TA Nice, 06/02/2024, n°2100691


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée les 8 février 2021, la commune de Coaraze, représentée par Me Santini, demande au tribunal :

1°) de condamner solidairement la société Gimenez TP et la compagnie AXA France Iard à lui payer la somme de 63 916,80 euros au titre de son préjudice matériel correspondant au montant des travaux de réfection à exécuter ;

2°) de condamner solidairement la société Gimenez TP et la compagnie AXA France Iard à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

3°) de mettre solidairement à la charge de la société Gimenez TP et de la compagnie AXA France Iard la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- la responsabilité contractuelle de la société Gimenez TP doit être engagée sur le fondement de l'article 3.9 du cahier des clauses techniques particulières du marché dès lors que les travaux réalisés par cette dernière n'ont pas été réceptionnés et présentent de nombreuses malfaçons ;

- à la suite de doléances des usagers de la voirie communale, des visites sur les lieux ont été réalisés par la commune et par un huissier mandaté par la commune, lesquels ont mis en évidence de nombreuses malfaçons, un écart important entre le montant des travaux facturés par l'entrepreneur et les travaux réellement réalisés, une modification des techniques employées par rapport aux spécifications du marché et la réalisation de travaux non prévus par le marché ;

- aucune reprise des travaux n'a été réalisée par la société Gimenez TP malgré la demande de la commune en ce sens ;

- l'expert judiciaire mandaté par le tribunal a constaté la mauvaise exécution du marché par la société Gimenez TP et chiffré le montant des travaux de remédiation ;

- au vu de ces nombreux désordres et de la nécessité de réaliser des travaux de remédiation, elle est fondée à demander la réparation du préjudice matériel ainsi subi pour un montant de 63 916,80 euros toutes taxes comprises correspondant au montant des travaux de réfection à exécuter ;

- elle est également fondée à demander la réparation du préjudice moral subi du fait de l'atteinte à son image et de la vigilance dont elle doit faire preuve pour éviter une aggravation des malfaçons et une mise en danger des usagers des ouvrages concernés, résultant de la mauvaise exécution des travaux par la société Gimenez TP ; elle devra être indemnisée à hauteur de 10 000 euros pour ce préjudice ;

- la responsabilité de la compagnie AXA France Iard, en sa qualité d'assureur de la société Gimenez TP, doit également être engagée sur le fondement de la garantie décennale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2022, la société Gimenez TP, représentée par Me Armando, conclut :

1°) à titre liminaire, à défaut de réception expresse au 26 mai 2015 ou de réception tacite à cette même date, à ce que soit prononcée la réception judiciaire des travaux à la date du 26 mai 2015 ;

2°) à titre principal, au rejet des demandes de la commune de Coaraze ;

3°) à titre subsidiaire :

- si le tribunal retient sa responsabilité, à ce que celle-ci soit limitée au plus à 50% du fait de la faute de la commune de Coaraze en raison du défaut d'entretien des ouvrages et de l'existence de causes étrangères qui ont concouru à la survenue des dommages ;

- à ce que soit ramenée à de plus justes proportions, les demandes de la commune de Coaraze au titre des préjudices allégués ;

4°) en tout état de cause :

- à ce que la société AXA France Iard soit condamnée à la relever et la garantir de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre ;

- à ce que soit mise à la charge de la commune de Coaraze et de la société AXA France Iard une somme de 2 500 euros au titre des frais liés au litige ainsi que les entiers dépens de l'instance ;

- au rejet de la demande d'exécution provisoire de la commune de Coaraze.

Elle fait valoir que :

- à titre liminaire :

- elle a exécuté les obligations résultant des prévisions du marché ;

- les ouvrages ont fait l'objet d'une réception expresse ainsi que cela ressort des mentions portées sur la facture du 25 mai 2015 ;

- en tout état de cause, il y a eu réception tacite des travaux dès lors que les travaux prévus au marché ont été réalisés, que la commune a payé l'ensemble des travaux, qu'elle en a pris possession et qu'elle n'a émis aucune réserve ou observation dans l'année de parfait achèvement ;

- à défaut, et dès lors que les conditions de nature à caractériser la réception des ouvrages sont réunies, le tribunal prononcera la réception judiciaire des travaux au 26 mai 2015 ;

- sur le fond :

- les dommages constatés par l'expert résultent soit d'intempéries et mauvais temps, qui constituent des cas de force majeure, soit d'un défaut d'entretien de la commune ;

- ces éléments l'exonèrent de sa responsabilité au moins pour 50% ;

- le chiffrage de l'expert sur lequel la commune fonde ses prétentions constitue une simple estimation ; l'expert a commis de nombreuses erreurs ;

- la commune ne produit aucun devis pour justifier le montant des sommes réclamées ;

- certains des travaux compris dans le chiffrage de l'expert ne faisaient pas partie du marché qui lui a été confié (route du col Saint-Roch, mise en place de caniveaux grilles sur la route de Linéa et réalisation d'un agrandissement et approfondissement des caniveaux de la route du Plan de Linéa) ;

- la commune ne justifie pas de son préjudice moral ;

- à titre subsidiaire :

- les travaux ayant été réceptionnés, les dommages constatés relèvent de la garantie décennale dès lors que ces derniers affectent la solidité de l'ouvrage et rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;

- elle a souscrit l'assurance responsabilité décennale auprès de son assureur concernant l'ensemble de ses activités notamment la réalisation de travaux sur voirie.

Par deux mémoires enregistrés les 1er avril 2021 et 4 octobre 2022, la compagnie AXA France Iard, représentée par Me De Valkenaere, conclut :

1°) à titre principal :

- au rejet de la demande de la commune de Coaraze au titre de son préjudice matériel en ce qu'elle est dirigée contre elle ;

- au rejet des demandes de la commune de Coaraze et de la société Gimenez TP de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre elle ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de la demande de la commune de Coaraze au titre de son préjudice moral en ce qu'elle est dirigée contre elle et à ce que la commune soit renvoyée à mieux se pourvoir ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où le tribunal juge la garantie de la compagnie AXA France Iard applicable, à ce que soit opposée à la société Gimenez TP les franchises contractuelles d'un montant de 1 500 euros au titre de la garantie obligatoire et d'un montant de 1 500 euros au titre de la garantie responsabilité civile ;

4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Elle fait valoir que :

- à titre principal :

- les désordres dont se prévaut la commune de Coaraze n'ont pas un caractère décennal ; les potentielles fautes d'exécution et de conception commises par la société Gimenez TP relevant de sa responsabilité contractuelle ne sauraient en aucun cas engager la garantie décennale de la compagnie d'assurance de ce dernier ; ces désordres ne remplissent pas les conditions imposées par l'article 1792 du code civil ;

- l'ouvrage réalisé par la société Gimenez TP n'a pas fait l'objet de réception, ni expresse, ni tacite, dans la mesure où les dispositions de l'article 41 du cahier des clauses administratives générales n'ont pas été respectées ;

- à titre subsidiaire :

- aucune garantie n'est due par l'assureur à la société Gimenez TP dès lors que les travaux en cause, qui relèvent de la catégorie des ouvrages d'infrastructures routières et de réseaux divers, ne sont pas soumis à l'assurance obligatoire au sens de l'article L. 243-1-1 du code des assurances ;

- aucune garantie n'est due au titre de la garantie décennale dès lors que la commune n'apporte pas la preuve d'une atteinte à la solidité de l'ouvrage s'agissant de travaux de construction non soumis à l'assurance obligatoire ;

- à titre infiniment subsidiaire, s'il était fait droit même partiellement aux demandes de condamnation à son encontre, la société Gimenez TP devra supporter à son égard le montant de sa franchise contractuelle prévue par les conditions particulières du contrat d'un montant de 1 500 euros ; si elle se trouvait condamnée au titre du volet responsabilité civile du contrat souscrit, elle est également fondée à opposer à la société Gimenez TP sa franchise contractuelle de 1 500 euros au titre de la garantie responsabilité civile.

Un mémoire présenté pour la société Gimenez TP a été enregistré le 6 octobre 2023 et n'a pas été communiqué en vertu des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 28 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 12 octobre 2023.

Les parties ont été informées, par lettre du 21 décembre 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la juridiction administrative est incompétence pour connaître des conclusions de la requête et d'appel en garantie dirigées contre la compagnie AXA France Iard, en sa qualité d'assureur de la société Gimenez TP.

La commune de Coaraze a produit des observations, enregistrées le 26 décembre 2023, en réponse à ce moyen d'ordre public.

La compagnie AXA France Iard a produit des observations, enregistrées le 27 décembre 2023, en réponse à ce moyen d'ordre public.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance n° 1701244 du 4 juin 2019, par laquelle la présidente du tribunal administratif de Nice a taxé les frais de l'expertise réalisée par M. A.

Vu :

- le code des assurances ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 relatif aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 16 janvier 2024 :

- le rapport de Mme Gazeau,

- les conclusions de Mme Belguèche, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gossa, représentant la commune de Coaraze, et de Me Armando, représentant la société Gimenez TP.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Coaraze a conclu le 14 novembre 2014 un marché à procédure adaptée avec la société Gimenez TP pour la réalisation de travaux d'entretien sur la voirie communale, la remise en état ou la création de fossés et d'ouvrages hydrauliques, ainsi que l'installation d'équipements de sécurité, pour un montant de 136 440 euros toutes taxes comprises. Après la survenance de fortes intempéries ayant causé des dégâts sur le réseau routier après la conclusion du marché, un avenant d'un montant de 48 002,40 euros a été conclu entre la commune et l'attributaire le 9 février 2015. Après avoir constaté, par une visite des ouvrages les 5 et 25 novembre 2015 et 8 janvier 2016, des malfaçons, un écart entre le montant facturé et les travaux réellement effectués, la réalisation de travaux non prévus et une modification des techniques employées, la commune de Coaraze a demandé à la société Gimenez TP, par courrier du 10 mars 2016, la reprise des travaux non réalisés ou mal exécutés. La reprise des travaux n'ayant pas été réalisée, la commune de Coaraze, après avoir fait établir un procès-verbal de constat d'huissier, a sollicité du juge des référés du tribunal administratif de Nice la désignation d'un expert judiciaire. Une expertise contradictoire a été ordonnée par ordonnance du juge des référés du 6 septembre 2017 et le rapport d'expertise de M. A a été déposé le 11 janvier 2019. La commune de Coaraze demande au tribunal de condamner solidairement la société Gimenez TP ainsi que son assureur, la compagnie AXA France Iard, à la réparation du préjudice matériel et du préjudice moral qu'elle estime avoir subis du fait des travaux de réfection à exécuter, pour un montant total de 73 916,80 euros.

Sur l'exception d'incompétence :

2. Si l'action directe, ouverte par l'article L. 124-3 du code des assurances, à la victime d'un dommage ou à l'assureur de celle-ci subrogé dans ses droits, contre l'assureur de l'auteur responsable du sinistre, tend à la réparation du préjudice subi par la victime, elle se distingue de l'action en responsabilité contre l'auteur du dommage en ce qu'elle poursuit l'exécution de l'obligation de réparer qui pèse sur l'assureur en vertu du contrat d'assurance, contrat de droit privé. Il s'ensuit qu'il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître des actions tendant au paiement des sommes dues par un assureur au titre de ses obligations de droit privé, alors même que l'appréciation de la responsabilité de son assuré dans la réalisation du fait dommageable relèverait de la juridiction administrative.

3. La commune de Coaraze demande la condamnation solidaire de la compagnie AXA France Iard, assureur de la société Gimenez TP. Toutefois, de telles conclusions tendant à la condamnation de l'assureur de l'entrepreneur chargé des travaux doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

4. Par ailleurs, les conclusions à fin d'appel en garantie dirigées contre la compagnie AXA France Iard, qui tendent uniquement à obtenir le paiement des sommes dues par cette société au titre de ses obligations de droit privé, relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire et sont ainsi portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur l'engagement de la responsabilité de la société Gimenez TP sur le fondement de l'article 3.9 du CCTP :

En ce qui concerne la garantie contractuelle dite de " service après-vente " :

5. L'article 3.9 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) prévoit : " Au-delà des garanties précisées par la loi n° 67-3 du 3 janvier 1967 et au décret n° 67-1166 du 22 décembre 1967 concernant les garanties biennales et décennales couvrant respectivement les menus et gros ouvrages tels que défini par la règlementation, l'entreprise devra assurer le service après-vente durant les 24 mois après la date de réception pour toute malfaçon, vieillissement prématuré ou toute autre anomalie constatée sur les ouvrages réalisés par ses soins. / Par simple convocation écrite d'un représentant mandaté par la commune, un rendez-vous pourra être programmé sur la zone concernée en présence du représentant légal de l'entreprise. Ce dernier aura 15 jours (calendaires) au plus pour proposer un traitement curatif et organiser une remise en état satisfaisante, en conformité avec les règles de l'art en vigueur au moment de la ré-intervention. La planification de la ré-intervention sera décidée en concertation avec le maitre d'ouvrage ".

6. L'article 1.8 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) précise en outre que : " Les entrepreneurs seront garants et responsables de leurs travaux conformément à la loi n° 67-3 du 3 janvier 1967 et au décret n° 67-1166 du 22 décembre 1967 concernant les garanties biennales et décennales couvrant respectivement les menus et gros ouvrages tels que définis par la règlementation. / Dans le cadre du présent marché, l'entreprise devra assurer un SAV d'une durée de 24 mois ". L'article 14.1 du CCAP de ce marché indique que : " () Tel que précisé dans l'article 1.8, le titulaire garantira ses travaux durant 2 années de SAV, il aura donc intérêt à réaliser ses propres essais (sur les matériaux mis en œuvre) et autocontrôles, et les produire le jour de réception des ouvrages, car ces derniers seront réclamés dans le cas d'un appel en garantie () ".

7. Il résulte de ces stipulations que les parties au contrat litigieux ont prévu, en sus des garanties légales décennale et biennale, une garantie contractuelle dite de " service après-vente " d'une durée de deux ans après la réception de l'ouvrage, pour garantir toute malfaçon, vieillissement prématuré ou toute autre anomalie constatée sur les ouvrages réalisés par l'entrepreneur. Ainsi, au vu des stipulations du contrat, cette garantie spécifique de service après-vente, quand bien même elle est de nature contractuelle, s'applique après la réception de l'ouvrage.

En ce qui concerne la réception de l'ouvrage :

8. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves et tant que celles-ci ne sont pas levées.

9. A la suite d'une visite des ouvrages en date des 5 et 25 novembre 2015 et du 8 janvier 2016, la commission municipale des travaux a constaté l'existence de malfaçons, un écart entre le montant facturé et le montant des travaux réellement réalisés, une modification des techniques employées et la réalisation de travaux non prévus par le marché. La commune de Coaraze a, par courrier recommandé du 10 mars 2016, sollicité la reprise des travaux par la société Gimenez TP. A la date de ces visites sur zone et de ce courrier, la commune de Coaraze avait pris possession de l'ouvrage résultant des travaux effectués par la société Gimenez TP et avait réglé le montant des travaux à l'entreprise, ainsi qu'il résulte des mentions portées sur la facture du 19 mai 2015 détaillant les frais engagés pour les travaux de rénovation et d'entretien des voiries communales. Il résulte également des mentions signées et portées sur la facture du 19 mai 2015, au demeurant non contestées par la commune requérante dans ses écritures, que cette dernière a, d'une part, le 26 mai 2015, procédé à une réception avec réserves en indiquant attendre la levée des réserves pour donner l'accord de règlement après constat, d'autre part, le 27 mai 2015, levé les réserves conformément aux attentes et donné son accord pour le règlement. Dans ces circonstances, la commune intention des parties était ainsi, quand bien même la procédure prévue par l'article 41 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de travaux (CCAG travaux), applicable au marché en cause en vertu de l'article 14.2 du CCAP, n'a pas été mise en œuvre, de procéder à la réception définitive des travaux qui doit donc être regardée comme acquise sans réserve à la date du 27 mai 2015. Dans ces circonstances, dès lors que la réception des ouvrages doit être regardée comme acquise au 27 mai 2015, il n'y a pas lieu de prononcer la réception judiciaire de ces ouvrages.

10. Si cette réception des travaux a eu pour effet de mettre fin aux rapports contractuels nés du marché passé entre la commune de Coaraze et la société Gimenez TP, elle ne fait cependant pas obstacle à ce que la commune mette en œuvre la garantie dite de " service après-vente ", prévue par le CCTP, qui a précisément vocation à s'appliquer pendant un délai de deux ans à compter de la réception des travaux. Il suit de là que la commune de Coaraze est fondée à rechercher l'engagement de la responsabilité de la société Gimenez TP au titre de la garantie dite de " service après-vente " prévue par l'article 3.9 du CCTP et l'article 1.8 du CCAP.

En ce qui concerne l'imputabilité des désordres et malfaçons :

S'agissant de la responsabilité de la société Gimenez TP :

11. La commune de Coaraze demande l'engagement de la responsabilité de la société Gimenez TP au titre de la garantie dite de " service après-vente " en raison des désordres et malfaçons constatés sur les ouvrages réalisés par l'entrepreneur, à l'exception de ceux affectant la route du Col de Saint Roch qui ne relevaient pas du marché en litige.

12. Il résulte de l'instruction que l'huissier mandaté par la commune le 14 novembre 2016 ainsi que l'expert judiciaire et le sapiteur désignés par le juge des référés du tribunal administratif ont constaté des malfaçons et manquements par rapport aux conditions du marché. Il résulte ainsi de l'instruction et notamment des rapports remis par ces derniers que certains des travaux d'entretien de voirie, de remise en état et de création d'ouvrages hydrauliques tels que réalisés par la société Gimenez TP s'écartent soit des spécifications techniques du marché, soit des règles de l'art.

13. Il résulte ainsi de l'instruction et notamment des rapports précités que s'agissant du chemin des Saussettes, d'une part, un défaut de compactage a été constaté, ayant pour effet de laisser un pourcentage de vides individuels supérieurs à la tolérance et à la spécification pouvant entrainer à long terme une dégradation prématurée de l'enrobé par départs de granulats, d'autre part, que la couche d'enrobé repose systématiquement sur une dalle en béton sur laquelle elle est collée et que trois carottages effectuées par le sapiteur présentent une épaisseur inférieure à l'épaisseur minimale d'enrobé spécifiée de 4 centimètres. Il résulte en outre de l'instruction que les ouvrages hydrauliques de la route du Plan de Linéa présentent un défaut de conception et d'exécution en ce qu'ils sont mal positionnés et dimensionnés, ne permettant pas une collecte optimale des eaux de ruissellements, générant ainsi des pertes de charge des écoulements, et, pour certains, entrainant même un déversement sur la chaussée. Par suite, au vu des constatations convergentes contenues dans les différents rapports, les travaux de la société Gimenez TP doivent être regardés comme ayant concouru aux malfaçons et désordres constatés sur le chemin des Saussettes et la route du Plan de Linéa.

S'agissant de la responsabilité du maitre d'ouvrage :

14. Si la société Gimenez TP fait valoir que la commune est en partie responsable des dommages dont elle se prévaut en raison d'un défaut d'entretien des ouvrages à la suite des intempéries qui sont survenues, elle se borne cependant à faire état de caniveaux encombrés en deux endroits tel que l'a constaté l'expert dans son rapport, sans autre élément versé aux débats. Or, il résulte des indications portées par l'expert dans son rapport que celui-ci a indiqué que le défaut d'entretien de ces caniveaux encombrés à deux endroits n'explique pas la survenue des dommages et que les travaux de l'avenant n°2 ont précisément été engagés pour réparer les désordres causés par ces intempéries. Dans ces conditions, la société Gimenez TP n'est pas fondée à se prévaloir de l'existence d'une faute commise par le maitre d'ouvrage qui aurait concouru à la survenance des désordres et malfaçons constatés.

S'agissant des causes extérieures :

15. Si la société Gimenez TP fait état des fortes intempéries ayant dégradé les ouvrages, d'une part, aucun élément produit aux débats ne permet d'établir que lesdites intempéries ont pu participer aux désordres constatés, d'autre part et en tout état de cause, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit, que les conséquences de ces intempéries ont été prises en compte par la signature de l'avenant n°2, lequel a donné lieu à des travaux complémentaires en cours d'exécution du marché, visant à remédier aux désordres ainsi générés avant la réception des ouvrages. Dans ces conditions, les intempéries dont se prévaut la société Gimenez TP ne constituent pas un évènement extérieur ayant pu participer aux désordres et malfaçons en cause.

En ce qui concerne les préjudices subis :

16. Ainsi qu'il a été dit au point 13, au vu de l'instruction, la société Gimenez TP doit être regardée comme seule responsable des désordres et malfaçons constatés, lesquels entrent dans le champ des anomalies couvertes par la garantie dite de " service après-vente " prévue contractuellement par l'article 3.9 du CCTP du marché en cause.

S'agissant du préjudice matériel :

17. Il résulte de l'instruction que l'expert a évalué le montant des travaux de reprise des ouvrages réalisés pour remédier aux désordres et malfaçons constatés à la somme de 11 454 euros hors taxes pour le chemin des Saussettes et à la somme de 41 810 euros hors taxes pour la route de Linéa. Ainsi que le relève la société Gimenez TP, la commune requérante, qui reprend le chiffrage de l'expert, n'a pas fourni de devis ou de facture pour justifier des sommes réclamées. Toutefois, le rapport de l'expert comporte un tableau détaillé des coûts des travaux de remédiation à réaliser. Il a ainsi estimé, pour le chemin des Saussettes, que la mise en conformité de l'enrobé par l'ajout d'une couche complémentaire d'enrobé y compris couche d'accrochage et toutes sujétions, nécessitait un métrage de 498 m² de matériaux à 23 euros pièce, soit un total de 11 454 euros correspondant au surcoût des travaux de reprise. Si la société Gimenez TP fait valoir que ce métrage ne correspond pas à la surface à réaliser ou à reprendre, elle ne produit aucun élément contraire sur ce point et qui serait corroboré par des pièces justificatives tels que des devis notamment, permettant d'infirmer le métrage proposé par l'expert et, par suite, l'évaluation du surcoût. Dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge de la société Gimenez TP la somme de 11 454 euros hors taxes au titre des travaux de reprise du chemin des Saussettes.

18. S'agissant de la route de Linéa, l'expert a calculé le coût de mise en place de caniveaux-grilles à plusieurs endroits, de l'agrandissement et l'approfondissement des caniveaux de la route du Plan de Linéa, de la mise en place de bordures de protection des talus le long des caniveaux, de mise à niveau de bouches à clés, d'étanchéité des fissures de l'enrobé et de travaux liés à la réalisation de caniveau-gille, à la descente en cascade, à l'aménagement du point de rejet par la mise en place d'enrochements libres, pour un montant total de 41 810 euros hors taxes. La société Gimenez TP fait valoir, dans ses écritures en défense, que la mise en place de caniveaux-grilles n'était pas prévue au marché et que l'agrandissement et l'approfondissent des caniveaux n'ont jamais été demandés. Or, le CCTP applicable au marché en cause prévoyait, s'agissant du lot n°2 relatif aux travaux de remise en état ou création de fossés et d'ouvrages hydrauliques, plusieurs options pour assurer la collecte des eaux pluviales (option C : réalisation d'avaloir ou de regard eau pluviale ; option D : caniveaux à grille ; option E : conduites enterrées). A cet égard, la société Gimenez TP n'indique pas l'option retenue pour la collecte des eaux de pluie. D'ailleurs, dans son dire à l'expert, elle a indiqué avoir réalisé sous maitrise d'œuvre de la commune un caniveau-grille et les bouches à clés notamment, mais qu'en revanche, elle n'a jamais été tenue dans le cadre des missions confiées par le marché de réaliser une étude hydraulique et qu'en conséquence les défauts de conception qui lui sont reprochés par l'expert proviennent de l'absence d'une telle étude dont elle n'avait pas la charge. Dans ces conditions, dès lors qu'elle ne verse aucun élément au dossier permettant de justifier ses allégations ni aucun devis ou facture pour contester le chiffrage de l'expert judiciaire, il y a lieu de mettre à sa charge la somme évaluée par l'expert de 41 810 euros hors taxes au titre des travaux de reprise de la route de Linéa.

19. Il résulte de ce qui précède que le montant de la réparation du préjudice matériel subi par la commune de Coaraze pris en charge au titre de la garantie dite de " service après-vente " s'établit à une somme globale de 63 916,80 euros toutes taxes comprises.

S'agissant du préjudice moral :

20. Si la commune requérante soutient subir un préjudice moral qui se traduit par une atteinte à son image en raison du mauvais état de la voirie et par une vigilance de sa part sur l'état des voies en question afin d'éviter que l'aggravation des malfaçons ne mettent en danger les usagers des ouvrages, elle n'apporte aucune justification à l'appui de ses prétentions et n'établit pas la réalité de ce préjudice. Il s'ensuit que les conclusions indemnitaires présentées par la commune requérante à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Coaraze est seulement fondée à demander la condamnation de la société Gimenez TP au paiement de la somme de 63 916,80 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice matériel subi.

Sur les intérêts :

22. La commune de Coaraze a droit aux intérêts sur les sommes mentionnées au point précédent, à compter du 8 février 2021, date d'enregistrement de sa requête au greffe du tribunal.

Sur les frais liés au litige :

23. Par ordonnance de taxation du 4 juin 2019, les frais d'expertise ont été taxés et liquidés à la somme de 28 879,74 euros toutes taxes comprises. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de mettre à la charge définitive de la société GIMENEZ TP l'intégralité des frais d'expertise.

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Coaraze, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Gimenez TP demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Gimenez TP une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Coaraze et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les conclusions de la requête et d'appel en garantie dirigées contre la compagnie AXA France Iard sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 2 : La société Gimenez TP est condamnée à verser à la commune de Coaraze la somme de 63 916,80 euros toutes taxes comprises. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2021.

Article 3 : Les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à hauteur de 28 879,74 euros toutes taxes comprises par ordonnance du 4 juin 2019, sont mis définitivement à la charge de la société Gimenez TP.

Article 4 : La société Gimenez TP versera à la commune de Coaraze la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à la commune de Coaraze, à la société Gimenez TP et à la compagnie AXA France Iard.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Soli, président,

Mme Gazeau, première conseillère,

Mme Guilbert, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

La rapporteure,

signé

D. Gazeau

Le président,

signé

P. Soli La greffière,

signé

C. Ravera

La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Ou par délégation, la greffière