Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2023, la société par actions simplifiées (SAS) Alpha Restaur Distribution pourrait être entendue comme demandant au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure engagée par l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir pour la passation d'un accord-cadre de fournitures courantes portant sur l'achat de denrées alimentaires destinées à la fabrication des repas s'inscrivant dans une démarche de développement durable.
Elle soutient que :
- son offre a été écartée abusivement par le Grand Paris Sud Est Avenir, alors que seuls trois points de notation l'exemptent du dossier et que de très nombreux points ont été retirés de façon incompréhensible ;
- le déroulement est le même depuis plusieurs consultations, sans qu'elle puisse être reçue et en l'absence de tout échantillonnage ;
- deux points ont été retirés à son offre au titre du sous-critère technique n° 1 " Qualité, conformité et conditionnement des produits proposés " au motif que son catalogue ne comporte que 20% de produits labellisés, alors que 40% de son chiffre d'affaires est réalisé sur des produits disposant d'au moins un label ;
- elle a apporté des précisions sur les produits biologiques puisque son offre comporte les certificats ECOCERT et les fiches techniques de ces produits ;
- son offre a perdu un point sur le sous-critère n° 1 " Dépannage ", alors qu'elle précise qu'en cas de rupture de stock, elle dispose de nombreuses possibilités de substitution, et qu'elle se demande comment la société Sysco garantir des livraisons en l'absence de stock ;
- en matière de développement durable, deux points lui ont été retirés alors qu'étant productrice de légumes, elle ne génère aucun déchet, les produits abîmés étant utilisés pour fertiliser le sol ;
- elle perd trois points sur le sous-critère n° 2 " Origine et localisation des produits " alors que seules certaines matières premières en sont issues de manière limitée, hors saison, et qu'en tant que groupement agricole, ses légumes sont achetés auprès de ses adhérents sur contrat de culture et transformés par sa légumerie dans l'Aube, sans recours à des intermédiaires ;
- chaque adhérent étant une entité juridique distincte, de même qu'elle-même et son outil de production, il serait possible de retenir l'existence de deux intermédiaires, alors que la société Sysco en déclare quatre et a obtenu la note maximum.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2024, l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir, représenté par Me Terraux, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Alpha Restaur Distribution en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne comporte ni conclusions, ni moyens ;
- les arguments soulevés par la société requérante ne sont pas recevables devant le juge des référés précontractuels, qui ne se prononce pas sur l'appréciation portée par le pouvoir adjudicataire sur la valeur d'une offre mais peut simplement, lorsqu'il est saisi d'un tel moyen, se prononcer sur la dénaturation éventuelle du contenu d'une offre ;
- l'offre présentée par la société Alpha Restaur Distribution sur le sous-critère technique n° 1 " qualité, conformité et conditionnement des produits proposés " comporte une indication sur la part de son chiffre d'affaires générée par les produits biologiques et labellisés, et non le pourcentage de produits biologiques et labellisés contenus dans les produits proposés ;
- l'étude de cette offre a permis de relever que seuls 20% des produits proposés par la société requérante disposent d'un label biologique, justifiant qu'une minoration de sa note soit appliquée ;
- la mention " pas de précisions sur le bio " figurant dans le rapport d'analyse des offres, ne signifie pas que la société Alpha Restaur Distribution aurait omis de préciser la labellisation de ses produits, mais l'absence d'indication quant au pourcentage de produits biologiques et labellisés utilisés ;
- le pourcentage de chiffre d'affaires réalisé sur les produits biologiques et labellisés ne se confond pas avec le pourcentage de tels produits contenus dans la composition des salades, dès lors que chaque catégorie de produits dispose de prix propre ;
- la société Alpha Restaur Distribution a obtenu la note totale de 28 sur 30 pour ce sous-critère n° 1, dès lors que son offre était conforme à l'ensemble des autres éléments demandés par le cahier des charges ;
- elle a obtenu une note de 9 sur 10 au sous-critère technique n° 2 " Dépannage ", au motif que l'offre de la société requérante ne décrivait pas le dépannage envisagé en cas de rupture de stock, à défaut d'apporter des précisions sur les modalités de mise en œuvre de la substitution de produits proposée, dont l'équivalence n'était pas garantie ;
- la société Alpha Restaur Distribution conteste la note de 3/5 obtenue au sous-critère environnemental n° 1 " Actions mises en place par le candidat pour réduire les impacts environnementaux " alors que, contrairement aux termes de l'article 7.1 du règlement de la consultation, elle n'a apporté aucune précision sur sa gestion des déchets ni sur le recyclage des produits avant production ;
- il appartenait à la société requérante de préciser qu'elle considère ne produire aucun déchet, alors qu'une telle affirmation est en contradiction avec le fait qu'elle ne produit pas l'intégralité des légumes utilisés et reconnaît importer des produits de l'étranger, ce qui pose la question du conditionnement de ces produits ;
- la note de 2/5 attribuée à la société Alpha Restaur Distribution au sous-critère environnement n° 2 " Origine et localisation des produits " est justifiée puisque son offre reste vague sur le circuit d'approvisionnement des produits en provenance de l'étranger, ainsi que sur les démarches mises en œuvre pour réduire le recours à des intermédiaires, dont le nombre n'est pas précisé ;
- il appartenait à la société requérante de préciser les relations internes au groupe et le circuit d'acquisition du chou blanc, du chou rouge et des concombres, et de donner des informations relatives aux deux fournisseurs Soléane et Chapuis qu'elle mentionne dans son annexe sur le développement durable.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné Mme Letort, première conseillère, pour statuer sur les demandes de référés.
Au cours de l'audience publique tenue le 8 janvier 2024 à 10h30 en présence de Mme Starzynski, greffière d'audience, ont été entendus :
- le rapport de Mme Letort ;
- et les observations de Me Veran, représentant l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir, qui souligne l'irrecevabilité de la requête, faute de conclusions claires et alors que la société requérante compare systématiquement son offre à celle de l'attributaire, et qui fait valoir en outre que l'offre de la société Alpha Restaur Distribution était très intéressante, mais qu'elle manquait de précisions sur certains points.
La société Alpha Restaur Distribution n'était ni présente ni représentée.
Considérant ce qui suit :
Sur l'office du juge du référé précontractuel :
1. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public () ".
2. Il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.
3. Il résulte de l'instruction que l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir a engagé une procédure d'appel d'offres ouvert pour la passation d'un accord-cadre de fournitures courantes portant sur l'achat de denrées alimentaires destinées à la fabrication des repas s'inscrivant dans la démarche de développement durable, divisé en seize lots. La société Alpha Restaur Distribution a présenté une offre pour l'attribution du lot n° 10 " Salades composées 5ème gamme ". Par une lettre du 8 décembre 2023, cette société a été informée du rejet de son offre et de l'attribution de ce lot à la société Sysco France.
Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :
4. L'établissement public Grand Paris Sud Est Avenir fait valoir que la requête présentée par la société Alpha Restaur Distribution serait irrecevable, à défaut de comporter des conclusions claires, et en conséquence de ses arguments relatifs à son appréciation des offres, qui sortent de l'office du juge des référés précontractuels. Si les conclusions de cette requête pourraient être entendues comme tendant à l'annulation de la procédure suivie par le Grand Paris Sud Est Avenir, en revanche la société requérante ne saurait demander au juge du référé précontractuel de se prononcer sur les mérites respectifs de son offre et de celle de la société attributaire. Par conséquent, l'ensemble des moyens portant sur l'appréciation de la valeur de l'offre de la société Alpha Restaur Distribution, parfois comparée à celle de la société Sysco France, sont irrecevables.
Sur le moyen possiblement tiré de la dénaturation de l'offre de la société requérante :
5. La société Alpha Restaur Distribution pourrait être entendue comme soutenant que l'établissement public territorial a dénaturé son offre, en considérant qu'elle ne comportait que 20% de labels sur catalogue et " pas de précisions sur le bio " pour le critère de la valeur technique, sous-critère n° 1 " Qualité, conformité et conditionnement des produits proposés ", alors que près de 40% de son chiffre d'affaires est réalisé sur les produits biologiques et ceux qui disposent d'au moins un label. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction que la société Alpha Restaur Distribution s'est montrée imprécise dans son offre, soulignant la difficulté à établir un pourcentage de produits biologiques et labellisés. D'autre part, la société requérante ne saurait valablement soutenir que son offre n'aurait pas été comprise par le Grand Paris Sud Est Avenir, alors que la définition approximative du pourcentage de chiffre d'affaires fondé sur les produits biologiques et labellisés ne répondait pas à la définition du sous-critère litigieux, qui demandait la définition du pourcentage d'ingrédients biologiques et labellisés composant les salades proposées. Ainsi, en concluant à l'absence de précisions sur le bio, l'établissement public n'a pas dénaturé l'offre de la société Alpha Restaur Distribution. De même, si la société requérante soutient que son activité ne génère pas de déchets, dès lors qu'elle produit les légumes qu'elle transforme et que les produits abîmés sont utilisés pour fertiliser ses sols, elle ne conteste pas avoir recours, même ponctuellement, à des produits en provenance d'Espagne et des Pays-Bas. Par conséquent, à défaut de toute information sur le sort réservé aux contenants de ces derniers produits, l'établissement public était fondé à relever l'absence de précisions de son offre.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la requête présentée par la société Alpha Restaur Distribution doit être rejetée.
Sur les frais de justice :
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par le Grand Paris Sud Est Avenir sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête présentée par la société Alpha Restaur Distribution est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le grand établissement territorial Grand Paris Sud Est Avenir au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Alpha Restaur Distribution, à la société Sysco France et à l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir.
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
La juge des référés, La greffière,
C. Letort A. Starzynski
La République mande et ordonne à la préfète du Val-de-Marne en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
La greffière,