine " 1331-Poteaux et clôtures ".

8. D'une part, le règlement de la consultation d'un marché étant obligatoire dans toutes ses mentions, le pouvoir adjudicateur ne peut attribuer un marché à un candidat qui ne respecte pas une de ses prescriptions et doit éliminer, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique, les candidatures et les offres qui ne comportent pas toutes les pièces ou renseignements requis par les documents de la consultation et sont, pour ce motif, irrégulières. Dès lors la seule circonstance que l'objet principal du lot concerne la réalisation des voies et des VRD et que la dénomination du lot n'inclut pas les clôtures et les poteaux.

9. D'autre part, il est constant que la société SMP n'a pas fourni, dans son dossier de candidature déposé le 1er juin 2023, de justification de la qualification Qualibat 1331 ou de références techniques équivalentes. Après avoir reçu une demande de régularisation concernant plusieurs qualifications Qualibat. S'agissant de la qualification Qualibat 1331, la société a répondu en adressant des pièces complémentaires concernant des chantiers réalisés comprenant la pose de poteaux et de grillages et la mise en forme de terrains destinés à la pose de grillage. Compte tenu du caractère vague et imprécis de ces documents, qui ne permettaient pas d'apprécier la consistance exacte de la plupart des travaux réalisés, la métropole n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'ils ne permettaient pas de justifier suffisamment des références techniques de l'entreprise.

10. Par suite, la métropole d'Aix-Marseille-Provence pouvait, sans porter atteinte aux règles de publicité et de mise en concurrence, écarter la candidature de la société SMP au motif qu'elle était irrecevable au sens de l'article R. 2144-7 du code de la commande publique.

11. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter les conclusions de la société requérante aux fins d'annulation et d'injonction.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la métropole d'Aix-Marseille-Provence, qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SMP le versement à la métropole de la somme de 2 000 euros, sur le fondement des mêmes dispositions.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société de Maintenance Portuaire et Construction est rejetée.

Article 2 : La société versera à la métropole Aix-Marseille Provence la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société de Maintenance Portuaire et Construction et à la métropole Aix-Marseille Provence.

Fait à Marseille, le 16 janvier 2024.

Le juge des référés,

signé

J-M. Argoud

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

La greffière,